617 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Rouen.] Le présent cahier a été rapporté à l’assemblée générale des députés du bailliage d’Andelys, lu d’abord en entier et de suite relu après, article par article, et après avoir été mis en délibération, a été approuvé par l’assemblée, et il a été arrêté qu’il serait signé par tous les délibérants et mis aux mains de M. le bailli, pour être par lui remis au quart des députés qui seront choisis pour le porter à l’assemblée du tiers-état du bailliage de Rouen, étant tous les délibérants présents. Signé Grimport ; Dupont; Denier; Le Roy; Dujardin, syndic, etc., etc. CAHIER De réunion en'un seul des remontrances , plaintes et doléances du tiers-état des villes , bourgs , paroisses et communautés composant le bailliage de Gisors (1). Art. 1er. L’assemblée désire qu’aux prochains Etats généraux les députés de son ordre respectent la prérogative de préséance du clergé et de la noblesse, mais sans consentir aux distinctions qui avilirent les communes aux Etats de Rlois et de Paris. Art. 2. Que la forme prescrite par le règlement du 24 janvier dernier, pour la convocation des Etats généraux dans le nombre proportionne] d’un député pour le clergé, d’un pour la noblesse et de deux pour le tiers-état, soit déclarée lois constitutionnelle du royaume. Art. 3. Que les délibérations aux Etats soient prises et arrêtées par les trois ordres réunis et les suffrages comptés par tête et non par ordre. En cas de difficulté, le Roi sera très-humblement supplié de prononcer sur cette question avant qu’il puisse être traité d’aucune autre matière. Art. 4. La forme de délibérer ayant été arrêtée, les députés, pour assurer le régime de l’ancienne constitution française, demanderont qu’il soit reconnu et établi' par maxime fondamentale et constitutionnelle du. gouvernement à l’avenir invariable : 1° Que la France est une monarchie dont le Roi est le chef; 2° Que l’autorité exécutoire réside en sa personne ; 3° Que la nation, dans tous ses ordres, est libre et franche sous la protection de son Roi et sous la sauvegarde de la loi. 4° Qu’en matière d’impôts et d’emprunts, l’autorité du souverain ne peut s’exercer que par le consentement général de la nation assemblée et le secours des délibérations de son conseil, en matière de législation. 5° Et enfin qu’il ne peut être porté d’atteintes ni à la liberté des individus, ni à la stabilité des propriétés, autrement que par l’application de la loi et par l’intervention des tribunaux ordinaires auxquels le dépôt en est confié. Art. 5. Avant de reconnaître la dette de l’Etat comme dette nationale et d’accorder aucun subside, les députés feront arrêter comme régime permanent et constitutionnel de la monarchie le retour périodique des Etats généraux à des époques certaines, et obtiendront la fixation de la première teneur qui suivra celle de la présente année. Art. 6. Les députés feront statuer qu’à chacune (1) Nous empruntons ce cahier à l’ ouvrage intitulé : Le Gouvernement de Normandie, par M. Hippeau. de ses assemblées il sera traité de toutes les matières relatives à la nature, à la quotité et à la perception des subsides, à la législation, à l’agriculture, au commerce, à l’économie, à l’administration du royaume, et qu’à l’avenir aucune loi, aucun emprunt, aucune levée de deniers, ne pourront avoir lieu que du consentement de la nation, au nom de laquelle ils protesteront qu’elle ne se regardera jamais comme obligée au payement d’aucune dette qui n’aurait pas été par elle consentie, ses Etats généraux assemblés. Art. 7. Les édits rendus sur les demandes des Etats seront adressés aux cours souveraines pour y être promulgués avant leur séparation, et ne pourront, lesdites cours, vérifier, en matière de subsides et d’emprunts, aucune loi qui n’aura point été rendue du consentement de la nation, ses Etats généraux assemblés. Art. 8. Les députés demanderont que tous les impôts actuellement subsistants en France, sans distinction de provinces, sous quelque dénomination qu’ils aient été établis, soient annulés ou révoqués pour être aussitôt remplacés par une imposition nouvelle ; que ceux dont la perception sera jugée indispensablement nécessaire soient rétablis sous la qualification de subsides ou d’octrois, de manière que toutes ces levées prennent leur origine dans la concession libre des Etats généraux. Art. 9. Ils prendront la