[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [S juin 1790.] c temps de citoyens dignes du nom de Français. « La religion, les mœurs sont la règle inva-« riable des opérations du sénat auguste : quel « plus puissant motif pour encourager votre zèle « et attacher votre confiance? « Un gouvernement désormais régi par la loi, « un monarque régnant par la loi et l’amour de « son peuple, la liberté succédant au despo-« tisrae, l’homrae rendu à lui-même et à sa vé-« ritable existence; quel tableau plus digne de « notre admiration et de nos hommages? « Puisse l’exemple du sermentsacré que vous al-« lez prononcer, rappeler au bercail de la Consti-« tution les âmes faibles et pusillanimes qui s’en « éloignent 1 Puisse cette solennelle attestation « ramener sous le drapeau national les hommes « assez pervers et assez téméraires pour oser in-« sulter au pavillon de l’honneur et de la liberté ! « Les vertus qui caractérisent vos grandes âmes, « les sentiments patriotiques si bien exprimés << par l’organe respectable que vous vous êtes « choisi, vont devenir pour les uns et les autres « de puissants modèles, et vos noms inscrits « sur ce registre seront à jamais le monument « de votre gloire. « Hâtons-nous donc de recueillir les pré-,* « cieuses paroles qui vont sortir de votre propre « cœur, pour exprimer le serment civique. » Ensuite, les dames citoyennes ont prononcé, en levant la main, le serment en ces termes : « Nous jurons d’être fidèles à la nation à la loi « et au roi, de maintenir de tout notre pouvoir « la Constitution , de la faire aimer et respecter « par nos enfants et nos neveux, et d’en faire le « principal objet de leur éducation. » Après cette religieuse cérémonie, M. le maire a dit : « Le voilà prononcé, ce serment auguste : son-« gez, vertueuses citoyennes, à l’étendue des « obligations qu’il renferme, et, pour nous servir « des expressions du respectable curé de Cergis, « qu'on ne se joue pas impunément de la Divi-« nité; n’oubliez jamais que l’auteur de la nature « a mis en votre pouvoir les armes les plus « puissantes pour inspirer à tous les citoyens « l’amour de la paix et cette unité de sénti-« ments, si nécessaire pour le bonheur de la « chose publique. » Il a terminé cette exhortation par avertir qu’il serait déposé à la maison commune un registre ouvert, où l’on recevrait journellement le serment des citoyennes qui s’y présenteraient. Ensuite cette respectable assemblée de citoyennes a couronné par un trait de bienfaisance cet acte solennel de patriotisme, en donnant chacune au bureau de charité une somme en argent pour le soulagement des malheureux. De tout quoi uous, officiers municipaux, avons dressé le procès-verbal, et les dames citoyennes, qui ont prêté le serment avec nous, ont signé à l’original. Les officiers municipaux, Berruyer, maire; Juvenet, officier municipal : Vincendon-du-Moulin, officier municipal; Robin, officier municipal; de Bissieü, officier minicipal; Buisson, procureur de la commune; Simond, secrétaire. « Signé : BRENIER DE MONTMORAND, député de la ville et bailliage de Saint-Marcellin. « Pour extrait collationné: Simond, secrétaire de la municipalité. » Paris, le 23 mai 1790. L’Assemblée renvoie encore à ses comités militaire, des recherches et des rapports, des pièces 117 justificatives et officielles concernant leg régiments Royal-Marine et Vexin, et l’arrivée subite, de Marseille à Aix, de plusieurs milliers d’individus : ces pièces ont été remises sur le bureau par un député d’Aix, comme regardant l’affaire, et les pièces ci-devant renvoyées aux mêmes comités. Elle renvoie aussi au comité des rapports une copie de pièces relatives à des faits arrivés au Saint-Esprit, et au comité des finances une pétition de Notre-Dame-de-l’Isle, en Auvers, relative aux impositions. Une députation de la commune de Paris est anoncée et introduite. Elle est chargée : 1° de proposer une confédération générale des gardes nationales et des troupes réglées; 2° de demander l’ouverture d'un canal de la Marne à Paris et de Paris à Dieppe. M. Bailly, maire de Paris, prononce le dis” cours suivant (1) : Messieurs, un nouvel ordre de choses s’élève et va régénérer toutes les parties du royaume, comme toutes les branches de l’administration. Déjà la division des provinces ne subsiste plus, cette division qui faisait en France comme autant d’Etats séparés et de peuples