623 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 février 1790. vivement pour être entendu. ( Voy . son discours annexé à la séance de ce jour). M. le Président. Je ne puis vous donner la Barole; elle a été demandée avant vous par [. Chassebœuf de Volney. M. Chassebœuf de Volney. M. de Cazalès s’étant servi de mon nom pour appuyer sa motion, je crois devoir éclairer l’Assemblée sur la différence qui existe entre sa motion et la mienne. J’observerai d’abord que les circonstances et les temps étaient bien différents ; et c’est en dire assez pour établir un caractère de disparité entre les deux motions. Vous vous rappellerez, Messieurs, que le jour même où je présentai ma motion, il en avait été présenté une autre dont j’approuvais les principes et qui fut obstinément rejetée. Le lendemain, M. le due de La Rochefoucauld la présenta : elle fut adoptée. Lors donc que je proposai de convoquer une seconde législature, mon dessein était de terminer des débats qui prenaient une tournure fâcheuse. Je n’ai pas perdu la propriété de ma motion, et je l’ai réservée comme un remède nécessaire dans le cas où de funestes influences auraient repris un nouvel ascendant. Cette circonstance ne s’est pas présentée ; nos opérations ont eu le succès que nous devions en attendre, et je me suis condamné moi-même sur cet objet à un silence dont je m’applaudis encore aujourd’hui. Ces réflexions me déterminent à demander la question préalable sur la motion de M. de Ca-zalês. M. de ’AIontlosier. Mes idées ne sont pas les mêmes que celles de M. de Cazalès ; mais vous allez voir que par amendement elles y rentreront beaucoup. (La plus grande partie de l'Assemblée demande à grands cris de passer à l'ordre du jour.) Lorsque nous avons été nommés, nous avons tous, dans ma province, été chargés de pouvoirs limitatifs ( Nouveaux cris) quant à la durée... ( Encore des réclamations.) Oh! c’est incroyable ..... Je dis, Messieurs qu’il faut absolument que l’Assemblée décide quel est le corps qui nous remplacera. (On demande encore avec plus d' empressement l'ordre du jour.) On doit entendre un orateur. (Quelques personnes disent : Cela est vrai! et cependant s’obstinent à ne pas vouloir entendre davantage M. de Montlosier.) M. le Président. Y a-t-il lieu à délibérer sur la motion de-M. de Cazalès? L’Assemblée décide qu’il n’y a pas lieu à délibérer. M. le Président. L’Assemblée passe à son ordre du jour, qui appelle un rapport du comité ecclésiastique relatif à V ordre du travail a adopter par l'Assemblée et au traitement à accorder aux religieux et aux religieuses. M. Treilhard a la parole. M. Treilhard. Messieurs, en vous parlant du traitement à faire aux religieux qui voudront sortir de leurs maisons, votre comité a différé de vous indiquer celui qu’il paraissait convenable d’assurer aux religieuses, parce qu’il a cru que votre travail était plus instant sur le premier objet que sur le dernier. Votre opération sur les religieux sera d’ailleurs plus facile, parce que les cloîtres destinés aux femmes renferment un plus grand nombre d’individus que ceux destinés aux hommes, parce que surtout les maisons religieuses des hommes sont beaucoup plus riches que celles des femmes. J’ai dit qu’il serait plus facile qu’on ne semble s’imaginer de statuer sur le traitement à faire aux religieux ; et voici ma preuve : Il y a en France environ dix-sept mille religieux, ou tout au plqs dix-huit mille; si vous donnez à chacun 800 livres, vous établissez une dépense annuelle de 16,000,000, et certainement vous trouverez aisément cette somme dans la vente que vous ferez des maisons de Saint-Bruno, de Saint-Bernard, de Saint-Vannes, de l’ancien ordre de Gluny, etc. Je suppose même que le produit de ces ventes ne fût pas suffisant, vous appelleriez à votre secours des maisons de l’ordre de Saint-Benoît, qui sont en grand nombre dans les Pays-Bas ; vous auriez alors beaucoup plus qu’il ne vous faut; et, eussiez-vous besoin du tout, il résulterait encore de ce calcul que la nation profiterait des propriétés de toutes les autres maisons monastiques répandues dans le sein de la France. Mais quel sort ferez-vous aux religieux? Avant de délibérer sur cette question, je crois important de décider deux autres questions