[Convention nationale.J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. fo [iéSbre «93 digne du peuple qui nous a commis le soin d’établir sur des bases inébranlables son indé¬ pendance et sa liberté. Il n’est que trop vrai que de perfides mandataires, qui ont trop longtemps siégé parmi nous, avaient osé conspirer, dans le sein même de la Convention, contre le peuplé, leur Souverain et le nôtre. Les principaux chefs ne sont plus; leur forfaiture a été effacée dans leur sang. Il reste encore quelques-uns de leurs complices sous la main de la justice : ils sont accusés au nom du peuple; s’ils sont coupables, ils n’échapperont pas à la vindicte nationale, qui les réclame et les attend. Le tribunal révolutionnaire doit les juger. La Convention a décrété, il n’y a pas longtemps, qu’un nouveau rapport lui apprendrait si la liste des conspirateurs devait être grossie de quelques nouveaux traîtres échappés à la rigueur d’un premier examen; le rapport ne peut être fait qu’avec les pièces de la procédure, qui sont nécessaires au tribunal pour décider du sort des accusés qui ne sont pas encore jugés. Sachez, patriotes de 1789, vous qui, à cette époque, avez appelé courageusement la Képu-blique, sachez que la justice nationale ne sera jamais retardée, ni éludée, en faveur d’aucun citoyen, quelle que soit son existence, son état, ses rapports et les fonctions publiques dont il peut être revêtu. La justice est une, comme la République; elle en est la plus sûre politique. C’est la seule — nous vous le déclarons au nom de tout le peuple français; oui, c’est la seule, dont nous voulons suivre invariablement, mais spontanément, les principes. Nous devons et nous voulons être étrangers à toute influence. Nous saurons la repousser loin de nous dans toutes les occasions, et en garantir surtout les magistrats qui tiennent dans leurs mains les balances de la justice. COMME rendu du Journal des Débats et des Décrets (l). Des pétitionnaires sont admis à la barre. L’orateur. Les amis des Droits de l’homme, les Cordeliers... Couthon. Je demande à faire à la Convention une observation qui, en apparence, ne tient à (1) Journal des Débats et dès Décrets (frimaire an II, n° 458, p. 418). D’autre part, le Moniteur universel [n° 92 du 2 nivôse an II (dimanche 22 dé¬ cembre 1793), p. 371, col. 1 et 2] rend compte de la pétition des Cordeliers dans les termes suivants : Des pétitionnaires se présentent à la barre, et portent la parole, le chapeau sur la tête. Couthon. Qu’il me soit permis d’interrompre l’orateur pour' un objet important, puisqu’il peut tendre à faviiissement de la représentation natio¬ nale. Je demande pourquoi, lorsqu’on parle devant une section respectable du peuple réunie dans le lieu de vos séances, pourquoi lorsqu’on parle devant les mandataires du peuple chargés de faire respecter sa souveraineté, des pétitionnaires se permettent de garder leur chapeau sur leur tête; remarquez, citoyens, qu’il ne s agit point ici de nous, mais du peuple lui-même. Toutes les fois qu’un homme parle en public ou devant une portion considérable du peuple, il doit respecter la majesté du peuple dans la section qui est devant lui; il doit également la respecter en la personne de ses représentants, la majesté du peuple rien, et qui, dans mon opinion, tient essentiel¬ lement à un système d’avilissement de la Convention nationale. Toutes les fois qu’un citoyen parle en public, il doit respecter la majo¬ rité du peuple devant lequel il énonce Son opi¬ nion, à plus forte raison quand il parle dans le lieu des séances des représentants du peuple. Je pense moi, qu’il doit parler découvert, non par rapport aux représentants eux-mêmes qui ne sont rien, mais par respect pour le peuple entier qu’ils représentent, et à cet égard, je demande l’exécution du règlement de la Con¬ vention. Robespierre. L’abus dont se plaint Couthon ne doit être