584 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES* [28 mai 1791.] M. Démeunier, rapporteur. On ne peut se dissimuler que les administrations de district ne soient d’une utilité majeure dans ce moment-ci. Le préopinant, qui ne peut en disconvenir, a sûrement oublié le décret que vous avez rendu à cet égard. Ce décret est tout ce que vous avez pu fairede mieux, puisque vous avez dit que les frais d’administration seraient à la charge des administrés, et qu’ils émettraient leurs vœux pour la comervation ou pour la réunion de leur district. La proposition du préopinant, qui a déjà été renvoyée à votre comité, se trouve donc par cela même résolue. M. Ramel-Mogaret. Je retire ma proposition. (L’Assemblée, considérant qu’il a été décrété uela première élection se fera dans le chef-lieu u département, renvoie cette question à la por-chaine législature.) M. le Président. On m’annonce la mort de M. Pélissier, député du département des Bouches-du-Rhône, décédé eu la ville de Saint-Rémy, district de Tarascon, le 18 de ce mois. M. Prieur. C’était un excellent patriote. M. le Président indique l’ordre du jour de la séance de demain et lève la séance à trois heures. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. BUREAUX DE PUSY. Séance du samedi 28 mai 1791, au soir (1). La séance est ouverte à six heures du soir. Un membre propose de fixer une séance extraordinaire pour lundi soir, afin de continuer la discussion sur les domaines congéables, dans le cas où la séance d’aujourd’hui ne suffirait pas pour la terminer. (Cette motion est adoptée.) M. de Sillery, au nom du comité des rechercher , fait un rapport sur une dénonciation des sieurs liutteau , Gannet et Gonnard, en soulèvement des travailleurs employés aux ateliers des travaux publics, contre le sieur Thévenot et les sieur et dame de Lacombe et s’exprime ainsi : Messieurs (2), avant de commencer le rapport que je vais vous faire au nom du comité des recherches de l’Assemblée nationale, je dois avoir l’honneur de vous observer qu’étant impérieusement obligé de vous rendre compte des plus petiis détails, je me servirai des mêmes expressions qui sont consignées dans les déclarations. L’affaire dont je vais avoir l’honneur de vous rendre compte, mérite toute votre attention ; quoique nous n’ayons pas une suite de preuves assez complète pour prononcer définitivement, les détails que vous allez entendre, étaient plus que suffisants pour attirer toute la surveillance de votre comité. (1) Cette séance est incomplète au Moniteur. (2) Le Moniteur ne donne qu’un court extrait de ce rapport. Dans l’état de convulsion politique où se trouve maintenant la capitale, les citoyens partagés dans leurs opinionsonl formé successivement plusieurs associations différentesetanaloguesàleurs principes. La majorité des citoyens, qui heureusement veut le bien publie, a fait peut-être trop d’attention au rassemblement de quelques sociétés éphémères, qui se seraient évanouies d’elles-mê nés, et qui n’ont acquis quelque importance que par les contrariétés qu’on leur a fait éprouver. Je compare les sociétés naissant des circonstances, professant des principes différents au vœu reconnu de la nation, à une véritabl�émeute populaire, qui se forme sans projet, qui se grossit par l’exemple, et qui se dissipe à la moindre réflexion d’un homme de bien. Le comité des recherches, dans les premiers jours de mars, fut informé qu’il se tramait dans la capitale un complot dangereux. A cette époque une société, connue sous le nom de Club monarchique, fixait l’attention de tous les citoyens de Paris. Elle était accusée de professer des principes entièrement opposés à ceux des citoyens, et déjà plusieurs fois on avait cherché à troubler ses séances. En vous rendant compte, Messieurs, des faits matériels sur lesquels vous devez prononcer, il e>t du devoir des législateurs qui font un rapport qui doit être public, d’improuver tout ce qui est coupable; et quoique les motifs qui souvent ont déterminé le peuple à se porter en foule pour s’opposer au rassemblement de quelques-uns d’eux, paraissent excusables, il est de notre devoir del’avertir qu'il commet une grande faute quand il se livre à ces mouvements tumultueux ; qu’ils sont diamétralement opposés à la liberté qu’il idolâtre, et que nous sommes résolus de défendre au péril de notre vie; que toutes les voies de rigueur aigrissent les esprits au lieu de les calmer; et qu’en fait d’opinion, il faut plaindre ceux qui se trompent et atiendre du temps, la persuasion, le calme et la tranquillité. M. Rutteau, ci-devant employé eu qualité de premier lieutenant au régiment de Namur, au service des Etats Belgiques, et muni de certificats authentiques, qui attestent son honneur et sa piobité, de retour à Paris, a également rendu les plus grands services à l’époque de la Révolution, ainsi que le prouve une attestation dé la section de l’Hôtel de Ville, signée Foréau , président de la section, et d’un très grand nombre de citoyens; il obtint ensuite une place de piqueur dans l’atelier des travaux publies de Vaugirard, dont le sieur