[Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 novembre 1790.) U nation tout homme qui provoquera en duel un législateur. Adresse des juges du tribunal du district de Dijon, et de ceux des districts de Bordeaux et de Saint-Claude, qui consacrent les premiers moments de leur existence à présenter à l’Assemblée nationale le tribut de leur admiration et de leur dévouement. Adresse de la société des amis de la Constitution, établie à Toulouse, qui forme les vœux les plus ardents pour la réunion de la ville d’Avignon à la France. Adresse des administrateurs du département de la Haute-Saône, qui instruisent l’Assemblée de l’envoi d’un plan et des débris de la Bastille, qui leur a été fait par le sieur Palloy, citoyen de Paris, entrepreneur de la démolition de cet exécrable monument d’un despotisme dont le joug est heureusement brisé sans retour. Adresse des membres du conseil général de la commune de, Marseille et des habitants de la ville d’Artonne, district de Rioms, réunis pour la nomination des ofticiers municipaux, contenant adhésion à la pétition de la commune de Paris à l’Assemblée nationale, contre les ministres. Les habitants de la ville d’Artonne expriment les plus vifs regrets sur l’événement fâcheux arrivé à M. Charles de Lameth, une des colonnes delà Constitution. Ils sollicitent un décret constitutionnel contre le préjugé barbare du duel. Adresse de félicitation, adhésion et dévouement des gardes nationales du canton de ta Flocellière, district de la Châtaigneraye. Elles font une pétition de 900 fusils, avec leurs accessoires. Adresse de la société des amis de la Constitution, établie à Rouen, contenant adhésion au vœu de la commune et des sections de Paris, tendant au renouvellement des lois contre le duel. Adresse des officiers municipaux de Phals-bourg, qui, menacés de voir sortir de cette ville le régimentRoyal-Liégeois, supplient l’Assemblée de ne pas permettre qu’il change fie garnison. Ils rendent les témoignages les plus éclatants sur le patriotisme de M. Tentant, colonel de ce régiment, ainsi que de tous les officiers, sous-officiers et soldats, qui sont pénétrés d’horreur sur ce qui s’est passé à Belfort, le 21 octobre dernier, ensuite de la conduite criminelle de deux chefs qu’ils ont toujours désavoués, et dont ils sont débarrassés à leur grande satisfaction. Adresse des juges et commissaire du roi du tribunal du district de Pont-à-Mousson, qui présentent à l’Assemblée nationale l’hommage de leur admiration et de leur dévouement. Adresse de M. Lalande, ancien professeur royal de mathématiques à l’école royale militaire de Paris, qui fait hommage à l’Assemblée d’un modèle du cabestan perfectionné. Adresse de la société des amis de la Constitution, établie à Moissac, qui envoie à l’Assemblée une pétition de la commune générale de cette ville, au roi, dans laquelle elle supplie Sa Majesté, par les motifs les plus pressants, de faire retirer la commission qu’elle a donnée au sieur Lades, ci-devant procureur de la commune de Montauban, entaché par un décret de l’Assemblée nationale. Adresse des administrateurs du département du Calvados, portant félicitation à l’Assemblée de ses glorieux travaux, et adhésion à tous ses décrets. L’Assemblée renvoie ces différentes adresses à ses comités pour en faire rapport ; et de plus elle ordonne, à l’égard de celle présentée par le sieur Lalande, que son comité de marine fera exami - ner par deux de ses membres le mécanisme du cabestan inventé par le sieur Lalande, lesquels en feraient rapport, pour être statué par l’Assemblée ce qu’il appartiendra. M. Idefermon, membre du comité de la marine, fait lecture d’une lettre des commissaires envoyés par le roi à Brest, dans laquelle ils rendent compte du courage avec lequel Jean-Baptiste Vi-mont, gabier, s’est exposé à périr pour sauver un mousse tombé à la mer. Il propose le décret suivant, qui est adopté : « L’Assemblée nationale décrète que son président recommandera au roi Jean-Baptiste Vimont, gabier sur le vaisseau le Majestueux, pour le récompenser de la conduite qu’il a tenue le 22 de ce mois. « Charge son président d’écrire au général de l’escadre de Brest et au maire de la même ville pour lui témoigner Ja satisfaction de l’Assemblée, de l’empressement avec lequel ils ont applaudi au noble courage de ce brave marin. » M. le Président. L’ordre du jour est la suite de La discussion sur le projet de décret des comités réunis des rapports, de l'aliénation des domaines nationaux, des recherches et ecclésiastique , relatif aux protestations de divers évêques et chapitres du royaume, sur la constitution civile du clergé. M. Pétion. Il ne s’agit pas d’entrer ici dans des discussions théologiques, dans ces disputes éternelles qui obscurcissent ia raison. La théologie est à la religion ce que ia chicane est à la justice... {On applaudit.) Toute espèce de discussion idéologique est donc en ce moment absolument inutile, et vous détournerait de votre objet... Vous avez fait une constitution civile du clergé, vous en aviez le droit. Vous avez respecté la religion de vos pères, élevé des autels dans toutes les parties du royaume, supprimé les fonctions inutiles, démarqué les diocèses. Tout cela ne tient qu’au temporel ; rien de cela ne tient, ni à la morale évangélique, ni aux maximes des livres saints... mais il ne s’agit plus de discuter ces objets. Vous avez examiné toutes ces questions, vous les avez discutées, vous les avez décrétées. Ces décrets sont sanctionnés et sont aujourd’hui lois de l’Etat; tout le monde doit s’y soumettre. Cependant c’est contre ces décrets que des prêtres appellent la révolte : ce sont les ministres du Dieu de paix qui prêchent la discorde. Prétendent-ils que vous avez décrété sans pouvoirs? Ont-ils des doutes fâcheux? Leurs consciences