(Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 janvier 1790.) \ 09 Délibérations de onze communautés de la Bretagne, dont six du diocèse de Saint-Brieuc, et cinq du diocèse de Dol, contenant adhésion aux décrets de l’Assemblée nationale ; elles demandent que la ville de Saint-Pol soit le chef-lieu d’un district et le siège d’une justice royale. Adresse de félicitation, adhésion et dévouement des communautés de Thieys etGhadenacen Vivarais. Adresse des officiers du régiment du Maine en garnison à la citadelle de Bastia, qui se récrient avec force contre les accusations portées contre eux devant l’Assemblée nationale, étant incapables de trahir leurs serments, et jaloux de remplir leurs devoirs comme citoyens et comme défenseurs de la patrie. Adresse des officiers municipaux de la ville de Beaune en Bourgogne, qui annoncent que les déclarations, qui ont été faites relativement à la contribution patriotique, s’élèvent déjà à cent trente mille cent soixante-dix-sept livres ; que les dons patriotiques produisent 14 marcs et demi d’argent, outre 2,827 livres en capitaux et arrérages échus; que l’argenterie déposée entre leurs mains consiste en 132 marcs 4 gros et demi, et les effets en or, en un marc 3 onces 5 gros et 39 grains. Adresse et délibération de la commune de la ville de Saint-Jean-de-Port, capitale du royaume de Navarre, prise en assemblée générale des habitants, par laquelle elle adhère « purement et simplement » aux décrets de l’Assemblée nationale. Adresse et délibération de la communauté de Mouléon, pays des Quatre-Vallées, qui fait hommage à l’Assemblée nationale de sa soumission à ses décrets et de sa respectueuse reconnaissance avec offre du sacrifice du reste de ses biens et de l’existence de ses habitants pour la prospérité et le salut de l’Etat. Adresse du même genre de la communauté de Saint-Gaudent, près de Givray en Poitou. Indépendamment de sa contribution patriotique, elle fait don du moins-imposé au profit des anciens taiüables ; elle supplie l’Assemblée d’approuver un règlement autorisé et homologué au parlement de Paris, pour un bureau de paix et conciliation, et bureau de charité, lesquels établissements ont presque éteint et anéanti les procès et la mendicité dans cette paroisse. Adresse de félicitations de la ville de Marcilly en Forez. Adresse d’adhésion et dévouement de la ville de Saint-Yrieixen Limousin ; elle demande d’être un chef-lieu de district. Adresse du même genre de la ville de Neuville, près d’Orléans ; elle fait don du moins-imposé en faveur des anciens taillables. M. Auxcousteaux de Conti, ancien marchand épicier, a fait hommage à l’Assemblée d’un travail sur le dénombrement du royaume de France par généralités, élections, paroisses et feux ; l’Assemblée l’a reçu avec satisfaction, et en a ordonné le renvoi au comité des finances. M. Goupil de Préfeln rappelle à l’Assemblée qu’elle ajourna, dans la séance du 7 janvier au soir à celle du 9 au matin, la motion qu’il avait faite, tendant à autoriser tous les juges à informer et décréter sur les crimes de lèse-nation, et, après avoir fait remarquer que toute la séance du 9 fut employée à la discussion de l’affaire de la chambre des vacations de Rennes, il propose de s’occuper tout de suite de sa motion ou de la mettre à l’ordre du jour pour 2 heures. M. Laujuinais fait remarquer que l’ordonnance de 1731 autorise tous les juges à procéder, ainsi que la motion tend à le faire décréter de nouveau. M. Guillaume propose de décréter que tous juges pourront informer et décréter contre toutes sortes de personnes prévenues de délit : il fonde son opinion sur l’abus qui agaranti les membres des cours souveraines de toutes poursuites de la part des juges inférieurs; à ce sujet, il rappelle ce proverbe des magistrats qui disait que la plume devait tomber des mains au juge inférieur , dès qu’il aperçevait qu'un juge supérieur pouvait être compromis. M. Boutteville-Duinetz propose de rédiger le décret de manière à ce que l’attribution donnée au Châtelet ne forme pas un obstacle aux poursuites à faire par tous les juges. Après ces diverses explications, le