382 [Étals gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. Art. 31. Qu’il soit permis aux gens de la campagne de couper et enlever, pour la nourriture de leurs bestiaux, l’herbe qui croît dans les bois, pourvu qu’ils n’y introduisent aucunes vaches ni autres bestiaux, et avec la précaution de ne causer aucun dommage au taillis. Art. 32. Que tous les droits qui sont exigés dans les marchés sur les denrées de première nécessité, tel que le droit de domaine sur les grains, soient entièrement et pour toujours supprimés, comme très-onéreux au public. Telles sont les remontrances de la communauté de Bruyères-le-Châtel, arrêtées en l’assemblée tenue le 14 avril 1789. Signé de La Garde, syndic ; J.-L. Goret ; Claude Salle-, Hateau ; Pruneur; Olivier ; Duval -, Aumont.; Jacques Aileron; Louis'ûuperray; J.-B. Goret; de May eux; Esprit Renault; Magioure; Goret; Didier Goret, Ourry; Antoine Piffret; Laperche ; Trouilte-bert-Loin ; Coutard; Pierre Sallé; G.-B. Feuilieret, et G. Blavet. CAHIER Des très-humbles et très-respectueuses représentations à faire par les députés de la paroisse de Br y-sur -Marne, à V assemblée du 18 de ce mois d'avril 1789, rédigé en l'assemblée desdits habitants tenue le 13 duditmois d’avril de la présente année (1). Pénétrés du plus profond respect pour la sagesse du gouvernement et pleins de confiance en la bonté du Roi qui veut être notre père, nous disons avec sincérité et franchise qu’il se commet des abus dans plusieurs branches de l’administration dont nous sommes les victimes. Nous commençons par l’impôt de la taille, où il s’en commet dans l’imposition, dans la répartition et dans la perception. Dans l'imposition : Elle est souvent arbitraire, et par prévention nous en sommes l’exemple ; notre sol, confondu avec les paroisses de Noisy-le-Grand, Villiers et Champigny, n’est pas meilleur. Cependant nous payons près du quart de gros par arpent plus que nos voisins, ce qui fait le tiers, compris les accessoires; nous avons fait des représentations jusqu’à ce jour sans en avoir pu connaître la cause. Dans la répartition : Ce sont des commissaires députés dans des endroits dont ils ne connaissent quelquefois pas même le chemin, qui décident eu quelque sorte de différentes difficultés sur l’appréciation des choses, et de retour chez eux, suppriment, ajoutent ou diminuent différentes j personnes, de manière que les collecteurs ne savent pas eux-mêmes pourquoi. Dans la perception : Les collecteurs assemblés et enlevés à leurs travaux deux ou trois fois par mois, par des hommes que l’on appelle brigadiers des tailles, qui, non contents de nous confondre en frais, et qui, en nous accablant d’injures, nous font connaître le malheur de notre existence, jet-, tent le découragement dans toutes les parties de | notre individu. j Ce qui est encore plus intéressant à supprimer, i c’est le déplacement des collecteurs qui, obligés d’abandonner leurs maisons et leurs travaux souvent dans des jours si précieux pour des gens de la campagne, sont obligés défaire huit à dix lieues pour porter l’argent qu’ils ont reçu, qu’ils craignent que l’on ne leur prenne en chemin, au re-j (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l'Empire. i [Paris hors les murs.] ceveur des finances qu’ils ne connaissent que de nom, en tremblant à l’approche de son palais, se souvenant des menaces de ses commis. Il serait possible de créer un receveur dans chaque département qui eut plus ou moins de paroisses, qui recevrait des collecteurs et viendrait le verser au trésor national, en se faisant accompagner sur la route par un ou deux cavaliers. Un autre impôt connu depuis peu, ajouté à la taille, capitation et accessoires, c’est la corvée; il est dans l’ordre de faire des routes et de les entretenir, ce qui fait la commodité, la facilité et l’abondance; mais nous, habitants de la campagne qui n’avons qu’un cheval à une voiture, si nous rencontrons un équipage, l’on nous jette dans le bord, ce qui nous met dans le cas d’être écrasés ou renversés, et pour nous dédommager, en arrivant à la maison, nous trouvons un brigadier qui, chargé d’un pouvoir, vendra nos meubles si nous ne payons l’entretien de ce même pavé ; il faut payer, cela est juste, mais payons tous et par proportion. Un autre impôt, connu sous le nom des aides, non moins onéreux que la taille et plus décourageant pour nous, c’est ce que l’on appelle gros manquant : par exemple, un vigneron loue un arpent de terre 20 livres, ne pouvant faire mieux, ou, la