(Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 juin 1790.] 415 On met ensuite aux voix la motion principale, et l’Assemblée la décrète. M. Bourdon, curé d’Evaux. Messieurs, la cure de Ghatelus, située dans le département de la Creuse, étant devenue vacante et le collecteur ecclésiastique de ce bénéfice ne résidant pas sur les lieux, les paroissiens se sont crus autorisés à élire leur curé. J’ai encore à vous entretenir d’une seconde affaire. Depuis la formation des gardes nationales dans la ville d’Evaux, plusieurs jeunes gens ont fait une compagnie particulière; ils ont nommé des officiers, et, malgré la sommation qu’on leur fait de se conformer au règlement du 19 mars, arrêté par la ville entière, pour l’organisation de la garde nationale, ils persistent. Je demande que, pour arrêter les troubles qui menacent la ville d’Evaux, l’Assemblée nationale décrète que tous les citoyens se conformeront à la délibération prise le 19 mars dernier, et enjoigne à la municipalité de mettre tout en usage pour en maintenir l'éxécution. M. Démeunier. Il y a un décret général rendu sur cette matière ; je propose qu’on l’envoie à la municipalité d’Evaux, pour être exécuté dans tout son entier. Plusieurs membres réclament l’ordre du jour. Gette proposition est adoptée. Plusieurs députations sont admises et entendues à la barre. Des députés de la municipalité et de la garde nationale d’Issy présentent à l’Assemblée l’expression de leur patriotisme et de leur attachement à ses principes. M. le Président répond : « Messieurs, la commune d’Issy habile aux portes de la capitale. Dans le beau jour de la Révolution française, c’est sur vous qu’a lui le premier rayon de la liberté, et vos cœurs se sont facilement échauffés de ce feu divin. « L’Assemblée nationale voit avec intérêt les sentiments de patriotisme exprimés dans votre adresse. « Elle vous permet d’assister à sa séance. » Les administrateurs du département de l'Aisne lisent l'adresse suivante dont l'insertion mprocès-verbal est ordonnée : « Messieurs, depuis que le peuple Français, par un assentiment général, a remis à cette convention nationale l’exercice de la souveraineté, les devoirs les plus sacrés et les plus pénibles vous ont été imposés. Vos lumières et votre patriotisme se sont soutenus à la hauteur de votre caractère; votre génie s’est montré supérieur à celui des législateurs de tous les siècles. Gette Révolution, semblable à celles qui ont agité tous les peuples fatigués de la tyrannie, étonne et frappe d’admiration celui qui pense qu’elle s’est opérée tout à coup chez une nation composée de vingt-quatre millions d’hommes. Dans l’histoire, les grands Etats ne sont connus que par les conquêtes des princes, ou la domination de quelques villes qui offraient le contraste hideux de la liberté pour les uns, et de l’esclavage pour les autres. En France, dans l’espace d’une année, l’esprit public a réuni toutes les parties de ce vaste Empire; vous avez donné le signal et J’exemple : tous les Français vous ont suivis. « Il n’est plus temps, Messieurs, de dire que cette Révolution n’est célèbre que par des ruines : cette vaine clameur des ennemis de la Constitution n’a jamais inquiété l’homme sage, témoin de vos méditations sur les lois et les institutions qui nous convenaient : elle est maintenant étouffée par la voix d’un peuple entier qui vient d’organiser les corps administratifs des départements. « Les membres de l’assemblée administrative du département de l’Aisne ont cru devoir vous féliciter sur ce nouveau triomphe; ils viennent déposer dans le temple de la patrie le tribut de reconnaissance dû à vos immenses travaux et à votre fermeté inébranlable. « Après avoir voté des adresses aux représentants de la nation ; au roi dont les vertus civiques vous sont connues; aux communes du département de l’Aisne, pour les inviter à goûter les bienfaits de la liberté et à déjouer les intrigues des antipatriotes, en renonçant à la violence pour y substituer des démarches paisibles et légales ; enfin, aux corps administratifs de tous les départements du royaume, pour les inviter à une correspondance 