22 de secours. « Or, je demande que la chose soit positivement dite. {Murmures.) M. de Mirabeau. J’ai tâché de simplifier une question. C’était pour parler dans tous les termes, que j’ai dit : Voulez-vous que ce soit à titre de secours? Mais je ne me suis point servi de ces expressions pour les consacrer dans le décret. M. Foucnult-Lardimalie. C’est différent. Si vous ne l’avez pas dit, je n’ai plus rien à dire. Plusieurs membres : L’ordre du jour! (L’Assemblée passe à l’ordre du jour.) M. de Montegqaioii. Voici, Me-sieurs, avec l’amendement que vous avez adopté, la nouvelle rédaction du projet de décret : « L’Assemblée nationale, ouï le rapport desor, comité des finances, décrète ce qui suit : Art. 1er. « Le Trésor public versera dans la caisse delà municipalité de Paris une somme de 3 millions à titre d’avance à imputer sur le seizième attribué à la municipalité dans le prix des ventes des biens nationaux par tLe acquis, pour être, ladite somme de 3 millions, employée, au payement des objets les plus pressants dus par la municipalité, suivant l’état qu'elle eu fournira à l’administration du département, et d’après son approbation, à la charge par elle de justifier au département, de cet emploi, un mois après la réception des fonds. Art. 2. « Le payement de ladite avance de 3 millions sera fait dans l’ordre suivant, savoir : « Un million aussitôt après la publication du présent décret; « Un million au 10 d’avril; « Un million au 10 mai. Art. 3. « Le directoire du département adressera incessamment au comité des finances l’état et les motifs des réclamations que la municipalité peut former sur le Tiésor public, pour être pris par l’Assemblée, sur le rapport qui lui eu sera fait, tel parti qu’elle jugera convenable. » (Ge décret est adopté.) M. de Gullhcrmy demande uii congé de 4 à 5 jours. (Ce congé est accordé.) Un de MM. les secrétaires donne lecture d’une lettre de M. Duport, garde des sceaux, qui rend compte à l'Assemblée : 1° des progrès de l’instruction des procédures commencées soit à Strasbourg, soit à Colmar, et dans les autres tribunaux des départements du Haut et du Bas-Rhin, relativement aux troubles qui y ont eu lieu; 2° des procédures qui se poursuivent très vivement devant le tribunal de Vannes, relativement aux troubles qui ont eu lieu dans le département du Morbihan. M. de Hoailles, président, obligé d’aller chez le roi, quitte le fauteuil. M. Treilhard, ex-président , le remplace. L’ordre du jour est un second rapport des co-[10 mars 1791. J mités diplomatique et des domaines sur l'affaire du Clermontois (1). M. Geoffroy, au nom des comités diplomatique et des domaines (2). Messieurs, lors de la discussion qui s’ouvrit à la suite du premier rapport sur l’affaire du Clermontois, frappés par les considérations politiques qui vous furent présentées, vous ajournâtes la question pour ère de nouveau examinée, et vous jugeâtes dans votre sagesse devoir adjoindre le comité diplomatique au comité des domaines pour procéder ensemble à cet examen. C’est le résultat de leurs conférences et de leurs vues, c’est le produit commun ne leur travail et de leurs pensées, qu’ils viennent vous soumettre en ce moment. Les comités réunis ne suivront point, dans ce nouveau rapport, la division de l’ancien; ils ne s’en éloigneront pas non plus totalement : obligés d’organiser leur pian, suivant le système de défense adopté, par ceux qui ont écrit ou parlé en faveur de M. de Condé, ils examineront d’abord si, comme le comité des domaines l’avait pensé, le traité de 1641 a opéré la réunion du Clermontois à la couronne de France, ou si, comme l’ont avancé les défenseurs de la maison de Condé, les traités de 1644 et 1661 contrarient le système du comité. Ils examineront ensuite, dans le cas où la réunion serait censée opérée dès 1641, si le traité de 1659 n’a point rendu nul l’effet de cette réunion par une garantie expresse de la donation de 1648. Après avoir rempli cette tâche avec l’attention la (dus scrupuleuse, et surtout avec la circonspection qu’exige l’aspect politique que l’on a voulu donner à cette affaire, ils descendront à la donation et à l’échange; et quelle que soit l’opinion qu’ils embrassent, ils s’attacheront moins à la défendre avec chaleur, qu’à exposer les faits et les principes avec précision et netteté. Le point qui nous a paru le plus essentiel à éclaircir, et celui par lequel nous entrerons en matière, est le traité de 1644, dont l’apparition prestigieuse et les conséquences infinies que l’on en tira, durent naturellement faire sur vous une certaine impression. Les recherches que nous avons faites à cet égard, justifient le comité des domaines de ne lui avoir point as-igné de place dans son rapport : car, s’il était de son devoir de citer tous les traités qui ont, si je puis m’exprimer ainsi, acquis une existence diplomatique par le complément des formalités qui leur donnent un caractère légal et politique, on sent qu’il a pu, dans une affaire si chargée de détails, attacher moins d’importance à des ouvertures d’arrangements, à des projets de pacification qui n’ont eu ni exécution ni suite. C’est dans cette dernière classe qu’il faut ranger les articles signés à Guemine, le 24 juin 1644, (1) Voyez Archives parlementaires, tome XXII, séance du 15 janvier 1791, page 252, le lor rapport do M. Geoffroy sur cet objet. (2) L’avis développé dans ce rapport, adopté d’abord dans le comité des domaines à la presqu’unamité, n’a obtenu que la majorité des voix lors de la conférence tenue entre les commissaires de ce comité et les membres du comité diplomatique qui y assistèrent : ces derniers se trouvèrent divisés d’opinion ; cependant, comme la majorilé était constante, le rapporteur s’est cru autorisé, par l’usage, à présenter, au nom des deux comités, le sentiment qui a prévalu. {Note du rapporteur.) JAssemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES» [10 mars 1791.] entre le sieur Duplessis Besançon, envoyé du roi, et le duc Charles : et pour vous en convaincre, Messieurs, il s f tira de vous rendre compte des circonstances principales de ceUe négociation. En 1643, deux années après le traité de Paris, que 1 ■ comité des domaines, dans son premier rapport, a considéré comme l’époque fixe de la réunion du Clermont us à la couronne, le duc de Lorraine, qui avait joint ses troupes à celles de l’empereur, eut le bonheur, de concert avec les généraux Galas et Mercy, fie surprendre à Tudlingen les quartiers de l’armée Wermarienne et française, et de faire prisonniers tous les chefs de l'année combinée; soit que son inconstance naturelle le portât à changer de i arti au moment de la victoire, soit, comme ses prorédés ultérieurs l’ont fait coenarre, qu’il