SÉANCE DU 27 THERMIDOR AN II (14 AOÛT 1794) - Nos 13-14 63 les tirans européens. C’étoit une vedette qui veilloit à la sûreté commune. La société populaire a cru que son énergie devoit augmenter avec le danger. Elle fortifia et maintint l’esprit public par des fêtes et des discours patriotiques. Les esclaves l’ont presque vu extraire, du terrain marécageux qu’elle habite, ce salpêtre qui aide à leur destruction. Ils ont presqu’entendu la citoyenne Douteur, blanchisseuse, dire : J’ai perdu mon époux et l’un de mes fils au service; l’enfant qui me reste combat les esclaves; je donne le seul fagot que je possède afin d’aider à la fabrication du salpêtre; je ferai ma lessive plus tard. Vive la République! Ils ont presqu’assisté à la délibération prise par la société d’équipper, armer et monter un cavalier jacobin qui est entré dans le 10e régiment de dragons. Après s’être livrés à des horreurs de tout genre, ils ont disparu, ces vils esclaves, avec toute la promptitude que la peur inspire. La société parcoure aussitôt les campagnes nouvellement libres; ses commissaires en visitent une partie; ils engagent les municipalités populaires à reprendre leurs fonctions; ils élèvent avec les habitants des communes des arbres à la liberté; ils réveillent le patriotisme et cette énergie si nécessaires à des républicains : elle n’étoit pas éteinte partout. Un esclave dit à un vieillard de Solesmes : donne-moi ton argent, sinon je te tue! Je vais le chercher, répond le vieillard. Il va chercher la mort : il revient et casse la tête à l’esclave avec une hache qu’il avait cachée sous son habit. Que fera-t-il ? L’ennemi est dans sa commune; ses voisins sont de vils aristocrates; il traîne ce cadavre impur dans sa cave et l’y enterre. La société voit avec plaisir que 15 mois d’horreurs n’ont point altéré les sentimens des vétérans de la révolution, mais lui ont acquis des partisans. Il est cependant nécessaire, citoyens représentans, de purifier ces campagnes. Des patriotes ont été cruellement vexés, des arbres plantés à la liberté ont été abattus par des scélérats que l’on appelloit françois. Montagnards, restez au poste où la confiance publique vous a appellés, et que vous occupez si dignement. Restez-y jusqu’au moment où la foudre populaire aura fait justice de tous nos ennemis. Le sol de la France est purgé de la présence des satellites des despotes. Ceux qui le souillent encore redoutent nos armes victorieuses et tremblent dans leurs repaires. Leurs places-frontières sont à nous. Nos armées volent de succès en succès. Nieuport, Anvers sont à nous. Grâces immortels vous soient rendus. Vive la République! Vive la Convention montagnarde! Monmaire ( secrét .), Darbours ( présid .), Poulin (?), (secret.). 14 L’agent national du district de Nyons, département de la Drôme, annonce à la Convention que la vente des biens provenant des émigrés se fait dans ce district avec beaucoup de succès. Il vient d’y être prononcé 497 adjudications définitives : le total de l’estimation étoit de 428 300 liv. Les prix se sont portés en total à 1 066 185 liv. Insertion au bulletin et renvoi au comité des domaines nationaux (1). [Le substitut de l’agent nat. près le distr. de Nyons, à la Conv.; Nyons, 7 therm. II] (2) Représentants, Je vous annonce que la vente des biens nationaux provenants des émigrés se continue dans ce district avec un succès infiniment satisfaisant. Fins au 1er thermidor il a été prononcé 497 adjudications définitives; le total de l’estimation était de 428 303 liv.; les prix d’adjudications se sont portés en total à 1 066 185 liv. Vive la République! S. et F. Auzias. 15 L’agent national de la commune d’Emile, département de Seine-et-Oise, instruit la Convention que les citoyens de ce canton se sont portés dans les communes avoisinantes pour venir au secours de ceux qui n’avoient pas assez de bras pour recueillir les récoltes. Mention honorable, insertion au bulletin (3). [L’agent nat. de la comm. d’Emile (4), à la Conv.; Emile, 18 therm. II] (5) Législateurs, Tandis que nos frères moissone les lauriers aux frontières, nous moissonnons le bled. Le directoire de district nous ayant fait part qu’il manquoit de bras pour rentrer la plus belle des récoltes, avec une invittation à tous les bons citoyens de se réunir aux moissonneurs ordinaire; comme notre commune et celles de notre canton ne contiennent que des vignes, des arbres fruitiers, des bois et très peu de grain, tous les citoyens réunis, connoissant l’urgence, ont arretté, d’un voix unanime, qu’ils partiroient dès le lendemain matin pour moissonner dans les autres cantons de notre district, si précieux par l’abondance des bleds qu’il y a. Ont également tous demandé que tous les attelliers de bâtiment fusse suspendus jusqu’après la récolte (je vous observe que la majeur partie de ces citoyens sont ouvriers de bâtiment). Le lendemain matin, que c’étoit un beau spectacle sur la principal place de la commune, de voir l’artisan, le marchand, le rentier, munis (1) P.V., XLIII, 217. 