548 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 juillet 1791. cédures, que la loi sera vengée incessamment, et que mon tribunal a rempli vos vues pour le rétablissement de l’ordre. « Puisse l’Assemblée nationale agréer les témoignages du dévouement sans bornes, et du zèle inépuisable d’un fonctionnaire public qui ne craint ni les poignards ni les calomnies des ennemis publics! » (Applaudissements.) M. le Président répond : « L’Assemblée est satisfaite du compte que vous venez de lui rendre, et de votre dévouement aux obligations de votre place ; elle vous renvoie aux soins que vous devez à la paix publique et à la loi, et vous invite à mériter ainsi toujours la confiance et la reconnaissance des bons citoyens.'* (Applaudissements.) M. d’André. Je demande que les déclarations de M. l’accusateur public et la réponse que M. le Président vient de lui faire soient insérées dans le procès-verbal comme une preuve de la satisfaction de l’Assemblée. (La motion deM. d’André est adoptée.) L’ordre du jour est un rapport sur les évènements survenus dans le pays ci-devant de Caux. M. Vieillard (de Coutances), au nom du comité des rapports. Messieurs, dès l’année dernière, les accaparements prétendus de grains ont servi de prétexte aux ennemis du bien public dans la province de Normandie et particulièrement dans le canton du pays de Gaux, pour exciter des insurrections. On força les officiers municipaux d’aller, à la tête des insurgés, faire plusieurs arrêtés contraires à vos decrets, et qui s’opposaient à la libre circulation des grains. Vous rendîtes alors un décret, et la tranquillisé publique fut rétablie dans le pays de Caux. Dans ce moment, et surtout dans les environs de Dieppe, les efforts des ennemis ont redoublé. On a cherché à faire croire aux habitants des campagnes que le pays était dénué de subsistances. De là, on s’est porté à empêcher les marchands de blé, les gens connus dans notre province sous le nom de blatiers, d’entrer dans les marchés. On a voulu les assassiner, et enfin l’insurrection a été portée au comble. Voici une lettre, Messieurs, qui a été adressée à M. le Président, le 20 de ce mois, par les administrateurs du directoire du département de la Seine-Inférieure : « Monsieur le Président, « Nous avons l’honneur de prévenir l’Assemblée que des événements, occasionnés par le renchérissement des blés dans quelques marchés du département, ont mis les habitants sur le point d’être en insurrection, d’un genre d’autant plus alarmant que l’esprit d’insurrection gagne plusieurs gardes nationales. Sourd à la voix des officiers municipaux , le peuple se porte à des excès contre les dépositaires de l’autorité, et surtout s’oppose à la libre circulation des grains. Le directoire a pris toutes les précautions convenables: mais il sent l’insuffisance de ses forces pour réprimer, dans leur naissance, les insurrections des habitants des campagnes. Nous croyons devoir attribuer ces troubles et même le renchérissement des blés aux manœuvres de nos prêtres réfractaires et des ennemis de la Constitution... » (Murmures à droite .) Un membre (ci-devant évêque) : Gomment osez-vous lire cela ? M. Vieillard (de Coutances ), rapporteur : Je suis bien surpris qu’un ci-devant évêque s’avse de demander au rapporteur d’un comité comment il ose proposer et prendre sur son compte de faire une pareille lecture. La lecture est commencée, et je prie les mécontents de vouloir bien ne pas trouver mauvais que je la continue. (Applaudissements.) « ... Des étrangers ont passé dans les halles et porté le peuple à la désobéissance aux lois et aux ordres de l’administration ; ces coupables manœuvres ont souvent été sur le point d’armer les citoyens. Déjà nous étions prêts à solliciter de l’Assemblée nationale un décret qui interdît aux prêtres rebelles la faculté de résider dans les lieux où ils ont précédemment rempli quelques fonctions publiques. Le danger devient pressant, et peut-être le directoire se verra-t-il forcé de prendre un arrêté qui oblige tous les prêtres réfractaires à s’éloigner de 10 lieues des endroits où ils ont exercé leur ministère. Nous rendons compte au ministre de l’intérieur de l’état des choses et de nos dispositions, en le requérant de nous envoyer l’appui d’uu second régiment de cavalerie. Nous instruirons l’Assemblée des suites qu’aura ce premier mouvement, que nous nous plaisons à regarder comme éphémère. » Messieurs, cette lettre est datée du 20 juillet. En voici une autre d’hier, 22 : « Monsieur le Président, « Le pays de Caux est en insurrection relativement à la hausse momentanée des grains. Avant-hier, le moulin de Vasterbahil fut le théâtre de l’insurrection. 