voulût, en inspirant des inquiétudes à l’emp-reur, obtenir un traitement plus avantageux, le prince lorrain affecta de trader ses prisonniers avec des é-ards extraordinaires ; il disûngua surtout le comte de Maugiron, maréchal de camp, et le sieur Dumau-rier; il eut avec eux de fréquentes conversations sur 1rs affaires de France, à la suite d sq cil s il leur donna la liberté, en leur recommandant de p-éve iir la reine ne ses sentiments, et du désir sincère qu’il avait de réparer ses fautes par un accommodement dont il laissait les conditions à sou arbitrage; offrant, dès qu’il aurait obtenu grâce, de joindre ses troupi s à colles de France. i a mission des sieurs Maugiron et Dumaurier surprit extrêmement la cour; la reine régente et le cardinal Mazarin connaissaient trop le duc pour compter sur Ja sincérité desemnlables promesses ; ils n’avaient point oublié qu’à peine le traité de Paris de 1641 eût été exécuté de la part de la France par l’évacuation complète de la Lorraine et du Barrois, Charges s’était sur-le-champ ligué avec les ennemis; ils n’avaient point oublié surtout que cYst pendant le cours d’une négociation semblable que le prince lorrain, abusant de la sécurité qu’elle inspirait à nos généraux, s’était jeté sur nos quartiers en Allemagne, et avait écrasé nos troupes à Tudlingen. Cependant, sans rejeter des avances dont on pouvait tirer parti, ils se déterminèrent à renvoyer au duc, Dumauiier et Maugiron, avec charge de lui exposer que la reine voulait bien, eu égard a son sepentiret à ses protestations de respect et de soumission, entrer en projet d’arrangement avec lui; mais sur les bases du traité de Paris, qu’elle ne pouvait s’en écarter au commencement d’une régence sans avilir son autorité naissante aux yeux de toute l’Europe; que dans la suite, et lorsque le duc aurait signalé son attachement à la France par des services, il deviendrait aisé de rendre sa condition meilleure. Ces services exigés du duc étaient, d’un côté, la réunion de ses troupes à celles de France ; de l’antre, la lemise de Spire et de Worms que Charles tenait pour l’empereur. Ce fut dans la dernière de ces villes que Maugiron et Dumaurier allèrent reioindre le duc de Lorraine. Ces envoyés, qui avaient plus de zèle pour la chose publique, que d’habitude dans l’art des négociations, après avoir été longtemps ballottas parle duc, letournèrent à Paris, où ils an-noncèrentque M. de Lorraine insistait absolument pour obtenir des conditions pins favorables que celles comenues au traiié de Paris; mais qu’ils avaient tout lieu de croire qu’il signerait celui arrêté par le maréchal de Moni, en septembre 1642, 23 c’est-à-dire le perlide traité suivi de la surprise de Tudlingen. Ceci se passait en avril 1644. Le cardinal ministre et la reine régente jugèrent à propos de charger de la suite de cette affaire un homme exercé; ils jetèrent les yeux s ir Duplessis Besançon. Celui-ci fut trouver le duc au cmnmen-vement de mai : dès la première conférence, il jugea que les ouvertures faPes par ce dernier à MM. Maugiron et Dumaurier île passaient pas les termes de la courtoisie et de la polit sse. En négociateur habile, il pressa le duc de s’exnliquer, et obtint qu’il mettrait ses propositions par écrit: dans cet état il les porta en cour; elles s’écartaient en quelques point' du traité de 1641, qui devait servir de base au nouvel arrangement; mais on crut pouvoir passer d’auiant ulu-aisément sur cet inconvénient, que la défection du duc de Lorraine, du pa ti d' l'empereur, et la jonction de ses troupes à celles de Fi ance, faisaient, naturellement espérer que l’on serait dédommagé de ces sacrifices dans ie cours de la première campagne. Tels furent les préliminaires, les motifs et [es âge ts du projet de traûê, signé à Guemine, le 24 juin 1644. Je dis projet, , car le traité devait être ratifié dans Je mois; et il ne fut pas ratifié. Je dis projet, et s’il était nossible de trouver un terme d’une signification plus étroite, c’est celui dont on devrait se servir pour caractériser le pijncipe et l’ébauche d’une convention qui ne fut entamée par Charles, que pour forcer dom Francisco de Mellos qui négociait en même temps avec lui au nom du roi d’Espagne, à acheter plus chèrement ses services. Duplessis Besançon n’avait pas encore quitté Worms, qu’il s’aperçut des intrigues du prince lorrain avec le commandant espagnol, et des avantages que celui-ci avait pris sur l’es rit de Charles', en le berçant de l’espoir de lui succéder dans le gouvernement des Pays Bas. Besançon se bâta d’en instruire la cour, qui apprit la rupture du traité avant la signature du traité, et donna sur-le-champ des ordres pour presser le siège de la Motte; la seule place de tons les Etats du duc qui tint encore pour lui, et nos troupes l’occupèrent, le 7 juillet, douze jours après le prétendu traité de Guemine. Il est à remarquer qu’avant, pendant et après hjs conférences, les hostilités continuèrent sans relâche; en sorte qu’il n’est aucun instant où aucune des parties ait pu considérer comme obligatoires les préliminaires de 1644, qui n’ont été suivis ni de la ratification qui détermine le consentement, ni de l’exécution qui le complète. Ces détails suffisent pour apprécier le traité de Guemin-. Il est si peu permis de le regarder comme un véritable traité, que dom Calmet, dans sa volumineuse compilation, intitulée : Histoire de Lorraine, en sept ou huit volumes in-folio, où il parle de tout, n’en dit pas un mot; même silence de la part du marquis de Beauveau dans des mémoires très instructifs, que ce compagnon d’armes du duc adonnés au public, de sa vie et de ses exploits. On y voit au contraire le prince lorrain ajouter à ses ancien-; torts envers la France, celui d’une ligue plus particulière avec celle des branches de. la maison d’Autriche, qui, aux conférences de Munster et d’Osnabruch, montrait le plus d’éloignement pour la paix. Le traité de Guemine ainsi écarté, comme incomplet, comme nul, comme désavoué par toutes 24 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. |10 mars 1791.) les parties intéressées, il devient inutile de débattre séparément les arguments tirés de cette pièce informe, contre le traité solennel de 1641. Le principe détruit, les conséquences s’évanouis-sem. Là où il n'y a point de second traité, là il ne peut y avoir de clause dérogatoire au premier. Celui-ci reste debout et intact contre ces citations erronées, et présente jusque-là la véritable époque de la réunion du Clermontois à la couronne de France. Mais on a fait d’autres objections contre la date précise de cette réunion... Nous allons les reprendre et les discuter. L’un des opinants a dit que le traité de 1641 n’exprimait pas la réunion du Clermontois au domaine. L’autre, que cette réunion qu’il convient y être stipulée, est insuffisante, parce que le traité de 1641 n’a été ratifié qu’en 1661, vingt annéesaprès; conséquemment que le Clermontois a été pendan t cet intervalle un bien extra-domanial, dont le monarque a eu le droit de disposer arbitrairement. Nous passerons vite sur la première objection qui se réfute par une simple lecture de l’article 4 d’un traité copié dans le premier rapport. La seconde n’est guère plus sérieuse -, mais elle exige plus de développement. 