4S8 [Gouventiou national*.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES j 1 1 f 14 décembre 1793 frappante pour avoir besoin du moindre dévelop - pement ; 3° il est des fonctionnaires publies qui ont été et sont encore retenus par la force, dans les lieux où ils étaient employés avant l’invasion de l’ennemi : doit-on leur appliquer le décret du 17 septembre? Oui, si avant l’invasion ils étaient connus, soit pour mauvais citoyens, soit pour indiffé¬ rents au succès de la révolution. Dans le cas contraire, non. Les motifs de cette distinction se font sentir d’eux-mêmes. Dans la première hypothèse, on doit croire que c’est par le fonctionnaire lui-même qu’a été provoquée la violence employée contre lui, pour l’empêcher de rentrer dans le territoire non envahi de la République. Dans la seconde, c’est le patriotisme qui est persécuté : la loi lui doit protection, elle ne peut pas le punir; et la Convention nationale s’est déjà expliquée clairement à cet égard, lorsque, par son décret du 22 septembre, elle a ordonné que les filles de Pourtalès, ex -maire de Valen¬ ciennes, seraient arrêtées à Saint-Quentin, et gardées pour otages de deux administrateurs patriotes du district de Valenciennes (Goffart et le Moine ) que les lâches royalistes de cette dernière ville y retiennent en état d’arrestation, depuis la veille de l’évacuation de la place. Après avoir déterminé le véritable sens des décrets des 7 et 17 septembre, votre comité s’est occupé des moyens de le mettre en exécu¬ tion; et à cet effet, il a cherché un mode de pro¬ céder qui fût à la fois simple, expéditif, terrible pour le crime et salutaire pour l'innocence : a-t-il été assez heureux pour le trouver? c’est à la Convention nationale à en juger. Nous vous proposons d’abord de faire dresser des listes des personnes mises hors de la loi par les décrets dont il s’agit, à peu près dans la même forme et de la même manière qu’ont été dressées les listes des émigrés. Si cette idée obtient votre suffrage, les listes seront impri¬ mées, publiées et affichées; les personnes qui y seront portées auront un mois pour réclamer; mais elles ne pourront faire admettre ni juger leur réclamation, si elles ne se sont mises en état dans la maison de justice du tribunal cri¬ minel du département dans l’étendue duquel elles sont prévenues d’avoir trahi la République. * Ces personnes devraient, à la rigueur, être renvoyées devant le tribunal révolutionnaire, à Paris; mais indépendamment des dépenses excessives qu’entraînerait cette mesure, elle aurait l’inconvénient de soumettre des affaires à un juré qui n’aurait pas les connaissances par¬ ticulières et locales qu’en exige le jugement; et cette considération nous a déterminés à vous proposer d’établir, pour les juger, un juré spé¬ cial et révolutionnaire, près du tribunal crimi¬ nel de chacun des départements dans lesquels les armes étrangères ont fait quelques progrès. Ce juré pourrait être nommé dans la forme prescrite par le titre 1 1 de la loi du 16 septembre 1791, sur 'la procédure criminelle; mais il nous a jparu plus sûr d’en attribuer le choix aux représentants du peuple près les armées. [Eclai¬ rés par les sociétés populaires sur le caractère, la moralité et le patriotisme des citoyens qu’ils nommeront, ils seront plus à portée que per¬ sonne de n’élever, à cette fonction délicate, que des :hommes dignes de I’exercèr. A l’égard des individus qui n’auront pas réclamé dans le mois contre la liste dans laquelle ils se trouveront inscrits d’après les décrets des 7 et 1 7 septembre, leursoTt doit être le même que celui des émigrés. Ainsi, il n’y aura jamais à examiner, lorsqu’ils seront pris, qu’une seule question : celle de savoir si le prévenu est la personne dont la mise hors de la loi est constatée par la liste. Et si elle est décidée à l’ affirmative, l’individu arrêté sera sur-le-champ livré à l’exécuteur des juge¬ ments