[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j novembre “793* 667 Landremont d’être les moteurs de cette désorga¬ nisation. Ce qu’il y a de certain, c’est qu’il a été tenu les propos les plus indécents contre nos collègues, que Ruamps a été assailli par des hussards commandés par une des créatures de Landremont ; enfin, nous avons trouvé l’armée coupée près d’Haguenau, occupée à opérer une seconde retraite pour aller occuper les lignes de Zorn. « Il était près de 1 1 heures du soir, et la ville d’Haguenau était évacuée par nos troupes quand nous l’avions quittée avec nos collègues Borie et Niou; ce dernier a été passer la nuit à l’armée et nous nous sommes rendus à Briampt. « Le lendemain 17, nous . nous sommes rendus ici pour nous réunir à nos autres collègues Milhaud et Guyardin, et d’après les différents rapports qui nous ont été faits, nous ne pouvons vous taire que notre position est infiniment alarmante. « Dans la déroute du 13, près de plus de 6,000 soldats ont abandonné leurs drapeaux et fui à plus de 12 lieues. Nous ne sommes point encore assurés s’ils ont rejoint. L’esprit des agricoles alsaciens est infiniment mauvais; plusieurs se sont réunis à nos ennemis pour marcher contre nous. Le plus grand nombre des habitants de Strasbourg est plus autri¬ chien que français et ne cherchent qu’à livrer cette forteresse. Les assignats n’y ont plus qu’un faible cours; cette armée n’est point éncore parfaitement ralliée, nous sommes sans généraux capables et sans savoir où en prendre. L’ennemi, parfaitement instruit et avec des forces supérieures (car on les porte à 70,000 hommes), nous harcèle avec vigueur de toutes parts; nous avons 20,000 sacs de grain dans la place, mais nous manquons de poudre. « Malgré tous ces revers et entourés de tant de dangers, nous ne perdons pas courage, jusqu’au dernier soupir nous servirons la République, toujours en Montagnards et avec une nouvelle ardeur : c’est sur quoi vous pouvez compter. Nous nous occupons sans relâche des mesures extraordinaires que nécessite une situation si critique. « Envoyez un bon général, des munitions, de la poudre et des armes, le tout en poste, et surtout un renfort de 12 à 15,000 hommes. Il faut que la nation fasse un nouvel effort pour sauver cette belle partie de la République. « Niou; Guyardin; Borie; Milhaud; Mallarmé; J. -B. Lacoste. » E. Les représentants du peuple près l'armée du Bhin aux citoyens leurs collègues, composant le comité de Salut public (1). « Strasbourg, le 8e jour de la 3e décade dtf 1er mois de l’an II de la Répub lique française une et indivisible (19 octobre, vieux style). « Hier, citoyens collègues, notre armée fut attaquée par les ennemis dans la position qu’elle avait prise en deçà de la Zorn. L’aile droite a été chargée par une nombreuse cava-(1) Archives du ministère de la guerre ; Armées du Rhin et de la Moselle, carton 2/23, lerie, elle s’est repliée sur les lignes de la Souffle depuis le Rhin jusqu’aux gorges de Saverne, le reste de l’armée l’a suivie, nos troupes épouvan¬ tées par le nombre de leurs ennemis, manquant de confiance aux lumières de leurs généraux, confondant toujours l’incapacité avec la trahi* son, travaillées en outre par les plus vils intri¬ gants qui, sous le masque du patriotisme, cher¬ chent à désorganiser l’armée; les soldats de la patrie, nous le disons avec douleur et le déses¬ poir dans l’âme, n’ont plus cette assiette tran¬ quille qui mène aux grandes vertus; il faut de grands moyens pour réveiller le courage abattu de plusieurs d’entre eux, nous employons tous ceux qui sont en notre pouvoir pour y parvenir, mais des scélérats de toutes espèces que l’ar¬ gent des étrangers alimente, détruisent sou¬ vent dans très peu de temps le travail de plu¬ sieurs jours. On veut nous rendre responsables des événements militaires comme si nous les dirigions. Si les généraux font des