[Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 novembre 1789.] M. Target. En quoi consistent les fonctions des assemblées administratives? dans l’exécution de vos décrets ordonnée par le Roi. Ainsi les agents du pouvoir exécutif, qui sont les assemblées administratives, exécutent la lettre de vos décrets, qui, une fois sanctionnés, doivent devenir la volonté du Roi. Les préopinants paraissent avoir oublié la permanence des assemblées nationales, et les bornes mises au pouvoir exécutif. Le chapitre qui concerne ce pouvoir n’est pas achevé, mais il est assez avancé pour ne laisser subsister aucunes craintes. Il faut que le Roi transmette l’autorité aux assemblées administratives, d’après les décrets de l’Assemblée nationale, et que ces assemblées soient absolument subordonnées au monarque ; si elles l’étaient à l’Assemblée nationale, celle-ci réunirait le pouvoir exécutif au pouvoir législatif. Pour dissiper toutes les inquiétudes, je propose d’ajouter à la fin de l’article ces mots : « d’après les règles établies par la constitution et par les législatures ». M. Regnaud de Saint-Jean-d’Angely. Il existe dans les provinces des agents de l’autorité, ennemis de la liberté publique, les intendants ; le souvenir de leur effrayant pouvoir a causé les inquiétudes qui viennent de se manifester. Les amis de la liberté ont craint que l’administration de l’impôt ne retombât dans les mains de ces fléaux de nos provinces..... On peut laisser au pouvoir exécutif les opérations relatives aux mouvements des troupes ; ce qui concerne l’impôt doit être pour lui l’arche sacrée, et toutes les contestations relatives à cet objet, portées à l’assemblée provinciale, qui sera comptable à l’Assemblée nationale. Je demande l’ajournement, dans les mêmes vues et avec les mêmes termes que M. Uefer-mon. M. le eointe de Virieu. L’article ne contient qu’un principe et ne préjuge rien sur les détails dans lesquels le préopinant vient d’entrer. Ce principe doit être consacré pour laisser entre les mains du pouvoir exécutif une surveillance active qui empêche les assemblées inférieures de s’écarter de vos décrets. Cependant, afin de dissiper les craintes, il serait possible d’ajouter à l’article ces mots : « pour l’exécution et le maintien de tous les décrets du Corps législatif ». M. Populus. Ce principe mettrait les provinces dans une dépendance absolue du pouvoir exécutif. Bientôt nous verrions les assemblées administratives sans liberté, sans énergie ; cependant toute administration doit pouvoir agir par elle-même ; et dans le moment où vous croiriez avoir établi la liberté, aucun district n’aurait la liberté d’ouvrir un chemin sans l’approbation des agents ministériels que le Roi serait dans la nécessité de créer. J’adopte l’ajournement tel qu’il est proposé par M. Defermon. L’ajournementest décrété. L’article suivant est ainsi rédigé : « Les assemblées administratives ne pourront exercer ni le pouvoir législatif, ni le pouvoir judiciaire, octroyer au Roi, ni établir à la charge du département ou du district, aucun impôt [mur quelque cause, ni sous quelque dénomination que ce soit ; en répartir aucun au delà de la somme ou de la quotité accordée, ou du temps fixé par le Corps législatif ; elles ne pourront pareillement faire aucun emprunt direct ou indirect, sans y être expressément autorisées par le Corps législatif. Le pouvoir judiciaire ne pourra , au surplus , les troubler par aucun acte dans les fonctions qui leur sont attribuées. » M. Defermon. L’expression de pouvoir judiciaire s’applique-t-elle aux actes ordinaires du pouvoir judiciaire, ou s’étend-elle aux tribunaux d’attribution? Ces tribunaux doivent être supprimés, et il est intéressant d’examiner si l’on peut donner aux assemblées de département la connaissance des contestations sur les impôts. L’importauce de cette question me détermine à demander l’ajournement de cet article. L’ajournement mis aux voix et rejeté. M. de