Thévenot était le chef. Dans cette nouvelle fonction ayant occasion de voir fréquemment le sieur Thévenot, celui-ci, suivant son rapport, le distingua et lui fit quelques ouvertures pour connaître sa façon de penser. Rutteau soupçonnant quelques intrigues, répondit au sieur Tnévenot de manière à pouvoir mériter sa confiance. Le détail de toutes les conversations du sieur Rutteau avec le sieur Thévenot, est consigné dans une suite de déclarations signées du sieur Rutteau dont je vais vous donner un extrait. Les déclarations du sieur Rutteau ne sont que le récit qu’il assure être fidèle, de ses conversations avec le sieur Thévenot, dont il avait gagné la confiance. Votre comité, Messieurs, croit ne devoir faire aucune réflexion sur les détails qufil va vous donner ; vous jugerez vous-mêmes de l'importance des déclarations dont vous allez avoir la connaissance. Nous avons différé pendant quelque temps le rapport que nous devions vous en faire; il [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [28 mai 1791.] était nécessaire d’acquérir des preuves, que la publici'é prématurée des déclarations nous a empêchés d’acquérir; et malgré notre surveillance, vous jugerez par nos conclusions qu’elles ne sont pas encore assez complètes pour prononcer délinitivement. Cependant plusieurs personnes sont arrêtées, et il est absolument nécessaire de statuer sur leur sort. Les citoyens de Paris, qui ne peuvent juger des affaires, avec le calme de votre comité, dont le premier devoir est d’être impartial, mettent à cette affaire une grande importance; mais c’est devant vous, Messieurs, que tous les complots devant s’anéantir, toutes les affaires doivent être jugées sans passion, et c’est à vous à fixer l’opinion publique. Suivant la déclaration du sieur Rutteau, du 16 mars 1791, qu’il remit à M. Dumaz, commandant de la garde nationale de Vaugirard, le sieur Thévenot lui dit, en le rencontrant : « Hé ! bien, mon cher, nos affaires, quoiqu’un « peu retardées, vont bien; le roi a eu un mau-« vais con sel, mais nous allons lui en donner « un autre ; nous avons 10 fermiers généraux « qui se coalisent ensemble pour nous fournir «des fonds, et tout ira bien pour nous; je « compte en recevoir ces jours-ci, et nous irons « ensemble faire le tour ne Paris ; j’ai beaucoup * d’hommes répandus dans les ateliers : nous « irons en prendre une note, nous leur distri-« huerons quelques papiers et de l’argent, en-« suite nous leur dirons de se tenir prêts jusqu’à « mon retour. » Rutteau lui répondit : « Vous « allez donc en campagne, vraisemblablement « c’est pour gagner du monde dans les provin-« ces. » Thévenot lui répond : « Vous l’avez de-« viné, je dois recevoir 200,000 livres que nous « aurons à distribuer entre nous deux; moi j’irai « en province, et vous, vous me remplacerez « ici avec les fonds que je vous laisserai ; vous « donnerez de temps en temps des gratifications « à nos gens, et je vous conduirai et vous pré-« seuterai à ceux qui sont chargés de donner « les écrits et l’argent pour distribuer, et c'est « là où vous irez tous les jours chercher ce qui « est nécessaire. Voilà des écrits, ne manquez « pas, je vous prie, des les distribuer surtout à « vos Brabançons , sur lesquels nous comptons. » Rutteau, ainsique je vous l’ai annoncé, a servi en Brabant, et il avait assure le sieur Thévenot qu’il y avait à Paris une trentaine de Brabançons sur lesquels il pouvait compter. « Nous n’avons pas à nous fier, continue Thévenot, à la garde nationale ; d’ailleurs, quelques coups de canon à mitraille auront bientôt dissipé cette canaille; les autres iront se cacher, et nous aurons victoire complète. D’ailleurs, une fois le roi rentré dans ses droits, l’ordre judiciaire est déjà prêt, et quelques exemples feront rentrer les mutins sous l’obéissance et sous le poids de l’autorité que nous devons donner au roi. ;> « Croyez-vous, lui dit Rutteau, que cela puisse encore durer longtemps? » Et Thévenot lui répond : « Oji, attendu qu’il faut me donner le temps de nous assurer üe quelques provinces. » Ils projettent ensemble une correspondance exacte, et Thévenot promet à Rutteau une fortune brillante. Ce premier entretien est, ainsi que sont les autres, signé du sieur Rutteau — Coté n° 1 aux pièces, La seconde pièce, cotée A, est datée du 22 février 1791. 11 paiait que c'est une erreur, parce que i’eutretien suivant, qui est libellé sur la même 585 feuille, et qui n’est qu’une continuation du précédent, est daté du 23 mars. Dans ce second entretien, Thévenot témoigne à Rutteau quelques inquiétudes sur sa santé, ayant été plusieurs jours sans le voir; il l’engage de ramasser, pour le vendredi suivant, une trentaine d’hommes, sans leur dire le fin mot , et de se trouver à un endroit qu’il leur indiquera. « Vous leur direz seulement que vous voulez leur payer une bouteille de vin, et leur donner à souper; cela suffira, sans leur en dire davantage. » Rutteau répond qu’ayant tout perdu à la Révolution, il est saris argent, et qu’il en faut pour faire des offres pareilles. Thévenot assure qu’il lui donnera, le vendredi