454 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 juin 1791.] mis ne soient que plus aigris et de leurs plans déconcertés, et surtout de celte calme fierté du peuple, qui fait leur désespoir, hâtez-vous de diriger vers les lieux que pourraient menacer leurs projets, ceux qui ont su les braver, et que les premiers soldats de la liberté soient des premiers à repousser les soldats du despotisme. « (Vifs applaudissments.) M. le Président répond : « Messieurs, « Après avoir donné le premier exemple à toutes les gardes nationales du royaume, et après avoir, par cet accord unanime, assuré le succès de notre Révolution, vous avez trouvé des forces pour conserver la tranquillité publique et faire jouir la nation de la paix qui était nécessaire à l’établissement de la Constitution. La France entière sait trop ce qu’elle vous doit, pour ne pas apprécier tous les services que vous pouvez lui rendre encore ; elle a proclamé avec enthousiasme vos vertus civiques, et l’Assemblée nationale a plus d’une fois, avec intérêt, offert pour prix de vos veilles l’expression de sa reconnaissance. Elle voit sans inquiétude des événements qui peuvent rendre pénibles encore vos honorables fonctions; car, si nos ennemis oubliaient que le peuple français est libre, vous saurez leur prouver que les forces des citoyens armés pour leur liberté sont aussi inépuisables que leur courage. » {Applaudissements.) Je vais lire la formule du serment. {Il lit cette formule). (Tous les gardes nationales présents prononcent ensemble : Je le jure; ils sont remplacés par d’autres gardes nationales, mêlés de citoyens de toute classe et de tout âge, qui prêtent le même serment. Cette cérémonie, qui dure une heure et demie, a lieu au milieu des applaudissements les plus vifs de l’Assemblée et au son de la musique, qui joue alternativement les airs: Ça ira ! et Où peut-on être mieux qu'au sein de sa famille.) (L’Assemblée ordonne l’impression du discours de M. de La Fayette et de la réponse du Président et leur insertion dans le procès-verbal.) La séance est suspendue à dix heures et demie du soir ; elle est reprise à trois heures du matin. M. l’abbé Gouttes, ex-président, occupe le fauteuil. Un de MM. les secrétaires donne lecture des adresses suivantes, qui parviennent àl’Assemblée dans la nuit, par divers courriers extraordinaires : 1° Lettre des administrateurs du directoire du département de la Marne. Cette lettre est ainsi conçue : « Châlons, le 23 juin 1791. « Monsieur le Président, « Nous vous prions de faire part à l’Assemblée nationale que le roi et sa famille sont arrivés hier à 11 heures et demie du soir en cette ville, escortés des gardes nationales de Varennes, Clermont, Sainte-Menehoud et de tous les villages des environs, et d’une partie de celles de Châlons, qui étaient allées au-devant du roi jusqu’à Sainte-Menehould, et commandée par M. Bayon, commandant de la garde nationale parisienne. « Il a été arrêté que le roi irait coucher à Kpernay. Nous avons pourvu à tout ce qui est nécessaire à sa sûreté et à celle de sa famille, et l’Assemblée peut, à cet égard, s’en rapporter à notre zèle et au patriotisme des gardes nationales. « Nous sommes, etc. « Signé : Les administrateurs du directoire et le procureur général syndic du département de la Marne. » 2° Lettre des administrateurs du directoire du département de l'Oise , des membres du district , du tribunal et de la municipalité de Beauvais. Ils instruisent l’Assemblée des précautions prises pour maintenir l’ordre, la paix et la bonne intelligence entre les citoyens de ce département. Ils annoncent que le commandant des gardes du corps, en garnison dans cette ville, a offert les armes et les chevaux de la caserne pour faire le service qui sera jugé nécessaire, et que les gardes du corps eux-mêmes se sont présentés, pour assurer les corps administratifs de leur dévouement. Ils demandent les ordres de l’Assemblée concernant l’arrestation d’un courrier, porteur d’une lettre adressée à Mme d’Orléans, à Aumale; et de trois autres courriers, dont le premier sans passeport, chargé d’une lettre à l’adresse de M. Bour-bon-Penthièvre, à Aumale; le second, muni d’un passeport de la municipalité de Paris, se disant palefrenier de Mme d’Orléans, et porteur d’une lettre à son adresse, à Aumale; le troisième, se disant postillon de M. Bourbon-Penthièvre, muni d’un passeport de la municipalité de Paris, et porteur de deux lettres adressées à M. Drye, écuyer, et à M‘*\ échanson de M. Bourbon-Penthièvre. Ils demandent aussi des munitions pour être distribuées entre les citoyens armés. M. d’Ailly. Gomme cette dépêche vous apprend le départ de la famille de M. de Penthièvre, j’eu demande le renvoi au comité militaire et des recherches. (L’Assemblée, consultée, ordonne le renvoi de la lettre aux comités des rapports et des recherches, pour ce qui concerne l’arrestation des courriers; et au comité militaire quant à la demande de munitions.) 3° Lettre et arrêté du directoire du département d'Indre-et-Loire , de celui du district et de la muni - cipalité de Tours. Gette lettre concerne les mesures prises pour assurer, dans ce département, l’ordre et la paix, et la conservation des propriétés, pour rallier tous les citoyens autour de l’autel de la patrie, leur rappeler le respect et la soumission qu’ils doivent aux lois, et les armer pour leur exécution. 4° Lettre des officiers municipaux de Valenciennes. Gette lettre est ainsi conçue : « Valenciennes, le 23 juin 1791. « Monsieur le Président, « Un courrier envoyé par la section des quatre nations nous a jetés dans la plus grande douleur, en nous annonçant le départ du roi et de la famille royale. Nous avons pris toutes les mesures et les précautions que nous crûmes nécessaires pour le moment, « Nous vous prions de vouloir bien nous instruire sur la vérité de cette nouvelle affligeante ; et, si elle existe, de prendre les moyens les plus prompts, les plus sûrs pour mettre notre ville et [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES* [23 juin 1791.] 