130 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [20 novembre 1789.1 de l’impôt, pour le recouvrement duquel plusieurs d’entre eux se sont chargés d’assister personnellement les préposés de la régie; de plus, les citoyens dlssoudun annoncent qu’ils se dépouillent de leurs boucles d’argent, lesquelles, jointes à quelques autres objets, font un montant d’environ 115 marcs; qu’enfin ils remplacent pour le moment leurs boucles d’argent par des boucles de cuivre, afin de donner un plus grand débit aux manufactures du royaume. M. le Président. L’Assemblée nationale reçoit avec satisfaction l’assurance des sentiments patriotiques delà ville d’Issoudun et le témoignage de son zèle pour le soulagement des besoins de l’Etat. Elle vous permet d’assister à la séance. M. d’Ailly, député de Chaumont. L’exemple donné par les citoyens d’Issoudun ne doit pas être perdu; je fais le don de mes boucles et j’invite mes collègues de l’Assemblée à agir de même. M. Hairac. La ville de Bordeaux a déjà donné l’exemple qu’on nous propose aujourd’hui et si cette résolution devient générale, elle produira au moins 120 millions. L’Assemblée accueille la proposition deM. d’Ailly, par acclamation et décide que ses membres porteront des boucles de cuivre. MM. les députés suppléants, présents à l’Assemblée, prient M. le président de leur permettre de faire le même don patriotique, ce qui est agréé. M. Lesure , député de Sainte-Mène hould , a annoncé, au nom des officiers du bailliage, du corps municipal et des citoyens de la ville de Sainte-Ménéhould leur reconnaissance et leur respect, l’adhésion la plus entière et la plus formelle à tous ses décrets, et la plus ferme résolution d’en maintenir l’exécution; il a demandé la conservation de son siège royal , et a offert, au nom du comité patriotique de la ville de Sainte-Ménéhould, la somme de 3,296 liv. 19 s. 9 d. provenant deslibéralités de toutes les classes de citoyens ; il a demandé de plus, que l’état annexé à l’adresse, soit imprimé, avec la liste des dons patriotiques, ainsi que la lettre de M. Cbamisso de Villé ; ce qui a été agréé. M. le Président. L’ordre du jour appelle la discussion du mémoire du ministre des finances pour convertir la caisse d'escompte en banque nationale , sous la garantie de la nation. Quelqu’un demande-t-il la parole? (Un grand silence se fait dans l’Assemblée. — Les orateurs semblent hésiter devant l’importance de la question.) M. le comte de Custine. J’ai à soumettre à l’Assemblée quelques considérations sur le plan du premier ministre des finances et un plan de banque nationale, mais il n’y a pas lieu de les produire à la tribune. Je les ferai imprimer et distribuer. (Voy. ces documents annexés à la séance.) M. le Président répète sa question : Quelqu’un réclame-t-il la parole ? M. le comte de Mirabeau, entrant dans la salle. Je suis prêt à parler. (Un grand silence se fait dans l’Assemblée.) M. le comte de Mirabeau. Messieurs, lorsque sur un établissement aussi important que la caisse d’escompte, on s’est expliqué comme je l’ai fait dans deux motions; lorsque l’une et l’autre de ces motions offrent des résultats infiniment graves et entièrement décisifs, surtout pour un peuple dont les représentants ont, en son nom, juré foi et loyauté aux créanciers publics; lorsqu’on n’a été contredit que par de misérables libelles, ou des éloges absurdes, si ce n’est perfides, des opérations de la caisse d’escompte ; lorsqu’ enfin une fatale expérience manifeste mieux tous les jours, combien sontcoupables les moyens extérieurs par lesquels mes représentations ont été jusqu’ici rendues inutiles, il ne reste peut-être qu’à garder le silence, et je l’avais résolu. Mais le plan qu’on nous apporte s’adapte si peu à nos besoins; les dispositions qu’il renferme sont si contraires à son but ; l’effroi qu’il inspire à ceux-là mêmes qu’il veut sauver est un phénomène si nouveau ; les deux classes d’hommes que l’on s’attend si peu à rencontrer dans les mêmes principes, les agioteurs et les propriétaires, les financiers et les citoyens, le repoussent tellement à l’envi , qu’il importe avant tout de fixer les principes, et de chercher au milieu des passions et des alarmes, l’immuable vérité. Je me propose de démontrer, non-seulement les dangers d’une opération qui n’a aucun vrai partisans, mais la futilité de cette objection ban-nale dont on harcelle depuis quelques jours les esprits timides, ou les hommes peu instruits. Si l’on ne relève pas la caisse d’escompte, on n’a RIEN A METTRE A LA PLACE. M. Necker est venu nous déclarer que les finances de l’Etat ont un besoin pressant de 170 millions. Il nous annonce que les objets sur lesquels le Trésor royal peut les assigner d’après nos décrets, sont assujettis à une rentrée lente et incertaine ; qu’il faut, par conséquent, user de quelque moyen extraordinaire, qui mette incessamment dans ses mains la représentation de ces 170 millions. Voilà, si nous en croyons le ministre, ce qui nous commande impérieusement de transformer la caisse d’escompte en une Banque nationale, et d’accorder la garantie de la nation aux transactions que cette banque sera destinée à consommer. Cependant, si nous trouvions convenable de créer une Banque nationale, pourrions-nous faire un choix plus imprudent, plus contradictoire avec nos plus beaux décrets, moins propre à déterminer la confiance publique, qu’en fondant cette banque sur la caisse d’escompte ? Et quel don la caisse d’escompte offre-t-elle en échange des sacrifices immenses qu’on nous demande pour elle?... Aucun... Nous avons besoin de numéraire et de crédit : pour que la caisse, puisse nous aider dans l’un ou l’autre de ces besoins, il faut que le crédit de la nation fasse pour la Banque ce qu’il a paru au ministre que la nation ne pourrait pas faire pour elle-même. Oui, Messieurs , par le contrat que M. Necker nous propose de passer avec la caisse d’escompte, la ressource que la Banque nous offrirait porte tout entière sur une supposition qui détruit nécessairement celle dont le ministre a fait la base de son mémoire. Si la nation ne méritait pas encore aujourd’hui un très-grand crédit, nulle espèce de succès ne pourrait accompagner les mesures que ce mémoire développe. En effet, M. Necker nous’propose, pour suppléer à la lenteur des recettes sur lesquelles le Trésor