{Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. |11 août 1790.) 718 de ce libelle infâme prend d’ailleurs des mesures certaines pour que nul ne se trompe sur les noms et les qualités de ceux qu’il vous désigne. Ce libelle invite les troupes à l’insurrection, et sa distribution, qu’on dit avoir été faite avec profusion dans les régiments, n’a pu qu’y produire ks plus funestes effets : peut-être même a-t-elle donné naissance aux nouvelles alarmantes dont les tristes récits ont suspendu trop souvent nos délibérations. Les officiers municipaux de Longwy, après avoir dressé procès-verbal, ipirent sous enveloppe ces lettres imprimées, et conduisirent le lendemain, avec un détachement de la garde nationale, les deux particuliers à ia municipalitéde Stenuy. Les officiers municipaux de cette ville, après avoir pris connaissance de l’affaire et fait reconnaître, par M. de Mellet et M. Leblanc, que le paquet cacheté et les lettres imprimées étaient celles saisies sur M. de Me|let par la garde nationale de Longwy, leur firent ..ussijôl subir un interrogatoire. Nous allons vous faire lecture de ce libelle, que nous aurions désiré ens< velir dans un profond oubli, mais qui devient une pièce inséparable du rapport, et dont nous ne pouvons nous dispenser de vous faire part, ainsi que des interrogatoire�. (M. Rousselet lait lecture de ces pièces. Voyez Archives Parlementaires, séance du 3 août.) Après cette lecture, vous ne pouvez vous refuser d’approuver Iq conduite de la municipalitéde Stenay, qui, dans la délibération qu’elle a prise, a agi de concert avec les meinbns du district. D'un coip-mun accord, ils ont ordonné l'emprisonnement de ces deux parti uljers, comme suspects. Ils vous ont auf-sitôt dépêché un tourner, porteur des procès-vt roaux et de l’impr.me, et pour vous instruire u’une découverte qui leur g paru intéressante, et pour que vous punsiez, a uprès l’examen des pièces, piononeer sur le sort des pris n-niers. Nous ob.-erverons, à légard de M. Leblanc, que votre comité ne trouve rieu de répréhensible dans sa coqnuite. Soldat dans la compagnie de M. de Mellet, il Raccompagnait, d’après Iq permission verbale que cet ollkieren avait opteqpe du commandant du régiment, pour, pendant quinze jours que M. de Mellet allait passer chez Mme sa mère, suigner ses chevaux. Cette allégation peut paraître vraisemblable: ce soldat n’avait aucun de ces libelles; il atteste n’avoir point en connaissance que M. de Mellet en fût porteur, et cet officier s’e?t empressé, dès le moment dè leur arrestation, de le disculper des soupçons qu’on pouvait former sur son compte. Au premier aspect, il n’en est pas ue même de M. de Mellet, qui se trouve avoir dans son portemanteau vingt-trois des libelles dont nous avons donné leefure d'un exemplaire: malgré sa déuegaiion dans son interrogatoire, il est difficile de se persuader que son intention ne fût pas de les distribuer. Si rien ne prouve qu’il en ait distribué dans sa route, cette preuve ue serait peut-être pas difficile a acquérir. Elle ne doit pas être négligée dans les circonstances actuelles. Il est difficile de croire que, cuinme il l’a dit, un moiif de commisération pour uu libraire détermine un officier à taire achat de vingt-trois exemplaires de cette lettre, lorsqu’il est notoire que les troupes sont excitees à l’insurrection par tout< s sortes de moyen?, notamment par des productions de celte na ure. Le comité des ru* her-cbes vous pré?eme un projet de décret en ces termes : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des recherches, décrète que son Président se retirera par-devers le roi pour le prier de donner des ordres, pour, en ce qui poncerne M. de Mellet, officier dans le régiment des chasseurs de Flandre, informer, décréter et instruira, jusqu à jugement definitif, sur les faits consignés dans leè procè?-verbaux des municipalités de Longwy et de Stenay, circonstances pt dépendances, par-devant les officiers dn bailliage dp Sedan; pour copies desdites informations êtie adressées à l’Assemblée nationale, et pris par elle tel parti qu’ii appartiendra, à l’éffel de quoi M. de Mellet sera transféré, sous bonne et sûre garde, daDS Ips prisons de Sedan. Lesdits procès-verbaux et pièces y désignées serouf adresse� au procureur du roi dudit bailliage. En ce qui concerne tq. be-blane, l’Assemblée nationale charge égulemeqt sou Président de supplier le roi de faire donner les ordres nécessaires pour son élargissement et sou retour an régiment. » M. de Noailles. Le principal délit, présenté par le comité des recherches, étant la 'distribution. supposée d’un libelle ayant pour titre : « Retire de M. Alexandre de Lamëth, » et ce libelle renfermant un article qui me concerne, je vous demande, Messieurs, la permission dé fixer votre attention sur cei objet particulier. S’il ne s’agissait que de faire connaître à cette Assembfée la pureté de mes intentions et l’exactitude’ de mes démarches, je lui dirais: Jueez-moi. Vous m’avez toujours vu proles?er ies mômes maximes, énoncer le? mêmes opinions, manifester l’amour le plus vrai pour la liberté; mais ces principes trouvent ai.