45S la frootière dans un état de défense suffisant pour écarter toute espèce de tentative de la part de nos ennemis extérieurs et intérieurs. « Nous sommes, etc. « Signé : Les maire et officiers municipaux de la commune de Valenciennes. » (L’Assemblée ordonne le renvoi de cette lettre au comité militaire.) 5° Lettre de la municipalité de Sémnne. Elle annonce que, sur la nouvelle de la fuite du roi, la générale a été battue, et que tous les citoyens-soldats rassemblés sur la place ont juré sur leurs armes, de verser jusqu’à la dernière goutte de leur sang, pour la défense de la Constitution, et pour assurer la liberté française. Elle prie l’Assemblée nationale d’exercer le pouvoir exécutif, et de le conserver jusqu’au moment où elle pensera que sa prudence lui permettra de le confier à d'autres mains. La séance est suspendue à huit heures du matin. ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU JEUDI 23 JUIN 1791. PLAN D’ORGANISATION DE LA TRÉSORERIE NATIONALE (1). Présenté à l'Assemblée nationale par le comité des finances (2). OBJETS GÉNÉRAUX. TITRE I. Des commissaires de la trésorerie et de leurs fonctions. Art. 1er. Les six commissaires nommés par proclamation du roi, du 8 mai, en exécution des décrets des 10 et 27 mars 1791, entreront en exercice à compter du 1er juillet 1791. Art. 2. Chacun d’eux sera chargé de diriger particulièrement le travail d’une des parties suivantes : 1° La recette journalière ; 2° La dépense du culte, de la liste civile, des affaires étrangères, des ponts et chaussées et des dépenses diverses ; 3° Le payement des intérêts de la dette publique et des pensions ; 4° Les dépenses de la guerre ; 5° Les dépenses de la marine et des colonies ; 6° La comptabilité. Art. 3. Ils prêteront le serment de fidélité entre les mains du roi, et seront sous la surveillance habituelle des législatures. Art. 4. Le comité sera présidé successivement par l’un de ses membres pendant un mois, dans l’ordre de leur nomination. Art. 5. Les délibérations seront prises à la ma-(1) Le Moniteur ne publie pas ce document. (2) Voy. ci-dessus, même séance, le rapport deM. Vernier sur cet objet. jorité des voix; et, dans le cas de partage, la voix du rapporteur ne sera pas comptée. Art, 6. Les commissaires qui n’auront pas été de l’avis qui aura passé pourront exiger qu’il en soit fait mention sur le registre; ils pourront même remettre par écrit les motifs de leur opinion pour être annexés à la délibération. Art. 7. La nomination à toutes les places du Trésor public appartiendra au comité de trésorerie ; cette nomination sera faite à la pluralité des voix sur le rapport du commissaire dans la division duquel la place se trouvera vacante : en cas de partage d’opinions, le rapporteur aura voix prépondérante, et à l’égard des employés dont les receveurs et payeurs seraient personnellement responsables, la nomination n’en sera faite que sur leur présentation, laquelle sera signée d’eux et annexée à la délibération. Art. 8. Le comité de trésorerie pourra destituer les sujets qui ne rempliraient pas leurs devoirs ; et les révocations se feront dans la même forme que les nominations ou admissions. Art. 9. Ce sera dans les assemblées du comité que seront rapportés les états de distribution de fonds adressés par les ministres des différents départements, dont il sera question ci-après, que seront signées les lettres collectives, et que se fera la vérification des états de recette et de dépense. Art. 10. Tous les jours, à l’heure de l’ouverture des bureaux, le président de mois se fera remettre l’état de situation du Trésor public, qui aura été arrêté la veille; cet état sera fait double afin de pouvoir l’adresser à la première demande soit à l’Assemblée nationale, soit aux commissaires nommés par elle. Le second double sera conservé dans les archives du secrétariat du comité. Art. 11. Tous les quinze jours, en exécution de l’article 20 de la loi du 30 mars 1791, le compte énéral de recette et de dépense sera porté au orps législatif et au roi, par le président du comité. Ce même compte sera rendu public tous les mois par la voie de l’impression. Art. 12. Les lettres qui seront adressées au comité de trésorerie seront ouvertes par le président. 11 mettra à part les lettres et mémoires dont il croira devoir faire directement le rapport au comité; il fera le renvoi des autres à celui des commissaires de la trésorerie qu’elles concerneront. Il sera tenu registre, par le secrétaire, tant des renvois qui auront été faits que des mémoires et pièces dont le président se sera chargé de faire le rapport, et il leur sera donné un numéro pour l’ordre du bureau des renvois, ainsi qu’il sera plus amplement expliqué dans le titre suivant. Art. 13. Dans le cas où les commissaires de la trésorerie seraient informés de quelques causes qui apporteraient des retards dans les recouvrements, ils en informeront le ministre des contributions publiques, et réclameront par son entremise le secours des corps administratifs, pour que les rôles des contributions directes soient mis en recouvrement, pour qu’il soit nommé des collecteurs ou des receveurs de communautés, et qu’il soit établi des percepteurs pour les contributions indirectes dans les endroits où il n'en existerait pas, et généralement pour tous les objets qui pourront intéresser le service public, et mention sera faite de ladite réclamation dans le compte rendu tous les quinze jours au Corps législatif et au roi. Art. 14. Les commissaires de la trésorerie correspondront directement avec les corps ad-