(Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [16 février 1790.] 609 districts sont déjà formés: c’est avec beaucoup de regret que je vois le remède qui était à ma portée arriver après qu’une partie du mal est consommée; c’est une profonde peine de ne pouvoir, même en passant les jours et les nuits, remplir qu’une faible portion de son devoir. On se laisse entraîner par l’obligation du moment; on fait le moins mal qu’on peut le métier de commissaire de l’ Assemblée; mais celui du patriote qui pourrait développera ses concitoyens des vérités utiles, mais celui du représentant de la nation n’est pas fait, et après avoir épuisé ses forces par la fatigue, on termine encore ses journées par le remords. Une ressource reste pour les départements où le désir de contenter les villes a fait trop multiplier les districts relativement à l’administration ; c’est du moins, puisque l’ordre judiciaire n’est pas encore établi, ae ne les pas tant multiplier relativement à la juridiction ; c’est, dans les départements où l’on a fait plus de cinq districts, et surtout dans ceux où l’on en a porté le nombre jusqu’à neuf, de n’établir qu’un seul tribunal de district pour deux ou trois districts, car c’est principalement dans les tribunaux que l’inconvénient d’un ressort trop borné est le plus redoutable ; les juges ont besoin d’encore plus d’études spéciales que les administrateurs; et les officiers ministériels, plus onéreux que les j uges, sont stables par leur nature. Si l’on adopte cette dernière mesure, que le travail déjà fait sur les districts me paraît rendre indispensable, on aura diminué un peu le mal auquel l’envie de satisfaire les députés des villes de province a conduit. Je propose donc cette vue sur le nombre des tribunaux au comité de constitution, et j’invite mes autres collègues à l’adopter lorsque le comité de constitution en fera le rapport à la tribune. L’Assemblée ordonne l’impression du rapport de M. Dupont (de Nemours). M. le Président invite MM. les députés à se réunir immédiatement dans les bureaux pour procéder à la nomination d’un président et de trois secrétaires. La séance est levée à trois heures. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. TALLEYRAND, ÉVÊQUE D’àUTUN. Séance du mardi 16 février 1790, au matin (1). M. le baron de Marguerittes, secrétaire , fait lecture du procès-verbal de la cérémonie qui a eu lieu dimanche dernier, 14 de ce mois, à la métropole, à laquelle l’Assemblée a assisté. M. le marquis de I�a Coste, autre secrétaire , fait lecture du procès-verbal de la séance d’hier. Il ne se produit pas de réclamation. M. Bureaux de Pusy, président, annonce le résultat du scrutin pour la nomination de son successeur. Sur 603 votants, M. de Talleyrand, évêque d’Autun, a réuni 373 voix; M. l’abbé Sieyès 125; il y a eu 105 voix perdues. (1) Cette séanee est incomplète au Moniteur. 1er Série. T. XI. M. de Talleyrand, évêque d’Autun, est proclamé président. Le scrutin pour la nomination des secrétaires a donné la majorité des suffrages à MM. le comte de Gastellane, Nompère de Champagny et Gaultier de Biauzat. Us remplacent MM. le vicomte de Noailles, l’abbé Expilly et Laborde de Méréville, secrétaires sortants. M. Bureaux de Pusy, en quittant le fauteuil, dit : « Messieurs, je ne m’étais point dissimulé les difficultés, les épines de la carrière que je viens de parcourir; mais vos bontés ont applani ma route et j'emporte, en quittant le poste honorable que vous m’aviez confié, la pensée consolante que le mérite et les talents connus de mon successeur auront bientôt fait oublier les fautes involontaires qui ont échappé à l’inexpérience de mon zèle. » M. de Valley rand, évêque d’Autun , nouveau président , a prononcé le discours suivant : « Messieurs, vos bontés m’appellent à une place que vos suffrages rendent dans tous les temps si honorable, et dont vos travaux rehaussent tous les jours la dignité. Dans cet instant, qui déjà m’atteste toute votre indulgence, j’ose vous en demander une nouvelle preuve: c’est de permettre à mon zèle de solliciter l’emploi de tous vos moments, de vous présenter sans relâche vos grands travaux, et d’implorer votre secours contre tous les objets secondaires qui chercheraient à retarder votre marche, à usurper votre attention. « Je me trouve heureux que ma première fonction soit d’être l’organe de l’Assemblée dans l’expression des sentiments qu’elle conserve pour mon prédécesseur. Vos suffrages lui ont renouvelé chaque jour l’honneur d’un premier choix, et la France entière y a applaudi avec transport à l’époque à jamais mémorable où il a si dignement exprimé l’émotion universelle qu’a fait naître la présence du Roi dans cette Assemblée. » Un membre propose de voter des remerciements à M. Bureaux de Pusy, ex-président. Cette proposition est votée par acclamation et les applaudissements réitérés de l’Assemblée font connaître qu’elle est satisfaite de la manière dont la présidence a été exercée. M. Palmacrt, député de Bailleul, observe qu’il est nouvellement admis et qu’il ne se trouve placé dans aucun bureau. L’Assemblée décide qu’il y entrera dans le 30e bureau qui n’est composé que de 39 membres et qui se trouve être numériquement le plus faible. M. le Président annonce que l’Assemblée va passer à la discussion du projet de décret proposé hier par le comité de constitution sur la division du royaume. Un de MM. les secrétaires fait une lecture suivie et non interrompue de ce projet, de décret, divisé en sept articles. M. le Président relit ensuite l’article 1er et le soumet à la discussion en ces termes : « Art. 1er. La liberté réservée aux électeurs de plusieurs départements ou districts, par les différents décrets de l’Assemblée nationale, pour le 89 610 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [16 février 