sont-elles dans l’inquiétude? Ils devaient présenter leurs alarmes au Corps législatif ; ils devaient lui adresser des pétitions. Il y a bien de la différence entre faire entrevoir sou vœu, son opinion sur les lois, et protester ouvertement contre elles, et manifester un système formel d’opposition. Ils prêchent au peuple la sédition jusque dans les lieux saints ; ils cherchent même à la colorer de motifs spécieux. Il est donc utile de leur répondre... Comme officiers de morale et de religion, comme citoyens, comme fonctionnaires publics, ils sont soumis à l’exécution de la loi. Comme prêtre, répondent-ils, nous devons attendre l’approbation du pape. On a osé vous proposer à vous-mêmes ce parti, quoique vous l’ayez rejeté. Par-là vous feriez croire qu’il peut refuser ; vous reconnaîtriez au- 75 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES ; [27 novembre 1790.) dessus de vous un veto ultramontain ; vous compromettriez les libertés de l’Eglise gallicane, que vous devez défendre. Vous ne pouvez pas plus vous adresser, pour l’approbation de vos décrets, au Saint-Siège que vous ne devez reconnaître l’infaillibilité de la cour de Rome. Au surplus, dans les circonstances où nous sommes, les principes que vous devez adopter sont simples et puisés dans la nature des choses : indulgence pour le passé et sévérité pour l’avenir. Ils sont coupables sans doute, et profondément coupables, ceux qui ont donné l'exemple de la résistance aux lois, d’un système formel d’opposition et de rébeliion contre elles. Mais il est convenable de leur ouvrir encore la porte au repentir. Mais quelle peine porterez-vous pour l’avenir ? Vousdevez traiter les prêtres comme tons les autres fonctionnaires publics. Ils ont un caractère de plus, un caractère indélébile que vous ne leur avez pas donné, et que vous ne pouvez leur ôler ; mais sous tout autre rapport ils vous sont soumis. Ils étaient citoyens avant d’être prêtres, ils sont citoyens après. Tout fonctionnaire public qui néglige ses fonctions peut être dépouillé de ses appointements ; la loi considère les prêtres comme citoyens, comme fonctionnaires publics ; c’est comme citoyens, comme fonctionnaires publics qu’ils sont soumis à ia loi. — Je propose quelques amendemen ts au projet de décret de M . de Mirabeau. Je crois qu’il serait dangereux de suspendre les ordinations, qu’il serait infiniment injuste da déterminer le nombre des ministres du culte. Vous pouvez déterminer le nombre des piètres fonctionnaires publics, l’étendue de leurs fonctions, leur traitement ; laissez aux choses à faire le reste. Le nombre des prêtres se proportionnera sur Je nombre des postes à remplir. Vous n’avez pas le droit de dire à un homme qui veut être prêtre : « Vous ne le serez pas. » Unissons la prudence à la fermeté, l’humanité à la plus sé\ère justice. Nous emporterons un nouveau triomphe sur nos ennemis, qui n’oseront plus retarder notre marche ni s’opposer à l’achèvement de Ja Constitution... J’adopte les autres dispositions du projet de M. de Mirabeau et de celui de vos comités. (On applaudit.) M.l’a!>l»éM?nary (1). Le caîmeprofond avec le quel nous avons écouté hier toute la discussion nous donne lieu d’espérer que vous écouler; z avec la même justice et ia même impartialité les faits et les principes que nous avons droit d’invoquer pour notre légitime défense. On nous place devant vous dans une situation bien désavantageuse; on invoque les principes patriotiques et philosophiques, et on nous invite à y répondre par les moyens que nous fournit la théologie. Elle aurai! dù toujours être étrangère à celte tribune ; mais vous pardonnerez à la nécessité de parler ce langage pour éclairer votre religion. Au moment où l’on dit, pour la première fois danscette Assemblée, que la constitution du clergé devait être l’objet de vos travaux, un évêque déclara sa soumission entière à vos décrets comme citoyen ; il déclara aussi que la juridiction ecclésiastique vous était absolument étrangère, et qu’il était impossible à aucun membre dut clergé de participer a aucune délibération qui aurait le clergé pour objet. Ce même prélat ajouta que, si (1) Nous insérons ici la version mouvementée du Moniteur , mais nous donnons plus loin le discours in extenso de M. l’abbé Maury. la nation demandait de justes réformes, le clergé s’y prêterait avec zèle, mais qu’il fallait observer les formes canoniques. Il vous demanda au nom du clergé un concile national, et le recours au. chef visible de l’Eglise. Vous n’avez point autorisé ce concile ; mais la voix publique nous a appris que le roi avait écrit au souverain pontife, et qu’il attendait sa réponse. Quand nous avons eu recours au successeur de saint Pierre, nous n’avons pas prétendu pour cela éluder la puissance nationale; nous avons invoqué une forme reçue dans la nation depuis quatorze siècles. La réponse du parie n’est pas encore parvenue au roi, et il est impossible que cela soit autrement. Il a reçu la lettre à la lin du mois d’aoùt : la congrégation vaque toujours pendant les mois de septembre et d’octobre, et ce n’est qu’en novembre que recommence le cours ordinaire de ses travaux. Le pape, à qui le divin auteur de la religion chrétienne a déféré le gouvernement de l'Eglise, ne peut prendre que trois partis; ou il ne répondra rien, ou il acceptera purement et simplement la proposition du roi, ou il refusera de donner son approbation à vos décrets. Sans doute, le pape répondra. Les égards dus à une grande nation, portion précieuse de l’Eglise, vous sont un sûr garant de l’intérêt avec lequel il examinera ce qui lui est demandé par les représentants de cette nation. (Plusieurs voix s'élèvent dans la partie gauche : Nous n’avons rien demandé !) Je dis que vous devez attendre avec d’autant plus de confiance la réponse