98 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [4 juin 1790.1 M. le marquis de ilontesquioa. L’Assemblée a décrété que dans les payements les appoints seraient faits par le directeur. Le gouvernement est le plus grand débiteur de l’Etat, il est soumis à ce décret. L’administration des finances doit avoir du numéraire pour le service journalier, pour le prêt des troupes et pour le service des rentes. Dans le cas où la rentrée des impôts ne fournirait pas en numéraire les sommes nécessaires, il faudrait bien se les procurer. Cette dépense est une dépense publique, et nulle dépense publique ne peut être faite sans l’autorisation de l’Assemblée nationale. Voilà lWjèt de l'article; les mesures économiques sont une condition nécessaire. M. de Ric{û.çi*’ L’article est absolument inutile. Vous avez décrété que les appoints pour tous les payements seraient faits eh argent ; lé ministre y est obligé comme up autre. Il est de son devoir de se procurer dû Pargent au meilleur marché possible. M. de AVontjésier. L’opinant n’a pas compris l’explication très claire donnée par M. de Montes-quiou. Le seul danger que puisse avoir ce décret c’est l’agiotage. Ofl achètera de l’argent avec du papier et du papier avec de l’argent. Je voudrais que le comité des finances proposât un article pour éviter ce danger. Au surplus, je donne mon consentement à l’article actuellement proposé. (L’article 2 est adopté.). M. de Folleville. L’Assemblée nationale a fixé au 15 août l’échange des assignats contre les billets de caisse: elle est informée que 70 millions de billets ont déjà été donnés pour des assignats. (On observe que ce n’est que 52 millions.) Il faudra pour faire cet échange que les provinces soient soumises à des opérations de banque. Je demande qu’il soit établi, pour les deux tiers du montant des billets de caisse, des dépôts d’assignats à Lyon, à Marseille et dans les principales villes. Cet échange se fera alors à un taux plus favorable ; on empêchera qu’un grand nombre de billets ne soient perdus; on favorisera la circulation des assignats. (Cette proposition est renvoyée au comité des finances.) M. Vernier, rapporteur dit, comité des finances. Les frais des convocations du 24 janvier 1789 ne sont point encore payés : ils consistent dans les réparations faites par les municipalités, dans les dépenses des tenues et dans les taxations des députés. Les ouvriers sollicitent leur payement : ils menacent de, poursuivre les officiers qui ont ordonné ces dépenses. Le comité des finances m’a chargé de proposer de décréter que ces payements seront provisoirement faits par les municipalités, chacune pour ce qui la concerne, et de renvoyer aux départements pour qu’il soit définitivement fixé à la Charge de qui tomberont ces frais, et dans quelle proportion la répartition en sera faite, soit entre les départements, soit entre les districts. Voici lés dispositions que nous vous proposons d’adopter : « L'Assemblée nationale, considérant que le règlement à faire pour le payement des différentes dépenses qui ont eu lieu, en exécution des lettres de convocation du 24 janvier 1789, et à l’occasion des assemblées primaires, ne peut être soumis à une loi générale et uniforme, qu’il doit être subordonné aux circonstances de fait et de localité; qu’il est indispensable de pourvoir incessamment au payementdes réparations, avances, fournitures, frais d’impression, de service, et autres pour lesquels les ouvriers, marchands, entrepreneurs sont en souffrance. « A décrété et décrète, sur le rapport de son comité des finances : « Que les dépenses faites en exécution des lettres de convocation du 24 janvier 1789, ou à l’occasion d’icelles, pour la tenue des assemblées primaires, seront fixées et réglées par les directoires de département, qui examineront si ces dépenses étaient utiles, convenables ou nécessaires; à la charge de qui elles doivent tomber, et dans quelle proportion elles doivent être remboursées, « Les ordonnances de payement rendues parles directoires de département seront exécutoires, tant par provision que définitivement, si elles n’excèdent pas la somme de 300 livres ; et par provision seulement, si elles sont au-dessus de cette somme; auquel cas il en sera référé à l’Assemblée législative, parlesdits Directoires et d’après l'avis des distrcts. « Les ordonnances des directoires auront (autant qu’il sera possible) pour base principale les principes énoncés dans l’instruction qui leur sera envoyée avec le présent décret, sauf les exceptions que l’équité ou le bien public pourraient, exiger d’eux. * INSTRUCTIONS. « Les réparations pour la tenue des assemblées seront à la charge des villes où elles ont été faites, si elles sont à perpétuelle demeure ; soit que lesdites villes fussent tenues ou non de l’entretien et réparation des maisons et bâtiments où les ouvrages ont été faits ; si au contraire ces réparations n’ont eu qu’un objet et effet momentané, elles seront considérées comme dépenses communes à tous ceux qui, suivant la convocation, devaient en profiter. « Si les réparations sont jugées utiles, convenables ou nécessaires, on ne doit plus alors s’attacher à considérer si elles ont été ordonnées ou non par celui qui avait vraiment pouvoir et qualité à cet effet. « A l’égard nies honoraires des suppléants, les directoires vérifieront s’il leur était prescrit de se rendre au lieu de rassemblée, et dans ce cas on leur fera compter les honoraires qui leur ont été fixés; mais s’ils n’ont point été fixés, les directoires statueront d’après les différents mandats qui leur seront représentés. « Le montant des sommes ordonnancées par les directoires sera réparti au marc la livre de l’imposition ordinaire de chaque communauté, sans distinction ni privilèges. « Quant aux bailliages principaux et secondaires, qui font aujourd’hui partie de divers départements, les directoires de ces différents départements nommeront des commissaires pour régler, tant les dépenses relatives auxdites assemblées de bailliages, que celles de députations pour Paris, Versailles et autres lieux, et généralement toutes les dépenses extraordinaires qui auraient rapport à cet objet. Lesdits commissaires régleront aussi dans quelle proportion les dépenses allouées devront être supportées par chaque département. « Au surplus, les directoires se conformeront à [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [4 juin 1790.] 