170 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Conservez donc, législateurs, cette attitude fière et imposante qu’il vous a suffi de prendre pour faire renaître les beaux jours de la liberté, cette attitude qui doit caractériser les représen-tans d’un peuple souverain. La section de l’Indivisibilité fut et sera toujours une des premières à se rallier autour de la représentation nationale, à ne reconnoître qu’elle pour centre unique de réünion, de force et d’autorité, elle vous en renouvelle le serment, il ne sera jamais violé. Régnault, président, ÜELATERRE, commissaire, SOMANE, cy-devant juge de paix, J ABEL, juge de paix, BOURGUOIN, secrétaire-greffier de la justice de paix, et 159 autres signatures. 33 Les citoyens de la section de la Cité [Paris] sont aussi admis ; ils félicitent pareillement la Convention d’avoir frappé une société qui, long-temps égarée par le dernier tyran Robespierre, dirigée depuis sa chûte par ses lâches courtisans, vouloit rivaliser de pouvoir avec la représentation nationale. Ses séances sont suspendues, disent-ils, et le calme dont nous jouissons est la preuve la plus notoire de la sagesse de vos mesures. Ils se félicitent à leur tour de venir en masse apporter le vœu libre de la section; ils observent que souvent une douzaine de factieux paroissent à la même barre pour applaudir à des lois rendues sous le régime de la terreur. Mention honorable, insertion au bulletin (88). L’ORATEUR : Législateurs, si tant de fois des députations des sections, qui ne vous apportaient que le vœu d’une douzaine de factieux, vinrent vous féliciter des lois rendues à une époque où la terreur pesait sur vos têtes comme sur les nôtres, ils est aujourd’hui du devoir des hommes pour qui la république ne fut jamais un vain nom de vous présenter le tribut de leur reconnaissance pour le proscription de ce système affreux, et nous vous l’offrons. Une Société trop longtemps égarée par le dernier tyran, dirigée depuis sa chute par ses lâches courtisans, voulait rivaliser de pouvoir avec vous; ses séances sont suspendues, et le calme dont nous jouissons est la preuve la plus certaine de la sagesse de vos mesures. [En vain, des tigres altérés de sang ont fait des tentatives pour égarer des habitans du Faubourg Antoine. Ils n’ont trouvé chez ces hommes vraiment révolutionnaires, qu’amour pour la liberté, attachement pour la représentation nationale. Citoyens, le premier supplice des méchans est le bonheur des hommes vertueux ; occupez-vous donc sans cesse des moyens de l’assurer à la por-(88) P. -V., L, 101. tion la plus intéressante et la plus nombreuse du peuple, et bientôt de nos discussions réfléchies nous verrons naître un code civil, dont tous les articles combinés sur les principes de la justice serviront de modèle à la législation des autres peuples.] (89) LE PRÉSIDENT : Les Sociétés populaires n’ont pas été instituées pour rivaliser d’autorité avec la représentation nationale ; la propagation des principes de justice, d’humanité, de vertu, et corriger les mœurs, voila leur tâche: ce devoir consolant pour l’homme de bien ne pourra jamais sympathiser avec ces êtres ambitieux, corrompus, à caractère farouche, qui ne connaissent que le désordre et l’anarchie. Citoyens, sachez distinguer et donner votre confiance à ces hommes modestes, désintéressés et laborieux; défiez-vous des intrigants qui ont sans cesse les mots vertu, liberté, dans la bouche, pour mieux vous tromper et vous entraîner plus sûrement à la tyrannie. La Convention nationale vous invite à assister à sa séance (90). L’orateur de la section de la Cité reprend la parole (91). L’ORATEUR (92): Offrir à des législateurs sensibles le tableau déchirant des souffrances qu’éprouvent dans leur captivité les défenseurs de la patrie, c’est leur donner à remplir une tâche bien douce pour leur cœur, celle de briser leurs chaînes. Déjà les citoyens et les citoyennes que vous voyez à votre barre, se sont présentés pour solliciter un prompt échange de leurs époux, de leurs enfans, de leurs frères, fait prisonniers au Ques-noy. Vous aviez renvoyé leur pétition au comité de Salut public, mais vous connoissez depuis les atrocités commises par les Anglais envers nos prisonniers : les détails vous ont été donnés par un de nos défenseurs échappé de leurs mains, et ce récit douloureux a renouvelé nos craintes. Et qui ne sait pas en effet, que de tous les tyrans couronnés de l’Europe, les despotes de l’Autriche furent toujours les plus inhumains pour les prisonniers. Que ne doivent donc pas souffrir ceux dont nous sollicitons la liberté? relégués dans le fond de la Hongrie, dans les lieux affreux où le paysan malheureux, esclave né d’une caste privilégiée, ne travaillant que pour elle, n’a pour habitation que des souterrains, nos frères n’éprouvent les traitemens les plus durs de la part de ces hommes que leur profonde misère et le malheur de leur condition ont rendus féroces. Des garnisons entières, des bataillons faits prisonniers sur nos ennemis, sont sur notre territoire et y jouissent de toutes les douceurs de la vie. Loin de nous un système de représailles ; loin (89) Débats, n° 