du pape que sou silence serait une approbation. L’autorité de cette cour exige des délais inévitables dans un examen aussi essentiel. La congrégation du pape est formée; il a nommé vingt-quatre cardinaux, qui tous ont des théologiens particuliers dont ils consultent les lumières "pour les apporter au sénat ecclésiastique. La nation française peut attendre avec confiance la réponse du Saint-Siège. Il paraîtrait bien extraordinaire que, le roi ayant consulté le pape, ou n’attendît pas une réponse qui n’a essuyé que des délais inévitables de forme. J’arrive à la question, et je vous supplie de rappeler à votre souvenir ia déclaration de M. l’évêque de Clermont, à laquelle nous avons tous solennellement adhéré en votre pré-ence. (Il s'élève des murmures dans la partie gauche.) Avant de développer mes principes, je me sens pressé d’avertir l’impartialité de F Assemblée de ne pas se laisser séduire par des sophismes. A entendre nos adversaires, la résistance que nous apportons est arbitraire ; elle n’a aucun intérêt pour nous et elle tend à compromettre la tranquillité publique. Eh bien 1 il est un intérêt noble qui nous annne ; c’est celui de la nation, celui delà religion. (Il s’élève des murmures.) Je ne me plaindrai pas des murmures qui m'interrompent; ils m’avertissent que je dois prouver ce que j’avance. Oui, l’intérêt de la religion nous commandait la résistance qui vous est dénoncée comme un attentat contre la nation. (On demande que M. l’abbé Mau y soit rappelé à l’ordre.) J’ai promis de prouver et je suis impatient d’acquitter cette dette. 11 est de l’intérêt de la religion, il est de l’intérêt du peuple que les ecclésiastiques u’accèdent pus légèrement aux décrets dont iis sont les objets. L’intérêt de la religion est sans doute que la chaîne apostolique de la tradition se perpétue dans ce royaume, qui porte un noua distingué parmi les empires chrétiens. Comment s’y perpétuerait-elle si le ministère saint était amovible, s’il reposait sur des bases aussi fra- 76 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 novembre 1790.) giles, si l’on pouvait bannir de l’Eglise les pasteurs que Dieu y a institués pour accomplir ses desseins? Que deviendrait l’unité de l’Eglise chrétienne, si, sans suivre les règles canoniques, vous pouviez seuls renverser ce siège épiscopal que votre seule autorité n’avait pas élevé? Vous connaissez les exemples d> s évêques qui, poussés par un saint zèle, ont établi des chaires dans les contrées conquises à la foi. Mais depuis le commencement de l’empire chrétien il n’est pas un exemple de cette nature, je ne dis pas d’un évêché, mais d’un seul titre ecclésiastique. Cet usage salutaire que l’Eglise de France réclame tient à l’unité de cette Eglise dans le royaume; sans cela il n’y a plus de paix, tout devient arbitraire, et notre Eglise ne formera plus qu’un corps sans unité et sans harmonie, où la division pourra naître tous les jours. On nous rappelle aux temps apostoliques, nous y ramenons nos adversaires. Les apôtres n’ont-ils pas fondé des évêchés particuliers? n’ont-ils pas établi des pasteurs inamovibles affectés à chaque troupeau?... Il m’a suffi dans ce moment de vous prouver que le gouvernement ecclésiastique ne pouvait pas être fondé sur une amovibilité qui le compromettrait. On ne cesse d’abuser contre nous des principes d’une liberté qui nous sera toujours chère tant qu’elle sera subordonnée aux lois. C’est la liberté, c’est la conséquence de vos décrets que nous réclamons, en demandant que l’on ne puisse pas disposer d’un évêché sans avoir recours aux formes canoniques. Vous n’avez pas voulu que la destitution d’un officier de l’armée pût se faire arbitrairement, vous avez remis son jugement à un conseil de guerre. Remarquez que je ne conteste pas le droit de supprimer un titre de bénéfice, mais je dis seulement que vous ne le pouvez faire sans observer les formes légales. Si vous admettez l’arbitraire dans le régime ecclésiastique, les ministres du Seigneur , mes concitoyens , seront les seuls Français que vous ayez déshérités de la protection de la loi; ils n’auront pas cette garantie que doit avoir tout fonctionnaire de n’ètre dépouillé que par un jugement préalable. Tous les évêques de l’Eglise de France ont été légalement institués ; les croyez-vous légalement destitués lorsque, sans les interroger, sans les introduire en cause, sans leur imputer le moindre délit, mais par le seul changement d’une administration temporelle, vous prétendez être affranchis des formalités pour déclarer une chaiie vacante? Ce serait faire déserter l’Eglise; car la garantie des successeurs des ministres n’étant point assurée, qui pourrait garantir l’observance des devoirs sacrés? L’Eglise sera vide, mais le titre subsistera toujours jusqu’à ce qu’un jugement légal l’ait anéanti... Prétendrez-vous, en qualité de législateurs, être affranchis des formes protectrices des droits? Vous avez des magistrats, des juges qui doivent appliquer la loi, ce n’est pas à vous à Je faire (toute cette partie du discours de l'orateur est interrompue par de fréquents murmures) ; ce n’est pas à vous, je le répète, afin que l’on me réfute, ce n’est pas à vous à appliquer la loi, à la faire exécuter. Il n’est pas un seul homme qui, s’il sait calculer la conséquence des principes, n’abjure une patrie oùles législateurs pourraient appliquer la loi. On vous invite, par un seul acte, à exercer tout à la fois le pouvoir de l’Eglise, l’autorité du législateur et la puissance du magistrat. C’est cette réunion de pouvoirs que je vous dénonce à vous-mêmes comme la violation de vos décrets. Je dénonce à vos lumières et à votre justice cette scandaleuse coalition. S’il est vrai que vous puissiez supprimer de plein droit les chaires épiscopales, vous agissez tout à la fois