9â tout ce que l’équité exigera d’eux, d’après les circonstances et les localités , » M. Telller. 0 me semble que l’Assemblée ne peut forcer les municipalités qu’à payer les dépenses nécessaires et non celles de luxe ou faites dans le but de satisfaire l’amour-propre de quelques individus, Pour ne citer qtf un exemple, je dirai que les dépenses faites dans le bailliage de Melun, par M. de Gouy d’Arcy, se montent de 6 à 7,000 livres.. Je conclus à ce que les dépenses faites par des particuliers, sans le consentement des assemblëeSt soient exceptées des sommes à payer. M-leittârqnis de 6oUy d’Arcy. Ma justification sera bien simple. J’ai réuni les trois ordres du bailliage, et les dépenses qui ont été faites à cette occasion n’ont eu d'autre objet que de donner un air plus imposant à l’assemblée auguste qui était convoquée. Au surplus, les ouvriers employés ont été la plupart payés de mes deniers, et si quelques dépenses minime? restent à acquitter, relatives à la construction des salles, c’est que j’ai cru qu’elles devaient être àla charge de la municipalité. M. Bouche. Je viens appuyer l’amendement ni a pour but de laisser à la charge des indivi-us les dépenses faites par eux. Cette disposition doit être mentionnée dans, le décret, afin d’éviter les abus, M. Démeunier. Le décret me semble prématuré, parce que les pouvoirs publics qui doivent assurer son exécution ne sont pas encore constitués. Je demande l’ajournement jusqu’à la formation des départements. (L’ ajournement est prononcé.) M. le Président lève la séance à trois heures et demie, après avoir indiqué la suivante pour demain, à neuf heures du matin. PREMIÈRE ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU 4 JUIN 1790. mémoire adressé a l’assemblée nationale PAR LE CORPS DES MINES (1). {Extrait de V arrêté du corps des mines . du 2 juin 1790.) Les membres du corps des mines, réunis à la Monnaie, considérant qu’il est du devoir de chacun des individus qui le composent de contribuer , de tous leurs efforts et de toutes leurs lumières, au bien général de la nation française, ont arrêté de rédiger, en commun, un Mémoire sur les deux questions suivantes et de l’adresser à l’AsBemblée nationale. Les membres du corps des mmea ont déclaré unanimement qu’ils saisissaient avec empressement cette occasion de témoigner leur adhésion et soumission absolue à tous les décrets de l’Assemblée nationale, sanctionnés par le roi. (1) Ce document n’a pas été inséré au Moniteur. Première question : Les mines doivent-elles être déclarées propriétés nationales ou non ? Seconde question : Les mines étant déclarées propriétés nationales, un corps et une école de mineurs sont-ils nécessaires ou non? Plan et division du mémoire. Avant de discuter la première question, nous attesterons l’existence des mines en France, et l’utilité de leur exploitation; nous défrairons ce que c’est que la propriété, d’où elle peut résulter légitimement ; nous définirons aussi, avec précision, les objets connus généralement sous les noms de mines et de minerais. Ces définitions bien pesées et bien senties, on connaîtra facilement s’il est juste ou injuste de réserver la propriété des raines à lanation, ou de les abandonner aux possesseurs des terrains superficiels. Nous examinerons ensuite s’il est avantageux ou non, pour la société, de faire exploiter les mines par ses agents, de les concéder en en conservant la surveillance, ou de les abandonner aux intérêts particuliers. Nous comparerons avec impartialité ce qui arriverait dans chacun des deux cas. Le résumé et le résultat de cette comparaison offriront la solution entière de la première question. Nous passerons à l’examen de la seconde. Utilité des mines. Nous n’emploierons pas un temps précieux à démontrer Futilité de l’exploitation des mines : tout le monde sait que les substances minérales sont les matières premières ou les principaux agents dans tous les arts; mais il est de notre devoir de faire remarquer aux représentants de la nation que nous ne manquerons pas de mines en France, malgré le préjugé contraire trop généralement répandu. Le royaume est entouré presque de toutes parts de chaînes de montagnes qui sont de même nature que celles dont les peuples qui nous avoisinent extraient les matières métalliques, pour lesquelles nous sommes honteusement leurs tributaires. Des prolongements de ces mêmes montagnes se montrent jusqu’au centre de la France. Les départements du Nord et plusieurs autres encore fournissent des charbons de terre en abondance; ce combustible devient plus intéressant pour nous que les métaux les plus brillants et les plus recherchés; enfin les naturalistes et minéralogistes, qui ont parcouru la France, y ont annoncé et décrit des filons et des minerais de toütés espèces. PREMIÈRE QUESTION PROPOSÉE. Les mines doivent-elles être déclarées propriétés nationales ou non ? Nous définissons la propriété: le droit de l’homme de disposer d’une chose etd’exercer sur elle toutes ses facultés.