793, 922-923 ; F. de la Républ., n° 66 ; J. Fr., n° 791 ;M.U., n° 1353. (90) Moniteur, XXII, 601. Rép., n° 66 (suppl.). (91) Débats, n° 793, 923. (92) Débats, n° 793, 923-924. SÉANCE DU 5 FRIMAIRE AN III (25 NOVEMBRE 1794) - N08 34-36 171 de nous l’idée de river leurs fers ; mais aussi nous vous dirons, qui a plus de droit à habiter le sol de la liberté, que celui qui a versé son sang pour la défendre? Que les satellites des tyrans soient donc rendus à leurs maîtres, et que des soldats libres soient restitués à leur patrie. Que l’on ne nous dise pas que des raisons d’intérêt s’opposent à notre réclamation: cette politique machiavébque n’est pas la votre. Que l’on ne vous cite pas l’exemple d’un général romain, qui, prisonnier à Carthage, et renvoyé à Rome pour proposer l’échange, eut le courage de voter pour s’y opposer, et revint subir le supplice qui l’attendait. Quelque sublime que soit ce dévouement, croiroit-on les Français incapables de l’imiter ? Semblable au verre qui prend la couleur de toutes les liqueurs qu’on y verse, le génie d’un peuple se forme sur celui de son gouvernement. Léger et frivole sous la domination d’un monarque, le Français rendu à sa dignité première, sous un gouvernement démocratique, ne voit plus rien qui l’étonne: et si le salut de la patrie exigeoit de nos frères le sacrifice de leur liberté, de leur vie même, vous trouveriez autant de Régulus que de soldats. Mais que les circonstances où nous sommes sont différentes de celles où se trouvoient alors le peuple romain et les catharginois ; vous les connoissez trop pour que nous occupions vos momens à vous les retracer. Hâtez-vous donc législateurs, de prendre les mesures les plus sûres pour que l’échange s’effectue, que nos époux, nos enfans soient rendus, et qu’ils puissent encore servir leur patrie. 34 On fait lecture d’une pétition de plusieurs charbonniers du district de Mor-tagne [-au-Perche], département de l’Orne, qui se plaignent de poursuites rigoureuses dirigées contre eux au tribunal séant dans cette commune, relativement à la prise faite de chevaux à eux appartenans dans des bois nationaux; ils demandent la suspension de ces poursuites jusqu’au rapport qu’ils sollicitent du comité de Législation. Cette demande ayant été convertie en motion par un membre, la Convention décrète qu’il sera sursis à toutes procédures relatives à cette affaire, et renvoie cette pétition à son comité de Législation, pour lui en faire un prompt rapport. Ce décret ne sera point imprimé; il en sera adressé un exemplaire manuscrit au tribunal du district séant à Mortagne [-au-Perche] (93). (93) P.-V., L, 101-102. C 327 (1), pl. 1431, p. 24, sous la signature de Porcher. 35 Divers ouvriers employés à l’atelier dit de Vaucresson [Paris] sont admis à la barre; ils demandent une augmentation de salaire et une nouvelle organisation de leurs travaux. Renvoi au comité de Salut public, pour faire un rapport sous trois jours (94). L’ORATEUR (95) : Pendant que vous proclamez la hberté et l’égalité, lorsque vous proscrivez la terreur, les ouvriers qui travaillent pour la République sont enfermés par des grilles, et la terreur n’est à l’ordre du jour que contre eux. Nous ne connaissons pas les motifs qui ont déterminé l’administration à cet acte arbitraire et despotique, mais nous demandons que notre hberté soit respectée, et qu’on chasse de nos ateliers ceux qui en sont indignes, s’il est prouvé qu’il y en a. Des hommes libres doivent dire à des législateurs qu’ils ne peuvent consentir à être forcés au travail par des verrous et des grilles. Nous demandons que notre journée finisse à sept heures, que les repas ne durent qu’une demi-heure ; par ce moyen nous épargnerons de la chandelle; que l’inspecteur qui cassera des pièces à un ouvrier soit obligé de les payer ; que l’ouvrier qui s’absente de son travail plus d’un quart d’heure perde le quart de son salaire ; que les chefs préposés à l’instruction des apprentis ne puissent se faire remplacer ; en un mot, que chacun soit à son poste et que la loi soit pour tous. Nous profitons de cette occasion pour jurer à la Convention une fidélité inviolable, au-dessus de toutes les manœuvres des factions. 36 Les citoyens de la section de Bonne-Nouvelle [Paris] sont admis à la barre ; ils viennent, disent-ils, en masse comme le 24 vendémiaire dernier, applaudir à vos per-sévérans travaux; ils témoignent à la Convention la joie, la satisfaction qu’ils ont éprouvées à le lecture du décret qui suspend cette société qui enchaînoit, oppri-moit par la terreur, et tenoit les citoyens de Paris dans un silence comparable à la mort ; ils rappellent ensuite la sollicitude de la Convention sur les subsistances ; la malveillance s’agite encore pour inquiéter et alarmer le peuple sur cet objet intéressant : ils l’invitent à maintenir le gouvernement révolutionnaire, si utile pour le succès des importantes fonctions que le peuple a confiées à la représentation nationale. Mention honorable, insertion au bulletin (96). (94) P.-V., L, 102. F. de la Républ., n° 66 indique une motion de Bentabole pour le renvoi. (95) J. Univ., n° 1826. (96) P.-V., L, 102.