en pontifes, en magistrats; et si l’on disait, à cinq cents lieues de Paris, qu’il existe dans le royaume une puissance assez forte pour être en même temps juges, pontifes et législateurs, on ne soupçonnerait pas que ce fût en France, mais dans le sérail de Constantinople. (Des éclats de rire partent deplu-sieurs parties de la salle.) Dans ces malheureuses contrées on a vu d’imbéciles despotes ordonner en législateurs, en califes et en cadis; mais ce ne sera pas dans une nation qui parle de liberté que des principes qui constituent le despotisme seront o pposés à ceux qui demandent la protection des lois et la liberté, dont on ne nous parie que pour nous en priver. Admeltez-nous aux privilèges de cette Constitution dont nous réclamons la bienfaisance. Il n’est pas de citoyen caché dans la cabane la plus obscure que l’on puisse avoir le droit de chasser s’il en est propriétaire. Eh ! quel est le jugement.... (Ils’élève de violents murmures dans la partie gauche). Daignez m’écouter avec cette impartialité qui est au fond de vos cœurs. Si vous supprimez arbitrairement sans forme, sans jugement, cinquante-trois sièges épiscopaux (Plusieurs voix s'élèvent : Cela, est fait!), qm nous a dit que les législatures prochaines... (Les murmures recommencent.) M. le Président. Quelques murmures que l’on fasse eu tendre pour ôter la parole à M. l’abbé Maury, quelque chose qu’il fasse pour la perdre, je vous préviens que je la lui maintiendrai tant que l’Assemblée, par une délibération expresse, n’en aura pas décidé autrement. M. Babey. Je demande à M. l’abbé Maury s’il doute qu’il y ait cinquante-trois sièges supprimés? Pour moi, j’en suis convaincu. M. l’abbé Maury continue. Je dirai que, si l’on supprimait un évêché sans un jugement préalable, sans observer les formes canoniques, il n’y aurait plus un évêque qui fût assuré de rester attaché à son troupeau. Votre comité ecclésiastique n’est-il pas cause de tous ces malheurs? C’est lui qui s’est érigé en pouvoir exécutif; c’est lui qui a correspondu, sans mission, avec les départements, et vous n’oublierez pas qu’il n’avait pas le droit d’exercer une prérogative qui n’appartient pas à l’Assemblée elle-même. (On murmure.) Vous ne devez pas correspondre avec les citoyens pris individuellement, mais avec la nation entière. C’est votre comité ecclésiastique qui s’est mis à la place du roi; (Nouveaux murmures.) c’est lui qui a écrit, c’est à lui qu’on a répondu; il serait bien étrange que la bureaucratie de cette Assemblée vînt remplacer la bureaucratie du ministère. (M. Dionis demande la parole.) Je n’ai pas encore tout dit; quand j’aurai fini je vous céderai la parole avec joie. Je n'ai pas prétendu faire du comité ecclésiastique une apologie dont il aurait grand besoin, mais lui détailler les justes reproches que nous avons à lui faire. 11 eût dû établir une correspondance avec l’Assemblée, en lui présentant des projets, et non pas avec les départements. Je dis qu’il a usurpé le pouvoir exécutif, qu’il s’est fait roi dans cette partie. Il ne s’est pas encore contenté de cela, il a usurpé l’autorité du Corps législatif, il a outrepassé ses pouvoirs, si vous lui en avez donné, en aggravant 77 (Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 novembre 1790.] encore ce que vos décrets avaient de rigoureux, en °njoignan taux chapitres de se retirer des chœurs où iis vaquaient aux prières publiques. C’est lui quia écrit des lettres que j’ai dans les mains, où il parle aux corps ecclésiastiques comme le Corps législatif lui-même parlerait s’il correspondait avec eux. (Il s'élève des murmures.) C’ est lui... Je supplie qu’on ne m’interrompe pas, on aura assez de temps pour me répondre; mais j’annonce d’avance qu’on ne me répondra pas. C’est lui qui, témoin du décret du 12 juillet dernier sur la constitution du clergé, qui, instruit des démarches que le roi avait faites auprès du Saint-Siège ..... (Plusieurs voix s'élèvent: Non!) Pas de vaines subtilités; l'Assemblée le savait. (Les mêmes voix: Non!) Eh bien! vous ne le saviez pas. Pourquoi votre comité s’est-il autorisé à être votre mandataire, à faire exécuter vos décrets? C’est lui, oui, c’est lui, qui a provoqué cette résistance que l’on a dénoncée hier. Si vous n’aviez pas eu do comité ecclésiastique, vos décrets sur la constitution du clergé auraient été exécutés. M. le Président. Il est de mon devoir de vous rappeler que la satire du comité ecclésiastique n’est pas à l’ordre du jour. M. lanças. Et moi je demande que l’on vote des remerciements au comité ecclésiastique. ( Une grande partie de l' Assemblée applaudit.) M. de Menou. Je demande qu’on n’interrompe pas M. l'abbé Muury. En parlant contre la chose publique, il lui fait plus de bien que ceux qui parlent pour. M. l’abbé Maury. Pour continuer à servir la chose publique, j’examinerai quels ont été les résultats de cette usurpation d’autorilé de la part de votre comité ecclésiastique. (On rappelle M. l'abbé Maury à V ordre). M. de Mirabeau a parlé dans cette discussion et a renforcé de sa théologie les arguments qui nous avaient déjà été présentés. À Dieu ne plaise que je veuille rapprocher ici lus principes qu’il a posés en faveur de la religion avec les conséquences qu’il en a tirées. Il ne nous est permis de scruter les intentions de personne. M. de Mirabeau vous a dit que les évêques devaient se faire d’autant moins de scrupules d’outrepasser les circonscriptions actuelles de leurs diocèses que chaque évêque était un évêque universel, que sa juridiction ôtait reconnue par les canons, et que c’était le premier des quatre articles enseignés par le clergé de France en 1682. Gela est trop important, trop capable de faire illusion pour que je ne rappelle pas ici la vérité ; je ne calomnie pas les intentions de M. de Mirabeau.... Je