\{Q [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 avril 1790.] membres qui composeront le corps administratif du département; 6° Au décret du 16, qui met de nouveau sous la sauvegarde delà loi les juifs de l’Alsace et des autres provinces du royaume; 7° Au décret dudit jour, qui autorise les officiers municipaux de la ville de Verseil à faire un emprunt de 2,000 livres; 8° Au décret dudit jour, contenant la même autorisation en faveur de la municipalité de Pou-langy, pour une somme de 7,000 livres ; 9° Au décret dudit jour, qui autorise les officiers municipaux de la ville de Saint-Dié en Lorraine, à percevoir, par provision, 1 5,500 livres sur le prix de la vente de ses biens communaux ; 10° Aux décrets dudit jour et 1 /, concernant les dettes du clergé, les assignats, les revenus des domaines nationaux, en attendant que la vente de ces domaines soit effectuée; 11° Au décret du 17, relatif aux billets de la Caisse d’escompte; 12° Au décret dudit jour, portant que le Châtelet de Paris peut et doit continuer l’instruction, jusqu’à jugement définitif, des contestations et procédures criminelles, relatives à l’altération et fabrication des lettres de change, acceptées par les sieurs Tourton, Ravel et Gallet de Santerre, aux termes des lettres-patentes nu 2 décembre 1786 ; 15° Enfin Sa Majesté a donné des ordres pour qu’il soit sursis à toute instruction ultérieure et à toule exécution de sentence, s’il en a été rendu, dans la procédure commencée par les officiers municipaux de Schelestat, contre les sieurs Streicher, Ambruster, Fuchs et autres citoyens emprisonnés, et pour l’apport d’une expédition des pièces de cette procédure. Signé j l’archevêque de Bordeaux. Paris, ce 19 avril 1790. M. le Président annonce l’ordre du jour de demain. Il comprend la suite de la discussion du projet de décret pour le remplacement de la dîme; un rapport sur les postes et un rapport sur les chasses. lre ANNEXE à la séance de l'Assemblée nationale du 19 avril 1790. Opinion du marquis de Laqueniile sur le pro-. jet de décret du comité de constitution, concernant la prolongation des pouvoirs de MM. les députés (1 ). Messieurs, le projet de décret qui vient de vous être proposé, exige de ma part une discussion particulière. Je suis porteur d’un mandat qui m’enjoint de me retirer au bout d’un an de l’Assemblée des Etats généraux. Je suis loin de vouloir lutter contre les préopinants, j’admire leur éloquence et n'ai que le langage d’un soldat. J’ai entendu avec étonnement le projet de décret qui (1) La discussion a été fermée au moment où j’allais prendre la parole, quoique M. le Président ait bien voulu observer à l’Assemblée que j’avais à l’instruire de mon mandat. vous est soumis; j’y ai va, comme vous l’a fait entendre le premier opinant (1), l’oubli de nos devoirs et l’abus de l’autorité qui nous a été confiée. Je le répète, d’après lui et d’après toute la France, nous ne sommes que des députes de bailliages, nous avons été convoqués par le roi, nous sommes responsables à lui et à nos commettants de l’usage que nous avons fait de nos pouvoirs. Pourquoi avons-nous été appelés, et que nous a-t-on ordonné en nous constituant représentants de la nation? De réformer les abus, d’affermir l’autorité du roi, en écartant l’arbitraire des ministres, d’améliorer les finances, de soulager le fardeau de l’impôt qui pesait sur la classe indigente du peuple, d’assurer la dette de l’Etat, après en avoir écarté, les intérêts usuraires : voilà notre mission. Qu’avons-nous fait? Les députés des communes, assemblés illégalement au jeu de paume, se sont déclarés Assemblée nationale : qui leur avait permis de prendre ce titre? N’étaient-ils pas convoqués pour des Etats généraux? N’avaient-ils pas été envoyés pour former des Etals généraux ?Gomment pouvaient-ils se déclarer, au mépris de leurs serments, Assemblée constituante? tandis qu’ils savaient bien qu’ils n’étaient et ne sont encore qu’une assemblée constituée? mais non seulementils ont prévariqué en ce point essentiel, ils ont cru devoir se lier par un serment incroyable, aussi attentatoire à l’autorité de la nation qu’à celle du roi. Et l’on vient nous dire que nous sommes tous liés par ce serment; le comité a donc oublié qu’à cette époque, la