11 faut d’abord poser des principes, il faut ensuite distinguer des objets que rargumentation dont il s’agit a confondus et assimilés ; et l’on verra qu’il y a erreur de fait et erreur de droit dans le raisonnement de l’opinant. Il y a erreur de fait, en ce qu’il confond la ratification du tiaité de 1661, avec celle faite à Bar du traité de 1641, le 29 avril de la même année. Il y a erreur de droit, en ce qu’il regarde les traités de 1641 et de 1661, comme parties intégrantes d’une seule et même convention, tandis qu’ils forment visiblement deux conventions différentes, absolument distinctes l’une de l’autre, ayant chacune leur valeur propre et indépendante. Le traité de 1641 était un acte parfait, avant que celui de 1661 existât. Le premier est une transaction sur la guerre qui avait subsisté entre les deux Etats, depuis 1632 jusqu'en 1641. Le second est une autre transaction sur le nouveau débat qui s’éleva entre les mêmes puissances, depuis la fin de 1641 jusqu’en 1661. Les motifs de ces deux traités, leurs stipulations sont divers, comme le principe des deux guerres, et ils n’ont d’autres rapports entre eux que eeuxque l’on pourrait remarquer dans les traités que la France a conclus avec l’empire, soit à Munster, soit à Ryswick et àRastadt. De ce que l’un et l’autre de ces traités assurent à la France le Clermontois, il ne serait pas juste d’en conclure qu’ils ne forment qu’un seul et même acte, et que ce n’est que de l’époque du dernier traité que date sa réunion à ta couronne. S’il était permis de comparer les querelles des rois à celles des particuliers, l’on pourrait dire que le traité de 1661 est à celui de 1641, ce qu’est dans les procès civils un jugement à un acte sur lequel les parties ont contesté. L’arrêt ne forme pas le droit de celle qui gagne son procès ; mais il le déclare, il le reconnaît, il le sanctionne: voilà tout ce qu’a produit le traité de 1661 à l’égard du Clermontois. La seule différence entre les hypothèses que je viens d’établir, c’est que le procès dans le premier cas s’instruit avec du canon et des soldats, et dans le second par des procureurs et des huissiers. L’objection que les comités combattent, n’est pas seulement erronée, elle est même dangereuse. Dans ce sysième que la guerre s’ouvre, tous les droits des nations sont compromis, il n’existe plus de lois, plus de traités ; le prince devient libre de disposer, dans l’intervalle de la guerre, des conquêtes précédentes; et, pour légitimer le démembrement des provinces de l’Etat, il n’a qu’à emprunter le raisonnement des défenseurs de M. de Coudé, et dire : « Jusques à la conclu-« sion de la paix, jusqu’à une nouvelle ratifica-« tion des traités, ia propriéié de ces provinces, « Hotte incertaine entre la nation et ses ennemis ; « dans le doute des événements, il est de ma « sagesse, comme de ma prérogative, d’en dispo-« ser en faveur des princes de mon sang qui « m’ont utilement servi. » Quel est le peuple d’esclaves qui voudrait se soumettre à de telles lois? Heureusement les principes de notre législation répugnent à un tel ordre de choses. Ils consacrent la réunion des objets conquis, dès le moment de l’investiture et du premier traité; la clause de réunion y fût-elle omise, le sang des peuples l’a toujours suffisamment tracée dans les plaines de la victoire. Sans doute l’incertitude des événements d’une guerre postérieure à cette première cession, peut rendre la jouissance de la nation précaire ; des revers peuvent trahir ses espérances ; mais ses droits résultant des traités n’en sont pas moins incontestables ; car il n’y a que la force qui puisse les dissoudre. De cette discussion préliminaire sur les traités entre la France et le duc de Lorraine, il résulte : 1° Que le traité de 1641 est la véritable époque de la réunion du Clermontois à la couronne; 2° Que le prétendu traité de 1644, n’ayant existé qu’en projet, et offrant plutôt un piège qu’une convention politique, n’a pu apporter aucun changement dan3 les clauses du traité de 1641 ; 3° Que celui de 1661 n’a point créé les droits de la France sur le Clermontois, mais n’a fait que contirmer ceux qui lui étaient acquis par le traité de 1641. Nous toucherions au moment de faire usage de ces vérités démontrées et de les appliquer à la donation de 1648, si l’on se fût contenté d’attaquer par les arguments diplomatiques dont on vient de reconnaître l’impuissance, l 'instant précis de la réunion du Clermontois ; mais, comme d’autres objections dans le même sens se trouvent mêlées à celles-là, les comités réunis, pour ne laisser en arrière rien qui les force à revenir sur leurs pas lorsqu’ilss’occuperont d’objets plus importants, vont répondre à ces difficultés du second ordre qui ne se lient à aucun plan, et n’ont d’autre point ae contact que leur faiblesse. Il a été avancé dans la discussion que le traité de 1641 n’était que provisoire et par une conséquence ultérieure que la cession du Clermontois était en pure expectative pour la France, sur ce motif, qui nous a paru très singulier, et très neuf en diplomatie, que tous accords faits pendant le cours d’une guerre par des alliés des principales puissances belligérantes qui se détachent de la cause commune, ne deviennent définitifs qu’à l’époque du dernier traité qui met tin à toute la guerre. On pourrait demander dans quel code se trouve placée une telle loi... On pourrait en démontrer les inconvénients politiques, et même la barbarie, si elle existait ; mais on aime mieux prouver qu’elle n’exisle pas, par des exemples ; un seul suffit : 25 [Assemblée nationale.! ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [10 mars 1791.J je le prends dans la guerre do Trente ans et je choisis le traité de Wesphalie, traité conclu entre la France et la Suède d’une part ; l’empereur et l’empire de l’autre; traité très définitif, qui ne terminacependantqu’une partie de cette longue et mémorable querelle, qui devait encore agiter la France et l’Espagne pendant 12 années. A cette objection en a succédé une autre de même force, et dont le but est également de n’attribuer au traité de 1641 qu’un effet provisoire. L’on a dit que le duc de Lorraine n’avait pu céder seul la plus grande partie du Glermontois, parce que les prévôtés de Stenay, Dun et Jametz, étant de la mouvance de l’Empire, il fallait l’accession de la diète, pour légitimer ce démembrement. En supposant le fait de la mouvance exact, et nous sommes loin d’en convenir, on aurait mieux conclu, en disant : qu’il fallait l’accession de la diète pour que ces prévôtés, quoique possédées par la France, continuassent à conserver les mêmes rapports avec l’Empire. La confédération qui unit les divers Etats germaniques est une société politique, par laquelle des Etats, d’ailleurs indépendants, se promettent respectivement secours et protection. Cette protection assurée à l’opprimé serait injuste à l’égard de l’agresseur ; il n’a pas droit de la réclamer. D’ailleurs, l’opprimé comme l’agresseur peuvent y renoncer en vertu de ctte loi, commune aux corpsetaux individus, de cette loi, qui leur permet de se départir désavantagés stipulés en leur faveur. Or, c’est ce qu’a fait le duc de Lorraine, agresseur, en substituant, par le traité de 1641, un autre sociétaire à sa place. Que pouvait l’Empire dans cette supposition ? ..... Demander la rétrocession des fiefs. Non. Mais refuser d’admettre la France dans sa confédération. Si par l’article 78 du traité des Pyrénées on impose au roi catholique l’obligation de faire garantir, par l’empereur, tous, les articles de ce traité, relatifs au duc de Lorraine, tous sans exception, quoique cette garantie fût inutile, même dans le système de nos contradicteurs, pour la cession entière du Barrois que Charles tenait comme feudataire de la couronne de France, on sent par la généralité de cette clause qu’elle n’avait pour objet que de suppléer le consentement du prince lorrain, absent et protestant lors du traité, et d'empêcher un monarque puissant de se faire un prétexte de la querella du duc de Lorraine, c’est-à-dire de l’homme qui s’étaitjoué le plus impudemment de la foi des traités pour troubler le repos de la France. Cette présomption devient preuve par l’engagement que preud, dans le même article 78, le roi d’Espagne, de s’entremettre auprès de la cour impériale pour procurer à la France l’investit ire des fiefs relevant de l’Empire, qui pourraient être compris dans les objets cédés, en cas qu'il y en eût qui en relevassent. Ce doute était fondé ; car il est certain qu’en 1659, comme en 1641, le duc Charles n’etait feudataire de l’Empire, à raison d’aucune terre. C’est ce que prouve le traité de Munster, ci-de-vant cité, qui remet la décision du différend du duc de Lorraine avec la France, au temps de la conclusion de la paix avec l’Esp-gne ; quoique ce même traité de Munster, aujourd’hui la base du droit politique germanique et l’un des plus grands bienfaits de la France envers cette belliqueuse contrée, statue très en détail sur les intérêts généralement quelconques de tous les princes et co-Etats de l’Empire. G’estenvain que le duc de Lorraine essaya d’avoir des députés aux conférences (droit qu’il aurait eu s’il avait été prince de l’Empire) ; c’est en vain que le duc François, son frère, se plaignit aux ministres de Ferdinand 111 de ce que Charles n’avait point été compris dans le traité de Vest-phalie; il lui fut répondu : « Que la Lorraine « n’étant plus membre de l’Empire, ils n’avaient pas « dû se mettre au hasard de rompre la paix dont <* ils avaient besoin, pour son fait particulier et « pour un Etat qui s’était détaché d’euxil yavait « longtemps. » Dom Galmet, qui rapporte cette réponse, fait aussi mention de la décision de la diète impériale de Nuremberg qui, en 1542, déclara le duché de Lorraine principauté souveraine et franche. Ces faits sont décisifs et annoncent que Charles avait pu seul, et sans le concours de personne, céder à la France le Clermontois. Ils les ignoraient -ans doute ces faits, ceux qui ont supposé pour motif de l’opposition que la princesse Nicole, épouse du duc Charles, forma au parlement de Paris, non pas au traité de 1641, mais à l’enregistrement de lettres de don du prince de Con ié, la vassalité de Charles et la nécessité du consentement des Etats de l’Empire pour valider la cession du Clermontois. Les leur indiquer, c’est leur répondre. Charles était allié et non vassal de l’Empire, l’opposition de la duchesse était donc mal fondée. Le parlement reçut cette opposition et il n’en faut pas conclure q u’il la jugeât valable. Dans l’usage les magistrats reçoivent toutes sortes de requêtes, et cela ne préjuge rien en faveur des parties. D’ailleurs quand le parlement se serait écarté des principes et de ses devoirs, cela ne formerait pas un titre à ceux qui attaquent le traité de 1641 que nous avons acquis le droit, après une discussion aussi longue et aussi variée, de présenter comme l’époque certaine de la réunion du Clermontois à la couronne. Le Clermontois réuni à la couronne, le Clermontois devenu domanial en 1641 a-t-il pu être donné en 1648 ? Ici, Messieurs, commence à s’offrir très distinctement à nos regards l’une des deux questions que vous avez à résoudre, la validité ou l’invalidité de la donation faite au grand Condé. Elle est nulle et révocable, a dit le comité des domaines dans son premier rapport, et nous devons répéter avec lui qu’elle est révocable et nulle. Cette décision est une conséquence naturelle, et une suite immédiate des faits précédemment discutés. Avoir établi, comme nous venons de le faire, la domanialité du Clermontois, c’est avoir prouvé sans réplique le vice radical de la donation de 1648. Les principes à cet égard sont clairs, certains, incontestables. Nous ne les rappellerons point : ils ont été développés dans notre premier rapport ; et ils n’ont pas été contredits, et ils sont sortis victorieux d’une discussion, qui, fertile en nuages, en expédients et en ressources, n’a pas même tenté de les effleurer. Ce solennel hommage, rendu par nos contradicteurs à la sagesse de ces principes conservateurs des propriétés nationales, est bien inférieur à celui qui résulte des efforts qu’ils ont faits pour prouver que le Clermontois était un bien extradomanial. Tout ce que nous avons réfuté jusqu’à présent d’objections, tendent vers ce point unique. Quelque nombreuses qu’elles vous aient paru, nou3 n’en avons point encore épuisé 26 {Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [10 mars 1791.] la masse; nous avons écarté celles résultant des traités de 1644 et 1661, celles résultant de la vassabté de Charles et du système provisoire des traités; il nous reste à combattre et à repousser des arguments dans la même direction, tirés du traité de 1641 et de la donation de 1648. Dans les articles 3, 4, 5 et 6 du traité de 1641, on emploie, pour marquer