ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [13 avril 1791. | 44 [Assemblée nationale.] de l’article relative à la force publique intérieure.) M. Anson. Je demande l’exéculioo de ce que l’Assemblée a décidé avant-hier, c’est-à-dire que, jusqu’à l’établissement des lois relatives à l’éducation nationale et à l'instruction publique, on veuille ne comprendre que provisoirement tout ce qui peut regarder cet objet dans le ministère de l’intérieur. M. Démeunier, rapporteur. J’adopte l’amendement de M. Anson. Le deuxième paragraphe serait donc, avec les modifications qui viennent d’y être apportées, rédigé comme suit : « 2° De maintenir le régime constitutionnel et les lois touchant les assemblées de commune par communautés entières, ou par sections, les assemblées primaires, et les assemblées électorales, les corps administratifs, les municipalités, la constitution civile du clergé, et provisoirement l’instruction et l’éducation publique, sans que de la présente disposition on ne puisse jamais induire que les questions sur la forme, la régularité et la validité des élections, ou sur l’activité ou l’éligibilité des citoyens, puissent être soumises au jugement du pouvoir exécutif. » (Le deuxième paragraphe, ainsi conçu, est adopté, ainsi que les paragraphes 3, 4, 5 1 1 6.) M. ttowpil-Préfeln. Messieurs, le paragraphe 7mérite un sérieux examen. Vous avez craint l’influence du ministre de la justice sur les juges; vous n’avez pas moins de raisons de, craindre l’influence du ministre de l’intérieur sur les décisions des corps administratifs. Vous ne devez pas perdre de vue que vous leur avez laissé, dans plusieurs cas importants, le droit de donner des décisions. Vous avez, Messieurs, un principe sacré; c’est que l’interprétation des lois ne peut appartenir qu’au Corps législatif. On prend une tournure ingénieuse pour vous faire illusion sur cela : on vous demande seulement la faculté d’éclairer les doutes. Qu’est-ce qu’éclairer un doute, si ce n’est expliquer ce qui n’est pas clair ? Vous voyez, Messieurs, qu’on ne veut pas vous proposer directement, parce que cela serait trop choquant, de donner le pouvoir d’interpréter. On se garde bien d’employer le mot, mais on vous donne la chose; et vous auriez, dans la matière très im-portantede la répartition des impositionsdirectes, des décrions en finance du ministre de l’intérieur, comme vous en aviez, ci-devant, des bureaux du contrôleur général, des intendants des finances, etc. Je demande donc la question préalable sur la disposition d’éclairer les doutes. M. de Ilonilosier. Je pense entièrement comme le préopinant. Je crois qu’il est impossible d’insérer dans l’article une clause qui donne au ministre la faculté d’interpréter les lois; mais je crois qu’il faut encore aller plus loin, et qu’il ne faut pas laisser dans votre Gode constitutionnel une clause par laquelle il serait dit que le Corps législatif lui-même aurait le droit d’interpréter les’ lois ; car je crois, Messieurs, que le Corps législatif doit faire des lois claires; que la seuls interprétation des lois obscures est de les remplacer par des lois claires. Les rescritsdes empereurs, qui n’é'aient autre chose que des interprétations de lois, furent la cause d’une multitude de jugements iniques et vexatoires. Voulez-vous introduire les rescrits du Corps législatif à la place des anciens rescrils odieux des empereurs? Je dis qu’on ne peut laisser subsister la clause du recours au Corps législatif dans le cas où les lois auraient besoin d’être interprétées. J’en demande le retranchement. M. de Menou. J’ai l’honneur d’observer que l’Assemblée nationale a tellement cru que l’indication des moyens pour exécuter les lois appartenait exclusivement au Corps législatif, que, dans toutesles lois importantes d’administrati m, l’Assemblée nationale y a ajouté des instructions sur les moyens d’exécuter ces lois. Je demande en conséquence laradiation de ces mots : « d’éclairer leurs doutes sur les moyens de faire exécuter les lois... », et je propose de rédiger ainsi Je paragraphe : « 7° Il sera h nu de correspondre avec les corps administratifs, de les rappeler à leurs