Richter. Je demande que les assemblées administratives soient autorisées à pourvoir aux besoins locaux et urgents, tels que des réparations imprévues à faire à des levées, à des ponts, à des écluses, etc. M. Duport. Je propose , relativement aux impositions , d’insérer dans l’article une réserve pour les fonctions qui pourraient par la suite être attribuées aux assemblées administratives. M. Remeunier. Le Corps législatif pourrait autoriser, selon les localités, à percevoir ou emprunter une modique somme pour les cas urgents. Le comité, en parlant du pouvoir judiciaire, a donné à ce mot sa véritable acception: des décisions en matière d’imposition ne parais-sent pas être dans l’ordre judiciaire. M. Barnave. Il est impossible de ne pas attribuer aux assemblées administratives la force coactive nécessaire pour l’exécution des décrets; il est naturel dès lors de leur accorder la connaissance des contestations relatives aux impôts. Il peut y avoir dans chaque département des sommes destinés aux besoins imprévus; si elles n’existaient pas, ce ne serait point un impôt qu’il faudrait autoriser, parce que cette ressource serait lente, et dès lors inutile. Un emprunt, dont la somme serait déterminée par le règlement, paraîtrait plus convenable. L’heure étant avancée, la discussion est intei rompue et continuée à demain. M. le Président lit une lettre de M. le garde des sceaux, qui envoie à l’Assemblée : 1° une copie certifiée de l’arrêt du parlement de Metz, en date du 12 du courant, et les lettres patentes rendues sur Je décret ; 2° Une expédition , pour être déposée aux archives , de l’arrêt du conseil du Roi , qui ordonne l’exécution du décret de cette Assemblée, du 17 de ce mois , concernant le parlement de Metz ; 3° Deux exemplaires des lettres patentes qui ordonnent l’envoi aux tribunaux, municipalités et autres corps administratifs, des décrets acceptés ou sanctionnes par le Roi depuis le 4 août jusques et y compris le 23 de ce mois. Une députation de la Caisse d’escompte demande à être introduite. M. le Président, après avoir consulté l’Assemblée, ordonne de l’admettre à la barre. 228 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 novembre 1789.] M. Lavoisier, portant la parole, dit (1) : Nosseigneurs , les actionnaires de la Caisse d’escompte, réunis en assemblée générale le 20 novembre, pour prendre connaissance du plan proposé à l’Assemblée nationale par M. le ministre des finances, nous ont confié l’honorable mission de vous porter l’hommage de leurs sen-iments et de leur profond respect. Nous vous supplions en leur nom : 1° De nommer dans le sein de votre Assemblée des commissaires pour prendre la connaissance la plus exacte et la plus étendue des opérations de leur établissement, de sa gestion , de ses statuts, et de l’usage qui a été fait de ses moyens et de son crédit; 2° De vouloir bien agréer leur dévouement absolu à tout ce qu’en continuation de leur service vous jugerez à propos d’ordonner, pour l’utilité publique et l’ordre des finances; 3° D’agréer également l’offre qu’ils font à la nation, de concourir de tous leurs moyens , de tout leur crédit, et de leur fonds capital, qui est de 100 millions, à l’établissement d’une Banque nationale, si vous jugez que cette banque puisse s’aider de leur association. Enfin, c’est dans ces mêmes dispositions qu’ils se sont occupés de l’examen du plan proposé par M. le ministre des finances, et qu’ils l’ont discuté dans leurs assemblées générales des 17 et 20 de ce mois. Les actionnaires de la Caisse d’escompte en ont approuvé les bases; et s’il est adopté par l’Assemblée nationale, ils se dévoueront à en faciliter l’exécution, par tous les efforts de leur zèle , soit que vous adoptiez ce plan, tel qu’il vous a été présenté , soit avec les modifications et changements de détail dont il pourrait être jugé susceptible. Tels sont les vœux des actionnaires de la Caisse d’escompte : nous espérons que vous y verrez une