508 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [2 mai 1791.] Une circonstance qui mérite également toute votre attention, c’est le soupçon de partialité qu’il sera difficile d’écarter lorsque l’on saura que, tandis que l’on savait que le maire d’Arles fournissait graïuitement des munitions aux Avignonais, on arrêtait à Orange, à Nyons et au bureau de Sep-temes des armes achetées et payées par les Com-tadins. Lorsque l’on saura que tandis que, conformément à vos décrets et à la justice, le ministre de la guerre défendait à des Français de secourir les Comtadius, ce même ministre négligeait de redemander, comme il en avait le droit et le devoir, le grand nombre de déserteurs français que les Avignonais avaient séduits, et qui font aujourd’hui la force de leur armée. Aucun de ces faits ne peut être inconnu aux nations étrangères; ces faits sont tous de nature à rendre justement odieuse l’acceptation d’une conquête que vous serez justement accusés d’avoir préparée, d’avoir provoquée, d’avoir faite par une coupable connivence avec ceux qui se disent vos allies et qui paraîtront vos instruments. Il ne me resterait plus qu’une question à examiner, c’est l’utilité et la convenance dont peut être pour nous la réunion d’Avignon et du Comtal. Sur ce point, non seulement je serai de l’avis de M. le rapporteur, mais j’adopterai tous les calculs, toutes les manières de voir qui peuvent rendre cette utilité plus frappante; et malgré cela, Messieurs, et à cause de cela, Messieurs, je ne cesserai de vous dire que plus vous êtes intéressés dans la cause qui vous est soumise, plus vous devez examiner les raisons qui luttent contre votre intérêt. 11 serait trop affligeant que nos ennemis pussent dire : « Ce pays convenait à la France, et la France se l’est approprié; elle a elle-même jugé ses prétentions ; elle a porté et entretenu le trouble dans le pays qu’elle voulait s’approprier; les hommes armés qui tourmentaient celte contrée n’ont cessé d’avoir avec elle des relations, ont conseillé des actes de réunion et de soumission à cette puissance; ils ont porté le fer et le feu partout où on n’a pas suivi leurs conseils ; et du moment où cet étrange apostolat a extorqué à quelques communes des délibérations ambiguës, illégales, incomplètes, non seulement la France les a reçues, mais elle s’est approprié tout le pays et a consommé la plus coupable des usurpations. Vous ne voudrez pas avoir mérité de tels reproches, et vous les mériteriez sans doute, si vous prononciez aujourd’hui la réunion que l’on propose. Je ne vous parlerai pas des guerres qui pourraient en être la suite, je ne vous dirai pas que ces guerres seront des guerres de géants; je consens et je demande à mourir en simple homme; mais je veux savoir si j’ai raison. (Rires à gauche ; applaudissements à droite.) J’ai suivi les objections faites contre les droits du pape, antérieurement à Louis XIV; je crois que vous apprécierez le système diplomatique que l’on vous présentait avec tant de confiance. J’ai examiné la prise de possession par Louis XIV et par Louis XV, et j’ai trouvé dans les événements de ces règnes deux nouvelles preuves de la légitimité du droit du pape. Passant à la question du droit naturel, j’ai examiné le prétendu vœu du Gomtat Venaissin; j’ai démontré qu’il n’existait pas et ne pouvait pas être invoqué; j’ai jeté ensuite un coup d’œil rapide sur ce qu’on appelle le cours de la révolution avignonaise; enfin, vous rappelant l’influence que l’on pourrait nous reprocher d’avoir eue sur cette révolution et l’utilité évidente dont cette réunion est pour nous, j’en ai tiré de nouveaux motifs de peser avec une rigoureuse circonspection la résolution que vous allez prononcer. Je conclus à ce que la réunion ne soit pas décrétée; mais, frappé comme tous les membres de cette Assemblée, des dangers affreux auxquels sont exposés les citoyens de cette contrée si heureuse il y a deux ans, je désire que vous y portiez la paix; je soutiens que vous le pouvez dans tons les systèmes et dans toutes les hypothèses. En droit positif, vous êtes requis par le prince, sa réquisition est du mois d’octobre dernier; en droit naturel, vo us l’êtes par les malheureux Comtadins, dont tous les prétendus vœux de réunion se réduisent à ce seul cri ; Sauvez-nous , car on nous égorge. Je crois que les Avignonais eux-mêmes vous sauront gré de leur épargner des crimes; je ne croirai pas qu’ils prétendent vous résister, quoiqu’un honorable membre nous ait annoncé dans la séance d’avant-hier et leur résistance future, et même la désobéissance des départements qu’il croit attachés à leur cause. Je n’adopterai jamais, je ne vous présenterai jamais de pareils pronostics. Dans tous les cas, il suffit que ce qu’on vous propose soit juste, que ce qu’on vous propose soit nécessaire; dès lors c’est à vous à le décréter, et tout calcul ultérieur serait une coupable faiblesse. Je crois que les commissaires qu’il faut envoyer dans le Gomtat et à Avignon doivent être provisoirement revêtu de grands pouvoirs; il faut que les forces soient assez considérables pour que 1 impossibilité de la résistance ramène sûrement le calme; il faut que toutes les autorités usurpatrices disparaissent devant les commissaires que vous enverrez; il faut que, après ces prélimina res, le vœu du peuple puisse être émis avec tranquillité, et c’est alors que vous jugerez si ce vœu peut devenir pour vous l’objet d’une délibération. (La suite de la discussion est renvoyée à demain.) M. le Président indique l’ordre du travail de la semaine et l’ordre du jour de demain et lève la séance à quatre heures. ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU LUNDI 2 MAI 1791. Sur l’interpellation de M. Bouche, par M. Stanislas de Clermont-Tonnerre. J’ai dit dans la séance d’hier (1) ce que je vais copier ici : « Eh bien ! tous ces faits sont incontestables, « ceux-mêmes que j’accuserais s’en honorent ; « ce n’est plus un secret pour personne que la « correspondance existe entre les révolution-« naires avignonais et des membres mêmes de « cette Assemblée. On sait qu’à la première « émeute les nouvelles furent envoyées ici, « qu'elles y causèrent une grande satisfaction, « que l'on annonça que la municipalité d'Avignon (1) Voy. ci-dessus, séance du 2 mai 1791, page 501 et suiv.