situation l’exigeant, le plante en vigne ; il est quatre années sans récolter ; il paye la taille et les accessoires jusqu’àudit jour, et aussitôt qu’il récolte il faut qu’il paye en sus près du quart du vin qui en résulte, ne pouvant en boire plus de quatre muidsdansle courant de l’année, quelque grande que soit sa famille, et s’il a des enfants hors de chez lui, il ne lui est pas permis de leur en faire part d’une pinte, même de sa boisson, et s’il était pris parles surveillants, qui sont des commis aux aides, il payerait 100 livres au domaine ; si malheureusement son vin vient à se perdre ou diminue de qualité, qu’il ne puisse pas le vendre, étant obligé de le boire, il payera comme s’il était bon. Voilà ce qui peut s’appeler n’être pas maître de son bien; c’est ce qui décourage. Il serait à désirer qu’une taxe fixe sur chaque pièce de vin déchargeât de tous ces monopoles. Ge qui fait encore un double emploi dans la perception, c’est qu’après avoir payé le gros, en vendant une pièce de vin chez soi, il faut encore payer l’entrée en son entier, en entrant dans laville. Ajoutez à toutes les impositions et servitudes qui viennent d’être détaillées, un autre impôt qui s’est joint à une obligation consacrée par les temps, dans la campagne : nous payons la dîme de nos biens, ou, suivant ce qui est déterminé par l’usage, nous logeons MM. noscurés, nous reconstruisons l’église, et si nous marions nos entrais, il leur appartient autant de droits, suivant leurs prétentions, qu’aux curés des villes, ce que nous sommes obligés de payer. A notre mort, il s’élève une autre difficulté : nous venons de payer la réparation de son logement ; notre famille, que nous laissons sans argent, ne pouvant payer la présence du curé, nous verra enterrer sans mot dire. Il faudrait • supprimer la dîme, en leur donnant une portion congrue, et fixer leurs droits. L’on a trouvé une autre manière d’augmenter nos impositions, sous la dénomination de devoirs de gabelles ; qu’est-ce que l’on entend par gabelle ? c’est l’obligation indispensable, sous peine d’amende et de vente de meubles, de lever à la gabelle, quelquefois éloignée de notre domicile de quatre à cinq lieues, la quantité de sel dont nous sommes imposés dans le rôle ; ayez de l’ar- 383 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Paris hors les murs.] gent ou uod, consommez-le ou ne le consommez pas, voilà un impôt; de manière que nepouvant, faute 'd'argent,. payer même nos autres impositions, nous sommes poursuivis, et si ne pouvant faire mieux et éviter de perdre une journée qui nous est si, précieuse, nous prenons du sel d’un endroit voisin d'une autre gabelle, c’est un crime que l’on a peine à racheter avec de l’argent. Il serait bien à désirer, pour la tranquillité générale, que cela soit supprimé ou abrogé. Une autre suppression qui se fait désirer, plus elle a le malheur de se faire sentir, ce sont les charges d’huissiers-priseurs qui, au préjudice des autres huissiers de justice, à la mort de nos proches, sont seuls, en quelque sorte, les arbitres de nos héritages ; ne pouvant se servir d’un autre, ils font autant de vacations qu’il leur plaît, dont ils se font payer largement ; il leur appartient encore en sus 4 deniers par livre des objets vendus. Voilà un monopole inventé depuis peu, qu’il serait bon d’examiner ou de supprimer. Il est encore onéreux dans nos paroisses de voir un malheureux cultivateur, après avoir semé un arpent de terre, plus ou moins, de le voir détruit parle gibier, ce qui le met encore dans le cas de ne pouvoir payer ses impositions et locations. Une autre espèce d’animaux non moins dangereux, qui s’appellent pigeons de colombier, s’attachent avec violence à suivre les semeurs et dévorent une autre partie dans le temps de la moisson, ce qui fait tort environ d’un cinquième de récolte. Il serait à propos qu’ils soient renfermé dans le temps des semences et le temps de la moisson. Si nous faisons valoir un arpent de terre en pois ou autres denrées, nous en payons la taille, la capitation et les accessoires ; il faut encore payer, à l’entrée de le ville, un impôt qui, dans son principe, était de peu de chose, mais qui s’accroît de jour en jour. Que tous les habitants en général sont dans la dernière nécessité, après avoir essuyé le malheur du 13 juillet dernier ; le peu de grain qu’a rendu la récolte, à la suite d'un hiver aussi long et aussi rigoureux, n’ayant eu aucun soulagement, la cherté des grains continuant, leur fait désirer qu’on ait