-eiiidit des déum tepr-S et excitent des haines invétérées. On veut nuire non seulement à la chqse pujjlique, niqi.� aux personnes qui la soutiennent, et l’un emploie les plus per fines rqqyens pour parvpu r à ce bu), {Jaus lp Ipfire qui est attribuée à M. de Lumeth, on trouve ce paragraphe: « mais si ce puissant moyen manque son eflet, alors montrez-vous à leurs y eux comme tes dispensateurs des giades et de toutes les fa-veuis militaires ; offri z-leur le rang cie leurs officiers ; engagez-Rs à s’y porter d’eux mêmes et s’élire entre eux, en les assurant que nous les y maintiendrons. Le V. de N... a dû vous écrire déjà pour cet objet, et vous pourrez vous en rapporter à ce qu’il vous mande. » J’ai consigné dans le troisième rapport du comité militaire des principes bien différents de ceux qu’on me prête. On y lit ces mots: «Dans les prupo?iiions qui nous ont été faites, il en est quelques-unes qui demandent pour les soldats l’élection de leurs bas-oificiers. Le comité a pensé qu’il y aurait beaucoup d’inconvenients à rendre lesiulérieurs arbitres de leurs supérieurs, et particulièrement dans les premiers grades. Ce principe introduirait des intrigues et des cabales pour les élections ; et ce droit de suffrage, prenant de l'extension, mettrait la liberté eu danger. L’expérience nous montre la république romaine renversée au moment où les soldats purent choisir leurs chefs. Cette méthode, si elle était suivie, entraînerait la destruction des troupes françaises.» Ou suppose encore que j’ai ralenti le travail de l’année. Sur ces prétendues lettres, je déclare premièrement que je n’ai écrit qu’au régiment du roi, dragons, que j’ai commandé pendant près de six années, et pour lequel j’ai conservé le plus vif aifacbe-uient. Ce régiment, qui s’est lait connaître pendant toute une guene par des actions glorieuses, a conservé, ap milieu, des troubles de Marseille et d’Aix, le plus grand ordre, la discipline ia [ÀBiemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [il août 1790.] plus exacte, le plus grand respect pour les officiers. J’ai cru devoir écrire à M. Bourgeois, son chef estimable, pour lui témoigner mon extrême satisfaction de laconduite distinguée du régime ntdu roi. Le corps qui counuît l’exactitude et la sévé-riié même de mes principes militaires, a bien voulu regarder l’hommage que je lui rendais comme un témoignage flatteur, et il a publié ma lettre dans quelques journaux. Le régiment d’Alsace, chasseurs, dont je suis colonel, a reçu souvent de mes nouvelles. Ce n’étaient pas non plus des reproches que j’avais à lui faire; car ce corps, dans le meilleur ordre et dans la discipline, ne s’est point senti de la Révolution, tant l’esprit du soldat et de l’oflicier y est bon et militaire. Ce régiment, complet en hommes et chevaux, n’a jamais eu de ces comités que vous venez de défendre : jamais il n’a entretenu de ces correspondances que vous venez de détruire; jamais il n’a formé de ces réclamations sur sa masse que vous venez de désapprouver. Ce régiment marche vers Lyon dans ce moment, et je garantis d’avance son courage et son patriotisme. Quant aux lettres qu’on m’attribue, je demande à tous les officiers, à tous les sous-olficiers, à lous les soldats, s’ils en ont reçu ; je demande a mes ennemis de les publier... Si elles sont de moi, elles respireront l’amour de l’ordre, le respect pour les lois, la soumission militaire aux chefs. Je demande en outre à tous les comités de recherches de s’informer de toutes mes démarches, d écouter toutes dénonciations contre moi, et j’ose delier mes ennemis d’élever un soupçon qui puisse former un doute sur ma conduite, comme homme privé, ou comme homme public. Le second reproche qu’on me fait sur le retard du travail de 1 armee, n’est pas plus fondé que le premier; j’ai dit, le 8 août 1789, il y a un an, qu’il fallait que l’Assembiee nationale s’occupât de l’armée; qu’en ne