criminels. En résumant, on voit que notre mode de pro¬ céder, à l’égard des personnes mises hors de la loi par les décrets des 7 et 17 septembre, se réduit à trois points : 1° Liste contre laquelle on no pourra récla¬ mer que dans le mois de sa publication; 2° Juré spécial pour juger révolutionnaire:- ment ceux qui auront réclamé dans le mois ; 3° Application de la loi des émigrés à ceux qui auront laissé écouler le mois sans réclamer. Projet de décret. « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de législa¬ tion sur le mode de procéder à l’égard des indi¬ vidus qui, assez perfides ou assez lâches pour trahir leur patrie de l’une ou de l’autre manière énoncée dans les décrets des 7 et 17 septembre 1798, ont, par cela seul, encouru les peines prononcées par le code pénal et la loi du 10 mars 1793, contre les auteurs et complices de tout crime contre-révolutionnaire, décrète oe qui suit : Art. 1er. « En exécution du décret du 7 septembre 1793, tous Français, qui out accepté ou qui acepteraient des fonctions publiques dans les parties du territoire de la République envahies par les puissances étrangères, sont hors de la loi. Art. 2. « Sont exceptés ceux qui prouveraient qu’ils n’ont accepté ces fonctions que par contrainte ou forcé majeure. Art. 3. « Cette preuve ne sera admise qu’en faveur de ceux qui y joindront celle d’un patriotisme publiquement reconnu, et qui n’auront accepté ou exercé ces fonctions qu’antérieurement à la promulgation du décret du 7 septembre 1793. Art. 4. « Conformément au décret du 17 septembre 1793, tout Français employé au service de la République ou jouissant de ses bienfaits, qui après l’invasion du lieu, soit de sa résidence, soit de l’exercice momentané de ses fonctions, n’est pas rentré aussitôt dans le territoire non envahi de la République, est hors de la loi. Art. 5. « Sont compris dans cette disposition les administrateurs tant de département que de district, les officiera municipaux, les notables, les [ConvciïTîon national*.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. .{ » SmbreVi 499 juges, les assesseurs des juges de paix, les gref¬ fiers des tribunaux, les officiers militaires avec troupes ou sans troupes, les agents de la régie nationale, ceux des administrations des armées, et généralement tous les fonctionnaires publics salariés ou non par la nation, sous quelque déno¬ mination qu’ils soient connus, tous les employés •au service de la République, en quelque partie «que ce soit, et tous les pensionnaires de l’État. Art. 6. « Cette disposition ne pourra néanmoins s’appliquer aux fonctionnaires publics non sala¬ riés par la nation, à l’égard desquels l’invasion du lieu de leur résidence ou de l’exercice momen¬ tané de leurs fonctions aura précédé la pro¬ mulgation du présent décret dans le chef-lieu du département, pourvu qu’il n’y ait à leur charge aucun fait particulier d’incivisme. Art. 7. « Sont également exceptés ceux qui prouve¬ ront que leur rentrée dans le territoire non envahi de la République a été empêchée ou retardée par des actes non interrompus de vio¬ lence ou force majeure. Art. 8. « Cette preuve sera admise, soit que l’inva¬ sion ait précédé ou suivi la promulgation du décret du 17 septembre; mais elle ne pourra l’être qu’en faveur de ceux qui y joindront la preuve d’un patriotisme publiquement reconnu. Art. 9. « Les excuses résultant des preuves men¬ tionnées dans les articles 6 et 7 ci-dessus ne pourront être alléguées que devant les tribu¬ naux criminels, ainsi qu’il sera dit ci-après. Art. 10. « Il n’est innové en rien, par les artioles pré¬ cédents, à l’exception portée par l’article 3 du décret du 17 septembre, en faveur des offi¬ ciers de santé qui ont été chargés du traitement des malades restés dans les lieux envahis; et cette exception est déclarée commune à ces malades eux-mêmes. Art. 11. « Dans la décade de la publication du présent