SÉANCE DU 14 BRUMAIRE AN III (4 NOVEMBRE 1794) - N°s 28-29 405 AFFAIRES NON MENTIONNÉES AU PROCÈS-VERBAL 28 Un secrétaire lit la pièce suivante : Citoyens Représentans, Les défenseurs de la patrie, casernés rue Babylone, venus à Paris pour avoir guérison de leurs blessures, vous expriment que leur traitement, qui est de 36 sols par jour, ne pouvant leur procurer les moyens de subsister, eu égard à la cherté des denrées, ils implorent de votre sollicitude et bienfaisance, citoyens représentans, une augmentation de paie, pour les mettre à l’abri de manquer du nécessaire. S’ils ont de la peine à se sustenter à Paris, avec ce traitement, ils sont fondés de croire qu’ils le pourront encore moins en route, où les voyageurs éprouvent une cherté exorbitante pour vivre. Ils espèrent que vous voudrez bien prendre en considération leur réclamation, en fixant un moment vos regards paternels sur des citoyens qui n’ont pas cessé de mériter de la patrie. Comme aussi, les exposans vous observent, citoyens représentans, que les officiers de santé, préposés à leur traitement, les reçoivent durement, et sans vouloir examiner leurs papiers, d’où il résulte qu’ils n’ont pas les égards ni les soins qu’exigent leurs infirmités recommandables à la patrie. C’est pourquoi ils vous adressent leurs voeux, citoyens-représentans, en vous suppliant d’ordonner que la fraternité et l’humanité, dont vous donnez sans cesse les plus grands témoignages, seront observées à leur égard, et à l’égard de tous leurs frères d’armes : leur recon-noissance égalera le zèle et le patriotisme qui les animent. Vive la République. Suivent les signatures. La Convention nationale renvoie cette pétition au comité Militaire et des Secours, pour statuer dans le plus bref délai (113). 29 [HARMAND] (114)[Un membre de la députation de la Meuse] (115) : Plus de deux cents victimes, dans le département de la Meuse, ont été traînées sur les bords de la Loire, et attendent le moment qui doit achever leur déportation [prononcée contre le voeu de la loi, par le (113) Débats, n° 772, 633-634. Mess. Soir, n° 809. (114) J. Mont., n° 22. J. Paris, n° 45; J. Fr., n° 770; Mess. Soir, n° 809. (115) Ann. R. F., n° 44. représentant du peuple, Mallarmé, alors en mission dans le département de la Meuse] (116); je viens aujourd’hui demander à la Convention de prononcer en leur faveur un sursis. La plupart ont satisfait à la loi, et n’en sont pas moins compris dans cette mesure; cependant cette mesure terrible, cette déportation entraîne dans les plus grands malheurs des sans-culottes, qui se trouvent dépouillés, ainsi que leurs familles, par l’effet de cette loi. Je ne viens point ici prendre leur défense; mais je viens appeler votre attention sur la garantie nationale : si vous pouviez douter du danger de voir la garantie sociale attaquée impunément, je n’aurais qu’à vous rappeler ce qui est arrivé, et ce qui peut encore arriver. Plusieurs de ces hommes ont marché avec les patriotes; plusieurs ont paru à la tête de nos colonnes pour combattre les ennemis de la révolution. C’est par ces considérations seulement que je demande à la Convention d’accorder un sursis à la vente du mobilier et à la déportation de ces hommes. Plusieurs voix : Le renvoi aux comités! *** : Vous avez déjà ordonné à leur égard un renvoi aux comités ; c’est sur la confiance de ce renvoi que plusieurs de ces malheureux sont rentrés. Quel est donc le représentant de la nation qui a pu ordonner une telle mesure? Quelle différence entre cet arrêté et le tribunal de Couthon et de Robespierre? Quelle différence entre cette mesure et celle qu’ordonna le tyran Louis XIV? Ce n’est pas assez faire pour la liberté que de détruire la tyrannie ; il faut faire aimer cette liberté, et ce ne peut être que par la justice. Je ne demande point la liberté de ces hommes condamnés à la déportation; mais je demande qu’ils soient gardés provisoirement dans des maisons de détention. GASTON : Je ne veux point blâmer les vues d’humanité qui viennent de vous être présentées par mon collègue ; elles me paraissent toujours louables, et nous serions aussi enchantés de les pouvoir rendre à la liberté que désespérés de commettre contre eux une injustice ; mais pourquoi vouloir nous faire toujours préjuger en faveur de l’aristocratie, en faveur de cette caste impure de prêtres, auteurs coupables des troubles de la Vendée, qui se sont fait un cruel plaisir de nager dans le sang; en faveur de ces hommes qui ont armé des bras parricides contre leur patrie? Attendrissons-nous sur les maux de la patrie, et non sur ceux de quelques fanatiques, et ne prenons aucune mesure sur les arrêtés des commissaires de la Convention sans avoir entendu ceux qui les ont cru devoir prendre et les motifs qui les ont déterminés. Ne prenons aucun parti en faveur des hommes de sang, des barbares qui ont voulu étouffer la liberté. Si quelques-uns de nos collègues ont été trop loin, vous êtes loin de les approuver, et (116) Ann. R. F., n° 44. 406 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE vous n’avez jamais voulu faire couler le sang des Français. Je demande donc l’ordre du jour sur la proposition qui vous a été faite. REUBELL : Il ne s’agit pas ici des prêtres réfractaires, qui se sont toujours montrés les ennemis de la révolution; leur sort est décidé, ils doivent être mis à mort ; il s’agit de ceux de cette profession qui ont servi la révolution par des vues d’intérêt personnel ou par d’autres motifs ; il s’agit de ceux même qui ont feint de l’embrasser ; mais comme dans le nombre de ces hommes il peut s’en trouver de bonne foi, que dans le nombre de ceux qui ne se sont pas déclarés ouvertement les ennemis de la patrie, et qui ont peut-être consultés leurs intérêts particuliers, il en est peut être plusieurs qui peuvent être dirigés vers un but utile, je ne crois pas que l’Assemblée doive préjuger les mesures que les représentants du peuple ont cru devoir prendre sur les lieux, pour les empêcher de fanatiser les malheureux habitants qui leur avaient accordé quelque confiance. Toutes ces mesures, et les motifs qui les ont déterminées, sont consignés dans des arrêtés qui ont été envoyés à vos comités de gouvernement. {Applaudissements. ) Je demande le renvoi des propositions qui vous ont été faites à vos trois comités. Le renvoi est décrété (117). 30 PELET demande et obtient la parole pour demain au grand ordre du jour, pour présenter par motion d’ordre, des vues sur les moyens d’améliorer nos colonies occidentales, et d’y aviver le commerce (118). (117) Moniteur, XXII, 427-428. J. Mont., n° 22; M. U., XLV, 234 ; Ann. R. F., n° 44 ; Ann. Patr., n° 673 ; C. Eg., n° 808; J. Fr., n° 770; J. Perlet, n° 772; Mess. Soir, n° 809; J. Paris, n° 45; Débats, n° 772, 640; Rép., n° 45; F. de la Républ., n° 45; Gazette Fr., n° 1037; J. TJniv., n° 1804. (118) J. Fr., n° 770. M. U., XLV, 234.