attribué à aucune mauvaise inten¬ tion de la part des pétitionnaires, mais seule¬ ment à une fausse application d’un principe vrai, à l’imitation d’un exemple dangereux donné par les représentants du peuple eux-mêmes. Il est bien vrai que les hommes sont égaux entre eux; mais il est faux qu’un indi¬ vidu vaille toute la société. Je ne pense pas qu’il faille rien décréter à l’égard des pétition¬ naires. Que mes collègues donnent l’exemple du respect que l’on doit au peuple : tout le monde le suivra. Granet demande la question préalable sur la proposition de Couthon. Couthon demande que Granet motive sa question préalable. Granet. Je demande à" la Convention si l’Assemblée constituante, si l’Assemblée légis¬ lative, si elle-même se sont avilies pour avoir est blessée par le ton léger avec lequel on parle en public. Je demande que tout pétitionnaire soit tenu d’ôter son chapeau lorsqu'il paraît devant lès représentants du peuple. Robespierre. L'abus dont se' plaint Couthon ne peut être attribué à aucune mauvaise intention de la part des citoyens qui sont maintenant a la barre; cependant 11 est réel, cet abus, 11 vient de la mau¬ vaise application d’un principe véritable.Sans doute, tous les citoyens sont égaux entre eux; mais il n’est pas vrai qu’un seul homme soit l’égal d’une por¬ tion quelconque de citoyens : un individu qui parle dans une assemblée doit respecter en elle la société générale dont il est membre. Citoyens, l’abus dont nous nous plaignons a été introduit ici par des membres même de cette assemblée. D’après cela, il n’est pas étonnant que les pétitionnaires aient cru devoir jouir du même droit. Je demande qu’il soit défendu aux membres de cette Assemblée de parler couverts. Un membre demande sur cette proposition la question préalable. Couthon. Je demande que ce membre soit tenu de motiver la question préalable qu’il réclame. Le membre. Je demande si les Assemblées consti¬ tuante et législative se sont crues déshonorées lors¬ qu’une députation de Quakers s’est présentée devant elles? Robespierre. Les exceptions confirment la règle. Les Quakers ont de tout temps eu l’habitude de parler couverts. Je demande le maintien de notre règlement. Cette proposition est adoptée. La Société des Cordeliers vient presser l’acte d’ac¬ cusation contre les 73 députés détenus. Le Président répond aux pétitionnaires que le rapport dépend des pièces qui sont encore entre les mains du tribunal révolutionnaire. [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. i * Wmaire an il ( 20 décembre 1793 40 permis que les Quakers lui parlassent le chapeau sur la tête. Robespierre. L’exception confirme le prin¬ cipe : les Quakers sont une exception. Eux seuls, parlent à l’univers le chapeau sur la tête. Je demande que la proposition de Couthon soit mise aux voix. La Convention l’adopte. La députation se découvre. L'orateur continue. Il félicite la Convention, au nom des Cordeliers, sur ses travaux. Il annonce que cette Société est déterminée à former un faisceau de défenseurs du comité de Salut public contre ses calomniateurs. Vainement, continue l’orateur, les émissaires de Pitt s’agitent en tous sens pour troubler la tranquillité publique ! Leurs efforts seront vains. Le peuple français a voulu un gouverne¬ ment révolutionnaire; ce gouvernement s’éta¬ blira. Vous avez maintenu le comité de Salut public dans ses fonctions; vous avez bien mérité de la patrie. La nature des circonstances exi¬ geait la création d’un gouvernement révolution¬ naire. Il était nécessaire d’anéantir l’aristo¬ cratie dans son dernier retranchement. Pour¬ rait-il être à craindre pour la liberté, ce gouver¬ nement? Non, il est fait pour la protéger. La terreur est à l’ordre du jour ! Oui, sans doute, mais contre qui? Contre la malveillance. Nous venons vous demander que vous vous occupiez de l’épuration de vos membres, et solliciter un prompt