matin, soixante livres, et davantage si cela ne suffisait pas. Thévenot annonce qu’il y aura un conseil le vendredi chez le roi, et que c’e-t d’après ce conseil que l’on saura ce qu’il y a à faire ; que l’on y décidera aussi pour donner de l’argent, et que tout ira en règle, de manière que cette opération ne manquera pas; qu’il n’y aura encore rien à faire, et que ce premier mouvement n’est seulement que pour que ces messieurs les voient. Rutteau se sépare après celte conversation, en assurant le sieur Thévenot de sa fidélité et de sa bravoure. Cette seconde déclaration est signée Rutteau. Le 23 mars, le sieur Thévenot, en arrivant à son atelier de Vaugirard, Me de la Procession, s’est approché du sieur Rutteau et lui a demandé s’il était sûr de son monde; à quoi le sieur Rut teau a répondu : « Oui ; pour quel jour? à quelle heure ? en quel lieu? « Thévenot lui répond : « Je vous le dirai demain, parce que je recevrai les ordres: ce qu’il y a de sûr, vous les tiendrez prêts pour vendredi, sans faute; je vous donnerai la consigne et de l’urgent. » Rutteau répond : « A la bonne heure ! Mais savez-vous, à peu près, ce qu’il y aura à faire ? » Thévenot lui répond... : « Ecoutez, environ 600 bonnes épées se trouveront au conseil privé du roi; c’est plutôt pour nous faire voir de ces messieurs que pour autre chose-, car il n’y a encore rien. Mais c’est de là que sortira le coup d’éclat, ou du moins les ordres pour le faire. » Rutteau lui demande s’il ne pourrait pas lui donner le (dan de cette affaire, ou plu ôt celui de l’exécution. Thévenot assure qu’il faut attendre encore quelque temps. Rutteau suppose un projet, et veut faire part de ses soupçons à Thévenot, qui l’écoute. Il débite un px-ojet de contre-révolution, où MM. de Gondé et de Lambesc jouent un grand rôle. Thévenot lui répond qu’il a deviné juste, et q îe la garde nationale de Paris sera pendue ou pulvérisée. Sur cette assertion, il lui demande si l’on a quelques officiers de la garde nationale de gagnés. Thévenot répond : « Parbleu ! la belle demande I... » Rutteau poursuit ses informations, et demande quelle est l’opinion de M. de Lafayette dans cette affaire. Thévenot lui répond: « M. de Lafavette sait bien ce qu’il fait, il ne sera pas si Claude que de ne pas être des nôtres : d’ailleurs, c’est la bonne cause, c’est la justice, et il ne peut pas manquer de l’approuver.... Tenez, dit-il, voilà quelques papiers, distribuez-les demain ; je vous feiai part des ordres que je recevrai. » A cette époque, le sieur Rutteau quitte le sieur Thévenot, et rencontre le sieur Ginnet, qu’il avait mis dans s s intérêts ; il s’informe de lui s’il sait quelque chose de nouveau ; c lui-ci lui répond qu’il a été au faubourg Suint-Antoine”; qu’il y a vu un chef qui donnait, saüs que cela pa- 5S6 [Assêttblée nationale. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. {28 mai 1791. j rût, 12 francs à chaque ouvrier, qu’ils sont tous en ribotte, et qu’il y aura, avant peu, un coup d’attaque. Rutteau demande le nom de ce chef. Ginnet lui répond : « Je ne te sais pas-, mais M. Thevenot sait tout. J’ai été chez lui < e matin, il a beaucoup de billets de caisse, je les ai vus; il m’a promis 2 louis pour dimanche. » Ruüeau lui dit adieu, en lui recommandant le plus grand s�cr�t • Dans l’entretien, coté G., du 17 mars, Thé-vmot s’informe si les papiers ont été di> tribués, et s’il a vu quelques-uns des affiliés; Rutteau assuré que oui, et qu’un de ses amis a vu une quinzaine de Brabançons, sur lesquels ils peuvent compter. Théveno*t se félicite d’avoir si bien placé sa confiance, et il assure à Rutteau une gratification de 150,000 livres. Rutieau, cependant, témoigne son embarras faute d’argent, et Thevenot lui dit qu’il faut avoir de la patience, et qu’il lui a déjà dit que 10 fermiers généraux étaient coalisés « nsemtde, et qu’ils ne pouvaient pas tarder d’en avoir. Rutteau dit que ses associés demandent s’ils auront des armes; à quoi Thévenot répond qu’on leur donnera de l’argent pour acheter une paire de pistolets ; et puis, dit-il, nous ferons main basse partout où nous en trouverons. <« J’ai lu, dit-ii, avant-hier, la liste de ce maudit club desJacobins. Ils ontdéjà 32,000 hommes dans leurs manches. Je voudrais, continue-t-il, pouvoir nous assurer d’assez de mon ie, sans être obligé d’aller dans les provinces. Distribuez toujours les papiers que je vous confie ; cela servira à éclairer le peuple, à qui le club des Jacobins fascine les yeux. » Rutteau répond : « Oh 1 le peuple se détrompera assez, et quand il verra que cVst pour le roi, il se rangera sous vos drapeaux.» Thévenotfait ensuite pariduprojet. « Voici, dit-il, par où nous commencerons: nous voulons mettre le roi maître absolu, chasser de l’Assemblée nationale tout ce qui ne nous conviendra fias ; établir le conseil privé du roi, et un second conseil pour le peuple. Ce conseil du roi ne sera composé que de 12 membres que nous choisirons; nous rélablirons énsuite les parlements, non pas sur le pied qu’ils étaient, car le roi n’était pas assez le maître ; et puis, tout cela arrangé, nous