623 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES* [17 décembre 1789.] assemblée nationale, PRÉSIDENCE DE M. CAMUS, ex-président. Séance du jeudi 17 décembre 1789, au matin (1). M. le vicomte de Beauharnais donne lecture du procès-verbal de la séance de la veille. Après la lecture de ce procès-verbal, on passe à celle de différentes adresses des villes et provinces du royaume, dont la teneur suit : Adresse de félicitations, remerciements et adhésion des officiers municipaux et autres .citoyens de la ville de Guéret, capitale de la Marche; ils se dévouent sans réserve à concourir de toutes leurs forces à l’exécution des plans et des lois conçus dans la sagesse de l’Assemblée nationale. Adresse et délibération de la commune de Pamiers, par laquelle elle adhère avec transport au decret du 6 octobre, et se soumet à la contribution extraordinaire et patriotique y exprimée. Adresse du conseil municipal de la ville de Mussidan en Périgord, qui présente à l’Assemblée nationale le tribut de son hommage, de sa reconnaissance, et de son dévouement pour l’exécution de tous ses décrets. Adresse du même genre delà ville de Châlons-sur-Saône. Ils remercient les représentants de la nation des soins assidus avec lesquels ils travaillent à la constitution de l’Etat, et les supplient de ne pas se séparer que les nouveaux représentants choisis pour la seconde législature ne soient venus les remplacer. Adresse du même genre de la ville de Sainte-Hermine en Poitou : elle demande une justice royale. Délibération de la commune du bourg de Cam-pan en Bigorre, par laquelle elle offre à la nation la valeur de la première coupe des sapins de la commune, jusques et à concurrence de la somme de 3,000, dont les officiers municipaux sont chargés de faire agréer l’hommage, et d’en verser le montant dans la caisse nationale, au moment que la communauté aura obtenu la permission de vendre la coupe. Seconde délibération de la même commune, par laquelle, en ratifiant la précédente, elle augmente la somme offerte de celle de 1,000, dont elle fait hommage pour sa contribution du quart des revenus, avec prière d’appuyer auprès du pouvoir exécutif la demande d’autorisation pour la libre exploitation de leur forêt, soit pour remplir cet objet, soit pour acquitter les dettes de la communauté. Adresse de félicitations, remerciements et adhésion de la ville de Saint-Just-en-Chevalet en Forez ; elle demande d’être un chef-lieu de district et le siège d’une justice royale. Adresse du même genre de la ville de Baar en Alsace ; elle jure une fidélité inviolable au Roi et à l’Assemblée nationale. Elle a en même temps arrêté un don patriotique de la somme de 2,400 livres. Elle demande une justice royale. Adresse du même genre de la ville de Bize en Languedoc ; elle demande d’être un chef-lieu de district. Adresse du même genre de la communauté de Peyrins en Dauphiné; elle adhère notamment au décret concernant la contribution patriotique, et supplie l’Assemblée nationale de la comprendre dans l’arrondissement du tribunal royal à créer dans la ville de Romans. Adresse de la garde nationale de la ville d’Auxerre, portant le titre de légion Auxerroise, présentée par M. Bourdois de Uhampfort, major de la légion, député à cet effet; elle dépose tous les actes de sa constitution et de son existence. Pénétrée du respect le plus profond pour l’Assemblée nationale, elle jure de ne jamais se désunir, et de soutenir l’exécution de tous les décrets émanés de sa sagesse, jusqu’à la dernière goutte de sou sang. Elle supplie l’Assemblée d’approuver son établissement, ses délibérations et son règlement. Adhésion des communes de la ville d’Aoust et de celles des vallées d’Ustou, de Conflans, des communautés de Soucy, Royale et Vie, à la délibération du 15 novembre, prise par la commune de la viile de Saint-Giroux en Gouserans, relativement à la formation d’un département et à l’établissement du chef-lieu dans cette dernière ville. Il en a été rendu compte à l’Assemblée dans le procès-verbal. Adresse de la garde nationale de la