connaissance la plus exacte des dettes contractées au nom du Roi qu’ils reconnaîtront être celles de la nation ; ils en dresseront un état, en distinguant leur nature par classes et en désignant celles qui, par leur essence, doivent subsister, celles qui sont susceptibles de s’éteindre, enfin celles qui doivent être remboursées à des époques fixes. Art. 10. Ils régleront ensuite la dépense de la maison du Roi, d’une manière convenable à la dignité du trône français, celles du département de la guerre, de la marine, des affaires étrangères, des traitements des ministres, des administrateurs, des sous-ordres, et généralement toutes les autres dépenses du gouvernement, à la somme qu’ils jugeront nécessaire, et détermineront un fonds annuel à verser dans une caisse d’amortissement. Art. 11. Ils demanderont la suppression de tous privilèges pécuniaires et ‘ de toutes immunités personnelles ; il en sera fait une loi expresse avouée par les Etats généraux, sanctionnée par Sa Majesté et adressée aux cours souveraines pour y être promulguée. Art. 12. Ils feront décider que la dette du clergé sera par lui remboursée sur ses fonds et sans que les deux autres ordres de l’Etat puissent être tenus d’y contribuer, cette dette étant le propre fait de son ordre. Art. 13. Les députés ayant acquis la connaissance de la dette nationale s’occuperont des moyens de l’acquitter et de remplacer les impôts par Rétablissement d’un seul subside, si faire se peut, ou de plusièurs, s’il est ainsi jugé nécessaire, en s’attachant à n’adopter que ceux dont la perception sera la moins onéreuse et qui donneront le moins d’essor à la fraude et à l’arbitraire, sans rien prescrire à cet égard. Il est à désirer que le subside qui sera déterminé porte également sur chaque individu des trois ordres, de manière que le propriétaire foncier, relativement à ses propriétés foncières, ne sè trouve pas plus grevé que le particulier dont la fortune réside dans son commerce ou repose dans son portefeuille. Art. 14. Le montant et la durée de l’imposition 618 [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Railliage de Rouen.] seront fixés par les Etats d’une teneur à l’autre, et la perception en cessera de plein droit si la nation n’est rassemblée pour la renouveler. Art. 15. En cas de guerre imprévue, le subside ne pourra être augmenté provisoirement que du sou pour livre de sa masse, et, en cas d’insuffisance, il ne pourra se faire d’autres surimpositions ni aucun emprunt sans la convocation des Etats généraux et de leur consentement, pour être supprimés dans un an du jour de la signature des préliminaires delà paix. Art. 16. La nature de la quotité de l’imposition une fois arrêtée, les députés demanderont que les Etats provinciaux, suspendus en Normandie, soient rendus à la province conformément à ses droits, à ses chartes et à la promesse récente de Sa Majesté. Art. 17. Les Etats provinciaux seront composés des trois ordres, dont un membre du clergé, un de la noblesse et deux du tiers-état. Ce corps sera chargé de veiller à l’exécution des arrêtés faits par les Etats généraux et à tous les détails de l’administration de la province dans le nombre proportionnel qui sera fixé. Art. 18. Du sein de ces Etats provinciaux il sortira des bureaux ou commissions intermédiaires qui seront distribués dans chaque bailliage. Ces bureaux s’occuperont, entre chaque teneur desdits Etats qu’ils remplaceront, de la répartition de l’imposition dans l’étendue de leur arrondissement, suivant le répartement qui leur en aura été adressé par lesdits Etats. Art. 19. Les pouvoirs desdits Etats provinciaux et des bureaux intermédiaires qui les représenteront, seront au surplus déterminés dans l’assemblée des Etats généraux par une loi particulière, sanctionnée par Sa Majesté et adressée aux cours souveraines pour y être promulguée. Art. 20. Us demanderont que la liberté individuelle soit mise à l’abri des atteintes auxquelles elle est exposée et des abus d’autorité, la destruction de toutes les prisons d’Etat, et qu’aucun citoyen ne puisse être arrêté, par l’ordre de qui que ce soit, pour port d’armes, braconnage ou pour toutes autres causes, sans avoir été traduit etentendu devant son juge naturel ou juge du prétendu délit. Art. 21. Ils demanderont : 1° Que la justice soit rendue au nom du Roi seul dans tout le royaume ;, 2° L’abolition à l’avenir de la vénalité des