formerons la maison du roi, comme elle était jadis ; c’est là où vous serez un des principaux avec moi : ainsi vous voyez de quels avantages vous jouirez, et quelle sera votre fortune. Dans le commencement nous gagnerons le peuple par largesse, nous augrneuteions la paye du soldat, afin qu’tl nous serveetque nous puissions compter dessus ; ensuite, quand tout sera régie, nous arrangerons tout à notre gré. » Rutteau répond à ce beau projet... « Bravu l nous pourrons dire adieu au club des Jacobins.» — Thévenot répond ; «On ! nous en avons la liste, mais quelques potences dressées de part et d’autre, et où l’on accrochera ces me-sieurs, serviront à épouvanter le reste de la canaille. Ah çàl je vous quitte, car j’atlen s madaniede Lacombe, e t nous devonsdîner au Soleil-d'Or, et je vous reverrai tantôt. A proposée vous dirai que ces joui s-ci on va publier une lettre d’excommunicaiion de notre Saint-père le pai e, qui excommunie tous ceux du clergé qui ont prêté le serment civique, ou qui ont acheté des biens du clergé.» Cette déclaration est encore signée Rutteau. La pièce cotée D, est le détail de l’entretien qui eut lieu le 18 mars entre les sieurs Thévenot, Rutteau, Gallet, adjudant de la garde nationale de Vaugirard, et un nommé Ginnet, patriote brabançon. Vous avez entendu dans la pièce précédente Thévenot annoncer au’il attendait à dîner Mnie de Lacnml e au Soleil-d’Or. Mme de Lacombe est femme de M. de Lacombe» ci-devant garde du corps, et maintenant chef de l’atelier de la Villette. Rutteau arrive au Soleil-d’Or'; et après les cérémonies d’usage, il annonce qu’il amène un brave patriote brabançon qui est dans sa manche , et sur lequel on peut compter. M. Thévenot s'engage de le faire monter, et lui dit de se Mre anporfer à dîner, qu’ils causeront ensuite. Madame de Lacombe dit qu'il ne faut pas pousser les choses si avant, jusqu’à ce que les fonds soient arrivés. Thévenot donne encore des papiers à distribuer. Il s’engage une conversation entre le sieur Thévenot et le sieur Ginnet, qui raconte ce qui lui est arrivé en Suisse; que l’on a voulu lui donner 25 louis pour l’engager dan$ l’armée de M. de Condé; que celui-ci vient de faire construire un pont avec des chaînes énormes pour Je passage du Rhin, mais qu’il ne croit pas que ce pont réussisse. Thévenot lui demande s’il a vu le prim e Lambese; il assure que oui, et que si ces messieurs pénétraient en France nous serions bien à plaindre. A cet instant de la conversation, Gallet et Rutteau sont tirés en particulier par Mmè de La� combe, et le sieur Ginnet feint pendant cet intervalle de lire un papier que Thévenot lui avait donné. Rutteau annonce à Mme de Lacombe que son monde commence à augmenter de plus en plus, et il fait l’éloge du sieur Gallet, pour lequel, dit-il, il n’a aucun secret de cat hé. Mae de Lacombe instruit ces messieurs que son mari, quoique fort bel homme, et plein d’apparence, n’y est p 1 u s lorsqu’il s’agit d’une affaire, et qu’elle s’est mise à la tête de tout. Elle ajoute qu’elle a up de ses cousins major des gardes du roi, qu’ellé doit aller voir, et elle se vante d’avoir, sous fieu de jours, un entretien avec la reine; mais il lui faut des fonds, sans quoi l’on ne peut rien faire; « D’ailleurs, dit-elle, ne faut-il pas qu’au moment de l’action vous laissiez en dépôt à vos femmes au moins 40,000 livres, afin qu’elles aient de quoi vivre si vous venez à être tués dans le combat?— Fort bien, lui dit Rutteau. » Et Mme de Lacombe continue; «Ne vous inquiétez ne rien; d’un auire côté si la mèche venait à se découvrir, il nous faut des fonds pour nous sauver. Ainsi, il f iut que l’on commence par nous donner 3 ou 4 millions; après quoi, je réponds du succès de l’affaire. » Rutteau lui répond : « L’affaire ne peut manquer; mais croyez-vous que le prince de Condé et le prince de Lambsc ne profitent pas de ce moment pour rentrer en France et y jouer un rôle? » Mmo de Lacombe dit: « C’est là le nœud; mais du secret, mes amis. A ce moment, Thévenot rentre dans la chambre, parle seul à Ginnet, et lui dit : « Ah ça! brave garçon, prenez patience; si vous vous trouvez trop gêné, vous parlerez à Rutteau mon ami; il vous passera des secours. » Ginnet répond : « Fort bien. » Gallet, Rutteau et Ginnet se disposaient à sortir; Thévenot dit : « M. Rutteau, j’ai à vous parler en particulier; je dois aller dimanche parler au père dans sa grande maison, et j’espère avoir de bonnes raisons ; car il nous faut du sit nomen. Pienez toujours garde que ces gens-là ne jasent. » Rutteau assure de la fidélité de ses compagnons; Thevenot lui dit adieu, en lui donnant rendez-vous pour le lendemain* [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, [ÎS mai 1791.] Ginnet assure que M. de Crussol a voulu l’en-gnger; Mme de Lacombe répond : « Parbleu, c’e-t pour la mêmeaffaire ; cVtencore un des nôtres. » On remarquera que la continuation de cet entretien s’est passée en l’absence du sieur Thévenot. M. Ginnet annonce qu’il y a dans le faubourg Saint-Antoine un nommé Roland, qui lui a fait la même proposition, et qui engage à