préalables : 1° Dans votre décret sur le traitement à faire aux religieux, ferez-vous une distinction entre ceux qui ont été reçus dans des maisons rentées, et ceux dont les maisons ne le sont pas? 2<> Ferez-vous encore une distinction entre les religieux qui, dans leur ordre, auront été élevés à des grades supérieurs, et les simples moines ? Après avoir prononcé sur ces deux accessoires, la question première se présentera toute seule à votre décision. Je propose donc de décréter d’abord, que vous vous occuperez du sort des religieux avant celui des religieuses. Je présente ensuite les deux questions que je viens d’énoncer. Je dirai sur les deux questions, qu’il est certain que tous les religieux appartiennent à la nation, qu’ils ont tous les mêmes droits à la justice de la nation. J’ajouterai que les religieux font presque tous partie d’une classe de citoyens qu’il est important d’attacher à la constitution par des bienfaits. Dans mon opinion particulière, j’avais cru d’abord , contre l’avis d’une partie des membres du comité, gne les distinctions dans le'sort des moines étaient indispensables. De sévères réflexions ont pu affaiblir cet avis; quel qu’il soit aujourd’hui, je le subordonne au décret que vous prononcerez. Je ne dois pas oublier d’appuver une distinction que vous approuverez tous sans doute ; elle doit exister dans la différence d’âge; en effet, les religieux infirmes et affaiblis par l’âge, sollicitent votre bienfaisance plus encore que ceux qui se portent bien. Je propose à présent un ordre de travail conforme aux principes que je viens de développer. M. Treilhard fait la lecture d’un projet de décret rédigé dans ces vues. M, Lavie. Je demande que les jésuites soient compris dans la fixation du traitement à faire aux religieux qui voudront sortir de leurs maisons régulières. Les jésuites n’ont, obtenu du gouvernement que 400 livres de pension. M. le Président consulte l’Assemblée sur le projet de décret proposé par le comité ecclésiastique. Il est adopté en ces termes : 624 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 février 1790.] « L’Assemblée nationale décrète : 1° qu’elle s’occupera d’abord du sort des religieux qui sortiront de leurs maisons ; 2° qu’elle examinera, ayant tout, s’il faut admettre à cet égard une différence entre les ordres rentés et les ordres non rentés ; 3° qu’elle examinera ensuite si , parmi les individus du même ordre, il sera fait quelque différence relativement à leur âge, à leurs titres et qualités dans leur ordre, ou dans leurs maisons. » M. le Président lève la séance, après avoir indiqué celle de demain pour neuf heures du matin. ANNEXES A LA SÉANCE de l'Assemblée nationale du 17 février 1790. Nota. Nous insérons ici plusieurs pièces qui ont été imprimées et distribuées à tous les membres de l’Assemblée nationale et qui font partie des documents parlementaires de l’année 1790. première annexe. Projet de décret sur la question militaire (1), précédé d’un discours, par M. le baron Félix de Wiinpfen, député de Caen (2). Messieurs, je ne monte pas à la tribune pour réfuter, une à une, des propositions qui me semblent de véritables hérésies militaires; je vais les combattre en masse, parce que cela sera plus court, et parce qu’il en est même plusieurs qu’il serait dangereux d’y discuter; car, ce que quel-(1) Ce document n’a pas été inséré au Moniteur. (2) Le 3 du mois d’août de l’année dernière, j’ai fait une motion tendant à prévenir l’anéantissement du pouvoir exécutif, si nécessaire au maintien de l’ordre, hors duquel il n’y a point de liberté. On a jugé à propos de n’adopter de ma motion que le serment militaire, que je n’y avais ajouté que dans la vue de concilier la liberté publique avec les moyens que le pouvoir exécutif doit être le maître d’employer pour rétablir ou maintenir l’ordre public. Mais il est des personnes tellement aveuglées par l’amour de la liberté, que je tremble qu’elles ne nous précipitent dans le despotisme dont elles ont une si sainte horreur. Au mois de septembre, je proposai de former un comité militaire, chargé de présenter des bases d’après lesquelles le pouvoir exécutif donnerait uu nouvel être à l’armée que je voyais en fusion. Après trois semaines d’attente et de débats, ma