217 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [5 août 1791. ne subsistent que relativement au service et pendant la durée. « Art. 6. Les officiers sont élus à temps, et ne peuvent être réélus qu’après un intervalle de service, comme soldats. « Nul ne commandera la garde nationale de plus d’un district. « Art. 7. Toutes les parties de la force publique, employées pour la sûreté de l’Etat contre les ennemis du dehors, agiront sous les ordres du roi. « Art. 8. Aucun corps ou détachement de troupes de ligne, ne peut agir dans l’intérieur du royaume, sans une réquisition légale. « Art. 9. Aucun agent delà force publique ne peut entrer dans la maison d’un citoyen, si ce n’est pour l’exécution des mandements de police et de justice, ou dans les cas formellement prévus par la loi. « Art. 10. La réquisition de la force publique, dans l’intérieur du royaume, appartient aux officiers civils, suivant les règles déterminées par le pouvoir législatif. « Art. 11. Si des troubles agitent tout un département, le roi donnera, sous la responsabilité de ses ministres, les ordres nécessaires pour l’exécution des lois et le rétablissement de l’ordre; mais à la charge d’en informer le Corps législatif, s’il est assemblé, et de le convoquer s’il est en vacance. « Art. 12. La force publique est essentiellement obéissante; nui corps armé ne peut délibérer. TITRE V. Contributions publiques. « Art. 1er. Les contributions publiques seront délibérées et fixées chaque année par le Corps législatif, et ne pourront subsister au delà du dernier jour de la session suivante, si elles n’ont pas été expressément renouvelées. « Art. 2. Sous aucun prétexte, les fonds nécessaires à l’acquittement de la dette nationale et au payement de la liste civile, ne pourront être ni refusés, ni suspendus. « Art. 3. Les administrateurs du département et sous-auministrateurs ne pourront ni établir aucune contribution publique, ni faire aucune réparation au delà du temps et des sommes fixées par le Corps législatif, ni délibérer ou permettre, sans y être autorisés par lui, aucun emprunt local à la charge des citoyens du département. « Art. 4. Le pouvoir exécutif dirige et surveille la perception et le versement des contributions, et donne tous les ordres nécessaires à cet effet. TITRE VI. Des rapports de la nation française avec les nations étrangères. « La nation française renonce à entreprendre aucune guerre dans la vue de faire des conquêtes, et n’emploiera jamais ses forces contre la liberté d’aucun peuple. « La Constitution u’admet point de droit d’aubaine. « Les étrangers établis ou non en France succèdent à leurs parents étrangers ou français. «< Iis peuvent contracter, acquérir ou recevoir des biens situés en France, et en disposer de même que tous citoyens français, par tous les moyens autorisés par les lois. « Lrs étrangers qui se trouvent en France sont soumis aux mêmes droits criminels et de police que les citoyens français : leur personne, leurs biens, leur industrie, leur culte, sont également protégés par la loi. « Les colonies et possessions françaises, dans l’Asie, l’Afrique et l’Amérique, ne sont pas comprises dans la présente Constitution. « Aucun des pouvoirs institués par la Constitution, n’a le droit de la changer dans son ensemble ni dans ses parties. « L’Assemblée nationale constituante en remet le dépôt à la fidélité du Corps législatif, du roi et des juges, à la vigilance ces pères de famille, aux épouses et aux mères, à l’affection des jeunes citoyens, au courage de tous les Français. (Vifs applaudissements.) <> A l’égard des lois faites par l’Assemblée nationale, qui ne sont pas comprises dans l’acte de Constitution, et des lois antérieures auxquelles die n’a pas dérogé, elles seront observées tant qu’elles n’auront pas été révoquées ou modifiées par le pouvoir législatif. ( Applaudissements répétés.) « Signé : Les membres des comités de Constitution et de révision : « Target, Briois-Beaumetz, Tiiouret, Adrien Duport, Barnave, Le Chapelier, Alexandre Lameth, Talleyrand-Périgord, Démeunier, Rabaut, Emmanuel Sieyes, Pétion, Buzot. « Nota. — M. Stanislas Clermont-Tonnerre est absent par congé. » M. le Président. M. de La Fayette a demandé la parole. Je la lui donne. M. de ILa Fayette. Depuis longtemps, Messieurs, les vœux du peuple appellent cet acte constitutionnel, qui, formé d’après la mesure des lumières actuelles, paraît ne plus admettre de délais utiles, et que tout, au contraire, nous invite à lixir. G’est lorsque tant de passions combinées s’agitent autour de nous, qu’il convient de proclamer ces principes de liberté et d’égalité, au maintien desquels chaque Français a irrévocablement dévoué sa vie et son honneur. L’Assemblée pense aussi, sans doute, qu’il est temps que nous donnions à toutes les autorités constituées le mouvement et l’ensemble ; que la nation ait auprès des gouvernements étrangers un organe constitutionnel, afin de leur demander les nombreuses explications qu’ils nous doivent; que le sommeil des fonctions royales cesse, et que la confiance mutuelle puisse renaître. Je ne vous parlerai point de ces devoirs pénibles que la patrie a eu droit d’attendre de moi, parce que tous les genres de dévouement lui sont dus, mais dont il m’est du moins permis de calculer impatiemment la durée. Je propose, Messieurs, que le comité de Constitution soit chargé de préparer un projet de décret sur les formes d’après lesquelles l’acte constitutionnel, aussitôt qu’il aura été définitivement décrété, sera présenté, au nom du peuple français, à l’examen le plus indépendant, et à l’acceptation la plus libre du roi. ( Vifs applaudissements.) (L’Assemblée adopte par acclamations la proposition de M. de La Fayette.) En conséquence, le décret suivant est mis aux voix : « L’Assemblée nationale charge son comité de Constitution de préparer un projet de décret 218 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [S août 1*791.] sur les formes d’après lesquelles l’acte constitutionnel, aussitôt qu’il aura été définitivement décrété, sera présenté, au nom du peuple français, à l’examen le plus indépendant, et à l’acceptation la plus libre du roi. » (Ce décret est adopté.) M. le Président annonce l’ordre du jour de la séance de demain. La séance est levée à trois heures et demie. ANNEXE A LA SÉANCE DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE DU VENDREDI 5 AOUT 1791. OBSERVATIONS de M. Bonchotte, député à l'Assemblée nationale , sur la nécessité de joindre deux titres à la Constitution : l'un sur l'état des personnes; l’autre sur le culte religieux. J’admire le travail des rédacteurs du projet de la Constitution française; mais après l’avoir examiné et lui avoir rendu justice, je me suis dit que le comité, en vous proposant de revenir sur quelques articles déjà décrétés, et notamment sur les conditions de l’éligibiité, auraitpu vous proposer également l'addition de deux titres qui m’ont paru bien intéressants. Le premier eût fixé l’état des personnes. Le second eût traité du culte religieux. Je rapporterai succinctement les causes sur lesquelles je fonde mon opinion ; et j’oserai offrir un projet de ces deux titres. Si mes motifs sont trouvés justes, il ne sera question que de savoir si quelque membre n’a pas de rédaction, préférable à proposer, et je me féliciterai de lui avoir fourni l’occasion de la présenter. DE L’ÉTAT DES PERSONNES. L’état des personnes est la première partie du droit de chaque nation. Les principes qui fixent l’état des personnes ont été pour plusieurs peuples, une véritable Constitution. C’est effectivement, non seulement, l’existence civile et politique dii citoyen, mais c’est principalement son existence domestique qui forme la Constitution d’un Etat libre. Vous avez bien ôté aux ministres et aux exécuteurs des ordres arbitraires, le droit de disposer des personnes; mais vous n’avez rien fait et vous n’avez donné à chaque citoyen le droit de disposer de lui-même d’une manière conforme à l’intérêt de société. Ce ne sont point des lois que je propose de faire, ce sont des principes inhérents à votre Constitution que je vous propose de décréter. Le droit de disposerde sa personneestlepremier des droits de l’homme, soit qu’il soit parfaitement libre, soit qu’il soit en société. Le citoyen ne peut être gêné dans l’exercice de ce droit, que lorsque le mode d’en user est nuisible à la société. Les bases générales de cette partie du droit tiennent essentiellement à la Constitution. Il est donc à désirer que l’Assemblée nationale constituante les fixe C’est pour le bonheur du genre humain que les régi s du droit ont été créées. Les lois ne traitent des choses que relativement aux personnes; elles ne traitent des actes par lesquels les hommes s’engagent entre eux, que relativement aux promesses etauxehoses; et quand elles s’occupent de ces dernières, l’intérêt des personnes est le seul qu’elles doivent envisager. Ces bases posées, les Assemblées législatives qui nous succéderont, dicteront les lois qui doivent faire le complément du bonheur des Français, que vous avez fondé. Mais s’il était possible que vous laissiez à ces Assemblées législatives, le droit de disposer des personnes, sous le prétexte de lois qui les auraient pour objet, craignez, Messieurs, que ce portique de la législation ne sape la véritable liberté, celle que le citoyen doit respirer dans ses foyers, celle qui augmentera son goût pour la liberté que vous lui avez créée. Et si vous prenez ce parti, quel embarras pour vos successeurs? Les lois à faire sur les successions, les testaments, les donations, seront-elles assises sur le principe que tous les enfants sont égaux entre eux, ou qu’il est libre au père de détruire cette égalité ? Les lois à réformer sur la faculté d’exhéréder conserveront-elles le principe, que les enfants majeurs qui se sont mariés sans le consentement de leur père et mère, sont dans le cas de l’exhérédation, parce qu’ils ont épousé une femme ou un mari d’une famille moins illustre, ou parce qu’ils ont préféré une alliance vertueuse et pauvre à celle que l’avarice de leurs parents leur offrait ? Les lois sur les conventions matrimoniales, sur la dissolution de la communauté entre époux, sur les douaires, les préciputs, etc., demandent pour préliminaire indispensable que vous décidiez si le divorce sera remis en usage, d’après les lois civiles qui l’établirent ; lois en vigueur pendant 12 siècles du christianisme; lois qui n’ont jamais été révoquées. Cette question décidée lixera l’opinion des législatures suivantes sur ces questions secondaires qui lui resteront à décider : comment l’adultère sera-t-il puni? Qui accusera de ce délit? Quelles sont les autres causes de dissolution du mariage? La séparation de corps ne doit-elle pas être prescrite comme impoliiique et immorale ? j’ajouterai de plus comme illégale? Les lois qui doivent réformer celles relatives aux secondes noces, attendent également la décision, de cette première question, pour que les prochaines législatures déterminent si les noces sub-équentes au divorce seront plus ou moins favorisées que celles qui suivent la mort de l’un des conjoints. Des droits des maris et des femmes, je passerai à ceux des pères et mères et des enfants. Que de lois à faire sur cette matière ! Existe-t-il une puissance paternelle que des enfants mal instruits s’entendront dire avoir été anéantie par vos décrets? Laissez, laissez aux législatures qui vous suivront, le soin de faire les lois pour fixer l’exercice de cette jouissance, mais dites qu'elle existe, et que le code des droits de l’homme contienne encore cette moralité. Légitimez les enfants qui ne sont pas cause du vice de leur naissance, et que le préjugé n’ose plus prétendre, que de ce que vous n’avez pas prononcé pour eux, vous avez laissé subsister