force. Gai et et Rulteau répondent: « Bon, dans le faubourg Sainte n toi ne. » Rutteau continue, et dit à Ginnet : « Ecoutez, mon ami, il s’agit du salut delà France entière; si Vuus êtes un honnête homme, vous viendrez demain avec nous chez M. Dunaz, no re commandant, et vous l'instruirez de tout cela. » Ginnet demande qui est c-M. Dunaz. Rutteau lui dit : « C’est notre commandant àVaugirard; si vous lui donnez des renseignements, vous serez bien récompensé : ainsi je compte sur vous. — Volontiers, lui dit Ginnet; nous irons demain. » Cette déclaration est signée de Rutteau, de Gallet, adjudant, et de Ginnet. La pièce cotéu E est encore le détail d’nn entretien tenu le dimanche 20 mars entre M. Thévenot, M“® de Lacombe et Rutteau. M®6 de Lacombe dit à Rutteau qu’aprèsle dîner il faut qu’il aille avec le sieur Thévenot dans un endroit où il le mènera; et elle annonce que c’eel pour vendredi le grand coup. Rutteau représente qu’il est sans argent. « Nous n’eu manquerons pas, dit Mmede Lacombe; il faut que cela finisse; l’or et l’argent vont rouler. » Thévenot annonce aussi qu’il lui en donnera beaucoup, et qu’il aura une place distinguée. « Allons, bravo! dit Rulteau, mais qu’aurons-nous à faire ce soir ? — Rien, dit Thévenot; c’est seulement pour aller dans un endroit où plusieurs de nos g< ns seront assembles; mais vendredi, nous nous rendrons tous aux Tuilerie-, et nous nous promènerons à l’entour, de manière que nous en formions le cercle; et d’ici à ce temps, je vous dirai le fin mot. — « Fort bien, » dit Rutteau. Mm® de Lacombe engage Rutteau à venir loger auprès d’elle, afin d’être à portée d’agir de concert. « A merveille, dit Rutteau; mais je n’ai pas le sou. » M"8 de Lacombe assure qu’il n’en manquera ras. MM. Thévenot et Rutteau recon dui sen t M®6 d e Lacombe jus iue devant la porte de M. de Clermont-Tonnerre; ils se séparent en se donnant rendez-vous à souper chez Mm8 de Lacombe. Ici est un détail de l’illumination de M. de Clermont-Tonnerre pour la convalescence du roi, et de différent inter locuteurs du peuple, dont les uns disent que M. de 0 ermoot-Tonuerre est un bon patriote, et d’autres, qu’il est aristocrate. Cette pièce est signée Rutteau. La pièce cotée F est encore un entretien du sieur Rutteau avec M®8 de Lacombe et Thévenot. M“e de Lacombe dit à Rulteau: « Mon cher, nos affaires vont lentement. (Je dois dire, pour exactitude, 9 ueMme ne Lacombe se sert d une expression grivoise, que je n’ai pas cru devoir répéter ici.) Mais nous avons découvert un autre nid ; patience jusqu’à jeudi ou vendredi, nous recevrons de de l’argent; nous le partagerons, et nous les enverrons au diable, attendu que mon mari doit me dire ce soir de quoi il sera question, et que la personne qui le charge de cette affaire, lui a assuré que l’or et l’argent nous tomberaient à foison. — Bon, dit Rutteau. Nous ne nous servirons donc pas de cetargent pour donner à nos gens? — Non, dit Mm* de •Lacombe; il faudra vous servir de l’argent queje vous donnerai pour vous habiller proprement, pour vous in'roduireplus facilement. » Rut'eau sort avec Thévenot, et lui dit ; « Voilà deux de dos gens les plus affidés; mais je craius u’ils ne»ela-sentdes oromesses. Il faudrait leur onnerde l’argent, ne serait-ce que peu de chose, cela les entret endra. — Vous savez, dit Thévenot que je n’ai que des billets. Tenez, donnez-leur 6 francs. — C’est bien peu pour deux, dit Rnt'eau; mais do nez-le-leur vous-même, afin qu’ils vous connai-sent. Effectivement, Thévenot donne à l’un cent huit sous enveluppés dans du papier, et à l’autre 3 livras. Pendant ce colloque, Rutteau était rentré causer avec M®8 de Lacombe, et Thévenot rentre avec les deux particuliers, et dit à Rutteau de leur faire servir à dîner sur son compte; ce qui fut exécuté. Le sieur Rutteau dit aux deux pariicu-culiers; « Vousirezchez M. le maire déposer votre argent, et faire votre déclaration; ayez 8oin de vous faire donner une décharge. » La fin de cette pièce est un ré-umé du sieur Rutteau, qui nVsi que s> sco ijectures, et qui ne font point partie des déclarations dont je dois vous rendre compte. Cette pièce est signée Rutteau. La nièce cotée G e4 le récit d'un entretien entre l s sieurs Thévenot, Ruteiu, Gallet et Ginnet, du ?4 mars, dans le courant de l’après-midi. M. Thévenot leur souhaite le bonjour; Rutteau lui dit : « Voi à M. Gallet qui arrive d’avertir nos gens pour l’affaire de demain; ils sont prêts, et n’attendent que le signal. » Thévenot lui répond : « II ne fallait pas aller si vite, crtte affaire est remise àlundi.» Rutteau lui répond : « Gomment à lundi! Il faudra donc que j’aille demain recommencer la tournée, et les avertir qu’il y a une remise; ce qui m’inquiète, c’est de l'argent qu'ils vont me demander, et je n’en ai pas. » Thévenot lui répond : « Arrangez-vous d’ailleurs; je n’ea recevrai que samedi, et je ne peux donner ce que je n’ai pas. « Rutteau insiste sur la nécessité de satisfaire des gens qui n’entendent pas raillerie. Thévenot convient qu’il a reçu de l’argent, mais qu’il l'a employé pour les gens qu’il a de son