'habituelle qui conservera l’unité dans l’administration, et l’unité dans les sentiments; tous les membres de l’assemblée administrative, entraînés pour l’amour de la liberté, et croyant déjà toucher au jour heureux et à jamais mémorable, indiqué pour une fédération universelle, se sont écriés : Nous mourrons libres, nous mourrons fidèles à la nation; à la loi et au roi : nous le jurons 1 « Nous sommes avec un profond respect et avec une adhésion parfaite, « Messieurs, « Vos très humbles et très obéissants serviteurs, Les administrateurs du département de l’Aisne. Signé : Laurent, président; malin ; beffroy ; mo-R1COURT ; BERTRAND ; DE CROUY ; RIV01RE, prieur-curé de Gandelus ; dejomalou ; RICHARD ; DE VISME-VALERY; PERIN DE TOULY; QUINETTE; ANGELOT l’aîné; loysel; guilliot; j. borel; binant; PLOMION ; DUFRESNE ; PRUD’HOMME ; FOUQUET ; WAR-nier;dupré; lelarge ; soyer ; granaier ; blin de la chaussée, procureur général syndic du-CREUX ; COLLIETTE ; ANGELOT ; FLAMAND; REDRIEN-court; vuiguer ; debatz, secrétaire. M. le Président répond ; « Messieurs, c’est principalement sur les vertus civiques et sur les lumières des assemblées de départements, que l’Assemblée nationale a fondé ses espérances de voir opérer le bonheur de la France. « L’adresse qu’elle vient d’entendre lui annonce combien vous êtes pénétrés de l’esprit de ses décrets. t Un amour invincible de la liberté, le respect de la loi, une affection fidèle pour un roi citoyen ; justice et modération envers tous: telles sont aujourd’hui les vertus, tels sont les devoirs du peuple français. « L’Assemblée nationale agrée avec satisfaction votre hommage. « Elle vous invite d’assister à sa séance. » Les habitants de la partie de la banlieue de Paris, renfermée dans la ligne marquée par la nouvelle enceinte, offrent à l’Assemblée l’hommage de leur soumission à ses décrets, et notamment à celui du 6 de ce mois, auquel ils ont déclaré adhérer avec empressement, quoiqu’il leur 416 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [22 juin 1790.] coûte les deux tiers du produit et de la valeur de leurs propriétés. Ils dénoncent à l’Assemblée un arrêt de la cour des aides du 18 de ce mois, et des visites faites dans leurs maisons en vertu de cet arrêt, contre la disposition du décret de l'Assemblée nationale. Ils renouvellent à la barre le serment patriotique. M. le Président répond : Messieurs, lorsquei’Assemblée nationale s’occupe sans relâche du bonheur commun des Français, elle regrette toujours les sacrifices particuliers que semble exiger l’intérêt générai. « Elle prendra en grande considération la réclamation que vous lui adressez : sa justice lui en fait un devoir ; son humanité lui fait désirer que votre demande soit juste. « Elle applaudit, au surplus, à la soumission et au dévouement que vous lui exprimez, et elle vous permet d’assister à sa séance. » Les chapelains, clers et marguilliers de laSainte-Chapelle présentent à l’Assemblée une adhésion contenant le témoignage de leurs sentiments, et une demande relative à leur traitement, qui est renvoyée au comité ecclésiastique. M. le Président répond : Messieurs, l’établissement de la Sainte-Chapelle rappelle un souvenir intéressant, celui d’un roi également recommandable par sa piété et par son amour pour son peuple. « Il brisa les premiers anneaux de la servitude de nos pères. * « Louis XVI fut l’heureux restaurateur de la liberté française. « L’Assemblée nationale prendra en considération l’objet de votre adresse. « Elle vous permet d’assister à sa séance. » M. de Moailles. Je demande qu’il y ait demain soir une séance extraordinaire pour l’affaire du commerce de l’Inde. (Cette motion est décrétée.) La paroisse de Loché, district de Preuilly, département d’Indre-et-Loire, fait l’abandon des impositions des ci-devant privilégiés, pour les six derniers mois 1789, montant à la somme de 953 livres 15 sols. M. le Président. Le comité de Constitution demande à être entendu pour faire un rapport sur la nouvelle division des sections de la ville de Paris. (L’Assemblée décide que le rapport sera fait.) M. Gossin, rapporteur du comité de