décret suivant est lu et adopté : « L'Assemblée nationale déclare que, nonobstant toute attribution, tous juges ordinaires peuvent et doivent informer de tous crimes de quelque nature qu’ils soient, et quelle que soit la qualité des accusés ou prévenus, même décréter sur l’information, et interroger les accusés, sauf ensuite le renvoi au Châtelet de ceux dont la connaissance lui est particulièrement et provisoirement attribuée. » M. Devoisins dépose sur le bureau une motion concernant la liberté de conscience à accorder aux enfants nés de mariages mixtes. (Voyez le texte de la motion annexé à la séance de ce jour.) Un député de la ville d'Auxonne offre au nom de cette ville à l’Assemblée nationale les bâtiments servant de casernes, construits des deniers de la ville, avec les meubles qu’ils renferment, le tout estimé environ 600 mille livres ; il renouvelle l’adhésion de cette ville aux décrets de l’Assemblée. M. le Président, au nom de l’Assemblée, lui donne séance. M. Jac, membre de V Assemblée, député de Montpellier, dit : » Messieurs, les citoyens de la ville de Montpellier n’ont cessé de se signaler par leur zèle et leur amour pour la patrie : peu satisfaits d’adhérer aux décrets que vous avez rendus, ils ont aussi, par des délibérations solennelles, adhéré d’avance à tous ceux que votre sagesse vous inspirera pour le bonheur du royaume. Par une suite du zèle qui les anime pour la chose publique, ils payent avec exactitude l’impôt du quart des revenus; mais dans le mois de novembre dernier, ils offrirent à l’Assemblée un don patriotique; il consistait en une somme de 44,754 liv. 18 sous. Une personne, qui ne veut point être nommée, joignit à cette somme un diamant et une bague d’or; le tout fut adressé à MM. vos trésoriers. Cependant l’offrande que nos concitoyens font à la patrie n’est mentionnée dans aucun de vos procès-verbaux : cet oubli nous affecte, comme il affecte nos concitoyens : nous venons donc vous annoncer leur offrande, vous prier’de l’agréer, et d’ordonner qu’elle sera mentionnée dans le procès-verbal de votre séance. La ville de Montpellier nous charge aussi, Messieurs, de vous assurer de son entier dévouement à tous vos décrets, qu’elle 170 {Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [12 janvier 1790.] maio tiendra et fera exécuter avec soin, et de vous présenter ses respects et ses hommages. » L’Assemblée ordonne qu’il sera fait mention du don patriotique de Montpellier. M. Guillotln dit qu’il est chargé par M. de La Metherie, docteur en médecine, de faire hommage à l’Assemblée d’un projet d'administration pour la ville de Paris. Ce travail contient des vues utiles et il les recommande à ses collègues. ( Voy . ce document annexé a la séance de ce jour.) M. le Président fait lecture d’une lettre du garde des sceaux, qui adresse à l’Assemblée deux expéditions en parchemin, pour être déposées dans les archives; l’une des lettres-patentes sur un décret concernant diverses dispositions relatives aux municipalités; l’autre des lettres-patentes sur un décret qui ordonne la convocation des Assemblées pour la composition de ces municipalités. M. le vicomte deNoallles, membre de l'Assemblée, député de Nemours , observe que cette ville a eu le malheur de perdre un de ses membres par la mort de M. Berthier, député de Nemours, âgé de 75 ans, qui avait mérité l’estime de ses compatriotes en exerçant pendant 40 ans les fonctions de la judicature, et celle de l’assemblée par son zèle pour la liberté et le bien public. 