42 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [13 avril 1791.J M. Robespierre. Je dis que le ministre qui aurait le droit de décider sous quelque titre, sous quelques expressions qu’on lui donne, ce droit de décider pourrait, à la faveur de l’obscurité de ces articles, prétendre au pouvoir de décider ces contestations; et je me suis aperçu que l’intention du comité est de donner ici la plus grande partie de la puissance judiciaire au ministre de l’intérieur. Ces idées me font appuyer M. de Fol-ville. M. Démeunier, rapporteur. Il n’en est nullement question. Je vais vous rappeler quelles seraient les fonctions du ministre des contributions publiques, si vous adoptiez ce paragraphe. Vous avez décrété que les rôles seraient faits daus les municipalités, à telle époque, après que le district aurait envoyé l’état de la répartition. Voilà une loi : il faut que cette loi soit exécutée. Les administrations de districts et de départements sont chargées de veiller à l’exécution de la loi; et comme elles sont en correspondance avec le chef suprême de l’administration générale, le ministre est chargé aussi d’examiner si on a exécuté cette partie de la loi; ainsi, si une municipalité n’a pas fait son rôle au terme prescrit par la loi, le ministre écrit, de la part du roi, aux corps administratifs de faire exécuter la loi, et pour la confection des rôles, et pour les recouvrements des deniers. L’article ne dit rien autre chose. 11 ri’est donc pas question de décision, il n’est pas question de jugement. Ce qu’on vous propose est le maintien de la loi. Plusieurs membres demandent que la discussion soit fermée. M. Durand de Maillane. Pour écarter tous les doutes et toutes les inquiétudes et concilier toutes les opinions, il faut dire : « sans qu’en aucun cas, le ministre puisse juger et prononcer une des contestations relatives à l’exécution de la loi. » M. Démeunier, rapporteur. Cette disposition se trouve insérée dans une autre partie du décret. (L’Assemblée ferme la discussion et décrète les différents paragraphes de l’article du comité.) M. Démeunier, rapporteur. Nous passons maintenant aux fonctions du ministre de l'intérieur. Voici notre projet d’article : « Le ministre de l’intérieur sera chargé : « 1° De faire parvenir toutes les lois aux corps administratifs ; « 2° De maintenir le régime constitutionnel et les lois touchant les assemblées de commune par communautés entières ou par sections, les assemblées primaires et les assemblées électorales, les corps administratifs, les municipalités, la force publique intérieure, la constitution civile du clergé, rinstruction et l’éducation publiques, sans que de la présente disposition on puisse jamais induire que les questions sur la forme et la validité des élections, ou sur l’activité ou l’éligibilité des citoyens, puissent être soumises au jugement du pouvoir exécutif; « 3° Il aura la surveillance et l’exécution des lois relatives à la sûreté et à la tranquillité de l’intérieur de l’Etat; « 4° Le maintien et l’exécution des lois touchant les mines, minières et carrières, les ponts et chaussées, la conservaiion de la navigation et du flottage sur les rivières et du hallage sur leurs bords ; « 5° La direction des objets relatifs aux bâtiments et édifices publics, aux hôpitaux, aux établissements et ateliers de charité et à la répression de la mendicité et du vagabondage; « 6° La surveillance et l’exécution des lois relatives à l’agriculture, au commerce de terre et de mer, aux produits des pêches sur les côtes et des grandes pêches maritimes, à l’industrie, aux arts et inventions, fabriques et manufactures, ainsi qu’aux primes et encouragements qui pourraient avoir lieu sur ces divers objets ; « 7° Il sera tenu de correspondre avec les corps administratifs, de les rappeler à leurs devoirs, et éclairer leurs doutes sur les moyens de faire exécuter les lois; « 8° De rendre compte tous les ans au Corps législatif de l’état de l’administration générale et des abus qui auraient pu s’y introduire. (Le premier paragraphe de cet article est mis aux voix et décrété.) M. Pétion de Villeneuve. J’observe que le second paragraphe englobe les municipalités et la force publique intérieure. Or, il sera bon de savoir si, sous le mot de force publique intérieure, vous avez entendu comprendre les gardes nationales : jusqu’à présent il n’a rien été décrété à cet égard; et assurément il est impossible, parles décrets que rassemblée nationale rendra, qu’elle mette les gardes nationales sur la ligue de la force publique qui serait sous la surveillance du pouvoir exécutif; ainsi, il faut bien s’entendre là-dessus. M. Prieur. J’appuie les observations de M. Pétion et j’en ajoute une très courte. Je lis