motion fut enfin décrétée ; mais presque toujours seul de mon avis, mes opinions sont restées sans inflence. Au moment où je me flattais qu’on décréterait enfin quelque chose, de nouvelles motions, de nouveaux projets semblent nous rejeter au premier jour où il fut question de l’armée, et le retard que les auteurs occasionnent m’effraie autant que le résultat qui doit émaner de leurs .diverses théories, parce que plus l’attente d’un sort se prolonge, plus l’impatience de le connaître s’accroît, et fait porter un jugement plus sévère sur ce qu’on nous a fait acheter par les agitations d’une longue incer titude ; que si des praticiens, dénués d’intérêt personnel et du fol arnour-propre, se rallient facilement au centre commun de l’expérience; des théoriciens, au contraire, manquent de point de réunion, s’égarent dans le vague de l’imagination et ne produisent que de ces systèmes qu’un a dit du peuple, peut, eu changeant un seul mot, tout aussi bien s’appliquer à l’armée, qu’il est plus aisé d’égarer que d’organiser: et ce n’est pas d’une organisation d’armée que vous avez chargé votre comité militaire, c’est de vous présenter des bases d’après lesquelles le pouvoir exécutif devra organiser l’armée comme il le jugera bon. Voilà, Messieurs, la mission que vous avez donnée, la seule mission que vous avez pu donner à votre comité militaire, parce que l’organisation d’une armée devant être la savante combinaison d’un génie militaire, elle appartient à un seul, à celui entre les mains duquel la nation dépose la force défensive de l’Etat contre les ennemis de l'Etat. Les bases qu’il vous convient de déterminer sont connues; elles sont simples, elles sont constitutionnelles, elles sont à la portée de tous les esprits; il n’est pas nécessaire d’être militaire pour les juger avec connaissance de cause. Les meilleures qui vous ont été proposées sont deMM.de LamethetdeNoailles,quoiquejen’adopte pas tous les articles proposés par M. de Noailles, et que j’eusse désiré qu’il n’eût pas ajouté un mode au fond de quelques autres; mais au moyen d’une légère réforme que je me permettrai de faire à son décret, et en dégageant certains de ses principes des parties hétérogènes qui les défigurent, je n’en serai peut-être que plus d’accord avec ce qu’il vous eût offert s’il n'avait pas eu des coopérateurs. J’ai dit que la détermination des bases appartenait au pouvoir législatif, et l’organisalion au pouvoir exécutif; et j’ajoute que passer cette ligne de démarcation qui sépare les pouvoirs serait blesser les principes que vous avez établis, renverser l’ordre des choses que vous vous efforcez de fixer, et vous engager dans un labyrinthe de détails d’où il ne sortirait qu’une monstrueuse production qui ferait le désespoir de cette armée dont vous désirez tant faire le bonheur. S’il est vrai, comme l’a dit Montesquieu, que les plus grandes têtes se rétrécissent en se rassemblant, c’est surtout dans la discussion d’un sujet inépuisable en détails. S’il est vrai que les septavortons de constitution militaire, qui, depuis la paix de 1763, ont convulsionné l’armée jusqu’à l’épuisement, et qui toutes ont été l’ouvrage de plusieurs, viennent encore à l’appui de la sentence de Montesquieu, il est facile de préjuger quel ouvrage émanerait d’une assemblée aussi nombreuse que la nôtre, et dont les huit-dixièmes des membres qui la composent n’oitf pas la connaissance des premiers éléments de l’organisation d’une armée, d’une organisation où il n’est pas un seul objet de détail d’une seule arme, qui n*ait sa ressemblance et sa dissemblance avec l’objet de détail correspondant d’une autre arme; des rapports immédiats ou médiats avec des objets de la plus haute importance, et dont l’œil de la pratique seul voit l’enchaînement. Oui, quand je songe que, pour vous empêcher de défendre votre dignité de législateurs, pour entrer dans la carrière subalterne, où l’on essaie où le nombre des incohérences donne celui des conceptions qui y ont contribué. Plaise au ciel que je me trompe encore et que ma prévision soit fautive f mais, pour l’acquit de ma conscience, j’ai cru devoir rendre public, par la voie de l’impression, ce que je ne puis parvenir à dire à la tribune. (Note de M. le baron de Wimpfen). i