moitié de ce qui compose aujourd’hui l’Assemblée nationale, n’était pas réunie à celle qui existait au jeu de paume, et je suis bien aise de déclarer à cette Assemblée, que je ne me serais jamais rendu coupable d’un pareil forfait, car c’en est un de manquer à la fois, au roi, à la loi et à la nation. Je viens d’entendre le préopinant (2) déclarer que l’Assemblée avait rendu à la France sa liberté, et lui avait recouvré tous ses droits ; cela n’est pas. G’est la nation elle-même qui les a réclamés dans nos cahiers, et le roi qui les lui a accordés dans sa déclaration du 23 juin. G’est le même préopinant quvpour couvrir l’oubli de toutes les lois et le mépris de toutes les autorités, a cité ce bon mot de l’antiquité, lorsque l’on demandait à Cicéron s’il n’avait pas enfreint les lois, il répondit : J’ai sauvé la république. Et moi, je lui dirai : Vous l’avez perdue. Vous avez effrayé les peuples par des terreurs imaginaires; vous avez employé tous les genres de séduction pour égarer vos concitoyens; vous avez trahi Ja cause commune. Quel bien avez-vous fait? Nous devions opérer le salut de l’Etat en faisant le bien du peuple. Croyez-vous l’avoir opéré, en brisant la chaîne qui unissait les citoyens Français, en armant un millions d’hommes dans le royaume; en excitant partout à la sédition et à la révolte contre l’autorité légitime ? Prétendez-vous faire le bien, en-refusant de déclarer que la religion catholique est la religion de i’Etat? Qu’est-ce que c’est que cedécret, où vous prétendez que le respect nous empêche de délibérer, que la religion de nos pères est et sera toujours la nôtre? Je suis attaché à cette religion par serment, par persuasion, par inclination, et elle fonde notre bonheur sur l’acquit de nos devoirs. Espérez-vous avoir fait le bien du peuple, en dépouillant les ministres de l’Eglise des biens qu’ils ne tenaient pas de la nation, mais (1) L’abbé Maury. (2) M. le comte de Mirabeau. [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 avril 1790.] de citoyens qui les avaient consacrés au culte de Dieu et au soulagement de l’humanité souffrante, au lieu d’accepter l’offre d’un emprunt de 40 millions, qui eût sauvé l’Etat. Croyez-vous avoir fait du bien aux habitants des campagnes, en leur ôtant leurs seigneurs, qui n’étaient attachés à ce titre que parce qu’il leur donnait le droit de les traiter en père? Quant à moi, mes anciens vassaux seront toujours mes amis. Quel bien avez-vous fait en supprimant les droits honorifiques, qui ont diminué d’un tiers la valeur des biens du royaume; croyez-vous avoir fait une action louable en attaquant et violant toutes les propriétés, en privant les peuples de ces magistrats qu’ils étaient accoutumés à respecter? Dépositaires de nos lois, ils en étaient l’organe. N’avez-vouspasàvousrepro-cher les égarements du peuple, et par conséquent son malheur? Lorsque vous vantez sans cesse une révolution qui a détruit l’ordre établi dans ce royaume pour la tranquillité du citoyen; lorsque vous applaudissez, quand on ose vous dire que l’insurrection est le plus saint des devoirs, nous ne devions parler au peuple que le langage de la paix, de la soumission et de l’amour. On parle sans cesse de ses intérêts; s’en est-on vraiment occupé? Non, Messieurs, nous les avons trahi au lieu de les avoir servis; si ces vérités avaient le malheur de vous déplaire, songez que ce langage n’est permis qu’à celui qui, associé à vos travaux, ne veut pas partager le blâme de vos opérations. Il vous en abandonne toute la gloire si vous en retirez. Daignez éclairer un cœur sensible, qui, depuis qu’il existe, n’a respiré que pour le bonheur de son roi et de sa patrie, leur a consacré sa vie et sa fortune, qui s’était flatté, en arrivant aux Etats généraux, de voir réparer les maux de l’Etat, et ses concitoyens jouir d’un bonheur auquel il aurait contribué. Je ne vois au contraire que le plus vertueux et le meilleur des monarques abreuvé d’amertume, le peuple français troublé et ruiné, et le commerce détruit, le numéraire disparu, la confiance perdue, toutes les classes des citoyens craignant la dissolution de cette brillante monarchie. Dans le projet du comité de constitution, on vous propose de défendre aux assemblées de département de remplacer