la réunion du Clermontois a la couronne, des expressions diverses, mais tendant au même but. De la différence de ces deux formules de réunion, l’une portant que les comtés de Clermont et dépendances demeureront à l'avenir pour jamais unis à la couronne; l’autre, que Stenay, Don et Jametz, demeureront aussi à Sadite Majesté et à ses successeurs rois , pour toujours en propriété avec tout le revenu d'icelles , l'on en a conclu que le comté de Clermont seul avait été réuni à la couronne, et que les autres objets cédés par le traité de 1641 étaient restés libres dans la main de Louis XI II ; cet argument serait spécieux si Louis XIII eût consenti la donation de 1648; mais cette donation est l’ouvre ge de son successeur; et l’on sait que tous les biens du prince qui monte sur le trône, à quelque litre qu’il les pos-èd. , s’incoi-porent simultanément dans ceux du domaine. Celte répo-s�- est un fieu pressante ; en voici une plus décisive encore. Le dernier paragraphe du traité de 1641 porte expressément que tous les objets cédés par le duc de Lorraine, en vertu de ce même traité, resteront inséparablement unis à la couronne. Cette stipulation postérieure lève toute équivoque et prouve que les défenseurs de M. de Condé se sont mépris dans leur glose sur le sens des premiers articles. Iis ne nous paraissent pas avoir mieux lu la donation de 1648 une le traité de 1641. Dans cette donation il est dit : que Sa Majesté s’était porhe d’autant plus volontiers à donner à M. de Condé le Clermontois, qu’il n’était pas de l’ancien domaine de la couronne, et qu’il n’avait pas été compte du revenu d’rcelui en la Chambre des comptes. A la rigueur, cette phrase n’affirme pas, comme le prétendent nos contradicteurs, que le Gler-montois n’avait pas été réuni à la couronne; dire qu’il n’était pas de l’ancien domaine, c’e-t le classer dans le nouveau aussi inaliénable qu - l’ancien; dire qu’on n'a pas compté de ses revenus à la Chambre îles comptes, c’est inculper l’administration de négligence; cette phrase ne signifie rien de plus. Mais si l’on s’obstinait à en abuser pour soutenir que le Clermontois n’était pas domanial en 1648, nous remettrions, sous les yeux de l’ Assamblée, les clauses du traité de 1641, et sa justice ne lui permettrait pas de balancer entre l’assertion fausse d’un ministre qui favorisait par des vues particulières un don illicite, et les lois fondamentales de l’Etat qui prohibent ces sortes de don. L’illégalité de la donation ne fut pas méconnue dans le temps de tous les ministres de la reine régente. M. de Brien' e, l’un d’eux, fit, à ce sujet, des représentations inutiles; il pouvait lutter de raison, mais non pas de crédit avec son collègue au chapeau rouge. Voici comme il raconte lui-même la chose : « Cependant M. le prince ayant « obtenu la cession et le don des terres de Stenay, « Clermont et autres places, j’eus ordre de les « lui expédier et de les lui porter. J'avais pris « plusieurs fois la liberté de représenter à la « reine qu’elle excédait son pouvoir et qu’elle « pourrait bien s’en repentir un jour, le régent « pouvant tout faire à l'avantage de son peuple , « mais non pas en détériorer la condition. » L’événement justifia les pressentiments de Brienne, et la faute qu’il voulait prévenir, vous avez à la réparer. Maintenant que c’est un point acquis que !e Clermontois, domanial en 1641, n’a pas pu è re donné en 1648, il s’agit d’examiner si le trailé des Pyrénées de 1659 a dénaturé la possession du prince, changé et étendu son titre; et si couvrant le vice de la domanialité, il a rendu la donation perpétuelle de révocable qu’elle était. Sous ce nouvel aspect, la question s’agrandit et se rehausse de tout l’éclat attaché à une discussion qui se lie à de gran is intérêts politiques. Mais la difficulté de la solution n’augmente pas en raison de l’importance de la matière. Tout se réduit en dernière analyse à une interprétation naturelle et simple de deux ou trois articles du traité ée 1659; et pour o uer entre les versions différentes qu’on en a faites, il s’agit moins d’être publicis’e profond, que grammairien exact. En effet, Messieurs, il ne s est élevé dans vos comités réunis aucun doute sur la faculté qu’avait le roi de France, à l’époque du traité des Pyré-né s, de eéd r en tonte propriété le Clermontois, soit à l’E : ; uigne, soit au prince de Condé; certes, celui qui pouvait, dans l’ancien ordre de choses, en qualité de législateur provisoire, distraire, en contemplation de Ma paix, des portions antiques du territoire français, avait, à plus forte raison, le d' oit d’en détacher cette petite province nouvellement réunie; mais ce que Louis XIV pouvait l’a-t-il voulu, l’a-t-il fait?... Voilà la question réduite à ses plus simples termes. Voilà la question que vos comités réunis, après le plus mûr examen et la lecture la plus attentive du traité de 1656, ont décidé négativement. Vos comités disent donc que cette convention politique a laissé subsister, tel qu’il était, le titre du prince, et a conservé au Clermontois sa nature de bien domanial. Ils appuient leur opinion, non pas sur des circonstances extérieures à cet acte, indices presque toujours trompeurs, et dont chaque parti peut tirer un égal avantage; mais sur les clauses mêmes de ce traité qui ne peuvent varier; de ce traité où l’on semble s’être armé à l’avance de précautions contre le système des défenseurs de la maison de Condé. En rendant le Clermontois au prince, on a le soin de stipuler que c’est pour en jouir, comme par le pas-é, et comme il l’avait avant sa sortie de France; c’est-à-dire à titre de don. Les termes qui peuvent l’avertir que ses droits ne sont pas changes, que ses titres restent les mêmes, se trouvent répétés fréquemment dans chacune des dispositions qui le concernent. Ici il est dit : le prince sera réintégré; là il sera restitué au prince. Partout enfin on emploie, avec autant de discernement que de profusion, ces mots rétablissement, restitution , réhabilitation et autres synonymes qui indiquent un retour à l’ancien état des choses ; et il est à s emarquer que, dans une aussi longue suite d’articles, il n’est pas échappé aux rédacteurs une seule expression, une seule syllabe, qui puissent faire préjuger que les parties contractantes aient voulu rendre meilleure sa condition. Au contraire, plusieurs de eus articles tendent directement à apporter des limites à son ancienne jouissance. Si on lui rend Bellegarde et Mon-trond, c’est à condition qu’il n’en pourra relever les fortüicatioos. [10 mars 1791.] [Assemblée nationale.) Si on lui assure le gouvernement de Bourgogne, c’est pour se dispenser de lui rendre celui de Guyenne, infiniment plus important sous tous les