côté. « Cependant, ajoute-t-il, vous pouvez les assurer, sur ma parole d’honneur, que je leur remettrai 6 francs par homme par semaine, jusqu’au moment de l’action; et ensuite, vous êtes sûrs d’avoir tous du pain et de bonnes places. Faites-vous donner un bon dîner, que je prendrai sur mon compte, et voilà 6 francs pour vous autres. N’oubliez pas surtout de rapporter aux auties ce queje viens de vous dire.» Rutteau répond : « J’arrangerai tout cela, maix aux conditions que vous ne manquerez point de parole... »Tnévenot répond: Non, je vous jure; mais ce sera pour lundi, sans faute. Nous nous rassemblerons dans un cabaret les uns d’un côté, les autres de l’autre, et nous n’aurons pas l’air d'y toucher. » M. Gillet reprend : « On dit que le roi va. à Saint-Cloud lundi. — Oui, répond Thévenot; mais, ou il partira aprè3 l’A-semblée, ou l’Assemblée aura toujours lieu : il n’y aura que le roi et trois de ses amis qui sauront le coup, de crainte que cela ne s’évente avant l’opération. Surtout, le plus grand secret, et jurons-nous que si l’on arrêtait quelques uns de nous, nous nous battrions jusqu’à la mort pour le ravoir... » Us ré mndent tous : « Nous vous le promettons. » Thévenot ajoute : « Fort b en; car il faut absolument exterminer ce club des Jacobins et soutenir le club Monarchique. Allô is, mes amis, au revoir! jusqu’à samedi; car c’est demain fête. » Cette déclaration est signée Rutteau. [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [28 mai 1791. J Au bas de cette déclaration, il est ajouté, d'une écriture différente : « Nous avions oublié de dire que la cause de la remise de l’affaire, c’est parce que l’administration vient de rendre un jugement contre les forts de la Halle , et qu’ils craignaient que cela neles compromît en quelque sorte. » « Signé : Rutteau, Gallet, adjudant, Ginnet. » La pièce cotée fl est le récit ne l’entretien des sieurs Thévenot et Rulteau, du 26 mars. » Thévenot lui dit : « Hé! bien mon ami, c’est pour demain le conseil, ainsi ne manquez pas d’avertir votre monde; vous passerez demain matin chez moi, et je vous donnerai de l’argent. » Rulteau répond : « Bravo! de l’argent, il nous en faudrait à gogo. Mais en attendant, donnez-moi toujours l’adresse, pour savoir le lieu, l’heure, et ce qu’il y aura à faire. » Thévenot lui répond : « Ecrivez : Le 28 du courant à 5 heures précises du soir, rue des Petites-Êcuries-du-hoi , à l’emplacement de la loge de l’Amitié, faubourg Saint-Denis. — Est-ce là tout, dit Rulteau, et comment arriverons-nous? » Thévenot répond : « Incognito, c’est-à-dire par 2, par 3, par 4, et on entrera à mesure dans les cabarets qui sont aux environs, et on vous donnera les ordres, parce que nous ne bougerons qu’au cas que les coquins de gardes nationaux ne s’avisent de dire la moindre chose à ceux qui composeraient le conseil, auquel cas nous tomberons dessus; car c’est de ce conseil que va sortir toute notre affaire, de manière qu’au même jour, et dans toute la France le même coup éclate, et que cela puisse faciliter l’entrée au prince de Condé et autres. » Rutteau : « Bon, je me rendrai demain chez vous sans faute. » Le sieur Rutteau quitte Thévenot, qui lui avait recommandé d’être à 5 heures précises à Paris... A cette époque, Rutteau, sachant que Ginnet avait eu une conversation particulière avec Thévenot, conçut des soupçons contre lui , et quelques circonstances Payant persuadé, de concert avec .les sieurs Gallet, adjudant, et Gormard, qu’ils avaient mi? nouvellement dans leurs confidences, ils font arrêter le sieur Ginnet, le conduisent au maire de Vaugirard, et le font mettre en prison. Samedi 26 mars 1791, 7 heures du soir. Signé: Ruiteau, Gallet, adjudant, Gonnard. Le 27 mars, les sieurs Ruiteau, Gallet, adjudant, et Goi nard, se sont transportés chez la dame de Lacombe, où étant arrivé?, le sieur Rutteau a témoigné ses soupçons sur le comnte du sieur Ginnet, qu’ils avaient fait arrêter la veille. Suivant leur rapport, la dame de Lacombe a été très interdite de celte nouvelle, et elle leur a recommandé d’en aller prévenir le sieur Thévenot. Ils s’y sont transportés, à l’hôtel des Députés d’Artois, dans une chambre n° 6, où ils ont trouvé le sieur Thévenot, auquel ils ont fait part de leurs soupçons; à quoi Thévenot leur a répondu, “ que Ginnet lui avait rendu compte d’une mission qu’il lui avait donnée. Daiileurs, dit-il, je ne crains rien quand il parlerait, parce que j'ai environ 6,000 hommes à mon service. » Le sieur Rutteau lui ayant demandé s’il allait lui donner l’argent nécessaire pour aller en tournée avertir sou monde, le sieur Thévenot lui répondit qu’il n’avait ni argent ni billet. Cependant un instant ai rès, il lui remit deux assignats de 50 livres chacun, pour distribuer aux prétendus 30 hommes que le sieur Rutteau lui avait dit avoir engagés. Cet argent lui fut donné en présence des deux personnes qui étaient avec lui. Rutteau lui demande s’il ne s’était pas trompé de date sur l’ordre, parce qu'il lui avait dt la Veille que c'était pour demain, et que ce n’était aujourd’hui que le 27, sur quoi le sieur