la législature actuelle; on annonce que celle qui nous remplacera n’aura pas le droit de rien changer dans la constitution que nous avons établie ; mais ne craignez-vous pas qu’on ne vous compare aux tyrans de l’Asie, qui exigent l’obéissance servile à leurs lois, sans permettre une réclamation ? L’histoire nous apprend que le despotisme d’un seul a toujours été moins funeste que celui d’un sénat, que le despotisme de la multitude est le règne des passions, et non celui de la raison; soyez sûrs que l’on vous dira que vous avez oublié ce que vous deviez à ceux qui vous ont envoyés, la mission dont ils vous avaient chargés; on' vous appellera des factieux, qui, craignant le compte que vous aviez à rendre, avez détruit les provinces et les bailliages pour n’avoir plus aucuns censeurs ; mais la nation entière sera votre juge, et le premier moment d’ivresse étant passé, elle verra l’abîme où vous l’avez plongée. Quant à moi, Messieurs, persuadé que ce n’est qu’à mon bailliage que je dois l’honneur d’être un des représentants de la nation, que la constitution, que j’étais chargé de réclamer, était la même dans tous les cahiers, que c’était celle établie par nos pères, que l’Assemblée nationale en a fait une diamétralement opposée, je déclare que j’ai protesté contre tous ceux de vos décrets qui y sont 117 contraires. Fidèle, jusqu’à la fin de ma mission, au serment que j’ai prononcé entre les mains de mes commettants, je ne croirai jamais que vous ayez le pouvoir de le délier, et les opinions de la majorité de cette Assemblée, sur ce lien sacré, qui nous unit à nos commettants, loin de me convaincre, m’ont paru contradictoires avec celui que vous exigiez pour une constitution contraire au vœu connu des bailliages. Ou vous faites cas des serments, ou vous les méprisez ? Si vous en faites cas, le seul qui nous lie est celui que nous avons prêté à ceux qui nous ont donné leurs pouvoirs. Gomme ils m’ont ordonné de me retirer au bout d’un an, je serai exact à leur obéir. Ils m’ont aussi expressément recommandé de faire autoriser les Etats généraux, une assemblée de la noblesse de la sénéchaussée d’Auvergne, pour leur rendre compte de ma conduite. Quelque étrange que puisse vous paraître cette demande, je n’aurai pas à me reprocher de ne l’avoir pas faite, en quittant le titre honorable de représentant de la nation; je rentrerai dans la classe de vos juges, j'y attendrai, en silence et avec respect, la décision que la nation française portera sur vos travaux; si elle adopte votre constitution, j’en serai un des plus zélés défenseurs et mon dernier soupir sera pour mon roi et ma patrie. 28 ANNEXE à la séance de l'Assemblée nationale du 19 avril 1790. Observations et projet de décret sur les classes de la marine (1), par MM. le marquis de Vau-dreuil, lieutenant général des armées navales, député de Castelnaudary ; et le chevalier de La Coudraye, ancien lieutenant de vaisseau , député du Poitou, l’un et l'autre membres du comité de manne. (Imprimés par ordre de l’Assemblée nationale). Messieurs, le régime des classes nous semble devoir être conservé tel qu’il est prescrit par l’ordonnance du 31 octobre 1784; et voici les motifs de notre avis ; nous supplions l’Assemblée nationale de les méditer avec attention et de les peser rigoureusement dans sa sagesse, puisqu’il s’agit d’un point important d’où peut dépendre le sort de nos armées navales. Ce sont des marins qui les présentent; des marins qui prennent l’intérêt le plus vif à cet état, et qui ne s’élèvent qu’avec regret contre l’opinion de la majorité du comité de la marine, dont ils font eux-mêmes partie. 1° 11 faut convenir qu’embarquer sur un vaisseau de guerre sera toujours une corvée pour le matelot, quand même on y doublerait sa paye; c’est que l’on se bat sur un vaisseau de guerre et que l’on prévoit la possibilité d’y être estropié ou de laisser une veuve et des orphelins ; c’est que le matelot s’y trouve dans un degré de subordination et de dépendance qu’il ne connaît pas sur le bâtiment de commerce; c’est qu’enlin il y est privé de son coffre, de ses aisances, qui lui rendraient les fatigues de la navigation plus supportables. Il ne faut pas croire cependant que cet élo;gne-(1) Ce document n’a pas été inséré au Moniteur