décret, les administrateurs des districts, qui ont été ou se trouvent encore occupés en partie par les armées ennemies, formeront, d’après leurs connaissances personnelles et les rensei¬ gnements qui leur seront fournis par les bons citoyens, des listes contenant les noms, pré¬ noms, professions et derniers domiciles des indi¬ vidus mis hors de la loi et déclarés traîtres à la patrie par les décrets des 7 et 17 septembre * Les listes indiqueront les biens reconnus pour appartenir à ces individus, en quelque lieu qu’ils soient situés, et les fermiers ou locataires ■qui les occupent ou exploitent. Art. 13. « Des listes seront communiquées par les administrations de district à toutes les Sociétés populaires de leur arrondissement. Art. - 14. « Dans la décade suivante, les administra¬ tions de district adresseront ces listes au direc¬ toire de leur département, qui en formera aus-sitôt une liste générale, en y faisant toutes les additions qu’il appartiendra, d’après les renseignements qui lui seront parvenus. Art. 15. « Dans la décade qui suivra la réception des listes particulières, la liste générale sera impri¬ mée, publiée et affichée dans toute l’étendue du département, et il en sera envoyé des exemplaires certifiés au ministre de l’intérieur, au ministre de la guerre, au ministre de la justice, au mi¬ nistre des contributions publiques et A l’admi¬ nistrateur des domaines nationaux. Art. 16. « Il sera fait, pour la recherche, le recouvre¬ ment et la conservation des biens des individus compris dans cette liste, les mêmes diligences et les mêmes poursuites que pour la recherche, le recouvrement et la conservation des biens confisqués sur les émigrés et sur les personnes condamnées nominativement pour crimes con¬ tre-révolutionnaires. Art. 17. « Après un mois, à compter de la publication et de l’ affiche de la liste dans T arrondissement de l’administration de département qui l’aura dressée, nul ne sera admis à réclamer comme y étant porté mal à-propos; et sa réclamation ne sera pas reçue, même dans le mois, s’il ne s’est mis en état dans la maison de justice du tribu¬ nal criminel de ce département. Art. 18. « Le délai ci-dessus ne courra, à l’égard de ceux qui auront été retenus par force majeure dans les pays envahis, qu’à compter du jour où la force majeure aura cessé. Art. 19. « Les réclamations de ceux qui se seront mis en état, de la manière et dans le délai détermi¬ nés par les articles précédents, seront portées immédiatement au tribunal criminel, et sou¬ mises à un jury spécial de jugement. Arc. 20. « Pour former ce jury, il sera dressé, par les représentants du peuple près l’armée dans l’ar¬ rondissement de laquelle se trouvera le tribu¬ nal, un tableau de vingt citoyens, sur lequel il en sera tiré dix au sort pour chaque affaire. 460 [Convention nationale]. ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j \\ Art. 21. « Après le débat, le président posera les ques¬ tions qu’il y aura lieu de décider, soit pour faire l’application des peines portées par les décrets des 7 et 17 septembre 1793, soit pour acquitter le réclamant. Art. 22. « Il ne sera point posé de question intention¬ nelle sur les faits qui auront été articulés dans le débat. Art. 23. « Il ne sera reçu d’autre excuse de la part du réclamant, que celle de la violence ou force majeure, dans les cas déterminés par les articles 2, 3, 7 et 8 ci-dessus. Art. 24. « Chacun des jurés énoncera son opinion publiquement et à voix haute. Art, 25. « Les déclarations du jury seront formées à la majorité des voix; et les jugements qui inter¬ viendront en conséquence ne seront en aucun cas sujets à cassation. Art. 26. « A l’égard des individus qui, étant compris dans la liste ordonnée par l’article 13 ci-dessus, et n’ayant pas réclamé dans le délai fixé par l’article 17, pourraient être saisis et mis en état d’arrestation, il sera procédé contre eux dans la