nouvelle preuve de patriotisme, dont ils n’ont cessé d’être animés , et de la confiance respectueuse que leur inspirent votre sagesse et votre justice. Cependant la Caisse d’escompte a été attaquée plusieurs fois, et même devant vous, Nosseigneurs. Le simple exposé des faits contenus dans le discours prononcé le 17 novembre, à l’assemblée des actionnaires suffirait, sans doute , pour établir notre justification ; mais si vous pensiez que les nouvelles imputations qui nous ont été faites nous imposassent le devoir de nous disculper à vos yeux d’une matière plus détaillée ; nous nous en occuperons, et nous vous supplierons de vouloir bien nous donner l’espérance d’être admis de nouveau, pour vous soumettre, jusqu’aux moindres circonstances de notre conduite. Nous nous bornerons quant à présent, Nosseigneurs, à déclarer, que nous n’ambitionnons aucun titre, et que nous ne réclamons d’autre privilège que celui d’être utiles. Mais, puisque l’on a cherché à égarer votre justice, puisque l’on a voulu vous persuader que nos billets n’ont aucune valeur ; qu’il nous soit permis de vous rappeler quelles sont les bases de la confiance qui leur est due. L’Etat nous doit : Pour dépôt fait au Trésor royal, en 1787, non pas en billets, mais en espèces ou valeurs réelles (1) Le Moniteur ne donne qu’une analyse du mémoire des actionnaires de la caisse d’escompte. équivalentes, une somme de 70 millions. Cette somme, qui forme la première et la principale garantie de nos billets, est devenue exigible, aux fermes de l’engagement pris au nom du Roi, dès l’instant où nous avons été forcés de différer le payement d’un seul de nos billets ....... 70,000,000 liv. 1 Nous avons à recevoir de ce jour, au 31 décembre prochain, pour le mon ta nt de rescriptionset assignations qui nous ont été fournies par le Trésor royal, contre les avances que nous lui avons faites. 29,000,000 11 nous est dûpourautres avances faites surdes billets d’un des administrateurs du Trésor royal, exigibles le 31 décembre prochain, soutenus d’assignats, sur la contribution patriotique . . 60,000,000 A cette somme de 159 millions due par le gouvernement, il faut ajouter les valeurs que nous avons dans nos caisses en espèces, et dans notre portefeuille en lettres de change et effets de commerce, presque tous payables dans le cours de trois mois ..... ... 57,000,000 liv. Nous pourrions ajouter encorelemon-tant des res-criptions et assignations qui échoient au terme moyen du 1er avril prochain, et qui sont destinés au remboursement des reconnaissances du prêt de 25millionsqui a été fait en janvier dernier par nos actionnaires : cependant, comme c’est individuellement qu’ils , A reporter.. . . 216,000,000 liv. l 159,000,000 liv. 57,000,000 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 novembre 1789.] 229 Report ........ 216,000,000 liv. ont rendu ce serviceàl’Etat, la Caisse d’escompte ne se permettra pas de considérer cette opération, comme lui étant directe, et elle n’en portera ici le montant que pour Mémoire Total .......... 216,000,000 liv. Ainsi le total de notre actif est de ....................... 216,000,000 Le montant des billets que nous avons en circulation, n’est que de 114 millions. Si donc sur les 159 millions que nous doit l’Etat, il ordonnait que nous fussions payés, non pas en totalité, non pas en écus, mais dans nos propres billets d’une somme de..... ........... .. 114,000,000 Nous n’aurions plus alors en circulation, un seul de ces billets, qu’on cherche en vain à discréditer, et nous nous trouverions encore créanciers de l’Etat, de . . . 