dans l’article : « sans que l’on puisse jamais induire que les questions sur la forme et la validité des élections.... — » Je propose de dire : «.... sur la forme, la régularité et la validité des élections ». M. Démeunier, rapporteur. J’adopte l’addi-tioi proposée par M. Prieur. M. Buzot. Je crois qu’il est très bon d’ajourner ce qui regarde la force publique intérieure; et d’abord parce que vous avez mis dans le département de la guerre ce qui concerne la gendarmerie nationale. M. Démeunier, rapporteur. Pour l’avancement et la tenue militaire seulement. M. Buzot. Eh bien ! tout ce qui ne regarde pas ce que vous avez mis dans le département de la guerre regarde absolument le corps adminis-r tratif. Ainsi, sous ce rapport, il est inutile que la gendarmerie soit, d’une part dans le département du ministre de la guerre, et de l’autre dans celui du ministre de 1 intérieur ; et j’observerai ici que si en Angleterre, par exemple, on n’a point cette force publique intérieure, c’est que l’on n’y a pas les départements, et que l’on ne veut pas mettre dans les mains du ministre une force intérieure, dont il se servirait contre les citoyens. Au reste, rien n’est absolument déterminé sous ce rapport; et je crois que l’on ne doit pas, dans une expression aussi vague, embrasser une question qui intéresse autant la liberté. Je demande donc que cela soit distrait de l’article, sauf à l’ajouter ensuite. [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [13 avril 1791. J 13 M. Regnaud (de Saint-Jean-d' Angély). C’est récisément pour le maintien de la liberté pu-lique que le ministre doit avoir la surveillance et le pouvoir nécessaire pour assurer l’exécutiou des lois. Il ne doit pas diriger les gardes nationales, mais bien veiller au maintien des lots constitutionnelles relatives aux gardes nationales. Il est arrivé à Montauban, au camp de Jalès, que des corps de gardes nationales se sont élevés contre les lois: la surveillance du ministre ne sera-t-elle pas utile pour prévenir de semblables mouvements? M. Démeunier, rapporteur. Le comité n’a pas voulu parler des gardes nationales, sur lesquelles on ne doit rien préjuger, mais bien de la gendarmerie nationale. 11 faut que le ministre en surveille les mouvements; il faut surtout qu’il puisse maintenir les corps administratifs, auxquels vous avez donné constitutionnellement un si grand pouvoir, dans les limites de leurs fonctions. Il doit, par exemple, avoir le droit d’annuler leurs actes, lorsqu’ils feront agir la gendarmerie nationale contre les lois. M. Buzot. Entre-t-il dans votre système de toujours calomnier les corps administratifs, pour attribuer tout le pouvoir aux ministres.? M. Démeunier, rapporteur. Je prie le proépi-nant de ne pas calomnier lui-même un rapporteur, avant de l’avoir entendu. Je dis que vous avez rendu des décrets pour la gendarmerie nationale, et qu’il faut que le roi soit chargé de l’exécution de ces décrets, comme de toutes les autres. M. Prieur. Je demande qu’il soit dit expressément que le ministre ne pourra mettre la gendarmerie nationale en activité. M. de Menou. J’appuie cet amendement. Si les Anglais n’ont pas de gendarmerie nationale, c’est parce qu’ils ont senti combien cette troupe serait dangereuse dans les mains du ministre. Aussi, à Londres, les personnes chargées de la police ne sont armées que de bâtons. M. d’André. Il est une foule de circonstances où il est indispensable que le ministre puisse faire transmettre des ordres à la gendarmerie nationale ; tel est par exemple le cas où il s’agirait de faire escorter un convoi. Je demande que l’on se borne à dire que, lorsque le ministre donnera des ordres à la gendarmerie nationale, celle-ci ne puisse les mettre à exécution qu’à-près les avoir communiqués aux corps administratifs. M. Robespierre. Ne voyez-vous pas quels moyens ou a employés avant cette discussion pour fermer la bouche à ceux qui veulent défendre les principes du patriotisme. L’intention du comité est de donner tout le pouvoir aux ministres. Je demande qu’ils n’aient d’influence ni directe ni indirecte en activité. M. Briols-Beaumetz. Le système qui tend à refuser au gouvernement toute espèce d’action, même médiate sur la force publique par l’interposition des corps administratifs, est un système fédératif. (Murmures.) En effet, de ce système naît la puissance absolue qui s’isole, dans l’étendue de son territoire, entre les mains des corps administratifs. Or, s’il y a une branche d’administration dans laquelle les corps administratifs ne tiennent pas au centre commun de l’autorité, dès ce moment il y a séparation. Ces corps ne sont plus liés par l’unité du système monarchique, mais divisés par le système fédératif. Sans doute