28 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [18 septembre 1789.] [Assemblée nationale.] communes, et qu’en conformité du projet d’arrêté du comité des finances, l’impôt à mettre sur les biens privilégiés soit versé dans le Trésor public. Il est évident encore que dans cette hypothèse les propriétaires des communes supporteraient 1,500 livres pour la moitié des biens privilégiés, tandis que les propriétaires de l’autre moitié ne supporteraient que 500 livres. Or, je vous demande, Messieurs, est-ce là l’égalité proportionnelle que vous entendez être observée en fait d’impôt et de contribution? Non, sans doute. Ainsi, je propose à l’Assemblée de décréter, par forme d’amendement au projet d’arrêté du comité des finances: 1° que l’impôt à mettre pour une année seulement sur les biens privilégiés, viendra en diminution de celui qui est supporté par les biens taillables, et que, vu les besoins urgents de l’Etat, la remise projetée, au nom du Roi, de 80 millions d’arrérages de tailles, vingtièmes et capitations, ne pourra avoir lieu; 2° que tous les redevables desdits arrérages portant sur les années antérieures à la présente, seront invités à s’en libérer moyennant une remisede 10 0/0, à condition qu’ils les acquitteront d’ici à l’époque qui sera déterminée par l’Assemblée. La suite de la discussion est renvoyée à samedi soir. — On annonce ensuite qu’un chevalier non profès de l’ordre de Malte, qui ne veut pas être nommé, a porté au Trésor national une croix enrichie de diamants. La séance est levée à 10 heures du soir. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M-LE COMTE STANISLAS DE CLERMONT-TONNERRE . Séance du vendredi 18 septembre 1789, au matin (1). M. le Président ouvre la séance par la lecture d’une lettre des sieurs Germain frères, qui lui adressent, pour être remis dans la caisse patriotique, un billet de caisse de la somme de 1,000 livres; d’une lettre des commissionnaires de la halle aux draps de Paris, renfermant, en billets de caisse, une somme de 1,200 livres pour la même destination ; d’une lettre de madame Le Roy, auteur d’un projet de souscription patriotique, par laquelle elle offre à l’Assemblée deux billets de caisse de 300 livres chaque, et auxquels est jointe une somme de 48 livres, que présentent à la caisse patriotique Charles Potras et la demoiselle Gos, domestiques de madame Le Roy. L’Assemblée reçoit avec sensibilité et applaudissement ces nouveaux sacrifices, et en ordonne le dépôt et l’inscription sur le registre à ce destiné. M. le Président annonce que, suivant les ordres qu'il avait reçus de Sa Majesté, il s’est rendu ce matin auprès d’Elle, et en a obtenu la réponse dont sur-le-champ il donne lecture à l’Assemblée, ainsi qu’il suit : A Versailles, le 18 septembre 1789. Vous m’avez demandé, Messieurs, de revêtir de ma sanction les articles arrêtés par votre Assem * blée le 4 du mois dernier, et qui ont été rédigés dans les séances suivantes. Plusieurs de ces articles ne sont que le texte des lois dont l’Assemblée nationale a dessein de s’occuper; et la convenance ou la perfection de ces dernières dépendra nécessairement de la manière dont les dispositions subséquentes, que vous annoncez, pourront être remplies. Ainsi, en approuvant l’esprit général de vos déterminations, il est cependant un petit nombre d’articles auxquels je ne pourrai donner, en ce moment, qu’une adhésion conditionnelle ; mais, comme je désire de répondre, autant qu’il est possible, à la demande de l’Assemblée nationale, et que je veux mettre la plus grande franchise dans mes relations avec elle, je vais lui faire connaître le résultat de mes premières réflexions et de celles de mon conseil : je modifierai mes opinions, j’y renoncerai même sans peine, si les observations de l’Assemblée nationale m’y engagent, puisque je ne m’éloignerai jamais qu’à regret de sa manière de voir et de penser. Sur l'article premier , relatif AUX DROITS FÉODAUX. J’ai donné le premier exemple des principes généraux adoptés par l’Assemblée nationale, lorsqu’en 1779 j’ai détruit, sans exiger aucune compensation, les droits de main-morte dans l’étendue de mes domaines ; je crois donc que la suppression de tous les assujettissements qui dégradent la dignité de l’homme, peuvent être abolis sans indemnité : les lumières du siècle présent et les mœurs de la nation française, doivent absoudre de l’illégalité qu’on pourrait apercevoir encore dans cette disposition. Mais il est des redevances personnelles qui, sans participer à ce caractère, sans porter aucun sceau d'humiliation, sont d’une utilité importante pour tous les propriétaires de terres : ne serait-ce pas aller bien loin que de les abolir aussi sans aucune indemnité ? et vous opposeriez-vous à placer le dédommagement qui serait jugé légitime au rang des charges de l’Etat? Un affranchissement, qui deviendrait l’effet d’un sacrifice national, ajouterait au mérite de la délibération de l’Assemblée. Enfin, il est des devoirs personnels qui ont été convertis dès longtemps, et souvent depuis des siècles, en une redevance pécuniaire. Il me semble qu’on peut encore moins, avec justice, abolir sans indemnité de pareilles redevances ; elles sont fixées par des contrats ou d’anciens usages; elles forment depuis longtemps des propriétés transmissibles, vendues et achetées de bonne foi ; et comme la première origine de ces redevances se trouve souvent confondue avec d’autres titres de possession, on introduirait une inquisition embarrassante si on voulait les distinguer des autres rentes seigneuriales. Il serait donc juste et raisonnable de ranger ces sortes de redevances dans le nombre de celles que l’Assemblée a déclarées rachetables au gré de ceux qui y sont assujetlis. J’offre ces premières réflexions à la considération de l’Assemblée nationale; ce qui m’importe, ce qui m’intéresse, c’est de concilier autant qu’il est possible le soulagement de la partie la moins fortunée de mes sujets avec les régies de la justice. Je ne dois pas négliger de faire observer à l’Assemblée nationale que l’ensemble des dispositions applicables à la question présente est d’autant plus digne de réflexions, que dans le nombre de droits seigneuriaux dont l’Assemblée (1) Cette séance est incomplète au Moniteur.