des égards et qu’on examine de quelle manière cette denrée de première nécessité est administrée. C’est enfin dans cette circonstance ou nous pouvons dire avec confiance, nous tous qui sommes surchargés d’impôts : Veuille le Tout-Puissant affermir de plus en plus notre auguste monarque dans la volonté de soulager ses sujets, qui ont besoin de toute sa protection, pour les faire sortir de l’anéantissement où les a réduits cette masse énorme d’impositions, dont nous sommes presque les seuls qui portent tout le fardeau, et qui ne pourra s’effectuer dans le seul projet que son amour pour ses peuples lui a fait ordonner! Ce sera lorsque tous les ordres de l’Etat se réuniront pour supporter les charges de 1 impôt dans une juste proportion ; c’est alors que son cœur bienfaisant sera rassasié du plus grand de ses désirs, du bonheur de ses peuples. Signé P. Métivier ; J. -J. Belleville ; A.-L. Méisti-cime; Belleville; J. -P. Benoît; J. -A. Desnyau ; Jean Belleville; P. -N Bourat; P. -F Queru; J.-L. Bansgille; P.-T. Desnyau ; J. -Jacques Desnyau; J. Delor; F.-L. Queru; J.-V Mortier; François Autray ; M.-N. Durand ; Gabriel Chevalier ; G. Dolzat, Syndic; Queru, greffier, ne varietur. CAHIER. Des doléances de la paroisse de Bures (1). Nous, propriétaires, fermiers et habitants de la paroisse de Bures, supplions humblement qu’il soit représenté à Sa Majesté. Art. 1er. Que tant qu’il n’y aura pas une juste proportion entre les profits des cultivateurs et les avances, les risques et les travaux que leur état exige, on ne peut espérer que l’agriculture acquière jamais la perfection dont elle est susceptible ; que cette proportion , si nécessaire dans toutes les occupations auxquelles les hommes se livrent, est détruite depuis longtemps dans les campagnes, par La masse énorme d’impôts qu’elles supportent. On ne fera pas ici la longue énumération de ces impôts, presque tous arbitraires et vexatoires, surtout dans la généralité de Paris ; personne n’ignore, par exemple, que quoique la capitation (cet impôt qui devait si peu durer, suivant la parole royale de Louis XIV), ait été dans son origine une taxe purement personnelle et relative au titre, à la qualité ou aux dignités de l’individu ; il n’est cependant pas rare de voir un malheureux fermier payer une capitation vingt et trente fois plus forte que celle de son seigneur, et qu’il est passé en règle qu’un bourgeois cultivateur paye autant d’excessives capitations qu’il fait valoir de parties de terre situées dans différentes paroisses; outre la capitation qu’il paye à Paris, qui ne sait que ce qu’on appelle les accessoires de la taille, en excède aujourd’hui le capital? Qui ne sait enfin que la gabelle tourmente en tous sens le cultivateur, puisque d’un côté il est réduit à nourrir habituellement sa famille et ses coopéra-leurs de salaisons, et que de l’autre, il est obligé de priver de sel ses bestiaux, à qui cette production naturelle serait si salutaire? Qu’il soit donc représenté à Sa Majesté que les utiles travaux de l’agriculture sont devenus les plus misérables auxquels l’homme puisse se livrer : d’où naît le découragement et l’impuissance de faire les avances nécessaires; que s’il est quelques fermiers aisés, ils .doivent leurs richesses au commerce, à des attentes et à des spéculations que de forts moyens leur permettent de faire, ce qui inspire de faux préjugés à l’esprit fiscal, tandis que l’agriculteur proprement dit est réellement réduit à une pauvreté déplorable. Que ce serait une mauvaise ressource, pour soulager les fermiers, que celle de rejeter une partie de leurs impôts sur les propriétaires, parce que ceux-ci, qui ont déjà des vingtièmes et de gros entretiens à supporter, et qui ne retirent qu’un modique intérêt de leur capital, tendraient toujours à ne pas affaiblir cet intérêt et augmenteraient leurs baux en raison de leurs nouvelles impositions. Qu’on ne peut augmenter les richesses de la terre, qu’en cessant d’écraser ceux qui les produisent soit directement, soit indirectement; que le moyen le plus certain de donner de l’activité à l’agriculture, semblerait être d’anéantir pour jamais, cet impôt humiliant de la taille avec ses énormes accessoires, cette gabelle destructive des troupeaux et des animaux de basse-cour, ces droits d’aides qui obstruent le commerce et frappent jusque sur les misérables piquettes de cidre que le laboureur pressure pour l’usage de sa triste maison. (1) Nous publions ce cahier, d’après un manuscrit des Archives de l'Empire.