[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES* [18 décembre 1789.] 657 Votre Excellence les interprètes de ces sentiments et, d’avoir aussi l’occasion d’y joindre l’assurance de l’admiration et du respect, avec lesquels nous sommes, Monsieur, de Votre Excellence, les très-humbles, etc. « Signés : Rillier, Fatir, Cullin, de Fournel, Turtin, François Soulte, Claparède, Cayla, Billiet, J. Dejean, RR. Bontems, J. ÜIODATI, M. Lullin, J. Auxo-DIER. » La lecture de cette lettre est suivie de vifs applaudissements. M. Chassebœuf de Volney. Un don de 900,000 livres doit d’abord exciter notre reconnaissance ; mais il faut savoir si les Genevois font cette offre comme citoyens français ou comme étrangers ; et dans ce dernier cas, il faut refuser. Mou observation est d’autant mieux fondée, qu’elle s’appuie sur un bruit qui doit faire soupçonner que ce don n’est pas aussi gratuit qu’il le paraît. Il est bien constant que les Genevois existent sous la garantie du gouvernement, et non sous celle de la nation. L’Assemblée nationale de France, après la déclaration qu’elle a faite, ne peut pas continuer la garantie de la république de Genève dans l’état actuel, ni ratifier les principes sur lesquels cet Etat a été établi en 1784. M. le marquis de Fumel. Quelle que soit la situation critique de la France, elle n’est point encore à l’aumône, 11 n’est pas de sa dignité de recevoir de l’argent.... M. le marquis d’Estourmel propose de charger M. le président de faire des informations près de M. Necker ; il demande en conséquence l’ajournement de cet objet. L’Assemblée ajourne sa délibération sur la lettre des Génevois. L’Assemblée reprend son ordre du jour sur les finances etla discussion durapport du comité des dix. M. le marquis de Vrigny, après avoir comparé ce que M. Necker disait dans son discours à l’ouverture de l'Assemblée nationale, concernant la dette publique et l’état des finances, et ce que le ministre avait dit dans ses différents ouvrages sur l’administration, pensait que les pertes imprévues que le Trésor public avait faites pendant la révolution, étaient surpassées de beaucoup par les dons patriotiques, l’impôt du quart des revenus et l’imposition sur les propriétés franches et privilégiées. D’après ces idées, il pensait qu’il était de la prudence de l’Assemblée de voir le plan général des finances que le ministre a annoncé. L’orateur conclut en proposant de suppléer les billets de caisse par des obligations nationales pour la valeur de 350 millions par coupon de 1,000 livres, produisant intérêt à 5 p. 0/0, et remboursables en 7 ans, au porteur, par la voie du sort, sur le fonds de 50 millions par année, à commencer du 1er janvier 1791. Pour solder ces 50 millions chaque année, l’honorable membre a calculé que la contribution patriotique acquitterait les deux premiers termes, et que le surplus serait remboursé sur les économies et l’amélioration des revenus publics. M. le marquis de Montesqulou (1). Mes-(1) Le Moniteur ne contient qu’une analyse du discours de M. le marquis de Montesquiou. lre Série, T. X. sieurs, si je pouvais ne me considérer ici que comme l’un de vos commissaires, l’avis qui a passé à la pluralité serait ma loi, et je n’aurais pas eu l’honneur de demander la parole : mais la qualité de représentant de la nation impose d’autres devoirs, et si je suis intimement persuadé que j’ai d’importantes vérités à vous communiquer, le silence que je garderais, serait un silence coupable, il faut que cette persuasion soit bien forte, pour que je me décide à combattre devant vous l’opinion de collègues que j’estime à tant de titres. Je n’ajouterai rien à ce qui vous a été dit sur le plan de banque de M. de Labordc. Son exécution nous a semblé difficile, et ses idées de comptabilité que vous avez si justement applaudies, nous ont paru applicables, à tous les systèmes possibles d’administration du Trésor public. Au reste nous avons tous pensé que vous ne consentiriez jamais à déposer la fortune entière de l’Etat entre les mains d’une Compagnie quelconque, et à faire dépendre le sort de l’empire de la sagesse ou de la fausseté de leurs spéculations. Vous avez tous vu dans le plan du premier ministre des finances, la peine qu’il éprouvait en s’écartant de la sévérité de ses principes. Contraint par la nécessité des circonstances, il ne s’est occupé qu’à rassembler tous les moyens qui pouvaient dépendre de lui pour assurer le service si difficile de l’année prochaine. Il a cherché en même temps dans un avenir peu éloigné le remède au mal qu’il était obligé de faire. Il a lui-même jugé à la rigueur les inconvénients et le danger de l’usage immodéré des billets de la caisse d’escompte. Si, comme il nous y invite, j’ose traiter le même sujet après lui, et vous présenter d’autres idées que les siennes, ce ne sera qu’en tremblant; mais l’expérience nous apprend que dans la carrière ouverte par le génie, il a quelquefois été réservé au simple observateur de faire encore des découvertes heureuses. M. de Laborde avait tout sacrifié dans son plan au prochain rétablissement de la circulation libre des billets de banque. M. Necker, dans le sien, avait eu constamment en vue les besoins du service de l’année prochaine, et même il avait cru sage de mettre en réserve le premier terme de la contribution patriotique, en cas que les anticipations ne pussent pas se renouveler ; votre comité, entraîné par des idées de perfection, a voulu réunir les avantages des deux plans, et écarter les inconvénients. Il fallait pour y parvenir des fonds considérables ; c’est pour se les procurer qu’il vous a proposé la vente d’une partie des domaines de la couronne et de ceux du clergé, jusqu’à la concurrence de 400 millions. Jeme fais gloire d’adopter ses principes; je voudrais pouvoir adopter de même ses moyens, mais je les crois illusoires et injustes. Illusoires, parce qu’ils sont impraticables dans notre situation actuelle, injustes, en ce que leur exécution compromet le droit acquis par la loi à des créanciers privilégiés. S’il ne s’agissait que de payer à la caisse d’escompte, 90 millions qui lui sont dus, rien ne serait plus aisé. Elle a pour gage le premier terme de la contribution patriotique : en le lui abandonnant, on serait quitte en tout ou en grande partie avec elle dans quatre mois; elle reprendrait alors ses payements à bureau ouvert, et il 42