[Assemblé* nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [8 mars 1790.] 73 travaillerait à exciter des soulèvements contre eux : jugeant favorablement des motifs qui ont animé les citoyens desdites colonies, elle déclare qu’il n’y a lieu contre eux à aucune inculpation; elle attend de leur patriotisme le maintien de la tranquillité, et une fidélité inviolable à la nation, à la loi et au roi. (Le rapport et le projet de décret sont accueillis par des applaudissements dans toutes les parties de la salle.) M. le comte de Mirabeau, à la tribune. Je demande à parler sur ce rapport. — (La voix de l’orateur est immédiatement couverte par les cris répétés : Aux voix! aux voix! — M. le vicomte de Mirabeau et M. Pétion de Villeneuve demandent également la parole. ( Voy . leurs discours annexés à la séance). — L’Assemblée, moins quelques membres, témoigne sa ferme volonté d’aller aux voix et se lève tout entière. — M. le comte de Mirabeau se décide enfin à descendre de la tribune.) M. le Président. La volonté de l’Assemblée nationale paraît unanime et formelle. Je mets aux voix le projet de décret présenté par le comité colonial et dont il vous a été donné lecture. Le décret est adopté. M. Arthur Dillon, député de la Martinique , présente la motion suivante : « L’Assemblée nationale décrète que son président se retirera par devers le roi pour le supplier d’accorder sa sanction au décret qui vient d’être rendu, ainsi que de faire expédier immédiatement une corvette pour porter ce décret aux colonies; Que M. le président est autorisé à écrire dans chaque colonie une lettre accompagnant le décret qui les concerne; Que le comité des colonies proposera le plus tôt possible à l’Assemblée le projet d’instruction et de règlement annoncé dans le décret de ce jour; Que les colons actuellement résidents à Paris, seront admis à la barre à l’une des premières séances du soir, pour y prêter le serment civique. » (Celte motion est mise aux voix et adoptée.) M. Guillaume, secrétaire , donne lecture d’une lettre qui vient d’être déposée sur le bureau et qui arrive de Nantes. Elle annonce que neuf vaisseaux sont arrivés de Port-au-Prince et des Cayes-Saint-Louis ; que les nouvelles de la colonie sont très satisfaisantes; que le commandant général et les troupes ont prêté le serment civique, qu’il n’y a aucun mouvement parmi les nègres et que la récolte des sucres est très abondante. M. le baron de Cernon observe que la formation des assemblées administratives est ralentie par les députés qui n’ont pas encore remis et signé la carte de leurs départements; en conséquence, il propose le décret suivant qui est mis aux voix et adopté : « L’Assemblée nationale décrète que MM. les députés remettront, dans deux jours, au comité de constitution, la carte signée de leurs départements respectifs; que, passé ce délai, le comité est autorisé à former provisoirement les délimitations des départements qui sont en retard, et qu’on procédera à l’organisation des assemblées administratives. » La discussion du décret concernant l'abolition des droits féodaux est ensuite reprise. Un membre propose un article à ajouter à ceux présentés par le comité féodal, et qui est conçu en ces termes : « Seront dans la classe des droits rachetables, toutes les redevances seigneuriales qui ne représentent aucune trace de mainmorte, mais une concession de fonds ou d’usages dans les bois et pâtures communs sur lesquels le seigneur n’a conservé aucun droit de triage, à la charge par les propriétaires desdites redevances deproduire, à défaut de titre primitif, la preuve d’une possession non contestée pendant quarante années. » M. Tronchet, membre du comité féodal, observe que cet article ne peut pas recevoir une application générale, et qu’il pourrait avoir de grands inconvénients dans les pays d’allodialité; il demande en conséquence qu’il soit renvoyé au comité pour y être examiné. Cet avis est adopté. M. Merlin, rapporteur , annonce que les domaines congéables, sur lesquels il s'était d’abord proposé de présenter un article à la suite de l’article 2 ci-dessus, feront la matière d’une loi particulière, dont le projet sera incessamment présenté à l’Assemblée; en conséquence il demande que dans l’article 7 du titre II, l’Assemblée veuille bien substituer aux mots ci-après, ces mots : par une loi particulière. Cette modification est adoptée. M. Merlin donne ensuite lecture de l’article 3 du titre III, ainsi conçu : Art. 3. Aucune municipalité, aucun district, aucun département, ne pourra 4 peine de nullité, de prise à partie et de dommages-intérêts, prohiber la perception d’aucun des droits seigneuriaux dont le paiement sera réclamé, sous prétexte qu’ils se trouveraient implicitement ou explicitement supprimés sans indemnité, sauf aux parties intéressées à se pourvoir, par la voie de droit, devant les tribunaux ordinaires. Quelques membres présentent des observations sur cet article. Après quelques débats, le rapporteur en modifie la rédaction et il est décrété ainsi qu’il suit : Art. 3. « Aucune municipalité, aucune administration de district ou de département ne pourra, à peine de nullité, de prise à partie, et de dommages-intérêts, prohiber la perception d’aucun des droits seigneuriaux dont le paiement sera réclamé, sous prétexte qu’ils se trouveraient implicitement ou explicitement supprimés sans indemnité, sauf aux parties intéressées à se pourvoir par les voies de droit ordinaires devant les juges des lieux. » M. Merlin donne lecture de l’article 4. « Les propriétaires de fiefs dont les archives et les titres auraient été brûlés ou pillés à l’occasion des troubles survenus depuis le commencement de l’annéé 1789, pourront, en faisant preuve du fait, tant par titres que par témoins, dans l’année de la publication du présent décret, être admis à établir, soit par acte soit par la preuve testimoniale d’une possession de trente ans, la nature et la quotité des droits qui leur appartiennent. »