qu’après avoir aperçu cet inconvénient, il nous suffit, avec la détermination bien prononcée de celte Assemblée, de ne point tomber dans le système fédératif, il nous suffit, dis-je, d’examiner la nature des ordres qui peuvent être donnés par le ministre aux corps administratifs. S’ils sont conciliables avec la liberté, alors ces corps doivent obéir; si au contraire ces ordres tendent à détruire la Constitution, alors l’insurrection des corps administratifs sera, non pas un droit, mais un devoir: alors ils devront se refuser à devenir les instruments de la destruction de la liberté publique. Il est donc évident que l’interposition de ces corps prévient tous les dangers; et je demande que la surveillance soit accordée au ministre. M. Dubois-Crancé. Nul membre de cette Assemblée n’a l’intention d’établir un système fédératif; mais la raison qu’emploie M. Briois-Beaumetz est absolument illusoire, et j’oserai dire dérisoire. Il est absurde de présenter, pour remède à Babas d’autorité que pourrait faire un ministre, l’insurrection des départements. J’appelle cela, moi, le système anarchique. Il faut bien que le ministre ait le droit de donner des ordres; mais ce n’est pas un motif pour lui procurer la faculté de faire mouvoir à volonté les corps armés qui existent dans les départements. En vain dit-on que les corps administratifs pourront arrêter l’impulsion que le ministre voudrait donner à la force publique. Il y a une loi qui autorise le ministre à suspendre les directoires quand ils n’obéiront pas à leurs ordres ; ainsi, par la crainte de perdre leur état et la confiance publique, de mettre leur pays en insurrection, ils seront forcés d’obéir. Il faut sans doute que le ministre puisse faire protéger un convoi; ruais alors il faut seulement qu’il donne avis du passage du convoi aux corps administratifs, et c’est àceux-ci, sousleurresponsabilité,à prendre les mesures nécessaires poursa sûreté. (Applaudissements.) M. Rnzot. C’est vraiment une chose dérisoire que de venir parler de système fédératif à une Assemblée qui a mis toute la force publique extérieure entre les mains du roi, qui a consolidé la monarchie, qui a donné au ministre une si grande influence sur les corps administratifs. J’aime à faire cette observation, pour qu’on ne vienne pas à chaque instant inculper les meilleurs patriotes. M. Démeunier, rapporteur. Le travail que vous avez fait jusqu’ici sur la force publique intérieure est loin d’être complet. Le comité de Constitution a ajouté un projet assez étendu, qui Ya être imprimé à la suite de celui sur la garde nationale. Son objet est l’emploi et l’action de la force publique. Il n’y aurait donc pas d’inconvénients à ajourner, dans l’article qui nous occupe actuellement, les dispositions relatives à la force publique intérieure , jusqu’au moment où vous aurez sous les yeux le travail que je vous annonce. (L’Assemblée décrète l’ajournement delà partie ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [13 avril 1791. | 44 [Assemblée nationale.] de l’article relative à la force publique intérieure.) M. Anson. Je demande l’exéculioo de ce que l’Assemblée a décidé avant-hier, c’est-à-dire que, jusqu’à l’établissement des lois relatives à l’éducation nationale et à l'instruction publique, on veuille ne comprendre que provisoirement tout ce qui peut regarder cet objet dans le ministère de l’intérieur. M. Démeunier, rapporteur. J’adopte l’amendement de M. Anson. Le deuxième paragraphe serait donc, avec les modifications qui viennent d’y être apportées, rédigé comme suit : « 2° De maintenir le régime constitutionnel et les lois touchant les assemblées de commune par communautés entières, ou par sections, les assemblées primaires, et les assemblées électorales, les corps administratifs, les municipalités, la constitution civile du clergé, et provisoirement l’instruction et l’éducation publique, sans que de la présente disposition on ne puisse jamais induire que les questions sur la forme, la régularité et la validité des élections, ou sur l’activité ou l’éligibilité des citoyens, puissent être soumises au jugement du pouvoir exécutif. » (Le deuxième paragraphe, ainsi conçu, est adopté, ainsi que les paragraphes 3, 4, 5 1 1 6.) M. ttowpil-Préfeln. Messieurs, le paragraphe 7mérite un sérieux examen. Vous avez craint l’influence du ministre de la justice sur les juges; vous n’avez pas moins de raisons de, craindre l’influence du ministre de l’intérieur sur les décisions des corps administratifs. Vous ne devez pas perdre de vue que vous leur avez laissé, dans plusieurs cas importants, le droit de donner des décisions. Vous avez, Messieurs, un principe sacré; c’est que l’interprétation des lois ne peut appartenir qu’au