charges ; 3° La suppression des offices municipaux et de ceux des huissiers-priseurs nouvellement créés; 4° Le droit à la nation de se choisir ses juges; 5° La fixation des tribunaux quant à leur arrondissement, leur pouvoir et leur compétence, sans distinction de fiefs nouveaux et de seigneuries; 6° La réduction des degrés de juridiction à deux, dont le premier jugera en dernier, ressort toutes lés causes dont' l’objet principal n’excédera pas la somme de 300 livres, et à quelque somme que ce soit, lorsque le titre sera reconnu et non contesté; 7° Ces juridictions seront composées de trois juges, d’un avocat et d’un procureur du Roi; 8° La suppression des droits de commütimus , d’évocation, des commissions extraordinaires, etc., de tous privilèges attributifs de juridiction, comme sceau du châtelet de Paris, etc., etc. ; 9° Enfin, la réformation des ordonnances. Art. 22. Que le contrôle des actes ne subsiste plus que pour en assurer les dates, et que tous les notaires, même ceux du châtelet de Paris, y soient assujettis, de manière, cependant, qu’il soit perçu un simple droit modique pour subvenir aux frais du service. Art. 23. Ils demanderont la suppression de toutes les dîmes insolites et domestiques, dont les espèces seront déterminées pour chaque province par les Etats généraux. Art. 24. Que les entraves fiscales qui nuisent à l’agriculture soient supprimées; particulièrement, que les laboureurs soient déchargés des contraintes qu’on exerce journellement contre eux pour les convois militaires, et que les adjudicataires soient tenus de faire ce service par eux-mêmes ou par leurs préposés, si mieux ils n’aiment traiter avec les laboureurs degré à gré et à prix défendu. Art. 25. Ils demanderont la suppression des capitaineries et des conservations des chasses; que les seigneurs qui veulent conserver du gibier soient tenus d’avoir des garennes fermées, et qu’il soit pourvu par encouragement à la destruction de toutes espèces d’animaux nuisibles aux productions delà terre. Art. 26. Que les communes soient conservées aux paroisses qui en ont bonne et valable possession, sauf aux habitants à en requérir le partage entre eux, en réservant, néanmoins, le cantonnement suffisant pour le pâturage de leurs bestiaux. Art. 27. Que toutes plantations faites à titre de voirie, le long des chemins royaux et vicinaux, soient déclarées appartenir au propriétaire du fonds. Art. 28. Qu’il soit pourvu à l’abus des arrêts de surséance, des lettres de cession, de répit et d’état. Art. 29. Que les usances et mois de grâce, pour l’échéance des effets de commerce, les poids, mesures et aunages, soient les mêmes dans le royaume ou au moins dans chaque province. Art. 30. Que, pour la facilité du commerce et celle des voyageurs, le privilège exclusif des messageries soit supprimé, et que la concurrence soit admise pour le roulage public et le transport des personnes. Art. 31. Les députés s’occuperont à remettre de l’aisance, de l’ordre et de l’économie dans les finances, et feront ordonner que, pour punir, arrêter et prévenir les concussions, tous ceux qui ont eu le maniement des finances depuis vingt ans et ceux qui leur succéderont, seront tenus de rendre compte de leur administration devant les commissaires qui seront nommés par les Etats généraux. Art. 32. Ils demanderont qu’il ne soit à l’avenir accordé aucuns dons, et que les pensions exorbitantes soient modérées et continuées d’après la réduction qui en sera faite; qu’il n’en soit accordé qu’à ceux dont les services seront recommandables envers l’Etat, à l’effet de quoi il sera fixé par les Etats généraux un fonds déterminé qui y sera affecté. Art. 33. Que le Roi rentre dans ses domaines non valablement aliénés et engagés jusqu’à ce jour, sauf les indemnités de droit. Art. 34. Que les Etats déclarent les domaines de la couronne aliénables; en conséquence, que le Roi soit autorisé d’aliéner tous les domaines qui seront réunis en sa maison, ainsi que ceux dont il est en possession. Qu’il en soit fait des adjudications partielles; qu’elles ne puissent se passer que par-devant les juges des lieux où seront enclavés lesdits domaines avec la plus grande publicité, et que le produit en soit employé à tel usage qu’il sera avisé par les Etats généraux. 