SÉANCE DU 13 PRAIRIAL AN II (1er JUIN 1794) - N° 76 207 D’après ces réflexions, voici le projet de décret que je suis chargé de vous proposer (1) : t Adopté ] Au nom du comité des secours publics, un membre [COLLOMBEL] propose d’accorder une somme de 790 liv, à titre de secours, aux citoyens François d’Angoulême et Jean Vaillant. Sur son rapport, la Convention nationale rend le décret suivant : « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des secours publics sur la pétition des citoyens François Dangoulême, marchand dans la commune d’Agnets; et Jean-Louis Vaillant, charron dans la commune de Bulle, décrète : « Art. I. - La trésorerie nationale mettra à la disposition du district de Clermont-Oise la somme de 790 liv., pour être remise par portion égale, à titre de secours, aux citoyens François Dangoulême et Jean Vaillant, à raison des pertes qu’ils ont éprouvées. « II. - Le présent décret ne sera point imprimé » (2) . 76 COLLOT d’HERBOIS, au nom du comité de salut public : Citoyens, au nom de vos comités de salut public, des secours et de liquidation réunis, je vais satisfaire cette active et prévoyante sollicitude qui sans cesse porte nos regards vers les défenseurs de la patrie. Chaque jour, depuis longtemps, vous dispensez à ces héros tout ce que la gloire peut réserver de cher et de précieux à de vrais républicains. La victoire, qui plane sans cesse sur leurs bataillons, a peine à les suivre dans leur marche rapide; sur les bords de la Moselle, de la Lys, de la Sambre, dans les plaines du Nord, sur la cime des Alpes, au sommet des Pyrénées, elle vient de grouper de nouveaux lauriers, des palmes nouvelles avec leurs anciens trophées, autour de leurs étendards, signes étemels et sacrés de la liberté française. Sur les mers impatientes de servir la liberté qu’elles réclament, des prises nombreuses, des combats toujours favorables, l’ardeur patriotique de nos braves marins, présagent une gloire solide et continuelle au nouveau pavillon qui vient d’être arboré sur les vaisseaux de la république. Vos comités vont fixer votre attention sur des tableaux non moins intéressans, sur les vertueuses familles de ces intrépides défenseurs de la patrie. Il y a sous leurs toits domestiques d’énergiques enfans qui déjà ont pris Barra pour leur modèle; il y a des orphelins qui, dans la faiblesse de l’âge, ont déjà la force du cœur, et qui plus d’une fois ont levé vers le ciel leurs jeunes mains tremblantes d’indignation, en jurant de venger leurs frères, les enfans inhumainement massacrés par les tyrans; il y a des mères généreuses, des épouses dévouées, (1) Mon., XX, 627. (2) P.V., XXXVIII, 260. Minute de la main de Collombel. Décret n° 9365. Reproduit dans Bln, 13 prair. (2e suppl‘); Débats, n° 520, p. 193; Mention dans J. Lois, n° 612; J. Mont., n° 37; J. Sablier, n° 1355; J. Fr., n° 616; F18 2654. des veuves glorieuses : ces républicaines ont surpassé en vertus civiques les exemples que Lacédémone put fournir autrefois à l’histoire. L’admiration des siècles futurs les attend. Contentons nos âmes avides, en remplissant, à ce nouveau trimestre, le devoir le plus doux de tous ceux que la patrie nous impose, celui de chercher et rechercher les plus sûrs moyens de les secourir et de pourvoir à leurs besoins. Déjà la loi du 21 pluviôse dernier a fait ouvrir de nouvelles sources pour de fécondes distributions : les effets en ont été abondans; mais il y a encore beaucoup à désirer. L’exécution de la loi a été généralement passive et lente; l’intention n’en a pas été bien sentie; plusieurs administrations et fonctionnaires se sont amusés à disputer sur les mots; les distributeurs ont souvent donné des paroles et des raisonnemens, au lieu de payer ainsi que l’ordonnait la loi. Autant votre volonté fut efficiente, autant l’exécution a été péniblement instrumentée. Il n’est que trop vrai, citoyens, que nous sommes encore dans cette position où il est difficile d’accélérer les salutaires effets des lois populaires. Il faut rendre justice, néanmoins, aux fonctionnaires qui ont partagé vos sentimens; ils sont dignes, ces fonctionnaires-là ! leurs cœurs étaient d’intelligence avec les vôtres. Par-tout où ils se sont rencontrés, la loi a été exécutée comme elle devoit l’être; dans plusieurs endroits, le terme fixé pour son accomplissement a même été devancé : c’est ce qui prouve évidemment que là où il y a eu des délais, il y a eu malveillance. Et sans doute il entrait bien dans le plan des conspirations de l’étranger de retarder tout le bien que vous voulez faire. Nous avons remarqué que, par une sorte de combinaison subite, le paiement des secours a cessé en beaucoup d’endroits, au même instant où la famine, les trahisons, les assassinats ont été mis à l’enchère par nos infâmes ennemis. Il serait difficile d’énumérer toutes les mauvaises objections qui assaillirent alors le comité de salut public pour dénaturer le vœu de la loi. L’hypocrisie et la mauvaise foi en surchargeaient les couriers. Tontôt on arrêtait les paiements réglés par les lois antérieures, comme si la générosité nationale qui distribue, pouvait jamais reprendre ce qu’elle donne légalement. On faisait mille questions en quelque sorte insultantes au caractère et à l’esprit de la nouvelle loi. On demandoit si les enfans devenus infirmes, au-dessus de l’âge de douze ans, dévoient être secourus; si des citoyennes, à-la-fois mères et veuves, ou veuves et épouses, avaient droit au traitement cumulatif; enfin on nous a demandé une fois quel étoit le maximum du nombre des enfans à secourir dans une famille : comme si ce maximum pouvait être jamais fixé aussi haut que nous le désirons; comme si la République pouvait jamais avoir trop de citoyens. Vos âmes de feu avaient prononcé la loi, et c’est avec une froideur glaciale qu’elle a souvent été effectuée. Les commissaires de district, agens bien nécessaires, n’ont pas en général mis dans leurs opérations la rapide activité que nous devions en attendre; les receveurs, pour l’ordinaire assez récalci-trans, ont surchargé comme à leur ordinaire, la bonne chose, de formalités surabondantes et inutiles. Trop souvent, vous le savez, la bien-SÉANCE DU 13 PRAIRIAL AN II (1er JUIN 1794) - N° 76 207 D’après ces réflexions, voici le projet de décret que je suis chargé de vous proposer (1) : t Adopté ] Au nom du comité des secours publics, un membre [COLLOMBEL] propose d’accorder une somme de 790 liv, à titre de secours, aux citoyens François d’Angoulême et Jean Vaillant. Sur son rapport, la Convention nationale rend le décret suivant : « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des secours publics sur la pétition des citoyens François Dangoulême, marchand dans la commune d’Agnets; et Jean-Louis Vaillant, charron dans la commune de Bulle, décrète : « Art. I. - La trésorerie nationale mettra à la disposition du district de Clermont-Oise la somme de 790 liv., pour être remise par portion égale, à titre de secours, aux citoyens François Dangoulême et Jean Vaillant, à raison des pertes qu’ils ont éprouvées. « II. - Le présent décret ne sera point imprimé » (2) . 76 COLLOT d’HERBOIS, au nom du comité de salut public : Citoyens, au nom de vos comités de salut public, des secours et de liquidation réunis, je vais satisfaire cette active et prévoyante sollicitude qui sans cesse porte nos regards vers les défenseurs de la patrie. Chaque jour, depuis longtemps, vous dispensez à ces héros tout ce que la gloire peut réserver de cher et de précieux à de vrais républicains. La victoire, qui plane sans cesse sur leurs bataillons, a peine à les suivre dans leur marche rapide; sur les bords de la Moselle, de la Lys, de la Sambre, dans les plaines du Nord, sur la cime des Alpes, au sommet des Pyrénées, elle vient de grouper de nouveaux lauriers, des palmes nouvelles avec leurs anciens trophées, autour de leurs étendards, signes étemels et sacrés de la liberté française. Sur les mers impatientes de servir la liberté qu’elles réclament, des prises nombreuses, des combats toujours favorables, l’ardeur patriotique de nos braves marins, présagent une gloire solide et continuelle au nouveau pavillon qui vient d’être arboré sur les vaisseaux de la république. Vos