rapporte ses propres expressions. M. de Mirabeau. Non ! M. l’abbé Maury. Il m’est extrêmement important de savoir ce que M. de Mirabeau a dit. M. de Mirabeau. Permettez, monsieur.... M. l’abbé Maury. Je prends la liberté de demander publiquement à M. de Mirabeau s’il n’a pas dit que tout évêque était un évêque universel ? si je me suis trompé je vais être redressé. M. de Mirabeau. Je réponds, monsieur, que je n’ai jamais dit que tout évêque fût un évêque universel ; ces ridicules paroles ne sont jamais sorties que de votre bouche. J’ai dit que, suivant le premier des quatre articles des libertés de l’Eglise gallicane, les évêques recevaient leurs juridictions immédiates de Dbu, que l’essence d’un caractère divin était de n’être circonscrit par aucune limite et par conséquent d’être universel ; qu’il me paraissait qu’en toute langue conforme aux règles du bon esprit la circonscription diocésaine était purement temporelle, qu’elle ressortissait uniquement de la puissance temporelle, et non de ce que vous appel z la puissance ecclésiastique. Voilà, monsieur, ce j’ai dit; mais je n’ai jamais prétendu que l’ordination fît d’un évêque un évêque universel (On applaudit.) M. l’abbé Maury . C’est à vous, M. de Mirabeau, que j’adresse et que j’ai le droit d’adresser la parole. A présent que les applaudissements m’ont encouragé à répondre, je répondrai : 1° ce que M.de Mirabeau a dit ne signifie pas autre chose que ce que j’ai répété; 2° il n’a pas dit ce que j’ai dit, et son propos n’est pas sorti d’une bouche ridicule, mais d’une tête absurde. Ma réponse tient au fond de la question. M. de Mirabeau a dit que le premier des quatre articles du clergé porte que les évêques tiennent leurs pouvoirs de l’ordination, que ces pouvoirs sont de droit divin, et qu’il est absurde d’imaginer qu’ils puissent être circonscrits. Je n’observe pas d’abord que les matières ecclésiastiques ne sont pas a-sez familières à M. deMirabeau pourqu’itaitsnque nous ne connaissons que les articles de 1682, parmi lesquels l’article que cite M. de Mirabeau ne se trouve pas. La première de ces propositions dit que l’Eglise n’a aucun domaine direct ni indirect sur les rois... Mais s’il est vrai que M. de Mirabeau ail dit que les évêques tiennent leur pouvoir de l’ordination, que ce pouvoir est de droit divin, et qu’il ne peut être circonscrit, lien résulte nécessairement que tout homme, par la consécration épiscopale, est évêque universel, et que le seul tort que j’ai fait à M. de Mirabeau est d’avoir réduit en un mot ce qu’il a dit en vingt. M. de Mirabeau a donc confondu deux choses essentielles : le pouvoir radical de l’ordinateur, qui est en effet de droit divin, et le pouvoir de juridiction délégué par l’Eglise sur tel ou tel territoire. Le corps de FEalise est pour chaque évêque ce que leC>rps législatif est pour chaque juge... il est certain que chaque diocèse a un pasteur; s’il en avait davantage, il n’en aurait point. Il est donc vrai que, selon M. de Mirabeau, chaque évêque est évêque universel. Je ne l’ai donc pas calomnié : je lui ai donc bien répondu... Vous devez regarder le silence de M. de Mirabeau comme un témoignage d’approbation. Les patriarches de Constantinople se sont nommés évêques œcuméniques; l’Eglise leur a refusé ces titres fastueux. Des saints ont appelé l’évêque de Home évêque universel, évêque des évêques, et saint Grégoire a blâmé ces dénominations contraires à la modestie, à la simplicité du chef de l’Eglise... Vous avez soutenu dans les tribunaux, c’est aux jurisconsultes de cette Assemblée que je m’adresse, vous avez soutenu, lorsqu’il était question de réunir le siège de Digne à celui de Senez, vous avez soutenu, messieurs les canonistes, que cette réunion ne pouvait se faire sans l’intervention du chef de l’Eglise. Tous les théologiens, les jurisconsultes, les canonistes ont professé unanimement qu’il était contraire aux libertés de l’Eglise gallicane de procéder à la 78 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 novembre 1790.] suppression d’un bénéfice sans l’intervention du pape, comme le pape seul ne pourrait pas supprimer un bénéfice... Les titulaires ne peuvent se regarder déchus tant que le titre n’aura pas été légalement détruit. La démission non légale n’opérerait pas la vacance, et surtout la suppression d’un bénéfice; cependant vous laisseriez vacants cinquante-trois sièges que vous croyez éteints. Si vous voulez éteindre les réclamations de tous les citoyens, des évéquesmêiue, procédez à la suppression avec les formes canoniques. Je vous invite à attendre la réponse du pape. (Il s'élève cle grands murmures .) La nation Vous a donné le droit de faire des décrets, mais non de régler mes conclusions : je conclus à ma manière. Je demande qu’on ajourne la délibération jusqu’à la réponse du pape. M. ILe Héist de R®!M©nx. Dans le cas où ces conclusions seraient adoptées, je demande qu’on attende cette réponse sans désemparer. M. l'abbé Maury. Considérez la situation où l’on met les é< clésiasi iques : on a dit à votre barre que M. l’évêque de Nantes a disparu; qu'il a été l’objet d’une insurrection populaire dont peut-être il aurait été la victime; cependant M. l’évêque de Nantes n’a protesté contre rien, ne s’est opposé à rien; il a dit que la démarcation des diocèses devait être faite avec le concours du pape, et le peuple a voulu lui donner la mort; et l’on demande qu’il revienne dans ce même diocèse, au milieu de ce même peuple, se mettre en état d’arrestation ! Je n’ai aucune réflexion à faire sur l’étrange Adresse qu’on vous a proposée à ce sujet ; les applaudissements qu’elle a reçus me ferment la bouche... On a dit que le siège de Paris était vacant, ou bien qu’il était gouverné de la Savoie. Je savais bien qu’on quittait, son diocèse pour venir