Thévenot tira de sa poche une lettre d’avis, imprimée, venant du club Monarchique, pour vérifier la date. Que le sieur Rutteau voulut voir l’original, mais que le sieur Thévenot ne voulut pas lui donner, en lui disant : « Vous en avez l’extrait, cela vous suffît. » Le sieur Rutteau se retira pour aller avertir son monde. Cette pièce est sigué Rutteau , Gallet, adjudant; Gonnard. Les différentes déclarations que vous venez d’entendre arrivèrent successivement à votre comité; les sieurs Rutteau, Gallet, Gonnard, en certifiaient la vérité; l’explosion paraissant devoir être prochaine, votre comité crut de son devoir de la prévenir, et il requit M. le maire de Paris de faire arrêter les sieursThévenot et de Lacombe. Depuis longtemps, Messieurs, ou ne cesse de répéter que l’on fait de grandes distributions d’argent; et cependant, jusqu’à cette époque, il a été impossible de pouvoir découvrir la source de ces largesses. Eu ce moment même où noussommes fondés à croire qu’il y a eu quelques manœuvres dans les ateliers des travaux publics, par toutes les déclarations dont vous av�z entendu la lecture, il vous sera facile de conclure que si le sieur Thévenot était chargé d’opérer un mouvement, il était mal payé par ceux qui le faisaient agir, à en juger par b s petites sommes qu’il est accusé d’avoir distribuées; cependant les sieurs Rutteau, Gallet et Gonnard ont déposé, au comité des recherches, deux assignats ae 50 livres qui leur avaient été donnés par le sieur Thévenot, avec leur attestation signée d’eux trois. Quoique celte somme ne soit pas très considérable, elle est cependant fort au-dessus des moyens présumés du sieur Thévenot; et il est de la dernière importance de découvrir quelles sont les personnes qui le faisaient agir, et qui lui donnaient les moyens de soudoyer les ouvriers des ateliers. Eq conséquence, Messieurs, votre comité a cru de son devoir d’ordonner l’arrestation des sieurs Thévenot et de Lacombe : elle a été faite le 28 mars à 3 heures du matin. Leurs papiers ont été visités avec soin. On a trouvé un nombre d’exemplaires assez considérable, d’un avis du Père Duchêne aux ouvriers des ateliers; il est à remarquer que ces exemplaires étaient encore mouillés. Indépendamment de ce pamphlet, il y en avait plusieurs autres, tous tendant à décrier l’Assemblée nationale et ses travaux. » On a également trouvé, chez Thévenot, un écrit imprimé, venant du club monarchique, à l’adresse de M. Dagien, rue Traversière, qui annonce que l'assemblée, fixée à vendredi, est remise au lundi suivant. Vous vous rappellerez qu’il en est question dans une des déclarations dont je vous ai donné lecture. La lettre du Père Duchêne tendait à animer et à irriter le peuple contre le club des Jacobins, et à lui persuader que le club monarchique étaitentièrement dans ses intérêts, etqu’il fallait le protéger et le soutenir. La dame de Lacombe n’a pas été mise en prison, mais elle est gardée chez elle jusqu’à ce que vous ayez prononcé sur son sort. Plusieurs enfants en bas âge, dont elle a soin, ont déterminé le commissaire à la faire simplement garder dans sa maison ; et votre comité a approuvé cette indulgence. Cependant, Messieurs, il paraît par les differentes déclarations que nous avons mises sous vos yeux, que s’il existe un complot, elle en est informée ; et il paraît que le sieur de Lacombe était peu instruit de ce qui se passait. (Assemblée nationale.J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [28 mai 1791. 589 L’interrogatoire des sieurs Thévenot, de La-combeetladamedeLacombea été fait, etsur toutes lesquestions, ils ont unanimement et formellement nié tous les faits. Le sieur Thévenot, lorsqu’on lui a présenté les deux assignats de 50 livres, a nié les avoir donnés; cependant MM. Rutteau, Gallet et Gonnard persistent dans leurs dépositions. Il n’est nullement question de M. de La-combe dans aucun des entretiens dont je vous ai donné connaissance; et les seuls motifs qui ont déterminé son arrestation est la quantité d’exemplaires de la lettre du Père Duchêne aux ouvriers di s ateliers, que l’on a trouvés chez lui. D ns son interrogatoire, il persiste à dire qu’il n’en avait nulle connaissance : et la même espèce de papiers, qui ont été trouvés chez le sieur Thévenot, et sa liaison intime avec Mm8 de La-cornbe, donnent lieu de ctoire que ces papiers peuvent avoir été placés chez lui sans son aveu. Les sieurs Rutteau, Gallet, Gonnard et Ginnet auront sans doute rendu un service important en découvrant un projet dont les suites auraient pu devenir funestes. Cependant, Messieurs, cette affaire n’étant point encore éclaircie, le comité n’a pas cru devoir vous proposer aucune mesure pour témoigner à ces citoyens la reconnaissance qui leur sera due, lorsque cette affaire, examinée dans tous les points par un tribunal, vous mettra à portée de connaître exactement la vérité. Votre comité, Messieurs, ne se permettra aucune réflexion sur cette affaire qui est encore sous un voile que l’on n’a pu pénétrer; il croit qu’il est important qu’elle soit éclaircie, et c’est dans ces vues qu’il vous propose