25 cavaliers du 13® régiment et un détachement de la garde nationale, envoyés par le district de Dieppe, furent obligés de se retirer sur la réquisition de la municipalité violentée par les gardes nationales et les habitants de 17 paroisses voisines. « Samedi dernier , au marché d’Offel , une troupe nombreuse fit baisser le prix du blé et maltraita les laboureurs ou autres personnes qui voulaient s’y opposer. Sur l’avis que nous en reçûmes, nous chargeâmes le directoire du district de Dieppe de dénoncer à l’accusateur public les auteurs de ces excès. « Le tribunal a conséquemment rendu plusieurs décrets de prbe de corps ; mais la fermentation des esprits nous a fait penser qu’ils ne peuvent être mis à exécution qu’à l’aide de la force armée. En conséquence, nous avons fait partir un détachement de 200 hommes de troupes de ligne et de gardes nationales. Ge détachement après s’être porté jusqu’à Doby, s’est trouvé en présence de 3 à 4,000 habitants de la campagne, armés de canons et de fusils, et décidés à leur disputer le passage. Par des paroles de paix, on est parvenu à les faire retirer chez eux. Ils y ont consenti, mais à condition qu’on se chargeât d’une requête, par laquelle ils demandent qu’on ne puisse taxer le grain qu’en remplissant certaines formalités ; que le blé soit taxé à 24 livres le sac, etc.. . « Gette requête nous a été présentée hier par M. Dauwerts, qui a heureusement contribué à calmer les esprits. Ces demandes nous ayant paru diamétralement opposées aux lois, nous avons parlé d’une manière négative; mais, afin de convaincre ces malheureux égarés que leur conduite [23 juillet 1791.] [Assemblée nationale.] est coupable, nous avons engagé M. Dauwerts à se rendre à l’Assemblée nationale. « Il faut vous instruire, Monsieur le Président, que, depuis le renchérissement des grains, on est venu à bout de mettre le désordre dans ce département. Nous avons besoin d’un décret qui, en improuvant la conduite des attroupés, rappelle les lois sur la libre circulation des grains, et fasse défense à toutes les gardes nationales de sortir de leur territoire sans une réquisition légale provoquée par la municipalité. « Nous avons fait partir hier 200 hommes du régiment de Salis-Samade, autant de gardes nationales et 2 canons. Nous avons donné ordre de marcher à 200 gardes nationales de Dieppe et 25 hommes du même régiment. Nou3 faisons partir des commissaires conciliateurs avec un arrêté propre à éclairer les mutins. Nous employons tous les moyens de paix, et nous emploierons la force si nous y sommes contraints par l’attroupement des séditieux. Nous pensons que le salut public exige que les auteurs de la première émeute, décrétés parle tribunal de Dieppe, soient arrêtés et punis; conséquemment nous allons faire mettre les décrets à exécution. ( Applaudissements .) « Voici les nouvelles apportées ce matin par un garde national de notre détachement. A (rois heures, la générale bat et on annonce que 13 paroisses couvrent à peu près 5 quarts de lieue, et viennent nous demander de quel droit nous marchons à eux. Nous nous assurons qu’ils sont résolus de nous repousser. Alors, soutenus de nos braves Suisses de Salis-Samade et des cavaliers de Royal-Bourgogne rangés en bataille , nous marchons bravement contre ces insurgés qui étaient environ 5,000, leurs municipalités en écharpe et à leur tête, disant qu’ils voulaient que nous partissions sur-le-champ. M. Pithieu, chevalier de Saint-Louis et commandant, leur a répondu qu’envoyé par le département, il ne peut se dispenser d’exécuter l’ordre qu’il a reçu. Alors ces mêmes municipaux lui disent de faire avancer sa troupe qu’ils vont faire avancer la leur. A cette réponse, notre troupe demande le signal du combat; mais le commandant de Royal-Bourgogne, par sa prudence, est parvenu à calmer les esprits. « On a proposé que 2 insurgés présenteraient requête au