divers. Un grand peuple ne connaît pins que le nom de Français; c’est le nom d’un peuple libre; il n’y a plus qu’un devoir, celui de la soumission à la loi et au roi; il n’y a plus qu’un sentiment, celui de l’amour et de la fraternité. C’est sur ces bases que vont reposer et la paix et la prospérité de cet Empire. Notre union fait notre force; il est donc important pour la chose publique que cette union soit de plus eu plus étendue. Déjà des assurances de fraternité circulent dans toutes les villes du royaume; déjà des fédérations particulières se sont établies entre les gardes nationales; la capitale a reçu de toutes parts et des gages d’amitié et des promesses de secours. La commune de Paris est empressée de rendre et ces promesses et ces témoignages d’amitié; elle a adhéré à plusieurs de ces fédérations; elle est jalouse d’en proposer une à son tour. Toutes nos sections se sont réunies pour un même sentiment et pour un seul vœu : c’est celui d’une fédération générale de tous les départements, celui de ne plus former qu’une garde nationale animée d’un même esprit pour défendre la liberté publique, pour faire respecter les lois de l’Empire et l’autorité légitime du monarque. On admire partout le zèle, le courage et le patriotisme de la garde nationale; nous en pouvons juger ici par l’armée parisienne; on voit que c’est la vertu civique qui lui a fait prendre les armes, et en observant la composition et la tenue de ce corps qui a cru tout à coup au milieu de nous, on reconnaît un général citoyen qui commande une armée de citoyens. La fédération de tous les corps civils et de toutes les gardes nationales du royaume doit être faite et jurée par des députés réunis dans une seule ville ; et si nous osons proposer l’enceinte de nos murs pour cette auguste réunion, c’est qu’elle doit être établie sous la protection de la loi, en présence des législateurs qui en sont la source et du meilleur des rois qui est dépositaire de la force publique. C’est devant vous et sous ses yeux que doit s’opérer tout ce qui peut (2) Ce discours n’a pas été inséré au Moniteur , 118 (Assemblée nationale.] contribuer au salut de la France et au bonheur du peuple. u. • Nous proposons à nos frères de venir, par députés des districts et des départements, se réunir à nous, dans nos murs, en netre présence, et d’ajouter au serment, civique déjà prêté par tous les Français celui d’être tous inséparablement unis, de nous aimer toujours et de nous secourir, eh cas de nécessité, d’un... bout dü royaume à l’autre; et nous proposons que cette réunion, que cette fédération générale soit jurée le 14 juillet prochain, que nous regardons tous comme l’époque de la liberté : ce jour sera destiné à jurer de la défendre et de la conserver. Cette liberté vous est due, Messieurs, c’.est sur vos décrets qu’elle esf établie, c’est sur la. loi 'qti'elle repose; noué désirons que cette fédération générale obtienne votre suffrage; nous demandons que vous l’honoriez de votre présence; alors vous entendrez autour de vous répéter le cri de : Vive la loi ! et cette loi est votre ouvrage; Je roi verra un grand nombre de ses èüîahts. sè presser autour de lui, élever un cri de : Vive le rqî ! prononcé par la liberté, et ce cri sera celui de la France entière. - M. Chàroii , président de la commune dePajïs, fait ensuite lecture d’une adresse des citoyens de Paris à to.us les Français, rédigée par MM. Bôur-tibonhe, Pons de Verdun et Pastoret,. commissaires nommés à cet effet ; elle est ainsi conçue ; « Chers et braves amis, jamais des circonstances plus impérieuses n’ont invité tous les Français à se réunir dans un même esprit, à se rallier avec courage autour de la lpi et favoriser de tout leur pouvoir l’établissement de la Constitution. « Dix mois sontà peine écoulés depuis l’epoque mémorable .où des murs de la Pastille conquise s’éleva un cri soudain : Français, nous sommes libres / qu’au même jour un cri touchant se fasse entendre : Français , nous sommes frères ! « Oui, nous sommes frères* nous sommes libres, nous avons une patrie : trop longtemps courbés sous le joug, nous reprenons enfin l’attitude hère d’un peuple qui reconnaît sa dignité. « Ce que nous avons tous formé, ce vœu du plus chéri des rois, .nous vous proposons de l'accomplir aujourd’hui. , ■ « Nous nq sommes plus Bretons ni Angevins-, on dit nos frères de là Bretagne et de l’Anjou; comme