comités vont fixer votre attention sur des tableaux non moins intéressans, sur les vertueuses familles de ces intrépides défenseurs de la patrie. Il y a sous leurs toits domestiques d’énergiques enfans qui déjà ont pris Barra pour leur modèle; il y a des orphelins qui, dans la faiblesse de l’âge, ont déjà la force du cœur, et qui plus d’une fois ont levé vers le ciel leurs jeunes mains tremblantes d’indignation, en jurant de venger leurs frères, les enfans inhumainement massacrés par les tyrans; il y a des mères généreuses, des épouses dévouées, (1) Mon., XX, 627. (2) P.V., XXXVIII, 260. Minute de la main de Collombel. Décret n° 9365. Reproduit dans Bln, 13 prair. (2e suppl‘); Débats, n° 520, p. 193; Mention dans J. Lois, n° 612; J. Mont., n° 37; J. Sablier, n° 1355; J. Fr., n° 616; F18 2654. des veuves glorieuses : ces républicaines ont surpassé en vertus civiques les exemples que Lacédémone put fournir autrefois à l’histoire. L’admiration des siècles futurs les attend. Contentons nos âmes avides, en remplissant, à ce nouveau trimestre, le devoir le plus doux de tous ceux que la patrie nous impose, celui de chercher et rechercher les plus sûrs moyens de les secourir et de pourvoir à leurs besoins. Déjà la loi du 21 pluviôse dernier a fait ouvrir de nouvelles sources pour de fécondes distributions : les effets en ont été abondans; mais il y a encore beaucoup à désirer. L’exécution de la loi a été généralement passive et lente; l’intention n’en a pas été bien sentie; plusieurs administrations et fonctionnaires se sont amusés à disputer sur les mots; les distributeurs ont souvent donné des paroles et des raisonnemens, au lieu de payer ainsi que l’ordonnait la loi. Autant votre volonté fut efficiente, autant l’exécution a été péniblement instrumentée. Il n’est que trop vrai, citoyens, que nous sommes encore dans cette position où il est difficile d’accélérer les salutaires effets des lois populaires. Il faut rendre justice, néanmoins, aux fonctionnaires qui ont partagé vos sentimens; ils sont dignes, ces fonctionnaires-là ! leurs cœurs étaient d’intelligence avec les vôtres. Par-tout où ils se sont rencontrés, la loi a été exécutée comme elle devoit l’être; dans plusieurs endroits, le terme fixé pour son accomplissement a même été devancé : c’est ce qui prouve évidemment que là où il y a eu des délais, il y a eu malveillance. Et sans doute il entrait bien dans le plan des conspirations de l’étranger de retarder tout le bien que vous voulez faire. Nous avons remarqué que, par une sorte de combinaison subite, le paiement des secours a cessé en beaucoup d’endroits, au même instant où la famine, les trahisons, les assassinats ont été mis à l’enchère par nos infâmes ennemis. Il serait difficile d’énumérer toutes les mauvaises objections qui assaillirent alors le comité de salut public pour dénaturer le vœu de la loi. L’hypocrisie et la mauvaise foi en surchargeaient les couriers. Tontôt on arrêtait les paiements réglés par les lois antérieures, comme si la générosité nationale qui distribue, pouvait jamais reprendre ce qu’elle donne légalement. On faisait mille questions en quelque sorte insultantes au caractère et à l’esprit de la nouvelle loi. On demandoit si les enfans devenus infirmes, au-dessus de l’âge de douze ans, dévoient être secourus; si des citoyennes, à-la-fois mères et veuves, ou veuves et épouses, avaient droit au traitement cumulatif; enfin on nous a demandé une fois quel étoit le maximum du nombre des enfans à secourir dans une famille : comme si ce maximum pouvait être jamais fixé aussi haut que nous le désirons; comme si la République pouvait jamais avoir trop de citoyens. Vos âmes de feu avaient prononcé la loi, et c’est avec une froideur glaciale qu’elle a souvent été effectuée. Les commissaires de district, agens bien nécessaires, n’ont pas en général mis dans leurs opérations la rapide activité que nous devions en attendre; les receveurs, pour l’ordinaire assez récalci-trans, ont surchargé comme à leur ordinaire, la bonne chose, de formalités surabondantes et inutiles. Trop souvent, vous le savez, la bien-