619 [États gén. 4789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Rouen.] Art. 35. Qu’il soit pourvu à la conservation des forêts du Roi par une administration moins abusive, en la confiant aux Etats provinciaux, qui veilleront à l’accroissement des plantations en bois dans tout le royaume. Art. 36. Ils demanderont la suppression de la milice comme nuisible en ce quelle dépeuple les villages par l’émigration delà jeunesse, qui se retire dans les grandes villes, où elle se fixe par l’attrait d’une vie oiseuse et libertine. Art. 37. La suppression de toutes loteries, et que celles de l’étranger ne puissent être introduites en France. Art. 38. Qu’il soit établi dans chaque paroisse du royaume des écoles gratuites pour l’instruction de la jeunesse aux frais des gros décima-teurs. Art. 39. Que la mendicité soit entièrement proscrite, et qu’il soit avisé aux moyens de subvenir à des établissements de charité pour la nourriture, l’entretien et le logement des pauvres non valides. Art. 40. Quiconque voudra exercer désormais un. droit de banalité soit tenu d’en justifier par titres authentiques ou par aveux antérieurs à 1400, sinon qu’il soit déchu de ce droit, et, dans le cas où il en serait justifié, que la communauté qui y sera assujettie soit autorisée à rembourser ce droit à tel denier que les Etats généraux fixeront, lequel remboursement ne portera que sur le seul profit résultant du droit de banalité, défalcation faite du produit ordinaire. Art. 41. Gomme dans le temps de disette le pauvre peuple ne peut atteindre au prix excessif d’une mesure de blé, qu’il soit permis à toute personne d’approvisionner de farine et de pain les marchés des lieux qui resteront sujets à la banalité, et ce librement en exemption de tous droits. Art. 42. Ils demanderont que les corvées personnelles dues aux seigneurs de fiefs soient converties, cette espèce de servitude étant une suite de l’anarchie féodale qui a réduit à la qualité de serfs des hommes nés libres et Français ; que ce droit seigneurial soit rédimé par une prestation en argent qui sera déterminée par les Etats généraux à une somme quelconque par tête de redevable. Art. 43. Que les champarts, qui mettent des entraves désastreuses à l’agriculture, soient convertis en une prestation ou redevance annuelle en grains battus ou en argent. Art. 44. Que les droits de traverse, péages, pontonages et autres de cette nature appartenant au Roi, soient supprimés, meme ceux appartenant aux seigneurs, villes et communautés, sauf à pourvoir à leurs indemnités dans le cas où il serait justifié de titres valables. Art. 45. Que les droits passagers et de minage soient réduits à 2 sous pour sac de la mesure du lieu, uniformément dans tout le royaume, un plus fort droit étant nuisible à l’approvisionnement des marchés, sauf l’indemnité, et qu’il soit pris des précautions pour prévenir et arrêter l’excessive cherté des blés. Art. 46. Les députés demanderont que l’administration et la police des grands chemins et des nouvelles routes à ouvrir soient confiées aux Etats provinciaux et par ceux-ci aux commissions intermédiaires, de manière que l’ouverture d’une nouvelle route ne puisse être consentie qu’après le plus sérieux examen de son utilité, et que, sa direction une fois arretée, il ne soit plus possible de la changer sans des motifs reconnus d’avantages économiques. Art. 47- Ils demanderont la suppression des ateliers de charité sur des chemins que les seigneurs font percer pour leur luxe et l’embellissement de leurs terres. Art. 48. Qu’il soit distrait une partie de l’imposition des corvées pour le rétablissement des rues, des villes, des bourgs, des villages et des chemins vicinaux. Art. 49. Que les contributions pour les grands chemins, les ponts et autres travaux publics soient indistinctement supportées par tous les ordres de l’Etat. Art. 50. Que les pigeons soient renfermés depuis la Saint-Jean-Bapliste jusqu’au lor septembre, et depuis la Saint-Michel jusqu’à la Saint-Martin. Art. 51. Que la liberté de la presse soit accordée sous les modifications de droit. Art. 52. Que les baux de gens de mainmorte ne soient plus résiliés de droit par le décès des titulaires, mais que leurs successeurs soient obligés de les entretenir, à moins qu’ils ne paraissent d’une lésion manifeste. Art. 53. Qu’il soit permis à l’avenir de contracter par la voie d’échange avec les gens de mainmorte devant les juges des lieux qui, pour éviter de grands frais, dresseront les procès-verbaux de commodo et incommodo. Art. 