(Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (17 mars 1791.) nion n'y est point opposée; mais je crois que ce n’est pas un objet à décider dans ce moment, et je demande que votre comité ecclésiastique y médite sérieusement pour nous donner ses vues à ce sujet. ( Applaudissements .) Plusieurs membres demandent le renvoi au comité ecclésiastique. M. Lanjuinais. Il y a longtemps que votre comité ecclésiastique s’est cru autorisé à répondre dans le sens du décret qui vous est proposé aujourd’hui. Il y était autorisé par une conséquence assez directe de votre instruction sur la Constitution civile du clergé, mais surtout , ar un décret du 26 février dernier, qui a jugé qu’on avait pu légitimement recevoir ce s< rment des fonctionnaires publics ecclésiastiques, après le délai fixé par la loi. 11 me semble donc, Messieurs, que la proposition qui est faite ne devrait pas souffrir de difficultés. S’il y avait lieu de renvoyer à votre comité ecclésiastique, ce ne serait tout au plus que pour la rédaction. J’oserais donc supplier l’Assemblée de vouloir bien décréter ce soir ce principe, savoir que les fonctionnaires publics ecclésiastiques, qui viennent prêter le serment pur et simple avant d’avoir été remplacés, sont admis à cette prestation et conserveront leurs emplois. (Cette motion est décrétée, sauf rédaction.) La députation des vicaires des paroisses supprimées est admise à la barre. M. Xu*se, curé et maire de Chavignon, orateur de la députation, s’exprime ainsi : « Messieurs, permettre aux fonctionnaires publics d’exposer leurs plaintes dans cette auguste Assemblée, c’est ranimer leur confiance. «■ La constitution civile du clergé, qui s’exécute avec tant de succès, fait la gloire de la religion, le salut de l’Empire, l’édification des peu nies, et la consolation des véritables ministres de l’Evangile: vous ne souffrirez point qu’on en fasse le prétexte de la destitution d’un grand nombre de vicaires, et qu’elle devienne l’occasion de leur malheur. « D’après vos sages décrets, Messieurs, personne n’est déplacé, à moins qu’il ne soit reconnu inutile ou infidèle à la oatrie. « Les vicaires, au nom desquels j'ai l’honneur de vous porter la parole, ont jusqu’ici travaillé avec édification; ils ont prêté avec joie le serment civique. « Cependant on abuse, dans plusieurs villes (1), de la loi qui permet aux curés de se choisir désormais des coopéraieurs. Ces jeunes et fidèles ministres sont aujourd’hui la victime de la fausse interprétation d’une loi régénératrice qu’ils n’ont pas cessé de bénir. < Le curé à la paroisse duquel est réuni le territoire sur lequel ils travaillaient, les destitue de son propre mouvement, et les remplace par des ci-devant religieux. « Ainsi, Messieurs, le prêtre séculier, le fonctionnaire irréprochable, le véritable ministre de l’autel, celui qui n’est parvenu à cet état que par des études longues et coûleuses à sa famille, celui qui s’est interdit toute autre profession, et qui n’a d’autres moyens de subsistance que l’exercice de son ministère, est rejeté de l’autel qu’il desservait, au grand regret du peuple dont il avait l’estime, la confiance; et l’ex-religieux 153 prend sa place, et cumule la moitié de sa pension avec le salaire du vicariat. « De là tous les genres d’infortunes s’accumulent sur la tête d*js vicaires: ils perdent l’état auquel ils sont spécialement consacrés, la subsistance qui en est le salaire, l’honneur, en donnant lieu de penser qu’ils ont mérité ce renvoi humiliant; enfin, l’espoir de parvenir aux cures : le peuple sera naturellement porté à choisir ses pasteurs parmi les fonctionnaires en exercice. « Et qu’on ne dise pas qu’ils trouveront à se placer ailleurs. En ce moment, Messieurs, le nombre des prêtres est beaucoup supérieur à celui des places ; parce que Je clergé, dans la plus grande partie du royaume, en recevant votre Constitution avec reconnaissance, s’est montré tout à la fois patriote, religieux et éclairé. « Si les ci-devant moines ou bénéficiers s’emparent des places au préjudice des vicaires, qui n’ont pas la même ressource, ceux-ci se trouvent réduits à une situation désespérante. Plusieurs milliers de serviteurs de l’Eglise et de l’Etat seront plongés dans la misère. Et quels serviteurs! les uns employés depuis 8, 12, 15, 20 ans et davantage : et voilà la récompense de leurs travaux 1 les autres ne faisant que commencer leur carrière, et voilà leur perspective pour l’avenir ! « Cependant, Messieurs, les vicaires sont le principal espoir de la nation pour la régénération du clergé. Ils n’ont connu, ni la douceur des bénéfices, ni l’illusion des préjugés (, Applaudissements .); ils naissent, en quelque sorte, avec la Constitution; ils sont destinés à la servir, à en propager le succès; et on leur en ôterait les moyens ! « Mais les curés sont libres de choisir leurs vicaires; ils le sont comme les évêques de former leur presbytère, comme le peuple d’élire ses pasteurs ! « Or, Messieurs, en ces premiers moments, ce pouvoir <-st suspendu dans les évêques, qui sont obligés d’admettre les curés des paroisses supprimées dans leur ville, quand ils ont prêté le serment ; dans le peuple, qui ne nommera ses pasteurs qu’après le décès ou la retraite volontaire des titulaires actuels: pourquoi les curés seraient-ils plus libres de destituer, sans aucun motif, des vicaires qui font partie du clergé réuni à leur paroisse ? « Mais ils rie sont pas titulaires. Ils sont citoyens, ils sont fonctionnaires publics. Vous avez renversé le despotisme qui les destituait arbitrairement ; et, sous le règne de la justice et de la liberté, une commission est plus sûre que ne l’était un titre sous le régime du pouvoir absolu. (A ppla udissemen ts . ) « Aussi, Messieurs, la force de ces raisons est si sensible, qu’on ne prétend justifier le déplacement des vicaires qu’en les renvoyant au comité des pens ons. « Ils préfèrent l’honneur du travail à l’utile de la pension. Ce n’est pas à la fleur de l’âge qu’on demande les inva'ides. Une pension ne saurait être que le sort des fonctionnaires qu’il serait impossible d'employer. « Ils vous supplient, Messieurs, de les conserver à l’Eglise à laquelle iis sont attachés, à la patrie qu’ils servent avec affection. Us vous supplient d’agréer, de confirmer la continuation de leurs travaux dans la place qu’ils occupaient. Tout leur désir est de seconder le patriotisme réuni à la religion, de contribuer à la pacification des peuples et au règne de la loi. Ils vous supplient (1) A Grenoble, à Orléans et ailleurs. 154 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 mars 1791.] de les préserver d’une houteuse et désespérante oisiveté, et ils osent vous présenter cette pétition : « 1° Tout vicaire qui était en place au moment de la suppression de sa paroisse, sera employé de droit dans celle où sod territoire est réuni, quand même les curés de ces nouvelles paroisses auraient déjà appelé des ex-religieux, à leur préjudice; « 2° Ceux qui deviendraient inutiles dans la nouvelle circonscription des paroisses, seront employés de préférence où il en sera besoin, et les ci-devant religieux ne pourront y être admis qu’à leur défaut; 3“ Le vicaire sera continué après le décès de son curé, comme les vicaires de la cathédrale le sont après le décès de l’évêque. » « Il convenait, Messieurs, à un curé de défendre la cause des vicaires. La bonté avec laquelle vous avez accueilli quelques-uns des écrits patriotiques du curé-maire de Chavignon, et entre autres Y Ecclésiastique citoyen, le Vœu de la raison à Louis XVI et la Réponse à V évêque de Sois - sons, lui fait espérer que vous ne désapprouverez pas qu’il se soit rendu au désir de ses compagnons. Il est trop heureux d’avoir trouvé cette occasion de renouveler ses hommages à nos illustres législateurs. « Jean-François Nusse, curé et maire de Chavignon, faisant pour les vicaires des églises supprimées de plusieurs départements. » M. le Président répond : « Les vertueux pasteurs que leurs augustes fonctions appellent auprès du peuple, et qui remplissent dignement le ministère d’espérances et de consolations que la religion leur confie, seront toujours recommandables aux représentants du peuple. « Cette religion, aux yeux de qui tous les hommes sont frères, réclamait pour eux la Constitution qui leur rend, devant la loi, l’égalité qu’ils ne peuvent cesser d’avoir devant l’Etre suprême. « Déjà vous avez éprouvé l’un des grands bienfaits de la Révolution ; déjà, pour parvenir aux dignités éminentes de l’Eglise, le seul titre est l’estime publique, les seuls droits sont des vertus. « L’Assemblée nationale