devoirs, de les éclairer sur les moyens défaire exécuter les lois, à la charge de s’adresser au Corps législatif dans tous les cas où elles auraient besoin d’interprétation. » M. Démeunier, rapporteur. J’adopte cette rédaction ; elle est parfaitemeutclaire ; et je demande qu’elle soit mise aux voix. (L’Assemblée ferme la discussion et décrète la nouvelle rédaction ; elle décrète également ie huitième paragraphe.) M. Démeunier, rapporteur. Voici donc quelle serait la rédaction de 1 article relatif aux fonctions du ministre de l’intérieur. » Le ministre de l’intérieur sera chargé : <• 1° De faire parvenir toutes les lois aux corps administratifs; « 2° De maintenir le régime constitutionnel et les lois touchant les assemblées de commune par communautés entières, ou par sections, les assemblées primaires et les assemblées électorales, les corps administratifs, les municipalités, la constitution civile du clergé et provisoirement l’instruction et l’éducation publique, sans que de la présente disposition on puisse jamais induire que les questions sur la forme, la régularité et la validité des élections, ou sur l’activité ou l'éligibilité des citoyens, puissent être soumises au jugement du pouvoir exécutif ; « 3° Il aura la surveillance et l’exécution des lois relatives à la sûreté et à la tranquillité de l’intérieur de l’Etat; « 4° Le maintien et l’exécution des lois touchant les mines, minières et carrières, les ponts et chaussées, la conservation de la navigation et llottage sur les rivières, et du hallage sur leurs bords ; 5° La direction des objets relatifs aux bâtiments et édifices publics, aux hôpitaux, aux établissements et ateliers de charité, et à la répression de la mendicité et du vagabondage; « 6° La surveillance et l’exécution des lois relativement à l’agriculture, au commerce de terre et de mer, aux produits des pêches sur les côtes et des grandes pêches maritimes; à l’industrie, aux arts et inventions, fabriques et manufactures, ainsi qu’aux crimes et encouragements qui pourraient avoir lieu sur ces divers objets; « 7° Il sera tenu de correspondre avec les corps administratifs, de les rappeler à leur devoir, de les éclairer sur les moyens de faire exécuter les lois, à la charge de s’adresser au Corps législatif dans tous les cas où elles auront besoin d'interprétation ; « 8° De rendre compte tous les ans au Corps 15 [Assemblée nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [13 avril 1791. J législatif de l’état de l’administration générale et des abusqui auraient pu s’y introduire. » (Adopté.) M. Démeunier, rapporteur , propose ensuite un article ainsi conçu : « Le ministre de l’intérieur soumettra à l’examen et à l’approbation du roi les procès-verbaux des conseils des départements, conformément à l’article 5 de la section troisième du décret sur les assemblées administratives. » (Adopté.) M. Démeunier, rapporteur. Maintenant que vous avez déterminé les fonctions inhérentes aux différents départements du ministère. Il convient de régler le nombre des ministres. Voici l’article que nous vous proposons : « Les ministres exerceront, sous les ordres du roi, les fonctions déterminées ci-après et seront au nombre de six, savoir : le ministre de la justice, le ministre de l’intérieur, le ministre des contributions et revenus publics, le ministre de la guerre, celui de la marine et des colonies et celui des affaires étrangères. » (Adopté.) M. Démeunier, rapporteur. Après avoir décrété le traitement des ministres, nous avons laissé en arrière un article du plan relatif à leurs pensions de retraite. Voici l’article : « Si leur ministère a été de moins de cinq ans, ils auront en retraite une pension de 2,000 livres pour chacune des années qu’ils auront exercé leurs fonctions ; et, quelle qu’en ait été la durée, leur pension de retraite ne pourra excéder 12,000 livres. » M. Robespierre. Je ne puis m’empêcher de dire que cet article est absolument contraire à la raison et qu’il introduit une distinction inutile et sans objet entre ces fonctionnaires publics et d’autres fonctionnaires publics. Il existe une règle générale pour donner des récompenses pécuniaires à ceux qui