département pour notre propre renvoi, ce qui a été consenti. Nous sommes restés 4 heures rangés en bataille vis-à-vis de nos ennemis; et, sur les 8 heures, leur troupe s’est retirée paisiblement. Cependant nous sommes encore sur le qui-vive; des gens armés de faux, de fusils et de haches semblent nous menacer encore. Je suis de garde cette nuit et nous sommes prêts à tout événement. « Depuis, on a répandu ici que les paysans, repentant de leur insurrection, avaient fini par régaler et fêler les 2 détachements envoyés contre eux pour les mettre à la raison. (Rires.) « Nous sommes avec respect, Messieurs, etc... » Voici, en conséquence, notre projet de décret: « L’Assemblée nationale, après avoir entendu le compte qui lui a été rendu par son comité des rapports des événements qui viennent d’avoir lieu dans le pays ci-devant de Caux, « Déclare qu’elle approuve la conduite des administrateurs composant le directoire du département de la Seine-Inférieure et de ceux du directoire du district de Dieppe; leur enjoint de déployer tous les moyens que la loi met à leurs dispositions pour l’exécution des décrets précé-549 demment rendus sur la libre circulation des grains dans l’intérieur du royaume, décrète : « 1° Qu’il sera informé, à la diligence des accusateurs publics et sur leur responsabilité contre les auteurs des troubles qui ont eu lieu dans le pays de Gaux, leurs fauteurs, adhérents et complices, e t que les administrateurs du directoire du déi arteraent, du district de Dieppe et les officiers municipaux requerront, s’il est besoin, la force militaire pour faire exécuter les décrets déjà prononcés contre quelques prévenus par le tribunal du district de Dieppe ; « 2° Que les administrateurs du directoire du département prendront toutes les informations nécessaires sur la conduite tenue par les ofîiciers municipaux des paroisses et communautés dont les habitants ont participé à l’insurrection et en rendront compte à l’Assemblée nationale incessamment, sauf auxdits administrateurs à prendre provisoirement, à l’égard desdits officiers municipaux, toutes les mesures prescrites par les décrets pour le rétablissement de la paix et le bien de l’administration ; « 3° Que les troupes de ligne et gardes nationales se conformeront aux ordres et réquisitions des corps administratifs et des municipalités, et que provisoirement aucun garde national ne sortira de son territoire sans une réquisition formelle des corps administratifs ou de leurs propres municipalités, provoquée par la municipalité qui aura besoin d’assistance ; « 4° L’Assemblée nationale autorise les administrateurs du directoire du département de la Seine-Inférieure à indiquer provisoirement auxdits fonctionnaires publics ecclésiastiques séculiers et réguliers, et aux ci-devant religieux même non fonctionnaires, qui n’ont pas p; été le serment, les lieux que le département jugera convenables pour la résidence desdits prêtres et religieux, sauf à rendre compte à l’Assemblée nationale des mesures qu’ils auront prises à cet égard et à statuer ce qu’il appartiendra; « 5° Sur les réclamations du directoire du département relativement à une augmentation de troupes de ligne, l’Assemblée renvoie au ministre dépositaire du pouvoir exécutif, à l’effet d’y être pourvu suivaut ce qu’il sera trouvé convenable ; « 6° L’Assemblée nationale, d’après le témoignage du département, approuve la conduite du sieur Dauwerts, qui s’est efficacement entremis pour empêcher les effets de l’insurrection. » La discussion est ouverte sur ce projet de décret. M. Regnand (de Saint-Jean-d’ Angély) . Je demande qu’on retranche du projet de décret le mot insurrection , qui ne doit pas être ainsi prostitué, et qu’on le remplace par ceux-ci : « rébellion à la loi ». Car l’insurrection est l’acte légitime d’un peuple opprimé et le mot rébellion est celui qui convient à ceux qui résistent à la loi. (L’amendement de M. Regnaud est adopté.) M. llerlïn. Je demande qu’on ajoute au 4° article les religieux mendiants. M. d’Areinberg de La Slarck. Je m’élève contre la disposition du décret relative aux prêtres réfractaires. Vous ne pouvez pas éloigner, par un ordre arbitraire, des prêtres qui ont la confiance des citoyens : Voilà mon opinion et celle de la Normandie. ARCHIVES PARLEMENTAIRES.