dans la capitale, mais je ne savais pas qu’on quittât la capitale pour ne pas résider. Le rapporteur du comité des recherches a osé accuser M. l’évêque de Paris de son absence, et il savait Ja cause de son absence : il savait que ce vertueux prélat, ce bienfaiteur du peuple, avait manqué d'être lapidé par le peuple. C’est sur un semblable rapport, qui nous était parfaitement inconnu, c’est après que des opinants ont paru à la tribune avec des discours écrits, que vous nous refusez un ajournement de deux jours, nécessaire pour nous préparer. Si cependant il fallait répondre à cette partie du rapport où, du ton le plus auguste, on s’est permis de censurer tous les évêques, tandis que le Corps législatif doit entourer les pasteurs de l’Eglise du respect le plus profond, nous dirions qu’il y a autant de lâcheté que d’injustice à attaquer des hommes qui ne peuvent repondre que par la patience; nous dirions que ce clergé appelé dans cette Assemblée an nom du Dieu de paix... (On demande l'ordre du jour.) Le moment de la vérité est venu, vous J entendrez. Nous dirions que ce clergé, appelé au nom du patriotisme, ne devait pas s’attendre, en venant prendre place parmi les représentants de Ja nation, à se voir livré au mépris du peuple dans cette tribune; nous dirions que, si nos ennemis ne trouvent pas notre tombeau assez profond pour nous croire anéantis, c’est parleur mépris que nous reconquerrons et l’estime et l’intérêt delà nation... On n’a pas rappelé à l’ordre les orateurs qui ont insulté les évêques auxquels tous les ecclésiastiques s’empressent de donner, par ma voix, des témoignages d’admiration et de respect. Quand nous rendons cet hommage public à nos chefs, nous voulons apprendre quels s uit nos sentiments pour leur gouvernement paternel, pour les soins courageux et constants qu’ils prennent pour la gloire de l’Eglise de France, de cette Eglise aujourd’hui inconnue, et qui n’en est pas moins la première Eglise de l’univers. En les louant comme la postérité les louera, je sers Ja chose publique ; car, prenez-y garde, il n’est pas bon de faire des martyrs. Les hommes qui ont la conscience de leurs devoirs sacrés feront voir que le sacrifice des biens de ce monde, que le sacrifice de la vie ne leur coûte rien pour remplir ces devoirs ; qu’ils n’existent pas pour le temps présent, que c’est un autre temps qu’ils attendent, que c’est là qu’ils trouveront de véritables biens, une véritable vie... Vous traiterez alors en ennemis de la patrie ceux qui oppriment sans intérêt des hommes qui prient pour vous... ([lires et murmures.) Qui, il n’y a que les ennemis de la chose publique qui [missent tourmen-t' r, persécuter des hommosqui prient pour ceux qui les insultent, des hommes qui, dans laséance d’hier, ont donné des preuves d’une grande longanimité, qui veulent rendre à César ce qui appartient à César, et qui, en périssant s’il le faut, pour leurs devoirs, montreront à l’univers entier que, s’ils n’ont pu obtenir votre bienveillance, ils ont du moins mérité votre estime. (La droite applaudit.) (On demande à aller aux voix.) M. Camus. Je demande la parole sur l’ajournement. M. «le Cazalès. On ne peut, en accordant ainsi la parole, priver de leur droit ceux qui se sont fait inscrire pour parler sur le fond. Si cependant on entend M. Camus, je demande à lui répondre. M. le E>i*éssdetît consulte l’Assemblée, et la parole est donnée à M. Camus. M. Causas (1). Je combats l’ajournement; il n’y a aucun motif pour l’adopter, il y en a pour le rejeter, car il serait dangereux; il n’est fondé sur aucun motif : en effet, rappelez-vous quelle est précisément la question. Vous avez rendu différents décrets, ils ont été acceptés et promulgués, jl s’agit de les faire exécuter. Vos comités vous ont présenté le mode d’exécution ; ce mode est-il hors du décret, oui ou non? Voilà la seule question. On a beaucoup discuté sur des objets décrétés, comme s’il était douteux que vous ayez pu déterminer les évêchés et les métropoles ; mais on n’a pas combattu le mode d’execution que les conmtés vous proposent; il ne peut donc pas l’être. S’il ne peut pas l’être, il n’y a aucun motif pour ajourner la discussion, qui a duré assez longtemps pour qu’on attaquât un mode qu’on n’attaquera pas davantage. J’ajoute que l’ajournement est dangereux; plus vous apporterez de retard dans l’exécution de vos décrets, plus la religion sera en danger; car dans ces temps où on ne sait quelles lois exécuter, où des volontés s’élèvent contre les lois du royaume, où cétte résistance excite les bons citoyens et pourrai* les porter à des mouvements violents, il faut appren-(1) On trouvera plus loin l’opinion de M. Camus reproduite n extenso. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [27 novembre 1790.] dre à tous que la violation de la loi sera punie. Quand on sait qu’une punition juste attend ceux qui s’opposent au bonheur public, personne n’est disposé à se faire justice à soi-même. Je pense donc qu’il est important de décréter promptement et le mode de l’exécution et la peine de l’inexécution. Je trouve dans l’ajournement un nouveau danger. La demande qu’on vous en a faite est fondée sur ce qu’il faut attendre la réponse du pape. Qu’arriverait-il si le pape donnait aux évêques le consail d’obéir? qu’arriverait-il s'il leur donnait un conseil contraire? Le schisme ne tarderait pas à s’élever; on ne saurait plus quelle est la véritable religion; on se perdrait, on s’agiterait, on se consumerait dans des haines funestes, dans des querelles malheureuses. Mais voici des motifs d’un ordre supérieur : est-ce au xviii8 siècle que des évêques demandent... M. de Inibersac, évêque de Chartres. Qui VOUS a donné le droit d’attaquer les évêques? M. Camus. Je ne répondrai pas, parce qu’il est inutile de défendre ici les