ont bien mérité de la patrie; et je ne connais aucune exception pour une place de fonctionnaire publie. Avez-vous décerné des retraites pour les magistrats les plus importants, pour les membres des tribunaux de cassation? En existe-t-il pour les législateurs, pour tous les officiers du peuple? Non. Pourquoi donc en établir une pour les ministres? Je conclus de tout ceci que vous ne pouvez point adopter la distinction proposée par l’article, entre les ministres et les autres fonctionnaires publics, sans supposer implicitement que vous regarderiez cette classe de fonctionnaires publics comme une classe supérieure à toutes les autres. Je demande donc la question préalable sur l’article. (Applaudissements.) M. Démeunier, rapporteur. L’Assemblée nationale n’ayant accordé de pensions à ceux qui ont servi l’Etat que lorsqu'ils auront 30 ans de service, le comité a cru pouvoir présenter cet article, presque indifférent dans lui-même, puisqu’il y aura t ès peu de ministres qui parviendront à 30 ans de service. (L’Assemblée, consultée, décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur l’article du comité.) M. Ruzot demande qu’il soit décrété que nul ne puisse être ministre s’il n’a les qualités requises pour être citoyen actif. M. Anthoîne demande qu’il soit décrété que nul ne puisse être nommé ministre de la justice s’il n’a exercé pendant dix ans les fonctions de juge ou la profession d’homme de loi. (Ces deux propositions sont renvoyées à l’examen du comité de Constitution.) M. Démeunier, rapporteur. Je propose de remettre à demain la suite de l'examen du projet de décret sur l’organisation du ministère. (ue renvoi est décrété.) M. le Président. J’ai reçu de M. le ministre des affaires étrangères la lettre suivante : « Monsieur le Président, « J’ai l’honneur de vous envoyer ci-joint trois actes de prestation de serment civique : le premier, de l’ambassadeur de France à la Porte ottomane, de son secrétaire et des autres officiers de cette ambassade ; le second, du chargé d’affaires de France à Malte et de son chancelier; le troisième, du chargé d’affaires du consulat de France à Moscou. « Ces trois actes forment le complément de ceux qui ont été demandés aux personnes de mon département, employées dans les pays étrangers. « Je suis, etc. « Signé : MONTMORIN. » M. le Président donne ensuite lecture d’une lettre signée par les commissaires des entreposeurs du tabac du royaume, par laquelle ils demandent d’être admis à la barre de l’Assemblée pour lui présenter la pétition qui accompagne leur lettre. (L’Assemblée en ordonne le renvoi aux comités chargés d’examiDer les réclamations des employés supprimés.) L’ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret sur l’organisation de la marine (1). M. Ricard de Séalt (2). On a mis sous vos yeux, un projet de décret sur l’organisation de la marine et sur le mode d’admission et d’avancement (3); on y a ajouté le décret d’application, monument de la plus révoltante injustice. Je trouve le premier vice des deux projets dans la formation du comité de marine, l’objet est trop important pour déguiser la moindre de ses pensées. Ce comité est composé de trois classes de personnes, dont je ne dois pas suspecter les intentions, mais qui se laissent subjuguer par l’intérêt de la classe à laquelle ils appartiennent plus particulièrement; et les membres qui pourraient juger sans prendre parti sont en trop petit nombre, ou ne s’y présentent pas ; ces trois classes sont la marine militaire qui voudrait tout conserver, la marine commerçante qui voudrait tout envahir, l’administrationqui, plus rusée, voit jouer le jeu, et attend sa proie avec une hagarde impatience. 11 est résulté de leur discussion une espèce de transaction où le militaire, plus lin que le marchand, a tout conservé pour son corps, et le marchand, trompé par son ambition même, a cru tout obtenir, parce que nul n’entrerait dans la marine qu’il n’eût été mousse ou novice... Quant (1) Voy. Archives parlementaires , tome XXIV, séance du 12 avril 1791, page 723. (2) Le Moniteur ne donne qu’une très courte analyse de ce discours. (3) Voyez ce document aux annexes de la séance.