54. Que, pour éviter à l’avenir les difficultés tous les jours renaissantes dans la perception des dîmes, il soit fait un règlement invariable à ce sujet. Art. 55. Que toutes les condamnations pécuniaires tant en matière consulaire qu’en matière civile, portent intérêt dans tout le royaume à partir du jour de la demande. Art. 56. Les députés demanderont que les sept principaux bailliages de la province soient conservés sous leur ancienne dénomination dans leur propriété et primitive assiette, et que, dans le cas où ce plan ne pourrait être adopté, l’ancien bailliage principal de Gisors soit rétabli et séant en ladite ville. Ils supplieront Sa Majesté d’ordonner que le bailliage de cette ville soit réintégré dans le droit qu’il avait en 1614 d’envoyer, directement ses députés au nombre de quatre aux Etats généraux. Art. 57. Ils demauderont des embranchements des grandes routes pour la facilité du commerce de la ville de Gisors avec celles d’Andelys, Ver-non et Lions. Art. 58. Ils s’en rapporteront à-tout ce qui sera proposé d’utile sur la résidence des prélats, l’unité de bénéfices, les confections des réparations de presbytères par les curés sur les portions congrues, et enfin en tout ce qui sera décidé être nécessaire pour le régime des biens et la police de l’ordre ecclésiastique. Art. 59. L’assemblée invite les Etats généraux à rendre publiques par l’impression les questions importantes qui seront agitées, pour pouvoir recueillir facilement et promptement l’opinion générale sur les difficultés que ces questions pourront présenter, en les adressant aux bailliages par la voie de la poste. Art. 60. Le vœu unanime de l’assemblée est que les députés aux Etats généraux fassent adresser par l’orateur du tiers-ordre les remercîments les plus sincères au meilleur des Rois, de ce qu’il a rétabli la nation dans tous ses droits ; qu’il l’assure de la reconnaissance, du respect, de l’amour et de la soumission de son peuple et individuellement de ses sujets du bailliage de Gisors, sentiments qu’ils partagent avec tous les Français» 620 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Bailliage de Rouen. pour le père le plus tendre et le monarque le plus chéri. Fait et arrêté en l’auditoire du bailliage de Gi-sors, par nous, commissaires susdits et soussi-gués, en présence de M. le bailli et de M. le procureur fiscal, qui n’ont cessé de présider nos sessions depuis le 31 mars jusqu’à aujourd’hui 4 avril 1789. Signé Jeannot ; Vinot ; Lefebvre; Chailly; Pi-naud; Cheron; Rousselin; Legrand; Vinort de Préfontaine ; Fourmont, procureur fiscal. Le présent, contenant seize pages, cotées et paraphées ne varietur au bas de celle-ci, certifié véritable, par nous, bailli de Gisors, et de nous signé ainsi que du procureur fiscal et de notre greffier, à Gisors, ce 4 avril 1789. Signé Vinot de Préfontaine; Fourmont; Pia-neret. CAHIER Des plaintes et doléances du tiers-état de la ville d’Elbeuf (l). Le peuple réduit à la plus extrême misère, les cœurs des Français aigris par l’infortune des temps les plus désastreux, la langueur du commerce, l’inaction de toutes les manufactures, le dépérissement journalier de toutes les fortunes particulières, une anarchie de tous les principes, le silence des lois, tout porte l’empreinte du désordre et de la confusion, tout demande à grands cris une restauration générale. Des ministres, trompés dans leurs spéculations, ont, contre les plus sages réclamations, signé, par le funeste traité avec l’Angleterre, l’arrêt de mort des fabriques de France, et ont ainsi disposé de leur propre mouvement, de la subsistance d’une classe très-nombreuse de citoyens. La mauvaise administration des finances, le trésor public épuisé, la dette énorme de l’Etat, les frais immenses de la perception de l’impôt, cette armée de traitants, de financiers, s’engraissant du pur sang des peuples; ces gênes, ces entraves du commerce ; des barrières jusque dans l’intérieur du royaume; des obstacles sans fin à la circulation de toutes les denrées ; des faillites, des banqueroutes multipliées qui restent impunies, et où tout est perte pour le créancier par le danger d’avoir recours à la justice, qui consume et absorbe tout ; des arrêts de surséance accordés par la faveur à des gens de la plus mauvaise renommée et dont le but est de dépouiller entièrement leurs créanciers ; les représentations des fabriques, des chambres de