prendra votre demande en considération. Reposez-vous sur elle de votre sort : elle acquittera envers vous la dette de la nation; continuez d’acquitter la vôtre par des exemples digues de la doctrine sublime dont vous êtes les dispensateurs. « L’Assemblée nationale vous permet d’assister à sa séance. » (L’Assemblée ordonne l’impression du discours de la députation, ainsi que de la réponse de M. le Président, et décrète le renvoi de la pétition au comité ecclésiastique.) M. Barthe, évêque du département du Gers , est admis à la barre et s’exprime ainsi : « Messieurs, quelque précieux que soit l’avantage de paraître dans cette auguste Assemblée, je sens plus vivement encore le bonheur de vous exprimer les sentiments de reconnaissance et d’admiration que m’inspirent vos sublimes travaux. « La critique insultait à vos sages décrets concernant la suppression des dîmes, et moi, décimateur d’un canton peu fertile ( Rires à droite ), pénétré de douleur de voir mes déci-mables presque assimilés à des colons partiaires, j’avais déjà, dans nos assemblées de sénéchaussées, fait une proposition dont le résultat devait être le même que celui de vos opérations. « On s’est élevé contre le décret par lequel vous avez déclaré que les biens du clergé étaient à la disposition de la nation ; et moi, par un discours prononcé devant l’autel de la patrie, j’ai démontré la justice de ce décret et réduit ses détracteurs au plus profond silence. Voilà le procès-verbal de la confédération des gardes nationales, dans lequel ce discours est consigné. « Le fanatisme a allumé ses torches et aiguisé ses poignards, le sang des citoyens a malheureusement coulé aux deux extrémités des parties méridionales de l'Empire, à l’occasion de votre célèbre décret concernant le culte religieux; mais grâce au patriotisme prudent et éclairé des corps administratifs, grâce au zèle infatigable des gardes nationales, et peut-être encore, si j’osais le dire, aux soins et aux écrits de leur aumônier (Rires à droite ; applaudissements à gauche), les Toulousains ont été préservés des désordres qui agitaient les contrées voisines. « Plusieurs mois avant votre décret, j’avais publié, j’avais établi les principes incontestables qui en forment les bases, je m’étais appliqué à démontrer l’accord qui existe entre les droits de l’homme et les devoirs qu’impose la religion, j’avais combattu l’indifférence pyrrhonienne des Bayle , les ménagements trop politiques des Rousseau, et les inconséquences trop manifestes des Wolf. <> Au moment où vous décrétiez la constitution civile du clergé, ce chef-d’œuvre de votre sagesse et de votre zèle pour le maintien de la pureté primitive de la religion, je faisais voir aussi dans mes leçons théologiques que les principes en étaient déjà consignés dans les quatre articles de la déclaration du clergé de 1682. « Quelques fonctionnaires publics se permettaient d’attaquer ouvertement cette constitution civile que nous vous devons ; j’ai démontré, j’ose le dire, j’ai démontré selon toute la rigueur des formes mathématiques (Rires à droite ), que cette constitution était sage, que vous aviez eu le droit de la décréter, que, la décrétant, vous n’aviez pas excédé les bornes de vos pouvoirs ; permettez que je vous fasse l’hommage de mes travaux. « C’est sans doute à ces faibles efforts pour la défense de la religion et de la patrie que je dois le choix dont le département du Gers m’a honoré ; si je n’eusse consulté que mes forces, je n’aurais pas accepté les fonctions importantes qui viennent de m’être confiées; mais j’ai dû me soumettre aux ordres de la Providence, qui dirige tous les évènements. Il me reste un vœu à former, et c’est le plus ardent des vôtres ; c’est de voir terminer ce Code qui servira de modèle à tout l’univers, ce Code qui rend à notre sainte religion la pureté de la discipline de ses premiers siècles. C’est alors qu’accompagné de mes collaborateurs, suivi de tous les fidèles dont le soin m’est confié, portant dans mes bras ce Code plus qu’humain, je l’offrirai àl’Eternel, et, dans mes transports d’allégresse, je m’écrierai comme le juste Siméon : « C'est maintenant, Seigneur, « que vous pouvez disposer de ma vie. » (Murmures à droite.) M. Barthe fait ensuite hommage à l’Assemblée du discours qu’il prononça devant l’autel