11 invite les membres de l’Assemblée qui voudraient suivre son convoi, à s’y rendre le soir à 6 heures. M. le Président. L’Assemblée passe à V ordre du jour qui est relatif à la division des départements du royaume. M. Gossin, l’un des membres adjoints au comité de constitution pour la division du royaume, fait le rapport de quelques contestations dont la décision pourrait faire varier le nombre des départements. La première a pour objet le Dauphiné. Quelques députés de cette province demandent qu’elle ne soit pas divisée. Ils s’appuient sur les inconvénients qu’il y aurait à séparer les parties pauvres des parties riches, et sur la nécessité du concours de toutes les forces du pays pour assurer les subsistances et entretenir les routes. La majorité de la députation ne convient pas de ces inconvénients; elle en voit, au contraire, de très-considérables dans une administration trop étendue, obligée de fixer à la fois ses vues sur des hommes et des climats qui présentent des usages et des besoins différents. Elle croit aussi que le Dauphiné restant entier, il ne sera pas facile d’assurer une représentation bien égale ..... Le comité pense qu’il n’y aura aucune raison de déroger à une règle et à des principes que vous avez consacrés. Il verrait au contraire beaucoup de danger à accueillir la prétention du Dauphiné. Bientôt la Bourgogne, la Bretagne, la Franche-Comté, l’Artois, etc., demanderaient avec autant de raison à être conservés dans leurs anciennes limites. L’AsSemblée décrète que le Dauphiné sera divisé en trois départements. La seconde contestation concerne le pays d'Aunis. Cette province manque de la base d’étendue nécessaire pour former à elle seule un département; mais elle croit que ce défaut peut être compensé par son importance. Elle renferme cinq ports et trois grandes villes; son industrie est considérable; elle paye 1 million d’impositions directes et 900,000 livres de droits d’aides. L’unique moyen de soutenir son commerce, selon elle, est de concentrer son administration en elle-même, et de rendre La Rochelle chef-lieu de département. Elle propose d’augmenter son territoire de l’île d’Oléron et des marais desséchés du bas Poitou. La Saintonge ne s’oppose pas à ce que l’Aunis forme un département; mais elle refuse de lui céder l’île d’Oléron, qui se trouverait excessivement éloignée du chef-lieu, et qui depuis longtemps a avec la Saintonge des rapports habituels entretenus par le commerce et par des usages particuliers. Le comité n’a vu qu’avec beaucoup de regret que vos décrets ne permettent pas d’accueillir la demande du pays d’Aunis. Toutes les bases manquent à la fois/et le danger réel des administrations trop petites vient encore se joindre à cette considération. 11 pense cependant que l’Assemblée. en reconnaissant l’importance de la ville de La Rochelle, doit être disposée à accorder à cette intéressante cité quelques-uns des établissements qui seront faits par la suite. L’Assemblée décrète que le pays d’Aunis ne peut faire un département. Sur la division de la Eranche-Comté . Lesdéputés de la Franche-Coratéétaient d’accord sur la division de cette province en trois départements. La ville de Besançon a envoyé des députés extraordinaires pour demander le changement de cette division. La Franche-Comté est un ovale allongé; l’un des départements renferme en entier des terres à blé et à foin ; l’autre, des montagnes ; le troisième est mi-partie. Les députés extraordinaires demandent que cette division soit prise dans un autre sens, pour que les différentes qualités du sol soient également distribuées. Le comité est d’avis de maintenir la première division. L’Assemblée adopte cet avis. Contestations sur la réunion du pays des Basques au Béarn. LepaysdeSoule et lepays de Labour témoignent une grande répugnance à se réunir au Béarn. La différence des langues est le principal motif qu’ils présentent; mais les pays de Labour et de Soûle n’ont que 140 lieues de superficie, le Béarn 200. Ces contrées ont le même diocèse, les mêmes coutumes, la même cour supérieure. Le comité n’a pas cru que la différence du langage fut un motif suffisant pour oublier les convenances, et s’écarter del’exécutionde vos décrets. M. Garat l’aîné. Je réclame contre l’avis du comité : ma réclamation n’intéresse que des peuples pauvres et peu nombreux; mais n’ont-ils pas, par là même, des droits plus sacrés à votre justice éclairée? La différence des langues est un obstacle insurmontable. L’assemblage qu’on vous propose est physiquement et moralement impossible. Réunissez des hommes dont les uns parlent une langue, les autres une autre; que voulez-vous qu’ils se disent? Ils finiront par se séparer, comme les hommes de la tour de Babel.