36 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j fS fl 793 quatre ans d’une révolution sans cesse entravée par les gens suspects, s’est contentée de les mettre en état d’arrestation. C’est à la tranquil¬ lité publique au dedans, et à la victoire sur nos frontières, à préparer la décision de votre de¬ mande. Quoique le moment n’en paraisse pas bien éloigné, après les succès que nous avons eus dans la Vendée, la Convention n’attendra pas son dernier triomphe pour faire parmi les détenus un juste discernement de tous ceux qui peuvent l’être par une erreur inévitable dans l’exécution d’une mesure de sûreté générale indispensable. La Convention nationale vous accorde les hon¬ neurs de la séance. » On demande l’impression de la réponse du Pré¬ sident, et l’ordre du jour sur la pétition. Ces deux propositions sont décrétées. Cependant un membre [Maximilien Robes¬ pierre (1)] propose, et la Convention nationale adopte le projet de décret suivant : « La Convention nationale décrète ce qui suit : Art. 1er. « Les comités de Salut public et de sûreté géné¬ rale nommeront des commissaires, pris dans leur sein, pour rechercher les moyens de remettre en liberté les patriotes qui auraient pu être incar¬ cérés. Art. 2. « Ces commissaires apporteront dans l’exer¬ cice de leurs fonctions la sévérité nécessaire pour ne point énerver l’énergie des mesures révolu¬ tionnaires commandées par le salut de la patrie. Art. 3. « Les noms de ces commissaires demeureront inconnus du public, pour éviter les dangers des sollicitations. Art. 4. « Ils ne pourront mettre personne en liberté de leur propre autorité; ils proposeront seulement le résultat de leurs recherches aux deux comités, qui statueront définitivement sur la mise en liberté des personnes qui leur paraîtront injus¬ tement arrêtées (2)- » Compte rendu du Journal des Débats et des Décrets (3). Un grand nombre de citoyennes se présentent. Elles rappellent à la Convention qu'elles lui (1) D’après la minute du décret qui existe aux Archives nationales, carton C 282, dossier 796. (2) Procès-verbaux de la Convention, t. 27, p. 364. (3) Journal des Débals el des Décrets (frimaire an II, n° 458, p. 414). D'autre part, voy. ci-après aux annexes de la séance, p. 48, le compte rendu de la même discussion d’après divers journaux. demandèrent, dans une de ses dernières séances, la mise en liberté de tous les détenus innocents. La Convention décréta alors que son comité de sûreté générale lui en ferait un rapport dans trois jours. Huit jours se sont écoulés. Les péti¬ tionnaires demandent que la Convention s’oc¬ cupe de la pétition qu’elles ont présentée. Le Président. Tandis que les perfides espé¬ rances des égoïstes et. . . (Suit le texte du discours du Président que nous avons inséré ci-dessus, d’après le procès-verbal.) La Convention passe à Tordre du jour sur la pétition, et décrète l’insertion de la réponse du Président au Bulletin. Robespierre. A voir le nombre de citoyennes qui sont introduites dans la salle de vos séances, on doit croire d’abord que les femmes de tous les détenus patriotes sont venues en corps vous demander la mise en liberté de leurs maris. Cependant, parmi ceux que la sûreté publique a fait arrêter, y a-t-il vraiment autant de patriotes que nous voyons là de femmes? Non, sans doute. Si cela était, la voix publique nous en aurait avertis depuis longtemps; le patrio¬ tisme, toujours inquiet, nous en aurait avertis et nous aurions aussitôt rendu justice aux amis de la liberté; car ce n’est point au modérantisme, ce n’est point à l’aristocratie à prendre la défense des bons citoyens. Vous devez donc conclure avec moi que c’est l’aristocratie qui vient aujourd’hui vous demander ce que vous n’avez pas cru devoir faire. Il est possible, cependant, il est certain même, qu’il y a eu quelques victimes innocentes frap¬ pées momentanément, par l’énergie des grandes mesures qu’a commandées le salut de la Répu¬ blique. Il est possible encore que quelques-unes des femmes qui réclament, soient épouses ou parentes de patriotes; mais alors, elles auraient dû séparer leur cause de celle que l’aristocratie seule défend, et ne pas se joindre aux avocates de la contre-révolution. Non, le jugement que j’ai porté n’est pas trop sévère. Des femmes, ce mot rappelle sans doute des idées touchantes et sacrées; le mot d’épouse est cher aussi à des représentants qui fondent la liberté sur toutes les vertus; mais des femmes, des épouses, ne sont-elles pas aussi des citoyennes, et ce titre ne leur impose-t-il pas des devoirs supérieurs à ceux de leur ualité privée? Ne les anime-t-il pas de vertus evant qui doivent disparaître toutes les vertus privées? Leur est-il permis, lorsque la France est en guerre avec un grand nombre de tyrans, d’oublier leurs qualités de citoyennes pour ne se rappeler que Celles d’épouses, de sœurs, de parentes? Non, elles doivent craindre d’éveiller ainsi l’aristocratie, et de compromettre la sagesse des mesures prises par les représentants du peuple qui n’ont d’autre objet que de vaincre les ennemis de la liberté. Que devaient faire les femmes patriotes? S’adresser modestement et en particulier à ceux qui sont chargés d’examiner les causes de la détention; elles auraient trouvé dans chacun d’eux un défenseur du patriote opprimé. Quand on vient ainsi en corps, on décèle la véri¬ table intention du rassemblement que Ton a formé. Cette intention est évidemment de for¬ cer la Convention à rétrograder vers une fai-