forme prescrite par la section xii de la loi du 28 mars 1793 et par celle du 13 sep¬ tembre suivant, sur les émigrés. » II. Lettre des juges et commissaire national DU TRIBUNAL DU DISTRICT DE DlEPPE, AU SUJET DU TRIBUNAL DEVANT LEQUEL DOI¬ VENT ÊTRE RENVOYÉES LES PARTIES APPE¬ LÉES A SE POURVOIR SUR LES CONTESTATIONS QUI S’ÉLÈVENT DE LA PART DU CONJOINT CONTRE LEQUEL LE DIVORCE EST DEMANDÉ (1). Suit le texte de cette lettre d'après un document des Archives nationales (2). (1) La lettre des juges et commissaire national du tribunal du district de Dieppe n’est pas men¬ tionné au procès-verbal de la séance du 24 frimaire an II; mais en marge du document qui existe aux Archives nationales, on lit la note suivante : « Ren¬ voyé au comité de législation le 24 frimaire, 2* année de la République. » (2) Archives nationales, carton Dm 169, dossier Dieppe. Au citoyen Président de la Convention nationale. « Dieppe, le primidi de la dernière décade de frimaire de l’an II de la République française, une et indivisible. « Citoyen Président, « L’article 8 de la 5 e section du titre 4 de la loi du 20 septembre 1792, qui détermine le mode de constater l'état civil des citoyens, enjoint à l’officier public chargé de prononcer le divorce, de renvoyer les parties à se pourvoir, sur les con¬ testations qui s’élèvent de la part du conjoint contre lequel le divorce est demandé. (Cet article paraît avoir son application à toutes espèces de demandes en divorce sur lesquelles il s’élève des contestations devant l’officier public, mais il ne dit point devant quel tribunal le pourvoi doit avoir lieu et si le tribunal compétent doit pro¬ noncer en dernier ressort, ou à charge d’appel.) « En rapprochant cet article des autres dispo¬ sitions de la loi et de celle du même jour, qui détermine les causes, le mode et les effets du divorce, nous avons pensé que ce défaut d’indi¬ cation du tribunal donnait lieu à interprétation de la loi dans l’ affaire où nous avons rendu le jugement dont expédition est ci-jointe, et nous nous empressons, citoyen Président, de nous conformer à l’article 12 du titre 1er de la loi du 24 août 1790, en nous adressant à la Conven¬ tion nationale pour obtenir cette interprétation. « Nous profitons de cette circonstance pour renouveler à la Convention nationale l’expres¬ sion des sentiments républicains qui nous ani¬ ment. « Les juges et commissaire national, du district de Dieppe, département de la Seine-Inférieure, « Bourdon, président; Delestret; Gourdin; Rolland; Subert. » III. Décret portant que les biens confisqués AU PROFIT DE LA RÉPUBLIQUE, QUELLE QUE SOIT LA CAUSE DE LA CONFISCATION, SERONT ADMINISTRÉS COMME BIENS NATIONAUX PRO¬ VENANT DES ÉMIGRÉS (1). Compte rendu du Bulletin de la Convention (2). « La Convention nationale, après avoir en¬ tendu ses comités de législation, d’alimentation et des domaines, décrète ce qui suit : (1) Ce décret n’est pas mentionné dans le procès-verbal de la séance du 24 frimaire an II; mais il est inséré tout au long dans le premier supplément du Bulletin de la Convention de cette séance et, d’autre part, il y est fait allusion dans le compte rendu de la même séance publié par le Journal de la Montagne. Voici en quels termes s’exprime ce journal : « Sur la proposition du comité de législation, la Convention décrète une longue série d’articles, por¬ tant en substance que les biens confisqués au profit de la République, pour quelque cause et de quelque manière que ce soit, seront régis, administrés, liqui¬ dés et vendus comme les biens nationaux provenant des émigrés ». — Il est probable que ce décret fut présenté dans la séance du 24 frimaire et adopté deux jours après, car nous le retrouvons dans le procès-verbal de la séance du 26 frimaire. Voyez ci-après page 527. (2) Premier supplément au Bulletin de la Conven¬ tion du 4e jour de la 3e décade du 3* mois de l’an II (samedi 14 décembre 1793).