fautes, sont ignorants, en pouvons -nous davantage? Cependant, c’est par cette raison et sous des prétextes encore moins fondés qu’on nous abreuve de calomnies, qu’on nous déchire de la manière la plus atroce : on nous reproche de n’être pas assez souvent avec l’armée, mais que pouvons-nous faire de plus? Sans cesse à la tête des colonnes, dans les batteries, au milieu des plus grands dangers, couchant souvent dans les camps, cherchant à pourvoir au besoin des soldats, tous nos moments sont employés pour eux et pour le triomphe des armées de la patrie; malgré tout ce que nous souffrons dans un pays où l’aristocratie, l’amour des tyrans ont jeté de profondes racines, où tout ce qui est patriote, vrai jacobin est persécuté; malgré le désespoir où nous met l’injustice d’hommes égarés par des traîtres, notre cou¬ rage n’est point ébranlé, mais nos moyens dimi¬ nuent à mesure qu’on cherche à nous ôter la confiance. « Nous ne pouvons vous taire que la ville de Strasbourg, dans • la position où sont les choses, court les risques d’être incessamment assiégée si le succès d’un prochain combat ne répond pas à nos désirs, à notre zèle. Nos forces diminuent tous les jours, celles des ennemis augmentent sans cesse. Néanmoins comptez sur notre dévouement et notre fermeté. Mais secourez -nous, si vous le pouvez, en hommes et en munitions. « Salut et fraternité. « Mallarmé; J. -B. Milhaud; Niou; Guyar¬ din; J. -B. Lacoste. » F. Les représentants du peuple près l'armée du Bhin, aux citoyens composant le comité de Salut public de la Convention nationale (1). « A Strasbourg, le 30e jour du 1er mois de la 2e année de la République fran¬ çaise, une et indivisible. « Depuis que nous sommes de retour de Paris, et immédiatement après le compte que nous (1) Archives du ministère de la guerre ; Armées du Rhin et de la Moselle, carton 2/23. 668 (Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. M9 brumaire an u ' <9 novembre 1793 nous sommes empressés de rendre de notre mission à nos collègues, nous vous avons dépêché deux courriers porteurs de lettres contenant les détails succincts et fidèles de tout ce qui s'est passé à l'armée du Bhin , de Va bandonnement des lignes de Wissembourg, de la prise de cette ville et de celle de Lauterbourq, de la marche rapide de l'ennemi, de la position actuelle de notre armée. « Aucun de ces courriers ne nous est encore revenu, et nous attendons, citoyens collègues, avec impatience, la réponse à nos dépêches. « Dans cet intervalle, nous allons vous faire un tableau exact de ce qui existe présente¬ ment. « La position de notre armée du Bas-Rhin est toujours la même que celle mentionnée dans notre dernière. L’ennemi n’a fait aucun pas de plus ; hier matin, quelques coups de fusil de part et d’autre, dans les avant-postes, ont été tirés, et quoiqu’on s’attendait à une action très vive, l’ennemi s’est tenu dans l’inaction. « Nous avons profité de cette suspension pour voir tous nos frères d’armes, leur inspirer de la confiance, relever leur courage, et l’aug¬ menter de toutes les manières. « Les bataillons ont vu avec plaisir les représentants du peuple venir les consoler du revers qu’ils ont éprouvé et surtout de ce que, sans coup férir, les lignes avaient été abandonnées, de ce que la retraite s’était pro¬ longée pour ainsi dire dans les glacis de Stras¬ bourg. « Le soldat est vivement affecté de cette retraite, il brûle du désir de reprendre son poste sur les lignes, il n’est pas douteux que si l’ar¬ mée avait quelque renfort, on y parviendrait. « Nous avons pris divers arrêtés pour lui procurer, sans délai ce qui lui est si nécessaire dans la saison actuelle, couvertures, bois ; il faut se l’attacher par la reconnaissance que lui inspirera naturellement une attention par¬ ticulière de ne le laisser manquer de rien. Strasbourg, qui peut d’un moment à l’autre être assiégée, mérite beaucoup de