£52 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j rras" le moment 4e eette abdication est arrivé. Un bon citoyen ne doit plus être ministre d’un culte public. J’abdique P évêché du département de l’Eure, et je renonce à l’exercice de toutes les fonctions du culte. « Lorsque la raison remporte une victoire aussi éclatante sur la superstition, le législateur nedoifc rien négliger pour en assurer le succès et la sta¬ bilité. Les fêtes et les solennités religieuses étaient devenues des institutions politiques : mesurez le vide immense qu’opérera la désertion de ces fêtes. Remplacez ce que vous détruisez, prévenez les murmures qu’occasionneraient dans les cam¬ pagnes l’ennui de la solitude, l’uniformité du travail et la cessation de ces assemblées pério¬ diques. Que des fêtes nationales promptement instituées préparent le passage du règne de la superstition à celui de la raison. Tous les dépar¬ tements ne sont pas également mûrs pour cette grande révolution. Les habitants dos campagnes n’ont pas les mêmes moyens d’instruction qui se trouvent dans les grandes cités. Le moyen d’ac¬ célérer le développement de l’opinion publique, c’est le prompt établissement de ces assemblées civiles où tous les citoyens se réuniront pour apprendre leurs droits, pour célébrer la liberté. et se former à la vertu. « Je demande que le comité d’instruction pu¬ blique soit chargé de présenter incessamment un rapport sur les fêtes nationales. « Signé : R.-T. Lindet. » Julien de Toulouse, ministre protestant, a dit : « Je n’eus jamais d’autre ambition que celle de voir s’établir sur la terre le règne de la raison et de la philosophie. Ministre d’un culte longtemps proscrit par la barbarie de nos lois gothiques, j’ai prêché hautement les maximes de la tolérance universelle : je me suis attaché à resserrer entre tous les hommes les liens de la fraternité, et dès longtemps on m’a entendu jeter les bases d’une famille universelle. « Né dans le département du Gard, transplanté successivement dans celui de l’Hérault et de la Haute-Garonne, les ministres alors appelés ca¬ tholiques m’ont entendu rendre hommage à la justice de l’Etre suprême, en prêchant que la même destinée attendait l’homme vertueux qui adorait le dieu de Genève, celui de Rome, de Mahomet ou de Confucius. « Je préparais alors les approches du flambeau delà raison qui devait un jour éclairer ma patrie; et je me félicite d’avoir vu arriver ce jour où la bienfaisante philosophie, mère des vertus so¬ ciale� n’a fait de tous les Français qu’un peuple de frères, et qui les donne pour modèle au reste de l’univers encore courbé sous les chaînes des tyrans orgueilleux et des prêtres fanatiques. « Gobet a manifesté des sentiments qui étaient gravés dans mon âme, j’imite son exemple. « On sait que les ministres du culte protestant n’étaient .guère que des officiers de morale; ce¬ pendant, il faut en convenir, quoique débarrassés de l’appareil fastueux du charlatanisme, tous les cultes, tons les prêtres n’étaient pas sans reproche à cet égard dans l’exercice des pratiques austères à l’aide desquelles ils prétendaient conduire les hommes à l’étemelle félicité. H est satisfaisant de faire cette déclaration sous les auspices de la Raison, de la philosophie, et d’une Constitution tellement populaire qu’elle annonce la chute de tous tes tyrans, et qu’elle ensevelit sous les dé¬ combres des abus de toute espèce, les erreurs superstitieuses du fanatisme et les brillants pri¬ vilèges de la royauté anéantie. « J’ai rempli pendant vingt ans les fonctions de ministre protestant, je déclare que dès ce jour j’en suspens l’exercice : désormais je n’aurai d’autre temple que le sanctuaire des lois, d’autre idole que la liberté, d’autre culte que celui de la patrie, d’autre évangile que la Constitution répu¬ blicaine que vous avez donnée à la France libre, et d’autre morale que l’égalité et la douce bien¬ veillance. « 'i.jlte est ma profession de foi politique et religieuse, tel est l’exemple que je crois devoir donner aux sectateurs des anciens préjugés; mais, en cessant d’exercer des fonctions que j’ai tâché d’honorer par une conduite exempte de reproche, je ne cesserai pas mes devoirs d’homme et de citoyen; je ne me croirai pas moins obligé de prêcher tes principes de cette morale sublime que Fauteur de toutes choses a gravée dans nos âmes, d’être en bon exemple à mes concitoyens, d’ins¬ truire les hommes dans les Sociétés populaires, sur les places publiques, dans tous les lieux où ils seront réunis sous les enseignes de la paix, de l’union, de la tendre fraternité ; de leur inspirer l’amour de la liberté, de l’égalité, la soumission aux lois et aux autorités constituées qui en sont les organes. « Je ne puis remettre sur le bureau les titres qui me donnaient le pouvoir d’annoncer aux hommes les vérités morales puisées dans l’Evan¬ gile, qui imprimèrent sur mon front un caractère dont je n’ai jamais abusé : je les déposerai, et je me flatte que la Convention voudra bien en faire un autodafé qui sera d’autant plus brillant que sa lumière terminera la bitte ridicule qui existe entre le fanatisme et la saine raison. » Ce discours a été couvert d’applaudissements. Gay-Vernon, ci-devant évêque, a dit : « Citoyens, « J’ai toujours soupiré après le moment où nous sommes : en 1790, étant alors curé de Com-preignac, je remis mes lettres de curé à mes bons paroissiens et leur dis : « Choisissez un autre « pasteur, si quelque autre peut vous rendre plus « heureux, je ne consentirai à demeurer au rrri-« lieu de vous qu’autant que vous m’élirez vous-« mêmes ; toutes tes places doivent être nommées « par le peuple. » Us m’élurent; je eédai à leurs instances fraternelles, et je prêtai le serment. En 1791, j’acceptai l’épiscopat pour contribuer aux progrès des lumières et hâter l’empire de la raison et le règne de la liberté. Lorsque Torné, évêque du Cher, proposa l’abolition des cos¬ tumes, je fus 1e premier à déposer ma croix sur le bureau de l’Assemblée législative. Aujour¬ d’hui, libre de suivre l’impulsion de ma cons-