commerce non écoutées et méprisées; la sorte d'indifférence du gouvernement pour les manufactures qui sont le nerf et la ichesse de l’Etat, et qui donnent l’âme et la vie au commerce et à l’agriculture ; l’instabilité des ministres, leur pouvoir de changer, d’innover, de tout renverser pour mettre en pratique le système qu’ils ont adopté ; ces débats trop fréquents du ministère avec les cours souveraines, d’où s’ensuit ordinairement la suspension de toute justice; cette ambiguïté de notre constitution qui amène une sorte d’anarchie pendant laquelle naissent des désordres irréparables; des impositions sans nombre, des répartitions inégales, contre lesquelles toute réclamation a été vaine jusqu’ici; les frais immenses d’une régie trop compliquée, qui, en prélevant plus d’un tiers sur les imposi-(1) Nous empruntons ce cahier à l’ouvrage intitulé : Le Gouvernement de Normandie, par M. Hippeau. tions, ne laissent parvenir au trésor royal qu’une partie insuffisante pour ses besoins; l’assentiment de la détresse .de l’Etat, d’un déficit effrayant, cette crainte du renversement total de la fortune publique ..... voilà les justes motifs des doléances des peuples; voilà ce qui couvre le plus beau royaume de l’Europe d’un crêpe funèbre et lui imprime le sceau du deuil et de la tristesse. C’est particulièrement sur ces différents objets que l’assemblée donne, par le présent acte, aux personnes qui seront choisies, les pouvoirs généraux pour la représenter aux Etats généraux, y proposer, remontrer, aviser et consentir tout ce qui peut concerner les besoins de l’Etat, la réforme des abus, l’établissement d’un ordre fixe dans toutes les parties du gouvernement, la prospérité générale du royaume et le bonheur, tant commun que particulier, de tous les citoyens. Art. 1er. Le vœu de l’assemblée est qu’avant tout, il soit statué que les délibérations aux Etats généraux seront prises par les trois ordres réunis, et les voix comptées par tête. Art. 2. Que, préliminairement à toute autre discussion, la constitution française soit solennellement reconnue et sanctionnée; qu’il soit arrêté qu’à l’avenir il ne pourra être créé d’impôt ni fait d’emprunt sans le consentement de la nation; que les Etats provinciaux soient établis dans toutes les provinces du royaume et le retour des Etats généraux périodiquement fixé de cinq ans en cinq ans. Art. 3. Que toutes les provinces abdiquent leurs privilèges particuliers, afin que l’Etat ne présente qu’une seule et même famille, soumise au môme chef, jouissant des mêmes droits et contribuant aux mêmes charges. Art. 4. Qu’ensuite, et en portant la plus scrupuleuse économie dans toutes les branches de l’administration, les Etats généraux fixent les besoins actuels de l’Etat, en y comprenant les remboursements de toutes les charges de la magistrature, tous autres remboursements qu’ils jugeront utiles, les avances des traitants et les fonds nécessaires pour la retraite des employés qui seront jugés la mériter; que le partage s’en fasse de province en province, relativement à leur richesse territoriale, à leur commerce et à leur population, et qu’on leur laisse la liberté d’imposer leurs contributions ainsi qu’elles aviseront bien ; mais sous la condition très-expresse de ne pouvoir la donner à ferme, afin qu’il n’existe plus de traitants, et que le commerce soit entièrement libre et dégagé de toutes les entraves fiscales sous lesquelles il gémit depuis si longtemps. Art. 5. Que les besoins extraordinaires de l’Etat soient fixés par approximation, ainsi que les circonstances dans lesquelles ils seront réputés avoir lieu et devoir cesser; que la somme qu’ils exigeront soit répartie de province en province, comme en l’article précédent, et perçue sur le contribuable en augmentation des impôts, au moyen desquels se percevra la contribution de chaque province aux besoins ordinaires. Art. 6. Que, pour rendre les impôts uniformes dans tout le royaume, les Etats généraux conviennent de ceux au moyen desquels ils jugeront qu’il est possible à chaque province d’acquitter la contribution, et qu’à ce moyen tous ceux des impôts actuels qui ne seront pas jugés de nature à atteindre ce but soient éteints et supprimés. Art. 7. Qu’il n’en soit établi ni conservé aucun sur les denrées et marchandises qui circulent dans l’intérieur du royaume, mais seulement sur les denrées et marchaudises importées en France;