ville de Crest en Dauphiné, par laquelle elle déclare de nouveau se soumettre, avec les sentiments de la plus vive reconnaissance, aux décrets émanés et à émaner de la sagesse et des lumières de l’auguste Assemblée; employer, au péril de sa vie, toutes ses forces pour les faire respecter et exécuter, et promet de dénoncer à l’Assemblée nationale toutes les personnes soupçonnées d’être traîtres à la nation, et ennemies de l’ordre et de la tranquillité publique. M. Camus annonce ensuite que M. Fréteau de Saint-Just, président de l’Assemblée, ne se rendra pas à la séance ; que sa femme est très-dangereusement malade, et qu’il ne peut la quitter dans ce moment. L’Assemblée paraît fort sensible à cette triste nouvelle, et prie M. Camus, qui remplaçait M. Fréteau de Saint-Just dans l’absence de M. Thouret et de M. de Boisgelin, archevêque d’Aix, de députer deux de ses membres pour assurer son président de son vif intérêt, et pour savoir des nouvelles de l’état de madame Fréteau de Saint-Just. M. Camus annonce qu’il a fait choix, pour cette députation, de MM. Gaultier de Biauzat et Le Pelletier de Saint-Fargeau. On fait ensuite lecture d’un don patriotique de la communauté des maîtres à danser de la ville de Paris, consistant dans le don de la chapelle de Saint-Julien-des-Ménétriers, avec son mobilier et immobilier, évalués ensemble à environ 40,000 livres. L’Assemblée applaudit au patriotisme de cette communauté, et accorde la séance à ses députés. Un d’eux prononce le discours suivant ; Nosseigneurs, « En qualité de commissaires et de députés de l’ancienne communauté des maîtres de danse de la ville de Paris, nous avons l’honneur de Vous apporter et de remettre sur le bureau Une délibération prise en notre assemblée, du 13 du présent mois, et par laquelle nous faisons à la nation le don patriotique de notre chapelle de Saint-Julien-des-Ménétriers, dont nous sommes fondait) Cette séance est incomplète au Moniteur . 624 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [17 décembre 1789.' teurs et patrons laïques, et de tous les objets mobiliers et immobiliers qui en dépendent. Nous désirerions, comme bons citoyens, être en état de faire à la patrie des sacrifices plus considérables et plus dignes d’elle; mais nous sommes pauvres. Nosseigneurs; et, à ce titre qui en est un bien puissant auprès des législateurs de la France, nous osons espérer que vous voudrez bien ne pas dédaigner une offrande qui, pour être modique, n’en est que plus pure. Puisse cet hommage que notre patriotisme et notre profond respect pour cette auguste Assemblée et pour ses décrets nous ont seuls inspiré, être regardé comme une nouvelle preuve du dévouement de toutes les classes de citoyens à tout ce qui peut contribuer au salut de l’empire français et au maintien de la prospérité publique ! » M. Berthier, membre de l'Assemblée nationale , et président du grenier à sel de Nemours, offre en don patriotique la finance de son office, et le prix d'un mois de son traitement de député. ün lit ensuite une délibération de la communauté de Pressigny en Champagne, portant demande d’être autorisée à couper des bois pour un don patriotique, et pour des dépenses nécessaires, notamment à former un grenier à blé : cette affaire est renvoyée au comité des domaines. M. Escourre de Peluzat, député d’Agenois , donne sa démission. M. Boussion, son suppléant, dont les pouvoirs ont été vérifiés, est admis à sa place. Le rapport du comité des finances est à l’ordre du jour ; mais les commissaires ne sont pas encore rendus dans la séance. M. le Président donne la parole à un membre du comité de judicature. M. le duc de ICI ortemart. Je suis chargé par le comité de judicature de vous rendre compte de ce qu’il a fait pour répondre à votre confiance : le comité a fini son travail sur le remboursement des offices de judicature; il vous le présentera quand vous le désirerez : vous aurez alors à décider la grande question de savoir si vous supprimerez les offices ministériels, c’est-à-dire les charges de procureurs, notaires, huissiers, celles