lois du royaume quand elles ont été portées, parce que tout cela a été discuté, et que l’on veut seulement éloigner les observations que j’ai à faire contre l'ajournement. Je soutiens donc qu’il est surprenant qu’à la lin du xviii® siècle, que dans cette Eglise qu’on prétend environner de lumières, on élève une question telle que celle que vous avez entendu agiter. Le pape est le centre de l’unité; l’Assemblée nationale l’a reconnu en disant que « le nouvel évêque écrira au pape, comme au chef visible de l’Eglise universelle, en témoignage de l’unité de foi et de la communion qu’il doit entretenir avec lui. » On vous a dit que le pape n’est pas évêque universel; comme évêque de Home, il ne peut donc rien sur la démarcation des autres diocèses; il a la primauté, la surveillance, mais il n’a pas le droit de donner des ordres aux évêques. On connaît les degrés par lesquels le pape est arrivé à cette puissance que nos pères appelaient usurpation, et contre laquelle l’Eglise même s’est souvent élevée. On a vu l’Eglise d’Afrique priver de la participation à sa communion les évêques qui auraient recours au pape... Les papes ont d’abord consulté les évêques, ensuite ils leur ont adressé des prières, puis des ordres, et l’on peut désigner le .jour où les papes se sont attribué des droits usurpés par des excommunications et des anathèmes. Cet empire, je l’appelle empire parce que c’est un exemple de despotisme, a été attaqué par des conciles. Ceux de Baie et de Constance, qui représentaient l’Eglise universelle, ont multiplié leurs efforts pour faire déclarer que l’Eglise universelle avait le droit de déposer les papes, et il fallut s’armer contre l’humble successeur de saint Pierre. Jamais les évêques de France n’ont voulu que le pape pût unir ou séparer des bénéfices; et quand la paix, quand le salut public le demandent, ils professent une doctrine contraire; ils disent qu’ils ont les mains liées; ils appellent, ils invoquent la volonté du pape. L’autorité de la nation; el!e est au-delà des Alpes. Nous attendons, disent-ils, la réponse du pape. Ils n’ignorent pas qu’ils peuvent tout ce qu’on demande. Quand j’ai vu dans leur protestation que saint Augustin disait qu’il serait tropheureuxde pouvoir, enabandonnaut les honneurs ecclésiastiques, contribuer à la paix du peuple et à la gloire de l’Eglise, j’ai cru que leur démission allait arriver ; que, si l’Assemblée manquait de 79 pouvoirs, elle les retrouverait tous par cet acte volontaire. Vous donneriez donc ainsi la paix à votre patrie; vous éviteriez le dépérissement de la religion, vous assureriez sa splendeur et son empire; et vous êtes encore évêques ! Quand vous croyez que le bien public demande un sacrifice que saint Augustin faisait pour de moindres motifs, il est impossible que vous restiez sur votre siège dignes encore de te posséder. ( Une grande partie de l'Assemblée applaudit à plusieurs reprises.) Je me résume sur la demande en ajournement. De quoi est-il question ? d’exécuter tes décrets acceptés par le roi... La nation a la faculté de recevoir ou non la religion catholique : elle l’a reçue; l’Assemblée nationale s’est formellement expliquée à cet égard. ( Une partie delà droite murmure , le reste de l'Assemblée applaudit). Si cette religion sainte nous était inconnue, si des missionnaires venaient la prêcher parmi nous, leurs succès seraient rapides, et nous leur dirions : « Vous aurez des ministres, des évêques en tels lieux, des curés en tels lieux; voilà quels sont nos vœux, voilà quels seront vos droits. » Y aurait-il un seul de ces missionnaires, bien pénétré des devoirs de son ministère, qui refusât ces conditions? M.deMontes-quiou a remarqué que c’était une grande faute d’appliquer à une question un droit d’une nature différente. En effet, si on venait devant les législateurs argumenter contre vos décrets delà jurisprudence des arrêts, vous repousseriez de semblables arguments, parce que vous avez le pouvoir constituant... On dit aux jurisconsultes-canonistes de cette Assemblée qu’ils se sont opposés à la réunion de quelques bénéfices sans le concours du pape. Mais la nation n’était pas assemblée, mais nous étions trop heureux de réclamer des formes et des règles pour nous opposer au despotisme... Je voudrais savoir si, quand on a déclaré le patronage laïcai un abus, on a appelé tous les patrons laïcs dans cette Assemblée ? (■ On applaudit.) Voyez combien d’avantages doivent résulter d’une décision promple pour l’exécution d’une loi du royaume; voyez, s’il ne serait pas dangereux, pour ceux même qui s’opposent à sou exécution, de différer la décision que vos comités vous demandent? Qu’a-t-on dit dans toute cette discussion? On s’est perdu dans des divagations étrangères, dans des raisonnements inutiles auxquels il eût suffit de répondre un seul mot : ou détruisez les libertés de l’Eglise gallicane, ou reconnaissez que le pape ne peut avoir aucun pouvoir direct en France. Je demande qn’on aille aux voix sur-le-champ, que la priorité soit accordée au projet de décret du comité ecclésiastique, et refusée à celui de M. de Mirabeau, parce qu’il contient des dispositions superflues, inexcusables, injustes, et qu’il aurait le grand inconvénient de vous faire revenir sur vos décrets. (On demande à aller aux voix.) (La discussion est fermée à une grande majorité.) M. de Cazalès. Le décret n’est pas assez clair. C’est un procédé extraordinaire que de fermer la discussion sur un ajournement quand un seul membre a été entendu... (Une grande partie du côté gauche se lève et demande à aller aux voix. — M. dp Gazalès insiste.) M. Verchère. Je demande que, pour là pre- 80 (Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [27 novembre 1790.) mière fois, M. de Cazalès respecte la volonté générale. M. le Président. J’ai