87 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [l« août 1791.J M. Perdry. Je propose qu’il soit dit que le débiteur de l’émigré ne pourra lui retenir la triple imposition qu’en rapportant la quittance du receveur de la contribution publique, qui constate qu’il a payé en ses mains cette triple imposition. M. Giraud-Dapleggig. Je crois qu’on pourrait rédiger ainsi cette proposition : « Tout débiteur qui devra des redevances, soit en argent, soit en nature, auxémigrants,seraobligé de verser la triple contribution au Trésor public ; et s’il ne le fait pas, en tout temps il pourra être recherché pour payer. » (Non! non! ) Plusieurs membres : Aux voix la proposition de M. Martineau ! (L’Assemblée, consultée, décrète qu’il n’ y a lieu à délibérer sur la proposition de M. Martineau.) M. de Croix. Je demande que cette addition de contribution ne puisse retomber |au profil des municipalités où résident les émigrants, attendu que beaucoup de personnes n’ont quitté leurs foyers que parce qu’ils n’y étaient pas en sûreté. (L’Assemblée, consultée, décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur l’amendement de M. de Croix.) M. le Président. Je consulte l’Assemblée sur l’article 3 du projet du comité. (L’article 3 est adopté sans changement.) M. Tronchet. J’observe à l’Assemblée que l’article qu’elle vient d’adopter peut avoir un grand inconvénient relativement aux créanciers des émigrants et leur porter un très grand préjudice. il est de principe et vrai en général que les impositions sont préférables à toutes dettes particulières; mais le principe ne peut s’appliquer qu’à l’imposition ordinaire et non pas à une imposition extraordinaire qui est une peine. La consfication elle-même, quand elle avait lieu, ne pouvait pas nuire aux créanciers. Votre triple imposition étant une peine, je ne pense pas qu’on puisse donner au lise la préférence pour le payement des impositions sur les créanciers légitimes des émigrants; et, en conséquence, je propose comme ar ticle additionnel qu’il soit dit : « Les créanciers légitimes ayant des titres authentiques antérieurs à la loi du 28 juin dernier ne pouvant être lésés par cette triple imposition ; ils pourront exercer leurs droits soit sur les fonds, soit sur leurs revenus, par préférence aux deux dernières portions de l’imposition, sans préjudice du droit de la nation de se faire payer du surplus de ladite imposition sur l’excédent des fonds ou des revenus du débiteur. » Voix diverses : C’est juste 1 Non! non 1 M. Lanjuinais. Ce n’est pas véritablement une peine. Le texte de la loi porte que c’est une indemnité envers l’Etat. Or, l’Etat, par les principes de tous les temps, a la préférence sur les créanciers ; ainsi il n’y a pas lieu à admettre l’article additionnel. M. He�vbell. Messieurs, je vous observerai d’abord que, l’article additionnel de M. Tronchet adopté, vous pouvez mettre votre décret en poche; il deviendra absolument illusoire, parce que l’on prendra toutes les précautions imaginables pour le rendre inutile. D’ailleurs le projet de M. Tronchet repose pur des bases fausses, parce que, si ces biens sont vendus, iis seront achetés par des personnes qni demeurent dans le royaume, et qui par conséquent payeront comme tous les citoyens, feront leur service personnel, protégeront leurs concitoyens, comme ils en seront protégés : c’est ce que ne font pas les émigrés. Ce n’est point une peine que vous pvez établie contre les émigrés, c’est une simple indemnité des frais de garde, des frais personnels, et de la protection que vous donnez aux biens des émigrés. Vous êtes obligés par la loi de préserver les biens des émigrés, au point que, s’il y avait des dégradations, les communes où ils sont situés en seraient responsables, et c'est pour les indemniser de cette responsabilité, que vous avez décrété cette triple imposition. Je demande en conséquence la question préalable sur l’article additionnel de M. Tronchet. M. de Montesquieu. 11 me semble que cette question doit être jugée par des principes généraux : nous ne prétendons pas subtiliser ici, ou exercer des actes de rigueur. Or, une imposition ne peut être établie que sur des biens libres. Un bien qui est dû n’est pas libre; ainsi, Messieurs, les droits des créanciers doivent passer avant tous les autres. M. Lanjuinate. Ainsi, tous les hommes qui ont des dettes ne payeront jamais d’impôt. M. Martineau. Si l’amendement de M. Tron" chet pouvait nous obliger à mettre votre décret en poche, comme l’a dit M. Rewheil, il faudrait vous y déterminer plutôt que de faire une injustice. Or, je soutiens, Messieurs, en premier lieu, que l’article additionnel de M. Tronchet ne détruit point l’effet de votre décret, et qu’il est de toute justice. Il le détruirait, si réellement vous accordiez la prééminence sur l’impôt au créancier, quel qu’il soit; mais l’article de M. Tronchet n’est point vague ; il ne vise que les créanciers antérieurs à votre décret, que ceux qui ont de bons titres, qui même avaient fait saisir. Ainsi cet article ne regarde réellement que les créanciers sérieux et légitimes. On vous a dit que c’est une indemnité : cela peut être vrai sous un point de vue; mais sous un autre il n’est pas moins vrai que c’est une disposition pénale, à laquelle les créanciers n’ont pas dû s’attendre, et qui punit moins l’émigrant que son créancier. Je demande donc que l’article de M. Tronchet soit adopté. M. Botssy-d’Anglas. Au comité, on a calculé que la triple imposition était à peu près la moitié du revenu. Ainsi je suppose qu’un homme doive les trois quarts de son bien. Eh bien, il est clair que ses créanciers perdront le quart, M. d’André. Messieurs, ce qui, dans ce moment, inquiète l’Assemblée et mérite son attention, c’est que l’émigré, l’homme qui a abandonné lâchement sa patrie, ne jouisse point chez l’étranger de la totalité de ses revenus; mais, en parant à cet inconvénient, votre intention n’est assurément pag de commettre dans la personne d’un créancier véritable la plus absurde injustice. Un émigrant doit, par exemple, à un créancier 3,000 livres par an, cet émigrant n’a que 4,000 livre* de rente ; l’imposition foncière lui prend