{Assemblée nationale. J ARCHIVES PARLEMENTAIRES. {13 août 1191.] 421 d’entrelenir2 gardes nationales pour la défense des frontières. Gel arrêté est ainsi conçu : « Le tribunal du district de Carcassonne, considérant que tandis qo’armé de la loi pour la sûreté intérieure, d’autres citoyens se porteront sur les frontières pour repousser les ennemis du dehors ; » Que, dans des circonstances difficiles, les membres du tribunal se feront un devoir d’imiter les anciens magistrats, qui du Capitole volaient dans les camps, et y trouvaient la victoire ou la mort; « A unanimement arrêté d’offrir à l’Assemblée nationale d’entretenir, pendant un an, 2 des gardes nationales qui auront l’honneur d’être choisis pour aller défendre le royaume. » M. Ramel-Nogaret. Comme juge de ce tribunal, je demande à l’Assemblée l’autorisation de signer la délibération de mes collègues auxquels je suis heureux de me joindre. ( Applaudissements .) (L’Assemblée ordonne qu’il sera fait mention honorable dans le procès-verbal de la lettre et de l’arrêté des membres du tribunal du district de Carcassonne.) M. le Président. Une citoyenne dont le mari, ancien brigadier des armées, gouverneur de l’île de Saint-Vincent, au Sénégal, a été victime d’une insurrection et vient d’être massacré dans sa maison de Poleymieux près de Lyon, dont les possessions ont été pillées, dont la maison a été brûlée, et dont le beau-frère, presque septuagénaire, est en prison depuis 10 mois bientôt, demande à paraître à la barre et à offrir son hommage et sa pétition à l’Assemblée nationale. L’Assemblée m’autorise-t-elle à la faire entrer?... (Oui! oui!) La dame Guillin de Mlontel est introduite à la barre et s’exprime ainsi : « Messieurs, « Il vous paraîtra peut-être surprenant que, surmontant la timidité de mon sexe, je vienne au milieu de vous, réclamer la justice que. vous devez à mes infortunes. Je ne chercherai point à émouvoir la sensibilité de vos âmes par le récit de mes malheurs; je me bornerai à vous dire que j'étais l’épouse chérie d’un homme recommandable par les services qu’il a rendus à la patrie. Ce titre précieux vient de m’être ravi par une horde d’assassins qui, au mépris des lois, de la justice, de la sûreté individuelle, et des propriétés, se sont transportés dans les retraites paisibles que nous habitions, et ont immolé à leur fureur l’homme que je pleure. Je n’ai échappé moi-même à la mort que par une protection spéciale de la Providence, qui m’a sans doute réservée pour faire éclater votre justice. « Si je n’écoutais que les mouvements de mon cœur, uoe vengeance authentique me satisferait; mais je suis mère de 2 enfants qui ne sont pas en état de sentir la perle qu’ils ont faite. Je sens que je dois m’occuper de leur sort; et vous me permettrez, Messieurs, de vous apprendre que, dans l’affreuse journée où je perdis mon époux, j’ai perdu tant en contrats qu’en effets et propriétés plus de 300,000 livres; de plus, par la mort de mon mari, 28,000 livres de fentes viagères, tant sur l’Etat que sur différents particuliers. D’après ce récit, vous pouvez juger de ma douloureuse situation, mais rien ne peut vous peindre l’état de mon âme déchirée sans cesse par les souvenirs les plus amers. « Toi qui me fus si cher, vois la démarche que je fais en ce lieu; soutiens mon courage au milieu des peines dont je suis dévorée. C’est pour tes enfants plus que pour moi que j’implore cette Assemblée auguste; elle ne pourra me refuser la grâce de les prendre sous sa protection, de les couvrir de son égide, à l’abri de laquelle ils croîtront en paix. « Je remets entre les mains de M. le président une pétition qui contient le détail du malheur de ma famille; je le prie de vouloir bien en ordonner la lecture qu’il me coûterait trop de faire moi-même. » M. le Président répond : « Madame. « Au milieu des marques flatteuses d’approbation qui ont encouragé l’Assemblée nationale dans ses infatigables travaux, elle n’a pu se dissimuler que des malheurs particuliers avaient terni l’éclat de cette Révolution. Ces désastres ont affligé les bons citoyens ; ils ont servi d’excuse à l’éloignement que des hommes paisibles ont montré pour le changement d’un régime proscrit par la raison, par les lumières de notre siècle. Les événements qui ont troublé la paix publique dans quelques lieux du royaume, et fait commettre des meurtres, soit qu’ils aient été suscités, ou par une criminelle exaltation, ou par de vils brigands, ou par les perfides menées des ennemis de la patrie, sont en horreur à la nation. Ils ont fait frémir l’Assemblée nationale, et mêlé d’amertume le sentiment de la pureté de ses intentions et l’orgueil de ses succès. « Il n’est point de sacrifice individuel ni de dangers au prix desquels elle n’eût voulu acheter ce passage, sans convulsions ; d’un état où la douceur des mœurs tempérait l’influence du despotisme, à un état où elle pouvait espérer de perfectionner les mœurs par l’effet d’une Constitution libre. Son espoir sera comblé ; mais la certitude de voir un jour ses vœux remplis ne la rend point insensible à votre douleur. Que cette assurance soit un soulagement à vos maux : oui, l’Assemblée partage vos regrets ; à la vue de vos larmes, elle se sent émue, et paye avec satisfaction un tribut à la nature, en les recueillant avec attendrissement, et en écoutant avec intérêt les accents touchants de la vertu malheureuse. » Un de MM. les secrétaires fait lecture du mémoire présenté par Mmô Guillin de Montel et qui est ainsi concu : « Une veuve éplorée, une mère éperdue, un père chargé d’années et de fers, ses enfants infortunés sans consolation, sans appui ; tel est le tableau sur lequel je viens fixer vos regards. • « Le cri de la nature, l’accent du désespoir ne retentiront pas en vain au fond de vos âmes et toucheront vos cœurs. La clémence ne vous est point étrangère, Messieurs, et lorsque des fautes involontaires, lorsque des erreurs, des imprudences sont expiées par toutes les calamités dont la tête de l’infortuné peut être chargée, lorsque son corps est abattu, son cœur brisé, son âme déchirée par tous les genres de supplices, lorsque sa famille déplorable reste isolée au milieu du globe, lorsque toutes les pertes sont accumulées autour d’elle, vous accueillerez sa prière instante et dernière, vous lui rendrez la possibilité d’aller