suivi l’ordre établi par le règlement. On a demandé que la discussion tut fermée ; j’ai consulté l’Assemblée; j’ai prononcé le décret ; il m’est impossible dè mettre votre proposition aux voix. M. de Cazalès. C’est un procédé très extraordinaire... (On interrompt par la demande d'aller aux voix.) J’ai donc l’honneur de vous observer, M. le président, que l’épreuve a paru douteuse à une grande partie de 1 Assemblée ; je demande qu’elle soit recommencée. Il est incroyable qu’on ferme la discussion après avoir entendu un seul opinant ; c’est sur cette observation que je m’appuie eu vous demandant de faire recommencer l’épreuve. M. le Président. Je ne puis mettre votre position aux voix si l’Assemblée ne l’ordonne. J’ai prononcé le décret ; les secrétaires et moi nous n'avons nul cloute ..... Cependant il seiait possible que l’Assemblée en eût, et je vais la consulter. M. de Foucanlt. Je n’ai pas plus de doute que les secrétaires ; mais il y a deux propositions différentes : 1° Armer la discussion sur le fond : elle est aplanie , 2° savoir si on la fermera sur l’ajournement : c’est ce qui reste à décider. M. le Président consulte l’Assemblée, et la discussion est fermée sur l’ajournement. M. Yoidei. Les comités ayant remarqué quelque obscurité dans le projet de decret, nous en avons retouché la rédaction pour le rendre plus clair. (Ou se dispose à mettre l’article 1er aux voix.) M. l'évêque de.... Je déclare qu’il nous est impossible de prendre part à la délibration. Plusieurs ecclésiastiques se lèvent en signe d’adhésion à cette déclaration. Divers membres présentent des amendements et additions dont quelques-uns sont adoptés. La partie droite de l’Assemblée ne délibère pas. Le projet de décret des comités, amendé par les différents votes, est ensuite adopté en ces termes : L’Assemblée nationale, ouï le rapport qui lui a été fait au nom de ses comités ecclésiastique, des rapports, d’aliénation et des recherches, décrète ce qui suit ; Art. 1er Les évêques, les ci-devant archevêques et les curés conservés en fonction, seront tenus, s’ils ne l’ont pas fait, de prêter le serment auquel ils sont assujettis par l’article 39 du décret du 24 juillet dernier, et réglé par les articles 21 et 38 de celui du 12 du même mois, concernant la constitution civile du clergé : en conséquence, ils jureront, en vertu de ce décret, de veiller avec soin sur les fidèles du diocèse ou de la paroisse qui leur est confiée, d’être tidèles à la nation, à la loi et au roi, et de maintenir de tout leur pouvoir la Constitution décrétée par l’Assemblée nationale et acceptée par le roi ; savoir: ceux qui sont actuellement dans leurs diocèses ou leurs cures, dans la huitaine ; ceux qui sont absents, mais qui sont en France, dans un mois ; et ceux qui sont en pays étrangers, dans deux mois, le tout à compter de la publication du présent décret. Art. 2. Los vicaires des évêques, les supérieurs et directeurs de séminaires, les vicaires des curés, les professeurs de séminaires et de collèges, et tous autres ecclésiastiques fonctionnaires publics, feront, dans les mêmes délais, le serment de remplir leurs fonctions avec exactitude, d’être tidèles à la nation, à la loi et au roi, et de maintenir de tout leur pouvoir la Constitution décrétée par l’Assemblée nationale et acceptée par le roi. Art. 3. Le serment sera prêté un jour de dimanche, à l’issue de la messe ; savoir : parles évêques, les ci-devant archevêques, leurs vicaires, les supérieurs et directeurs de séminaires, dans l’église épiscopale ; et par les curés, leurs vicaires et tous autres ecclésiastiques fonctionnaires publics, dans l’église de leurs paroisses, et en présence du conseil général delà commune et des fidèles ; à cet effet, ils feront par écrit, au moins deux jours d’avance, leurs déclarations au greffe delà municipalité, de leur intention de prêter le serment, et se concerteront avec le maire pour arrêter le jour. Art. 4. Ceux desdits évêque3, ci-devant archevêques, curés et autres ecclésiastiques fonctionnaires publics qui sont membres de l’Assemblée nationale, et qui y exercent actuellement leurs fonctions de députés, prêteront le serment qui les concerne respectivement à l’Assemblée nationale dans la huitaine du jour auquel la fonction du présent décret y aura été annoncée ; et dans la huitaine suivante, ils enverront un extrait de la prestation de leur serment à leur municipalité. Art. 5. Ceux desdits évêques, ci-devant archevêques curés, et autres ecclésiastiques fonctionnaires publics qui n’auront pas prêté, dans les délais déterminés, le serment qui leur est respectivement prescrit, seront réputés avoir renoncé à leur office, et il sera pourvu à leur remplacement comme en cas de vacance par démission, à la forme du titre second du décret du 12 juillet dernier, concernant la constitution civile du clergé ; à l’effet de quoi le maire sera tenu, huitaine après l’expiration desdits délais, de dénoncer le défaut de prestation de serment; savoir: de la part de l’évèqueou ci-devant archevêque, de ses vicaires, des supérieurs ou directeurs de séminaires, au procureur général syndic du departement; et de celle du curé, de ses vicaires et des autres ecclésiastiques fonctionnaires publics, au procureur syndic du district ; l’Assemblée les rendant garants et responsables les uns et les autres de leur négligence à procurer l’exécution clu présent décret. Art. 6. Dans le cas où lesdits évêques, ci-devant archevêques, curés et autres ecclésiastiques fonctionnaires publics, après avoir prêté leur serment respectif, viendraient à y manquer, soit en refusant d’obéir aux decrets de l’Assemblée nationale, acceptés ou sanctionnés par le roi, soit en formant ou en excitant des oppositions à leur exécution, ils seront poursuivis dans Iqs tribunaux de dis-