rapport sur les complices de la faction dont les chefs ont été envoyés à l’écha¬ faud, et vous aurez bien mérité de la patrie. Renvoyé au comité de sûreté générale. Claude Lucot et Jeanne Jaugey, sa femme, tous deux septuagénaires et sans fortune, invo¬ quent la justice et l’humanité de la Convention; ils rappellent les services que Simon Lucot, leur fils, surnommé le Brave, ancien canonnier de marine, lieutenant invalide, mort à l’hôpital mi¬ litaire du Gros-Caillou, a rendus à la République. En proie à la misère, accablés d’infirmités, ils prient la Convention de leur continuer la pen¬ sion de 600 livres dont jouissait leur fils. Le Président répond et invite les pétitionnaires à la séance. Un membre convertit en motion la pétition de Claude Lucot, et la Convention nationale dé¬ crète : Art. 1er. « La pension de 600 livres dont jouissait Simon Lucot, canonnier de marine, mort au service de la République, sera continuée à Claude Lucot et Jeanne Jaugey, ses père et mère, et sera réver¬ sible en totalité sur le dernier survivant d’entre eux. Art. 2. « La pétition de ces citoyens sera insérée au « Bulletin » (1). » (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 27, p. 368. Compte kendo du Bulletin de la Convention (1). Le citoyen Lucot, rue des Cordeliers, et Jeanne Jaugey, sa femme, septuagénaire et sans fortune, ont représenté à la Convention que Simon Lucot, leur fils, surnommé le brave, ancien canonnier de marine, lieutenant inva¬ lide, est entré dans le corps d’artillerie de la marine le 17 avril 1780; qu’ü a fait la campagne sur la frégate l'Amazone, contre la Marguerita anglaise, où il a reçu 17 coups de feu. Après avoir été pressé de se retirer, il resta, et eut le bras droit emporté d’un coup de canon; ayant reçu à l’instant un ordre de se retirer, il répondit que tant qu’il lui resterait un bras, il l’emploie¬ rait au service de la patrie; et se précipitant alors sur sa pièce pour la pointer, il eut la mâchoire inférieure brisée d’une balle qui le mit hors de combat : il fut décoré d’une médaille d’or dont il a fait offrande à la nation. Le brave Lucot fils, toujours animé du même courage qu’il a montré dans les plus grands dangers, a voulu encore, par de nouvelles preuves de son zèle et de son attachement pour son pays, Voler aux frontières pour combattre l’ennemi; ayant encore été blessé dans une affaire, ü a été obligé de se retirer à l’hôpital militaire du Gros-Caillou, où il est décédé le 16 brumaire. Le père et la mère de ce citoyen réclament l’humanité de la Convention. La Convention nationale a décrété que la pen¬ sion de 600 liv. dont jouissait Simon Lucot, canonnier de marine, mort au service de la République, sera continuée à Claude Lucot et Jeanne Jaugey, ses père et mère, et sera réver¬ sible en totalité sur le dernier survivant d’entre eux. La citoyenne Anne-Françoise Broussois, femme de Charles-Gabriel Chappet, réclame l’élargisse¬ ment de son mari, mis en état d’arrestation par le comité de surveillance de Dreux, détenu d’abord à Chartres, et transféré à Rambouillet. Le Président répond. La pétitionnaire est admise à la séance; sa pétition, avec les pièces y jointes, est renvoyée au comité de sûreté générale (2). Le citoyen Chargrasse neveu sollicite la liberté du citoyen Chargrasse son oncle, curé d’Avallon, âgé de 66 ans, mis en arrestation par le comité de surveillance de cette commune, La Convention, sur la motion d’un membre, renvoie cette pétition à son comité de sûreté générale, pour en faire un prompt rapport, et accorde au pétitionnaire les honneurs de la séance (3). Le citoyen Dupuytron (Dupuytren), procureur syndic de la commune de Condat, district de Limoges, département de la Haute-Vienne, dé-(1) Bulletin de la Convention du 10e jour de la 3® décade du 3e mois de l’an II (vendredi 20 dé¬ cembre 1793). (2) Procès-verbaux de la Convention, t. 27, p. 369. (3) Ibid.