rapports. Et quant au Glermontois, il ne devait pas être douteux pour le cardinal Mazarin, que Jametz faisait partie de la donation de 1648; cependant Jametz ne doit lui être restitué qu’amant qu’il l’avait possédé : et Jametz aussi en cas qu'il l'ait eu. Ainsi, loin quu le traité des Pyrénées annonce qu’on ait eu le dessein d’accorder à M. de Condé, des avantages supérieurs aune réintégration pure et simple; il est bien plus vrai de dire que, contenant des dispositions diamétralement opposées , il manifeste des intentions contraires. Combien est étrange le système où il faut voir, dans ces exceptions des faveurs et, dans ces privations, des droits nouveaux! Tel est cependant celui que vous proposent de préférer, soit ceux qui ont écrit hors de cette Assemblée, soit ceux qui ont parlé à cette tribune eu faveur de M. de Gondé. Il est vrai qu’ils écartent avec soin la discussion des moyens que nous venons de développer, pour se jeter dans des généralités; et lorsqu’ils s’en rapprochent ils se flattent de pouvoir faire illusion, en appliquant au Glermontois quelques phrases qui n’ont de relation immédiate qu’aux biens patrimoniaux du prince. Nous les discuterons ces phrases; mais il faut y arriver par le récit de quelques faits destinés à les éclaircir et propres à répandre uu grand jour sur cette partie de la discussion. Peu de temps après la sortie du prince de Condé du royaume et sa retraite dans les Pays-Bas espagnols, Louis XIV, à la suite d’une amnistie inutilement offerte, publia le 12 novembre 1652, une déclaration menaçante contre ce prince et ses adhérents, par laquelle il les déclare déchus de tous honneurs, dignités, états, offices, gouvernements, pouvoirs, charges, privilèges, prérogatives, pensions, etc. — Réunit au domaine ceux de leurs biens qui relevaient immédiatement de la couronne et confisque les autres; cette déclaration fut enregistrée le 13 du même mois au parlement. De son côté cette cour, sur les instances du monarque, ne tarda pas à procéder plus régulièrement contre le prince et, le 27 mars 1654, intervint arrêt qui, entre autres dispositions, consacre toutes celles de la déclaration de 1652. Par là Louis XIV devenait libre de disposer non seulement des charges et gouvernements du prince, mais de ceux de ses biens qui, n’élant pas réunis à la couronne, lui étaient dévolus pour la confiscation. Dans l’intervalle de cinq ans d’une guerre opiniâtre contre un prince de son sang, le monarque dut être tenté d’user à la rigueur de ses droits, et il en usa : la Guyenne reçut un nouveau gouverneur, et la charge de grand maître de sa maison fut conférée au prince Thomas de Savoie, etc. G’est pour ne laisser subsister aucun des obstacles que ces différents actes pouvaient apporter à la réintégration plénière de M. de Gondé dans ses biens et dans ses honneurs que le roi, lors du traité des Pyrénées, annule l'arrêt de 1654, qu’il déclare que : « le prince ne pourra « être troublé , poursuivi ni inquiété en ladite « possession et jouissance par lui, ses hoirs, « successeurs ou ses officiers, directement ni « indirectement, nonobstant quelconques dona~ « lions , unions, incorporations qui pourraient <. avoir été faites desdits duchés , comtés, terres, 27 » seigneuries et domaines ; biens , honneurs, di-« gnitês et prérogatives de premier prince du « sang ; et quelconques causes dérogatoires, « constitutions et ordonnances à ce contraires. » Eh bien ! ces stipulations si évidemment analogues à l’arrêt de 1654, si naturellement déterminées par ses conséquences, stipulations que j’appellerai clauses de style, parce que je les ai trouvées exactement copiées dans tous les traités où il est question d’amnistie en faveur de citoyens quelconques qui ont pris les armes contre leur roi, les déf meurs de la maison de Gondé les appliquent au Clermontois et soutiennent que tant de précautions prises très à propos contre la déclaration de 1652, l’arrêt de 1654 et les divers actes qui en avaient été la suite, n’ont eu pour objet que de déroger à l’union du Clermontois, opérée par le traité de 1641 ; dérogation inutile dans leur système puisqu’ils ont constamment nié que cette union au domaine existât. Mais quelque énergie et quelque étendue que l’on soit porté à donner aux stipulations que nous venons de mettre sous vos yeux, leur puissance s’arrête devant cette ■ lause : « Le prince « sera rétabli dans la possession du Glermontois « pour en jouir comme avant sa sonie de France. » Or, comment en jouissait-il? A titre de don. G’est donc en qualité de donataire qu’il a été convenu entre les rois de France et d’Espagne, que le prince de Gondé serait rétabli dans le Glermontois ; c’est donc comme donataire que sa maison le tient encore. On nous a dit, avant que le traité de 1644 fût connu et jugé : Vous vous trompez sur le sens de ces mots : comme il les avait avant sa sortie de France; ce n’est pas à la donation qn’ils se réfèrent, mais à une clause de ce traité par laquelle la France ne conservait la jouissance du Glermontois qu’à tiire de dépôt, pour le rendre au duc de Lorraine. En écartant ce prétendu traité de 1644, nous avons suffisamment écarté l’objection ; et il ne reste que le souvenir de son inconséquence. Car, comment concevoir que le traité de 1659 qui, dans le système que nous combattons, assure au prince de Gondé une jouissance imperturbable du Clermontois, contienne des réserves favorables au duc de Lorraine ? cela est difficile à concilier et à saisir; mais ce qui ue l’est pas, c’est la manière d’argumenter de nos contradicteurs qui, après avoir constamment opposé le traité de 1644 à celui de 1641, ne laissent pas que de se servir alternativement de l’un etde l’autre suivant les besoins de leur cause. Avec une pareille méthode on n’est embarrassé de rien; aussi, Messieurs, nous ne sortirions pas de ce labyrinthe de contradictions et de sophismes, si nous cédions au désir quelquefois louable de répondre à tout. Il a donc fallu nous borner; quelques-uns des arguments qui ont été laits à cette tribune, et qui s’y reproduiront encore, ont été réfu'és dans notre premier rapport, ç’a été pour nous un motif de nous absieuir d’en parler; nous ne parlerons pas non plus d’un brevet de garantie accor é dans le même mois de la donation à M. le prince. Ce titre, aussi vicieux que celui qu’il était destiné à étayer, prouve seulement la défiance que le donateur et le donataire avaient de leurs droits respectifs. Nous avons cru également ne devoir pas nous arrêter aux considérations étrangères au traité de 1659; c’est le texte de la convention que vous nous avez chargés d’examiner et non pas les commentaires qu’on en a faits; suivre une marche différente, ce serait imiter ceux qui, pour juger ARCHIVES PARLEMENTAIRES. 