eux nous disons : Nous ne sommes plus parisiens, nous sommes tous Français, « Vos exemples et les dernières paroles, du roi nous ont inspiré un grand dessein ; vous l’adopterez, il est digne de vous, « Vous avez juré d’être unis par des liens indissolubles d’une sainte fraternité* de défendre jusqu’au dernier soupir la Constitution de l'Etat, les décrets de l’Assemblée nationale et l’autorité légitime de nos rois. Gomme vous nous avens prêté ce serment auguste ; faisons, il e,n est temps, faisons de ces fédérations une confédération générale. « Qu’il sera beau le jour de l’alliance des Français ! Un peuple de frères, les régénérateurs de l'Empire, un roi citoyen* ralliés par un serment commun à l’autel dé la patrie, quel spectacle imposant et nouveau pour les nations! « Nous irions aux extrémités du ruÿaüme nous unir à vous ; mais c’est dans nos murs qu’habiteni nos législateurs et notre roi; la reconnaissance no us relient et nous appelle auprès d’eüx ; iioüs leur offrirons ensemble pour prix de leurs vertus (5 juin 1790.] et de leurs travaux lç tableau touchant d’une nation reconnaissante, hêurense et libre. , . « Vous serez avec nous, braves guerriers, nos frères d’armes et , nos .am’isj vous qui. nous avez donué l’exemple dû civisme et du courage, vous qui avez trompé les projets du despotisme et, qui avez senti que servir la patrie c’était accomplir vos serments. . , . « Et vous dont là présente nous eût , été Si chère, Français que les mers ou d’imripmses intervalles séparent de nous, vous apprendrez, en . recevant l’expression de. nos . regrets, que,' nous nous sommes rapprochés par hj, pensée, , et que, malgré les distances vous, vous étiez placés au milieu de nous à la fête aé la patrie. . . . ........ « C’est le 14 juijlpt que nous avons coûquis la liberté, ce sera Je. 14 juillet que nous jurerons de la conserver ; qu’au même jour, à la même heure, un cri général, un�ri upamipie rètpntisse dans toutes les parties , de l’Empire,; Vivent la nation, la loi, et le m / Que ce cri soit, à jamais çeluj de ralliement des amis de la patrie et la terreur de ses ennemis. , , « Non, Français, la patrie* la liberté, la Constitution n’auront plus d’ennemis. Bientôt tous ces hommes qui portent encore et semblent , chérir leurs fers s’élèveront à la hauteur de nos com-tnuues destinées ; ils aspireront à l’honneur de voir leurs noms inscrits, dans cé pacte de famille, monument de notre, gloire et garant éternel de la félicitéde ce,t Enqpire, » .. ... - . . . La députation, demande que le comité de .Constitution veuille bien s.’oçcuper de fixer le nombre des députés qui seront envoyés, des. divers, départements. pour concourir .à la. fédération. Le vœu de la commune serait que les députés fussent pris, moitié dans l’ordre civil, moitié dans la garde nationale, et quüij fût jpipUun officier, un bas-officier et un soldat, de chaque régiment des troupes de ligne, tant de terre que de mer. M, Bailly* mckire de jparisi présente .immédiatement la seconde pétition dans, laque Ile,, il est question de l’ouverture. d’un canal à tracer de la Marne à Paris* et de Paris à Dieppe*, ayant ia double utilité d’occuper un grand nombre de citoyens qui manquent de travail* et de. fournir au commerce intérieur un moyen avantageux de circulation. M. le Président répond à la députation en ces termes : Messieurs, vous savez combien doit plaire à l’Assemblée nationale, la pétition que vous lui apportez. Une fédération de toutes. les parties de l’Empire, de toutes les troupes citoyennes qui se sont armées pour la défease de la liberté, ou qui ont déclaré qu’elles n’emploieraient jamais leurs armes à la combattre, est uné belle idée que le patriotisme devait produire: u’est sans doute sous les murs d’une Capitale, qui a tant Servi la cause publique* que doit être solennellement faite cette civique et fraterriëlie union de tdus les citoyens* de tous lès soldats de la liberté, de .tous 16s militaires. A l’abri de leurs drapeaux* et sous la garde de leurs armés, sera mise ceiie Constitution qui est notre ouvrage. En présence d’un roi tjui sait apprécier le titre (le roi d’une natiou libre, ils jureront de nouveau avec lui de maintenir cette Constitution, tant que le sentiment de la liberté et les lüihières dé ia raison existeront parmi les hommes ; et après un parti si imposant, nous verrons, avee l’anéantis-ARCHIVES PARLEMENTAIRES.