le décret suivant : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des recherches, décrète que l’affaire du sieur Thévenot et du sieur et dame de Lacombe sera renvoyée au tribunal de leur arrondissement, pour y être statué ainsi qu’il appartiendra; que la liberté sera provisoirement rendue au sieur de Lacombe, mais que le sieur Thévenot et la dame de Lacombe seront gardés en état d’arrestation, jusqu’à ce que le tribunal ait prononcé. » M. de Folleville. Messieurs, il me semble que si le projet de décret du comité était adopté, nous irions positivement contre ce que nous avons décrété, lin effet, le Corps législatif, par là, déclarerait qu’il y a lieu à accusation contre ces deux particuliers. Or, il n’y a que les membres du Corps législatif qui soient soumis à ce genre d’épreuve. Que devait donc faire votre comité des recherches? il devait s’adresser à l'accusateur public de l’arrondissement de la prison où ils sont incarcérés, pour que, d’après la vue des pièces, cet accusateur public fasse les poursuites nécessaires. L’Assemblée nationale ne devait pas perdre son temps à entendre des détails de cette nature ; et c’est le perdre en compromettant la Constitution. Je demande la question préalable sur le projet du comité. M. Ifcegnaud (de Saint-Jean-d' Angèly). Je demande à modifier l’avis de M. le rapporteur et et lui du comité. Je ne suis pas de l’avis du préo-pinaot, parce que toutes les fois qu’au milieu des soupçons qui nous environnent et qu’on cherche à semer autour de nous, il paraît se présenter un fil pour nous guider enfin dans ce labyrinthe ; il n’y a pas un véritable ami de la chose publi-ue qui ne doive s’empresser à le saisir et à xer enfin sur les vrais coupables ces soupçons qui peut-être sont tombés sur des innocents. C’est sous ce rapport, je crois, que la question préalable ne peut pas y être appliquée. D’un autre côté, je dis que l'Assemblée nationale a ordonné que, lorsqu’elle croirait qu’il y a lieu à accusation pour crime de lèse-nation, elle aurait le droit d’ordonner par un décret non susceptible de sanction, l’information; mais ce n’est pas encore ici le cas, puisque l’existence du crime de lèse-nation nVst pas prouvée; elle ne peut que décréter que son président se retirera par devers le roi pour le prier d’ordonner qu’il sera informé contre les particuliers, qui cependant demeureront en état d’arrestation, puisqu’ils y ont été mis, pour, après l'information rapportée à l’Assemb ée nationale, être par elle jugé s’il v a lieu ou non à renvoyer par-devant le tribunal d’Orléans. Cette marche concilie tout à la fois et le décret constitutionnel que vous avez rendu, et l’intérêt, national qui est enfin d’éclairer, s’il est possible, cet abîme de conjurations dont on nous entoure. Voici comme je propose de rédiger le projet de décret : « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le compte qui lui a été rendu par son comité des recherches, décrète que son président se retirera par devers le roi, pour le prier de donner des ordres à l’accusateur public du tribunal de l’arrondissement de Paris, puurqu’à sa diligence il soit informé contre les sieur Thévenot, sieur et dame de Lacombe, sur les faits portée en la dénonciation des sieurs Butieau et Gannet, et, l’information faite et rapportée à l’Assemblée nationale, être, par elle, décidé s’il y a lieu ou non à accusation de crime de lèse-nation; que cependant le sieur de Lacombe sera élargi, et que la dame de Lacombe et le sieur Thévenot demeureront en état d’arrestation. » M. de Sillery, rapporteur. J’adopte cette rédaction. M. de Lachèze. Je n’ai qu’un mot adiré sur le projet de décret qui vient de vous être présenté. De deux choses l’une : ou.il est question de crime de lèse-nation, ou il n’en est pas question. S’il est question d’un crime de lèse-nation, c’est devant le iribunal d’Orléans qu’il faut le renvoyer. S’il n’est pas question d’un crime de lèse-nation, le comité des recherches ne devait pas s’en occuper. M. ttelavigne. Il me paraît que le préopinant va un peu trop vite. Lorsque l'information judiciaire aura constaté s’il y a délit, quels sont ceux que l’on présume être les coupables, ce sera alors que l’Assemblée nationale, sur le compte qui lui en sera rendu, déclarera par un décret s’il y a lieu ou s’il n’y a pas lieu à accu-ation. Quant à présent, Messieurs, voilà des recherches, voilà des faits, voilà dt s détails dans lesquels il n’est pas possible de i-e dissimuler qu’il y a quelque chose de réel. Voilà un fil qu’il est important, de ne pas voir se rompre dans les mains de celui qui l’a saisi. Voilà des particuliers sur lesquels des accusations, qui sont plus ou moius vraisemblables, se réunissent. L’Asemblée nationale n’ordonne pas dans cet instant qu’il y a lieu à accusation ; mais elle se met à portée, par les voies juridiques, de déclarer qu’il y a ou qu’il n’y a pas lieu à accusation. D’après cela, je crois que l’Assemblée nationale ne doit pas faire de difficulté d’ordonner le renvoi par-devant le juge ordinaire pour, l’information faite, être statué ce qu’il appartiendra.