SÉANCE DU 19 THERMIDOR AN II (6 AOÛT 1794) - Nos 26-27 243 26 Un membre, au nom du comité de salut public, fait un rapport sur la conduite des commissaires civils envoyés aux Isles du Vent; il fait lecture d’une lettre du commissaire délégué par la représentation nationale aux Isles du Vent, dont l’extrait suit : « La conquête de la Grande-Terre-Guadeloupe tient du prodige, et fera époque dans les annales de la liberté. En arrivant à vue de terre, nous apprenons que la République avoit perdu des colonies en Amérique, que les traîtres avoient livrées aux Anglais. Nous haranguâmes nos frères et nous tentâmes une entreprise de flibustiers; nous débarquâmes au nombre de mille hommes, sans autres ustensiles de siège que nos baïonnettes, et d’autres remparts que nos corps : la même nuit 18, le fort Fleur-d’Epée, défendu par 900 hommes et une artillerie considérable, fut emporté. Trois mois auparavant, lorsqu’il n’étoit occupé que par cent-dix patriotes, le général Grepet, l’un des fils de Georges, soutenu par 3 500 hommes, ne parvint à s’en emparer qu’après beaucoup de temps et de peine. Les Anglais, effrayés de la rapidité de cette conquête, évacuèrent de suite les 5 autres forts, et nous laissèrent maîtres de leurs magasins et de 80 bâti-mens : nous délivrâmes les patriotes qu’ils avoient jetés dans les fers. J’ai eu le malheur de perdre le citoyen Chrétien, mon collègue; les grandes fatigues ont achevé de ruiner sa santé déjà très-affoiblie par de longues souffrances; nos respects l’ont accompagné au tombeau : c’étoit lui qui commandoit les troupes à l’attaque du fort de Fleur-d’Epée, où nous avons eu 90 sans-culottes tant tués que blessés ». La prise de la Grande-Terre de la Pointe-à-Pître fait éprouver aux Anglais une perte de 200 millions, tant par les dernières confiscations, que par les prises que nous avons faites sur eux (1). BARÈRE, au nom du comité de salut public : Citoyens, les trahisons étaient en même temps à l’ordre du jour dans les Antilles et sur le continent. La République a été trahie dans la colonie de Saint-Domingue par des aristocrates qui ont appelé les Anglais et les Espagnols. Des émigrés de Saint-Domingue à New York intriguaient pour la perte des colonies; des émissaires des aristocrates coloniaux nous transmettaient des détails que nous ne pouvions ni combattre ni regarder comme certains. Dans cet état de choses, l’opinion publique était incertaine sur les commissaires de Saint-Domingue, décrétés d’accusation par la Convention nationale. Les députés de Saint-Domingue nous attestaient cependant leur civisme. Pendant ce temps, nous recevions des nouvelles des trahisons de quelques commandants dans les (1) P.-V., XLIII, 73. Iles-du-Vent, et nous prîmes le parti, quand nous crûmes les circonstances moins défavorables, d’envoyer un marin fidèle et actif pour notifier le décret aux commissaires de Saint-Domingue, et pour proclamer le décret sur la liberté des noirs, et des commissaires pour défendre les Iles-du-Vent. Le succès a répondu à ces deux missions; les commissaires de Saint-Domingue rendent compte au comité de leur opération. Citoyens, avec nos succès sur les frontières, nous reprendrons les colonies; la République est principalement dans le continent; la République est dans notre marine, dans le courage des armées navales et de terre. La République est dans l’énergie de l’esprit public, et dans l’attitude imposante que la Convention nationale vient de prendre aux yeux de l’Europe. [Applaudissements] . *** : Lorsque je partis des Iles-du-Vent, tous les républicains me promirent de vaincre ou de mourir en combattant pour la liberté; les nouvelles qui viennent de vous être lues vous prouvent qu’ils ont tenu parole. Je demande que la Convention décrète la mention honorable de leur conduite, ainsi que de celle des patriotes qui se sont réunis à eux pour la reprise de la Guadeloupe (1). Sur la proposition du comité de salut public, la Convention nationale rend le décret qui suit : La Convention nationale, après avoir entendu les nouvelles officielles des commissaires civils envoyés aux Isles du Vent, Décrète qu’il sera fait mention honorable de leur conduite ainsi que des patriotes qui se sont réunis à eux pour la reprise de la Guadeloupe. Il sera envoyé un extrait du procès-verbal aux familles des commissaires civils (2). 27 Les sans-culottes composant le conseil général de Maubeuge (Nord) félicitent la Convention sur la juste punition de[s] traîtres, et l’assurent de leur fidélité et de leur attachement inviolable. La mention honorable, et l’insertion au bulletin sont décrétées (3). (1) Moniteur { réimpr.), XXI, 418; Bm, 19 therm. (suppl1) et 20 therm.; Débats, n° 685, 338-339; M.U., XLII, 319 et 330; J. Fr., nos 681 et* 683; J. Paris, n° 586; Audit, nat., nos 682 et 684; F.S.P., n° 398; C. univ., n° 950; Mess. Soir, n° 717; J. Sablier (du soir), n° 1 483; Rép., n° 230; Ann. pair., n° DLXXXIII; J. univ., n° 1 717; C. Eg„ n° 718; Ann. R.F., n° 148 (248); J. Paris, n° 584; J. Perlet, n° 683; J. Mont., n° 99; J. S. -Culottes, n° 538. (2) P.-V., XLIII, 74. Décret n° 10 282. Sans nom de rapporteurs dans C* II 20, p. 243. (3) P.-V., XLIII, 74. Ce texte semble l’abrégé de l’adresse des mêmes, mentionnée au P.-V. du 18 thermidor. Voir, ci-dessus, séance du 18 thermidor, n° 13g; l’original (C 312, pl. 1 243, p. 28) porte bien la mention marginale du 18 thermidor.