5", 1er fruct. (Noyons). (2) C 313, pl. 1250, p. 51. (3) P.V., XLIII, 218. B", 1er fruct. (4) Ci-devant Montmorency. (5) C 313, pl. 1250, p. 66. 64 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE de faucille et se partager par peloton avec cette union et cette fraternité qui ne convient qu’à des hommes libres! Là, l’un convenoit de pouvoir scier, l’autre de botte lier, l’autre de mettre dans les liens, l’autre de charger les voitures. Ils sont partis dans ces résolutions dans les différantes communes qu’on leur a désignées en avoir besoin, en promettant de ne revenire que lorsque la moisson seroit fini. Encorre quelques jours de beau tems, et je vous assurre que les grains seront dans les granges. Voici, législateurs, comme agisse tous nos concitoyens avec entousiasme dans tous les besoins de la patrie. Notre attellier de salpêtre va toujours son train pendant ce tems; les ex-nobles y travaillent sous la conduite de bons et surre sans-culotte. Législateurs, continué toujours vos glorieux traveaux, et un jour viendra où l’univer entier vous en sera (sic) aussi bon gré que nous qui avons juré de vivre libre ou mourir. Duhamel ( agent nat.). 16 L’agent national du district d’Amay-sur-Arroux (1) mande à la Convention nationale qu’un domaine national provenant d’émigrés, divisé en 126 lots, estimé 100 000 liv., a été vendu pour le prix de 500 001 liv. Insertion au bulletin et renvoi au comité des domaines nationaux (2). [L’agent nat. du distr. d’Amay-sur-Arroux, au présid. de la Conv.; Amay, 6 therm. II] (3) Pour te donner des preuves de l’attachement des administrés du district au gouvernement républicain, de la confiance qu’ils ont dans les biens nationaux provenant d’émigrés, je t’apprendrai que, dans la dernière décade de messidor, le directoire du district a vendu un domaine ayant appartenu à l’émigré Espiard, scittué dans la commune de Martin-la-Mer, divisé en 126 lots, la somme de 500 001 liv. Tous les acquéreurs sont des citoyens de la commune et du même canton très en état de payer. Ce domaine avoit été estimé 100,008 liv. et il est amodié environ 6 000 liv. Juge de la différence de prix. Je t’invite à faire insérer ce fait dans le bulletin de la guerre. S. et F. Bouvieux. 17 Le citoyen Guerber, cultivateur à Putte-lange, département de la Moselle, fait hom-(1) Ci-devant Amay-le-Duc, Côte-d’Or. (2) P.V., XLIII, 218. R”, 1er fruct. (3) C 313, pl. 1250, p. 45. mage à la Convention nationale d’un ouvrage, résultat de son expérience en agriculture et des moyens qu’il a trouvés de tirer un meilleur parti des terres vert-saines et des pâtures des forêts, ainsi que de l’amélioration de la culture du trèfle. La Convention nationale décrète la mention honorable de l’offrande et le renvoi de l’ouvrage au comité d’agriculture (1). 18 Quatorze militaires du 1er régiment de cavalerie, admis à la barre, exposent que, par l’effet de la calomnie, ils ont été privés de servir la patrie et incarcérés; ils viennent d’être mis en liberté et demandent d’être réintégrés dans leurs fonctions. La Convention nationale renvoie aux comités de la guerre et des secours publics la proposition qui est faite par un membre de décréter que les appointemens seront payés aux fonctionnaires publics, civils et militaires salariés, qui, ayant été mis en arrestation seront élargis, à compter de leur arrestation, dans lequel cas ils n’auront droit à des secours ni indemnités, et charge lesdits comités de lui en faire un prompt rapport, et de lui présenter un projet de décret (2). 19 Vingt-deux femmes et trois hommes de la commune de Saint-Hostien, à présent Mont-Pigier, district du Puy, département de la Haute-Loire, victimes de la tyrannie, qui viennent d’être mis en liberté, se présentent à la barre et réclament des secours qui leur sont nécessaires pour retourner dans leur commune, attendu l’état de dénuement absolu où ils se trouvent (3). [Pétition de vingt-deux femmes et trois hommes de la commune de Saint-Hostien, aujourd’hui Mont-Pigier, à la Conv.; s.d. ] (4) Citoyens représentans, La confiance que nous inspirent votre sagesse et votre humanité nous conduit à la barre de la Convention. Les individus que vous y voyés sont plus malheureux sans doute que coupables, puisqu’ils ne doivent leurs égarements qu’à la suitte des erreurs dont les hommes perfides ont sans cesse alimenté nos âmes. Oui, citoyens, comme (1) P.V., XLIII, 218. Rapporteur Le Vasseur (de la Meurthe), d’après C* II 20, p. 254. Décret n° 10 406. (2) P. V. , XLIII, 218-219. Rapporteur Le Vasseur (de la Meurthe), d’après C* II 20, p. 253. Décret n° 10 398. Reproduit dans B‘n, 1er fruct.; Ann. patr., n° DXCI; J. Sablier, n° 1499; C.Eg., n° 726; J.Fr., n° 690; M.U., XLII, 461. (3) P.V., XLIII, 219. (4) C 316, pl. 1266, p. 86.