perdant pas un instant à fixer son sort, il était possible de conserver beaucoup de régiments sous une exacte discipline. Je sentais que les premiers égarements de l’armée devaient entraîner »a ruine. J ai toujours annoncé qu'il fallait un travail entier et non des palliatifs. Des remèdes de ce genre ne conviennent ni à la nature de nos maux, ni à notre existence politique, ni à l’immense ouvrage que le corps constituant a entrepris. Résumant mon opinion, je demande qu’on donne lieu à toutes poursuites, a toute perquisition contre moi, quels que soient les torts que l’on puisse m’imputer, et j’annonce d’avance que mes moyens de défense contre la calomnie seront toujouis selon ma conduite et mes principes. (Une grande partie de l’Assemblée applaudit .) M. Alexandre de Lameth. Vous venez d’apprendre, Messieurs, par le rapport du comité des recherches, que l’officier arrêté à Stenay était porteur de 23 exemplaires d une lettre qui m’était attribuée ; cette lettre est le libelle qui vous a été dénoncé par la municipalité de Besançon, et que je vous ai annoncé avoir été répandu avec profusion dans l’armée : quoiqu’il portât mon nom, je n’ai pas cru avoir besoin de me défendre d’en être l’auteur, et je me suis borné à rendre publiques les seules lettres que j’eus?e écrites à l’armée, et dans lesquelles on a pu voir les sentiments que j’ai cherché à inspirer aux troupes. Ayant été instruit de ce qui est arrivé à Steuay, et de i’arresiatiou d'un officier, j ai cru devoir insister auprès du comité des recherches, pour qu’il vous proposât d’ordonner qu’il soit informé 719 avec le plus grand soin sur cette affaire, pour savoir de qui cet officier tenait ces lettres incendiaires, qui pouvait l’engager à parcourir les garnisons, enfin quels sunt les motifs d’une conduite aussi extraordinaire ; j’appuie doue le décret que votre comité vous propose, en vous faisant observer que les libelles qu’on répand dans Paris ne� méritent que le mépris : l’instruction, les lumières du peuple et la connaissance qu’il a du caractère et des sentiments de ceux qu’on y attaque, les rendent sans effet ; il n’en est pas de même des écrits que l’on répand dans l’armée, qui tombent dans les mains d hommes simples et faciles à tromper, et y portent une fermentation qui, dans ce moment, met la chose publique en danger. Je demande que le décret soit adopté. M. Malouet. J’appuie l’avis du préopinant, et je saisis cette occasion pour vous rappeler que vous avez demandé à votre comité un travail pour l’exécution du décret du 31 juillet, sur les libelles. M. IVartinean. Rien n’est plus pressant. Dans une feuille encore publiée sous le nom de M. Marat, on engage les soldats à égorger les officiers; on leur dit qu’ils n’ont pas d’autre moyen d’assurer leur liberté. M. le Président. J’engagerai le comité de Constitution à se rendre incessamment au désir de l’Assemblée. Un membre demande que M. de Mellet soit transféré à Sedan pour que l’instruction de son procès soit fait par-devant les juges de ce bailliage. M. de Lautrec . Il y aurait peut-être à craindre que son arrivée dans une ville de guerre n’excitât de la fermentation parmi les troupes. M. d’Estagnïol. Les régiments qui occupent la place sont ceux de Foix et d’Esterhazy ; ils méritent toute confiance, leur patriotisme est connu et, d’après les témoignages réitérés rendus parles officiers municipaux de la ville, je n’hésite pas à me rendre cauliou de ces troupes. M. Georges propose de substituer Verdun pour les procedures à ordonner. Cet amendement est adopté. En couséqueuce, le décret suivant est rendu : « L’Assemblée nationale décrète que soq Président se retirera devers le roi, pour le prier de donner des ordres nécessaires pour qu’il soit informé, décrété et instruit, jusqu’au jugement définitif, sur les faits concernant le sieur de Mellet, officier dans le régiment des chasseurs de Flandre, et consignés dans les procès-verbaux des municipalités de Longwy et de Stenay, circonstances et dépendances , par-devant les officiers du bailliage de Sedan, pour copies des informations être adressées à l’Assemblée nationale, et pris par elle tel parti qu’il conviendra ; à l’effet de quoi le sieur de Mellet sera transféré, sous bonne et sûre garée, dans les. prisons de Verdun, et les procès-verbaux et pièces ci-.iessus désignes seront adresses au procureur du roi et de ce bailliage; et en ce qui concerne le sieur Leblanc, l'Assemblée nationale charge également son Président de supplier le roi de donner les ordres