28 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. dans la suite vos lois, mettraient de côté le texte pour ne consulter que le journal des débats. Ainsi que les conférences attestent que le roi catholique et son ministre, autant par estime que par politique, s’intéressaient vivement au sort du prince de Condé, cela est vrai ; mais ces mêmes conférences attestent aussi, et Ton en conviendra, que la médiation du roi d'Espagne, ses offres immenses, vraies ou simulées, n’importe, et les cessions qu’il ht ne tendaient qu’à obtenir pour lui, un oubli entier du passé et une réintégration pure < t simple dans ses biens et dans ses honneurs. (le dernier article seul souffrait des difficultés et fut l’objet de quelques sacrifices de la part de l’Espagne. Quant aux biens, la France ne les a fait acheter par aucune compensation; elle était convenue de les rendre dès les préliminaires signés à Paris avec Pimente!, envoyé de la cour de Madrid. La résistance qu’il fallut \aincre lors des conférences de Bidassoa portait uniquement sur les gouvernements et sur les charges; aussi voit-on dans le traité des Pyrénées que leur seule restitution est achetée par l’Espagne aux dépens de ses possessions d’Avennes et de Juliers qui furent cédées, l'une à la France, l’autre au duc de Neu-bourg. Les autres places comme Rocroy, le Catelet, Linchamp, etc., restituées en petit nombre par l’Espagne et restituées sans condition, furent constamment le prix de nos victoires, de nos conquêtes et surtout des rétrocessions multipliées et imprudentes que l’on fit à cette couronne, soit dans les Pays-Bas, la Bourgogne et la Franche-Comté, soit en Italie et en Catalogne et dans la partie .supérieure du comté ce Cerdagne. Si donc on était fondé à s’étonner de quelque chose, ce n’est pas avec les défenseurs de la maison de Condé, que le roi catholique n’ait garanti pour le Clermontois que la restitution d’un bien domanial; ce serait que le ministre fie France n’ait pas assez senti les avantages de sa position pour imposer des lois plus dures à l’Esnagne fatiguée par vingt ans de défaites. Aussi, Messieurs, les termes dans lesquels la paix fut conclue n’obtinrent, pas l’approbation générale, et peut-être ce traité de 1659 serait-il placé au rang des grandes fautes politique-si on ne le jugeait pas par h s suites heureuses du mariage de l’infante avec Louis XIV. Battus par le texte du traité des Pyrénées, les défenseurs delà maison de Condé se sont retranchés dans celui de 1661, et ils se persuadent avoir trouvé dans deux mots de ce traité une confirmation de la donation de 1648- Il est dit dans ce traité, article 18, que les objets cédés par le duc de Lorraine, outre et compris le Clermontois, « demeureront au roi, à ses sucoes-« seurs, et ayants cause pour être unis et incor-« porés à la couronne de France ». Ces mots ayants cause indiquent, disent-ils, que le roi, mémoratif de la donation, stipulait ici en faveur de M. de Condé. Si c’était là une formule extraordinaire qui n’eût jamais été employée que dans cette occasion, on y verrait peut-être le désir du monarque d’entretenir pendant son règne, l’acte rémunéra-toire de 1648, et l’on ne pourrait y voir rien au delà; mais si cette clau-e est purement diplomatique et de style, si on en a fait usage dans des cas oùles objets ainsi réunis n’avaient été rétrocédés à personne, il faut convenir qu’elle n’a plus aucune vertu particulière et qu’elle est vide du sens que lui prêtent les défenseurs de la maison de Condé. Or, qu’ils ouvrent un recueil quelcon-[10 mars 1791.] que de traités; qu’ils s’arrêtent à celui de Nimè-gue, et ils y trouveront la même formule avec ces mots topiques, ayants cause , employée pour la réunion de la Franche-Comté à la couronne, quoique cependant le roi n’en eût distrait aucune partie depuis la conquête. La longueur de cette discussion n’aura pas été inutile si, comme les comités réunis le pensent, ils sont parvenus à dissiper les doutes que l’on avait élevés sur la justesse des résultats du premier rapport du comité des domaines. Elle n’aura point été inutile, s’il est clairement démontré pour tous que le Glermontois, devenu domanial parle traité de 1641, n’a pu être donné, en 1648, qu’en contravention et au mépris des lois fondamentales de l’Etat. S’il est clairement démontré pour tous que le prince n’a repris, en vertu du traité des Pyrénées, la possession du Clermontois que pour en jouir conformément à son premier titre. Dans cet état, on se demande quel peut donc être le motif de la persévérance des défenseurs de la maison du Condé dans l’opinion contraire? On croit l’apercevoir dans une erreur spécieuse qui les a constamment égarés. Il faut l’expliquer. La maison de Coudé possédant le Clermontois, comme donataire des rois de France, n’a d’autres droits à sa jouissance, même pi écaire comme son titre, que ceux de la France sur cette petite contrée; il était donc de son intérêt, ainsi que de son devoir, de respecter ces droits d’où émanent les siens; cependant, par une contradiction inconcevable, ses défenseurs se sont perpétuellement mis à la place des ducs de Lorraine, ont plaidé leur cause, exagéré même leurs prétentions et leurs moyens; or, stipuler ces intérêts étrangers, qu’es1 -ce faire autre chose que de. s’élever contre son propre titre? Ils se sont conduits ainsi, lorsqu’ils ont voulu se servir du traité de 1644 pour détruire la reunion opérée par celui de 1641. Ils se sont conduits ainsi, lorsque, dans les mêmes vues, ils ont appelé à leurs secours tes protestations réitérées du duc et l’opposition de la princesse Nicole. Ils se sont conduits ainsi, lorsqu’ils ont soutenu la nécessité de la ratification de l’Empire. Ils se sont conduits ainsi, lorsqu’ils ont opposé le traité de 1661 à celui de 1641. Or, ce genre de défense, convenable peut-être dans la ' bouche d’un mandataire des princes Lorrains, ne présente, dans la p sition particulière de la maison de Condé, qu’une attaque indiscrète dirigée contre la donation de 1648, dont toute la force ne dérive que de la possession absolue de la France. Nous invitons l’Assi mblée à donner quelque attention à cette remarque, qui coupe court à bien des difficultés. Nous allons lui en présenter une autre également importante dans un autre sens. Celle-ci tend à établir que, lors même que l’on admettrait le système que nous combattons, il n’en résulterait aucun avantage pour la maison de Condé. La donation de 1648 excepte formellement les droits régaliens, ceux de souveraineté et de ressort, des objets concédés à M. le prince, pendant vingt ans. Ces droits réservés au roi ont été perçus à l’exception de la gabelle, nominativement