45,000,000 liv. indépendamment de l’argent réservé dans nos caisses, et de tout l’actif de notre portefeuille, que nous avons porté ci-dessus pour.... 57,000,000 liv. quitter tous ceux qui nous sont personnels ! » H ne serait donc point inexact de dire que ce n’est point la à Caisse d’escompte, que c'est à lui-même que l’Etat a donné des arrêts de suspension. Veuillez de plus considérer, Nosseigneurs, que la Caisse d’escompte ne s’est pas rigoureusement prévalue de ces arrêts de suspension : ses payements ont été ralentis, mais elle ne les a point interrompus, comme elle y était autorisée ; puisqu’elle a échangé contre billets, depuis le mois d’août 1788, pour plus de 140 millions d’espèces. Si elle n’a pas fait davantage, elle n’a pu remplir toute l’étendue de ses engagements, si elle n’a pu satisfaire complètement à des besoins d’argent que la défiance et l’inquiétude exagéraient, qu’elle en a été l’unique cause ? Les avances quelles a faites à l’Etat. Quel en a été le motif? Son dévouement sans bornes à l’Etat. Quelle est son excuse ? Le salut de l’Etat. M. le Président. Messieurs, il n’est personne de nous qui ne sente qu’il s’agit d’un des objets les plus importants qui puissent intéresser la destinée publique, et l’Assemblée nationale donnera la plus grande attention aux observations contenues dans le mémoire. L’Assemblée décrète l’impression du dire des commissaires de la Caisse d’escompte. M. liavoisier. Nous remercions l’Assemblée de la nomination qu’elle vient de faire de commissaires pour l’examen de la situation de la Caisse d’escompte. La plupart des personnes qu s’élèvent contre cet établissement n’en parlent que d’après des préventions injustes. L’Assemblée autorise MM. les commissaires de la Caisse d’escompte à assister à la séance. M. le baron d’Aurillac, députe’ de Saint-Flour, demande l’autorisation de s’absenter pour quelques jours. — L’autorisation est accordée. M. le baron de Cernon se présente à la tribune pour entretenir l’Assemblée des affaires de la province de Champagne ainsi que cela a été décrété au début de la séance. On réclame la priorité pour l'affaire concernant le district des Cordeliers et la commune de Paris. 102,000,000 liv. Notre fonds capital excède donc de 102 millions la totalité de nos engagements ; et c’est ceite somme imposante, offerte à la confiance publique, qui a soutenu jusqu’ici le crédit de nos billets, au point que dans les circonstances, même les plus désastreuses, au milieu du discrédit de tous les effets du gouvernenent, ils n’ont rien perdu sur la place. La Banque d’Angleterre, cet établissement si digne de toute confiance, n’a pas toujours été aussi heureuse, puisque, dans des temps voisins de son origine, et dans des circonstances moins orageuses, ses billets ont perdu jusqu’à 15 et 20 0/0. Enfin, pour présenter à l’Assemblée nationale cet objet sous toutes ses faces, sur les 114 millions de billets, que nous avons en circulation, 89 ont été avancés pour le service du Trésor royal ; il n’en a été accordé que 25 pour l’escompte proprement dit, et pour les besoins de la place et du commerce : nous serions donc fondés à dire à nos détracteurs : « Que le Trésor royal paye les engagements que nous avons contractés pour lui, et dès demain nous serons en état d’ac-M. Hébrard, au nom du comité des rapports, entre dans de nouveaux développements sur cette affaire et fait lecture d’un projet d’arrêté conçu en ces termes : L’Assemblée nationale considérant qu’occupée de l’organisation des municipalités du royaume, elle serait détournée de son but par l’examen provisoire du plan de la municipalité de Paris ; que cependant il importe à cette ville que les représentants de chaque district remplissent leurs fonctions jusqu’à l’expiration du temps limité par leur pouvoir particulier, ou jusqu’à ce qu’ils aient donné leur démission volontaire, et qu’ils ne soient tenus d’autre serment que celui de remplir avec honneur la mission qu’ils ont acceptée; Considérant enfin que les représentants de la commune, réduits à des fonctions purement administratives, sans aucun droit de juridiction sur les districts, n’ont pu priver celui des Cordeliers de son droit de nommer trois députés pour remplacer ceux dont il avait accepté la démission, l’Assemblée nationale a décrété et décrète ce qu suit :