des chancelleries, etc. Le comité se bornera en ce moment, pour détruire une assertion très-exagérée, à vous dire que, d’après les calculs les plus exacts, la finance de toutes les charges de judicature ministérielles et autres monte à 3 1 9 millions, suivant l’estimation de 1771, et le centième denier payé en conséquence de cette estimation. L’Assemblée a renvoyé beaucoup d’adresses au comité, qui en a reçu directement de différentes villesdeprovince;ellescontiennent presque toutes la demande d’un siège de justice. Nous avons fait sur cet objet Je travail qui nous a paru nécessaire, et nous désirons savoir à qui nous devons le remettre. L’Assemblée jugera-t-elle convenable qu’il soit renvoyé au comité de constitution, ou que nous soyons adjoints à ce comité ? Nous la prions de s’expliquer sur cette question. La discussion a été ouverte sur ces deux propositions. M. Brostaret propose de n’adjoindre au comité de constitution que deux membres de celui de judicature, qui les choisirait lui-même dans son sein, craignant qu’un nombre plus considérable nuisît à l’activité du comité de constitution. M. Mougins de Boquefort fait la motion que l’Assemblée entende préalablement l’ensemble du travail du comité de judicature, et qu’on lui assigne un jour pour le rapport, après lequel l’on prononcera sur les questions précédentes proposées par le rapporteur du comité de judicature : cette motion est décrétée, et ce rapport ajourné à lundi deux heures. Il est fait ensuite une motion relative à l’ordre dans les tribunes; l’Assemblée ne la prend pas en considération. M. le Président. M. Treilhard, au nom du comité ecclésiastique, demande la parole pour faire un rapport sur les ordres religieux. Je propose à l’Assemblée de l’entendre. M. Treilhard (1). Messieurs, la régénération que vous être appelés à consommer, doit embrasser toutes les parties de ce vaste empire, parce qu’il n’en est aucune qui se soit préservée du relâchement et des abus que le temps amène toujours à sa suite. Les ecclésiastiques en ont éprouvé la fatale influence comme les autres citoyens. La répartition vicieuse de leurs revenus, l’organisation non moins vicieuse de plusieurs établissements, la négligence malheureusement si commune dans le choix des titulaires, les prétentions excessives de quelques ministres du culte, ont depuis longtemps excité de justes réclamations, et la nation attend avec impatience l’heureux instant où le mérite sera le seul titre pour parvenir, où les salaires se trouveront en proportion avec le service, où des règlements sages élèveront des bornes immuables entre les deux juridictions, et préviendront pour toujours ces débats scandaleux qui tant de fois ont fait gémir la raison et désolé notre patrie. Votre comité se propose de vous présenter successivement ses réflexions et ses vues sur ces importants objets; mais il a cru entrer dans vos intentions en fixant vos premiers regards sur l’état actuel de cette partie nombreuse du clergé qui se glorifie de devoir sa première existence à l’amour de la perfection, dont les annales présentent tant de personnages illustres et vertueux, et qui compte de si grands services rendus à la religion, à l’agriculture et aux lettres : je parle du clergé régulier. Tel est le sort de toutes les institutions humaines, qu’elles portent toujours avec elles le germe de leur destruction. Les campagnes, fécondées par de laborieux solitaires, ont vu s’élever dans leur sein de vastes cités dont le commerce a insensiblement altéré l’esprit de leurs fondateurs. L’humilité et le détachement des choses terrestres ont presque partout dégénéré en une habitude de paresse et d’oisiveté qui rendent actuellement onéreux des établissements fort édifiants dans leur principe. Partout a pénétré l’esprit de tiédeur et de relâchement qui finit par tout corrompre; la vénération des peuples pour ces institutions s’est donc convertie, pour ne rien dire de plus, en un sentiment de froideur et d’indifférence; l’opi-(1) Le Moniteur ne donne qu’un sommaire du rapport de M. Treilhard.