soins. « Il faut, dans cette place, employer une fermeté républicaine, une énergie révolution¬ naire et s’entourer de patriotes prononcés. « Il s’y trouve beaucoup d’égoïstes, d’in¬ souciants, qui, pour une tranquillité honteuse et servile, sacrifieraient toutes leurs facultés intellectuelles. « Nous sommes allés à la Société populaire, et là par des discours les plus révolutionnaires, nous avons essayé d’élever l’âme des socié¬ taires, du peuple, à la hauteur des circons¬ tances. Nous nous proposons d’y aller à chaque séance; il nous a paru que l’on pourrait réussir à monter ici l’esprit du public. Il en est bien temps. « On nous a assuré que les ennemis avaient pris possession, au nom de l’empereur, des villes de Lauterbourg et de Wissembourg, qu’ils avaient fait marcher avec eux contre nous tous les jeunes gens de la première réquisition qui se trouvaient encore dans ces deux endroits, qu’ils ont laissé le cours des assignats en les frappant d’un aigle impérial. « La multiplicité de nos opérations a exigé une distribution particulière de travail, et que chacun de nous puisse plus particulièrement servir la chose publique et remplir sa mission. C’est dans ces vues que nous avons pris l’arrêté ci-joint (1). Nous espérons que vous le trou¬ verez convenable. « Salut et fraternité. J. -B. Lacoste; Mallarmé. » G. Les représentants à l'armée du Bhin au comité de Salut public (2) : « S a verne, 2 e jour du 2 e mois de l’an II. « Saint-Just et Lebas font connaître la posi¬ tion de nos troupes et celle de l’armée ennemie, qui est maîtresse de Haguenau, Wissembourg et Lauterbourg. Ils demandent un chef hardi pour enflammer les troupes, et que, pour leur fournir des armes, on n’en laisse aucune dans les villes dangereuses. Ils joignent un arrêté portant établissement d’une Commission révo¬ lutionnaire (3) pour juger les coupables et un ordre (4) à tous les officiers de l’armée de satis¬ faire aux plaintes du soldat. » H. Les représentants de l'armée du Bhin au comité de Salut public (5). « Strasbourg, 3e jour du 2e mois de l’an II. « Citoyens collègues, « Nous sommes arrivés hier ici. Nous y avons trouvé nos collègues Ruamps, Milhaud, Lacoste, Mallarmé et Borie. Quelle que soit la cause du mécontentement qui a lieu contre la plupart (1) Cette pièce n’était pas jointe. (2) Archives nationales, carton AFii, n° 247 (Analyse). (3) Cette Commission révolutionnaire, composée de 5 membres, devait opérer dans le district de Haguenau, tant que l’ennemi n’aurait pas été chassé de l’Alsace, et faire fusiller tous ceux qui seraient convaincus d’être agents ou partisans de l’ennemi. (Note de M. Aulard : Recueil des actes et de la cor¬ respondance du comité de Salut public, t. 7, p. 595). (4) Cet « ordre » est une proclamation à l’armée ainsi conçue : « Nous arrivons et nous jurons au nom de l’armée que l’ennemi sera vaincu. S’il est dans son sein des traîtres et des indifférents même à la cause du peuple, nous apportons le glaive qui doit les frapper. Soldats, nous venons vous venger et vous donner des chefs qui vous mènent à la victoire. Nous avons �résolu de chercher, de récompenser, d’avancer le mérite et de poursuivre tous les crimes, quels que soient ceux qui les aient commis. Courage, brave armée du Rhin : tu seras désormais heureuse et triomphante avec la liberté. Il est ordonné à tous les chefs et agents quelconques du gouvernement de satisfaire dans trois jours aux justes plaintes des soldats. Après ce délai, nous entendrons nous-mêmes ces plaintes et nous donnerons des exemples de jus tice et de sévérité que l’armée n’a point encore vus. » « Saint-Just; Le Bas. » (Note de M. Aulard : Recueil des actes et de la cor¬ respondance du comité de Salut public, t. 7, p. 595.) (5) Ministère de la guerre ; Armées du Rhin et de la Moselle. Aulard : Recueil des actes et de la corres¬ pondance du comité de Salut public, t. 7, p. 615.