1790.] choix des chefs-lieux et l’emplacement de divers établissements, est celle d’en délibérer et de proposer à l’Assemblée nationale ou aux législatures qui suivront ce qui paraîtra le plus conforme à rintérêt général des administrés et des juridicia-bles. » M. Bouche. Cet article détruit absolument tout ce que vous avez fait. Vous avez prononcé des décrets définitifs, et vous laissez la liberté de revenir sur ces décrets. Je propose cette rédaction : « Les électeurs des départements et des districts pourront proposer à l’Assemblée nationale ou aux législatures ce qu’ils croiront nécessaire à l’intérêt des administrés, pour être décidé par elles ce qu’elles jugeront convenable. » M. Fréteau. Cette rédaction aurait l’inconvénient de faire arriver à l’Assemblée une foule de demandes qui retarderaient ses opérations. D’ailleurs, je prie le préopinant d’observer que la liberté accordée par l’article n’est réservée qu’aux électeurs de quelques départements. SI. Bouche retire sa rédaction. SI. Buzot demande que les délibérations sur les points réservés aux départements soient provisoirement exécutoires. L’Assemblée décide qu’il n’y a pas lieu de délibérer sur les amendements. Elle adopte l’article premier. « Art. 2. Toutes les assemblées de département pourront, en tout temps, proposer aux législatures tous les changements qui paraîtront utiles quant aux chefs-lieux des départements et des districts, comme aussi les échanges de territoire entre les départements et les districts, qui pourraient convenir à l’intérêt des administrés. » M. le baron de Menou propose d’ajouter après ces mots : « quant aux chefs-lieux des départements et des districts, » ceux-ci : « et au nombre des districts. » Cet amendement est adopté. M. Pison du Galand demande l’addition du mot cessions , après celui échanges. M. Démeunier. Le comité substitue le mot administrations à celui de assemblées : on s’est souvent servi de cette dernière expression dans les décrets qui vous ont été présentés; le comité a pensé que cette expression devait être réformée. Il résultera, de l’article ainsi rédigé, que la cascade naturelle se trouvera établie de manière que tout citoyen et les électeurs auront la liberté de former des demandes que les administrations de département seront chargées de faire parvenir aux législatures. M. Fréteau. L’expression en tout temps, employée dans l’article, doit être supprimée, si vous ne voulez pas que les départements et les districts soient sans cesse en mouvement pour des changements intérieurs. M. Delandine. Cette suppression laisserait encore à l’article la même signification ; il vaut autant le laisser tel qu'il est. M. Garat Vatnè. L’Assemblée nationale, n’ayant pour but que le plus grand bien de toutes les parties au royaume, n’a jamais pu avoir l’intention d’écarter Jes demandes et les justes réclamations, dans quelque temps qu’elles soient présentées. Tous ses décrets en sont la preuve; c’est pour elle une jurisprudence constante et jusqu’à ce moment suivie. M. Cochard. Il est convenable de borner à deux législatures la durée de la faculté de proposer des changements. La question préalable est demandée sur l’amendement de M. Fréteau. L’Assemblée décide qu’il n’y a lieu à délibérer. M. Buzot. En entendant les députés extraordinaires des villes et communautés, vous avez eu pour objet de concilier tous les intérêts. Pourquoi laisser de l’incertitude sur les lieux des différents établissements ? On ne s’attachera point à ces lieux, si l’on n’y est attiré que par des avantages incertains ; et dans les assemblées des électeurs, chacun fera valoir des intérêts et des prétentions dont la discussion peut occasionner des désordres. L’article 6 dit tout ce qu’il faut relativement aux échanges de territoire. Je demande la question préalable sur l’article 2. M. Gourdan Plusieurs provinces avaient demandé que les chefs-lieux des départements ou des districts ne fussent que provisoirement fixés. Vous avez rejeté ces demandes, et vous accorderiez aujourd’hui un provisoire général 1 J’appuie la question préalable. M. le comte Destutt de Tracy. L’article 2 est nécessaire pour expliquer l’article Ier. La faculté de délibérer n’est réservée aux électeurs que dans un petit nombre de cas. Vous ne voulez pas que les assemblées d’électeurs soient toujours assemblées délibérantes ; je pense que l’article doit être ainsi conçu : « A l’avenir, les seules administrations de département pourront proposer aux législatures les changements qu’elles croiront utiles aux administrés. » M. le comte de Mirabeau. On n’a pas fait une observation décisive. L’article 2 rend générale une faculté d’hésitation, que le premier article a restreinte : ainsi l’article Ier et l’article 2 présentent entre eux une contradiction dangereuse. M. Fisson-Jaubert. Il manque aux raisons des préopinants une preuve parlante. M. Garat vient de la fournir. 11 espère, à la faveur de l’obscurité de l’article, obtenir pour le petit pays de Labour, dont il voudrait faire un royaume, ce que la sagesse de l’Assemblée lui a refu sé. Beaucoup d’autres conservent la même espérance. L’Assemblée décide qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur l’article 2. M. le Président donne lecture du troisième article du projet de décret qui, s’il est adopté, deviendra le deuxième. Il est ainsi conçu : « Art. 3. Dans toutes les démarcations fixées entre les départements et les districts, il est entendu que les villes emportent le territoire soumis à l’administration directe de leurs municipalités, et que les paroisses de campagne comprennent de même tout le territoire, tous les hameaux, toutes les maisons isolées, dont les habitants sont cotisés sur les rôles d’imposition du chef-lieu, et tous ceux qui sont soumis à l’administration spirituelle de la paroisse.