Constitution (1). Messieurs, le règlement pour l’organisation de la municipalité de Paris ordonne, article 6 du titre premier, que cette capitale sera, par rapport à la municipalité, divisée en quarante-huit parties sous le nom de sections, lesquelles seront égalisées, autant qu’il sera possible, relativement au nombre de citoyens actifs. L’article 34 du titre IV de ce règlement autorise, en exécution de l’article ci-dessus, les commissaires adjoints à votre comité de Constitution à tracer cette division nouvelle, après avoir entendu les commissaires de la municipalité provisoire, et ceux des soixante districts (1) Le rapport de M. Gossin est incomplet au Moniteur, actuels ; il les charge, en outre, de rendre compte à l’Assemblée des difficultés, et de signer deux exemplaires du plan, dont l’un sera déposé aux archives de l’Assemblée nationale, et l’autre sera mis au greffe de l’hôtel de ville. Votre comité s’est occupé avec zèle de cette opération importante ; et, pour assurer son succès, il a consulté les commissaires de la commune, ainsi que ceux des soixante divisions anciennes, connues sous le nom de districts. Une première base se présentait pour cette opération : c’était celle que la nature a formée et qui offre une grande division de la capitale de l’Empire français en trois parties : l’une méridionale, qui comprend trente-un mille sept cent quatre-vingt-douze citoyens actifs; la seconde, du nord-ouest, qui en renferme trente deux mille six cent quarante-sept; et enfin celle du nord-est, dans laquelle on en compte trente trois mille six cent quatre-vingt-douze; ce qui forme pour le total, en citoyens actifs, le nombre de quatre-vingt dix-sept mille six cent trente-un, répartis à peu près également dans ces trois grandes divisions. Ce dénombrement de citoyens actifs qui a dû servir de base à la division en sections, n’est pas sans doute aussi complet qu’il le sera pour la seconde formation des assemblées de chaque section; les rôles des impositions n’ont pu donner des renseignements très exacts, tant parce que la date de ces rôles remonte à deux années, que parce que les parties extra muros, réunies à la ville par la circonscription actuelle, lui ont acquis une masse de citoyens dont il n’a pas été facile de se procurer l’énumération entière. D’ailleurs, l’état des contribuables est loin de la perfection que lui donnera le civisme des Parisiens, lorsque se propageant utilement dans toutes les classes, il fera ambitionner à tous les individus l’honneur de subvenir à la chose publique. Les commissaires de la commune et ceux de ses districts, en adoptant provisoirement cette énumération, avaient d’abord proposé quinze sections dans la partie méridionale, seize dans la partie du nord-ouest, dix sept dans celle du nord-est. Mais, par le résultat des opérations préparées dans cette Assemblée, et adoptées par votre comité, la partie méridionale a été divisée en quatorze sections, celle de la partie de nord-ouest en dix-huit, et celle du nord en seize, formant en tout les quarante-huit sections que vous avez décrétées. Gette combinaison, qui paraîtrait d’abord peu conforme au principe fondamental que vous avez indiqué pour leur formation, a réuni la très grande majorité des anciennes divisions; cinquante-deux districts l’ont admise : elle a donc pour premier avantage cet accord, pour ainsi dire général, que l’Assemblée nationale a désiré dans les opérations partielles de la division du royaume; elle maintient un très grand nombre d’anciennes sections qu’il eût été imprudent de rompre, pour établir une égalité numérique entre les citoyens actifs. Gette opération n’eût pu se faire qu’en nuisant à l’harmonie que vous désirez de voir régner dans la première effervescence des élections. Celle qui vous est proposée marie les sections trop faibles d’une manière avantageuse pour l’exécution de vos décrets, quant à la représentation et quant au maintien de la police : rapports importants que vos commissaires ont surtout considérés dans leur travail; ils ont cru ne devoir point morceler les anciennes divi� sions pour le frivole avantage d’atteindre à un