Corps législatif. On prend une tournure ingénieuse pour vous faire illusion sur cela : on vous demande seulement la faculté d’éclairer les doutes. Qu’est-ce qu’éclairer un doute, si ce n’est expliquer ce qui n’est pas clair ? Vous voyez, Messieurs, qu’on ne veut pas vous proposer directement, parce que cela serait trop choquant, de donner le pouvoir d’interpréter. On se garde bien d’employer le mot, mais on vous donne la chose; et vous auriez, dans la matière très im-portantede la répartition des impositionsdirectes, des décrions en finance du ministre de l’intérieur, comme vous en aviez, ci-devant, des bureaux du contrôleur général, des intendants des finances, etc. Je demande donc la question préalable sur la disposition d’éclairer les doutes. M. de Ilonilosier. Je pense entièrement comme le préopinant. Je crois qu’il est impossible d’insérer dans l’article une clause qui donne au ministre la faculté d’interpréter les lois; mais je crois qu’il faut encore aller plus loin, et qu’il ne faut pas laisser dans votre Gode constitutionnel une clause par laquelle il serait dit que le Corps législatif lui-même aurait le droit d’interpréter les’ lois ; car je crois, Messieurs, que le Corps législatif doit faire des lois claires; que la seuls interprétation des lois obscures est de les remplacer par des lois claires. Les rescritsdes empereurs, qui n’é'aient autre chose que des interprétations de lois, furent la cause d’une multitude de jugements iniques et vexatoires. Voulez-vous introduire les rescrits du Corps législatif à la place des anciens rescrils odieux des empereurs? Je dis qu’on ne peut laisser subsister la clause du recours au Corps législatif dans le cas où les lois auraient besoin d’être interprétées. J’en demande le retranchement. M. de Menou. J’ai l’honneur d’observer que l’Assemblée nationale a tellement cru que l’indication des moyens pour exécuter les lois appartenait exclusivement au Corps législatif, que, dans toutesles lois importantes d’administrati m, l’Assemblée nationale y a ajouté des instructions sur les moyens d’exécuter ces lois. Je demande en conséquence laradiation de ces mots : « d’éclairer leurs doutes sur les moyens de faire exécuter les lois... », et je propose de rédiger ainsi Je paragraphe : « 7° Il sera h nu de correspondre avec les corps administratifs, de les rappeler à leurs devoirs, de les éclairer sur les moyens défaire exécuter les lois, à la charge de s’adresser au Corps législatif dans tous les cas où elles auraient besoin d’interprétation. » M. Démeunier, rapporteur. J’adopte cette rédaction ; elle est parfaitemeutclaire ; et je demande qu’elle soit mise aux voix. (L’Assemblée ferme la discussion et décrète la nouvelle rédaction ; elle décrète également ie huitième paragraphe.) M. Démeunier, rapporteur. Voici donc quelle serait la rédaction de 1 article relatif aux fonctions du ministre de l’intérieur. » Le ministre de l’intérieur sera chargé : <• 1° De faire parvenir toutes les lois aux corps administratifs; « 2° De maintenir le régime constitutionnel et les lois touchant les assemblées de commune par communautés entières, ou par sections, les assemblées primaires et les assemblées électorales, les corps administratifs, les municipalités, la constitution civile du clergé et provisoirement l’instruction et l’éducation publique, sans que de la présente disposition on puisse jamais induire que les questions sur la forme, la régularité et la validité des élections, ou sur l’activité ou l'éligibilité des citoyens, puissent être soumises au jugement du pouvoir exécutif ; « 3° Il aura la surveillance et l’exécution des lois relatives à la sûreté et à la tranquillité de l’intérieur de l’Etat; « 4° Le maintien et l’exécution des lois touchant les mines, minières et carrières, les ponts et chaussées, la conservation de la navigation et llottage sur les rivières, et du hallage sur leurs bords ; 5° La direction des objets relatifs aux bâtiments et édifices publics, aux hôpitaux, aux établissements et ateliers de charité, et à la répression de la mendicité et du vagabondage; « 6° La surveillance et l’exécution des lois relativement à l’agriculture, au commerce de terre et de mer, aux produits des pêches sur les côtes et des grandes pêches maritimes; à l’industrie, aux arts et inventions, fabriques et manufactures, ainsi qu’aux crimes et encouragements qui pourraient avoir lieu sur ces divers objets; « 7° Il sera tenu de correspondre avec les corps administratifs, de les rappeler à leur devoir, de les éclairer sur les moyens de faire exécuter les lois, à la charge de s’adresser au Corps législatif dans tous les cas où elles auront besoin d'interprétation ; « 8° De rendre compte tous les ans au Corps