t raii s portée, au profit du Trésor public; et ils n’ont commencé à former la partie la plus pièce use et la plus considérable des jouissances de la maison de Condé qu’eu 1661, plus de quatre mois après le dernier traité conclu avec le duc de {Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [10 mars 1791.J Lorraine et deux ans après celui des Pyrénées, sur l’unique et frêle foudement d’un arrêt du conseil. Ainsi, quand on supposerait valable la donation de 1648, quand on la supposerait confirmée par le traité de 1659, l’effet de ces deux actes, l’effet de cette garantie se bornerait aux objets primitivement concédés; et la nation, libre d’appliquer la rigueur des principes aux concessions postérieures, aurait le droit et le devoir de rentrer, comme elle l’a fait, dans la possession des droits regain ns incessibles de leur nature. Cette dernière observation nous dispense de traiter de nouveau la que?tion de la nullité de l’échange de 1784. Les comités réunis se réfèrent à cet égard à ce qui en a été dit dans le premier rapport du comité des domaines; il y est prouvé que cette question est jugée par votre décret du 22 novembre dernier, et que celui que nous vous présentons aujourd’hui n'est que l’application immédiate aune thèse particulière des principes généraux qui y sont développés. C’est parce seul motif que nous pensons devoir nous opposer au désir mamfe-té parles défenseurs de la maison de Condé, de faire de cette question de l’échange la matière d’une discussion particulière, parti dont le moindre inconvénient serait, outre une perte de temps considérable, de retarder une décision que les administrateurs du département de la Meuse attendent avec impatience pour entamer leur travail sur l’impôt. C’est par ce motif, et encore par egard pour M. de Gonde, que nous pensons ne pas devoir analyser le contrat d’échange ne 1784, en apprécier les motifs et les caractériser ; car s’il était possible de nous dispenser de cette réserve, dont le comité des domaines nous a donné l’exemple, il nous serait facile d établir qu’il renferme la lé-ion la plus forte, et à cet effet il suflirait d’énoncer que 925,000 livres d’un revenu très réel sont assurés au prince pour le recouvrement incertain de 350,000 livres seulement. Tel est, à la vue des baux, le prix que donnaient des droits cédés au gouvernement, par M. de Condé, les fermiers généraux, depuis 1783; mais on a lieu de présumer qu’ils ne se sont déterminés à porter cette ferme ,à ce produit que pour se garantir de la contrebande. Une compagnie étrangère à l’administration qui aurait eu un édifice à monter, des bureaux à établir, de nouveaux préposés à stipendier, aurait couru de grands risques à faire une soumission aussi forte. Les comités réunis raisonuent ici dans l’hypothèse de la sincérité des baux : ils savent qu’il s’est élevé des doutes sur ce point même dans l’Assemblée ; et que ces doutes semblent j ustiliés par deux comptes rendus par M. Necker, où il ne porte le produit du Clermootois qu’à 107,000 livres; mais les actes nous arrêtent et nous n’avons pas besoin de pénétrer pins loin pour dire qu’il y a lésion et que cette lésion existerait encore, quand le gouvernement eût acquis, par l’échange de 1784, la facilité d’assujettir le Glermontois à un régime uniforme; mais cette uniformité, l’objet prétendu de tant de sacrifices, ce mot répété avec tant d’affectation au conseil, ce but qu’un ministre perfide montrait au monarque pour surprendre sa religion, est manqué : car par le traité même, M. de Condé conserve le droit d’imposer et de percevoir la capitation, la subvention, la taille des conduits et une foule d’impositions indirectes qui eussent encore entravé l’administration et pu devenir le prétexte de nouveaux échanges sous de nouveaux Calonne. 29 11 est temps de terminer ce rapport, et nous le clorons par quelques réflexions générales. Les défenseurs de la maison de Gon ié qui ont bien senti qu’il leur était impossible de justi lier les actes qui en sont l’objet, sous les rapports d’équité et de justice, ont cherché principalement à intéresser l’honneur national au maintien de ces deux contrats que les lois proscrivent, par la narration étudiée des services importants rendus à l’Etat par Louis de Bourbon, prince de Condé. Loin de nous la pensée de décolorer ce tableau par des réflexions qui tendissent à en diminuer l’effet, et nous aussi nous pensons que la gloire des héros est le patrimoine des nations! Et nous aussi nous la défendrions de toutes nos forces, si elle pouvait être attaquée ou compromise ! Mais les services du grand Coudé resteraient-ils sans récompense, si le projet de décret du comité était adopté? N’est-ce donc rien que la jouissance du Cler-momois pendant 142 années? N’est-ce donc ti n que 7,500,000 livres comptées et laissées à M. de Condé actuel? N’est-ce donc rien que l’obligation de rembourser les finances des officiers ministériels et de j udicature ? On ne craint pas de le dire, ces deux derniers objets balanceraient et au delà la valeur primitive et même la valeur progressivement acquise par l’effet du temps, du Clermon-tois, si des donations postérieures faites inconsidérément et sans motif et que vous êtes dans l’obligation d’anéantir n’en avaient pas élevé les revenus au quadruple de cette valeur première. Que cette vérité se montre à ceux qui attaquent l’avis des comités; qu’ils cessent de confondre ce qui a été dans les donations, le prix des services et celui delà faveur; qu’ils se rappellent surtout que les droits régaliens formant aujourdhui plus des trois quarts des revenus du Glermontois sont réservés au roi en 1648 et ne font point partie de la donation, et alors ils jugeront avec nous que le projet de décret que l’on propose concilie tous les intérêts et ious les droits. S’il détruit un acte illégal, il en laisse subsister les dispositions rémunératoires sous des formes compatibles avec les lois de l’Stat; s’il annule des dons injustifiables, il substitue, pour celui que l’on croit devoir distinguer, un nature de récompense à une autre, et cette récompense n’éprouve essentiellement aucune diminution. C’est là une réflexion capitale qu’il faut saisir ; elle répond à tout : je l’oppose avec un égal succès et aux arguments que l’on a été si inutilement chercher dans le traité des Pyrénées, et à ceux puisés dans la donation elle-même. Les comités réunis persistent donc à vous présenter le premier projet de décret. Plusieurs membres : A samedi soir! M. le Président. Comme il est tard, on propose de remettre la discussion de ce rapport à samedi soir. (L’ajournement de la discussion à samedi soir est décrété.) M. le Président lève la séance à neuf heures et demie.