302 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 mars 1791.) ciel, la France sera gouvernée de manière à se réjouir beaucoup du bonheur, des bienfaits d’un bon roi, mais à ne pas redouter un roi moins bon ; je tiens que po r nous ranger aux idées reçues, aux goûts habituels, aux habitudes favo-ritt s de la natmn, il faut que la régence soit héréditaire; et, dans ce cas, je consens au projet du comité, sur lequel je me réserve de faire quelques observations. M. Brillat-Savarin. Jedemande la parolesur une question d’ordre. 11 semble que l’opinion de l’Assemblée est entièrement formée sur la question qui vous est soumise. Jedemande en conséquence que la discussion soit fermée. Plusieurs membres: Aux voix ! aux voix 1 M. de Clermont-Lodève. Croyez qu’il y a encore des observations à faire. Je demande que, vu l’importance de la question, la discussion soit continuée. M. de Cazalès. Un article d’un de vos règlements porte que toutes les questions constitutionnelles seront discutées pendant trois jours; si 50 membres seulement réclament l’exécution du règlement, vous ne pouvez pas y contrevenir. J’observe à l’Assemblée que ce règlement fait sa loi et est la sauvegarde de la minorité contre la majorité. Je demande son exécution. (L’Assemblée, consultée, ferme la discussion.) M. Thouret, rapporteur. J’ai à faire une observation simple sur la manière d’aller aux voix. Je crois que ce n’est pas changer l’état de la délibération que de proposer à l’Assemblée d’aller aux voix sur le troisième article que nous vous proposons dans ces nouveaux termes: Art. 3. « La régence du royaume appartiendra de plein droit, pendant tout le temps de la minorité du roi, à son parent majeur, le plus proche suivant l’ordre d’hérédité au trône.» Plusieurs membres: Les mâles seulement! M. de lllontlosier. Cet article préjuge ce qui n’a pas encore été discuté: je veux dire l’exclusion des femmes. (Murmures .) Cette question est assez importante pour être traitée directement et solennellement. M. Briois-Beaumetz. Compte-t-on pour rien la manière diserte dont M. l’abbé Maury a parlé sur cet objet? M. de Cazalès. La proposition de M. de Mont-losier est très juste; je demande en conséquence qu’on se borne tout simplement à décider la question discutée, à savoir si la régence sera élective ou non. M. Thouret, rapporteur. L’observation ne touche qu’à l’ordre du travail et non au fond des idées. Je m’oppose à ce que l’exclusion des femmes soit portéedans l’article 3, parce que ce serait confondre ensemble des objets distincts. L’intention du comité n’a pas été de faire rien préjuger par cet article sur ce qui a rapport au droit des femmes à la régence. Il s’est assez clairement expliqué dans l’article 5, ainsi conçu : <• Les femmes sont exclues de la régence. » (L'Assemblée, consultée, adopte l’article 3 présenté par le comité.) M. Thouret, rapporteur. Voici maintenant, Messieurs, l’article 4 que nous vous proposons; c’est le complément de l’article que vous venez de voter: Art. 4. « Aucun parent du roi, ayant les qualités ci-dessus, ne pourra être régent, s’il n’est pas Français et regnicole, ou s’il est héritier présomptif d’une autre couronne. » M. Duport. L’article 16 du projet de décret porte que le régent sera tenu de prêter léseraient; cependant cette condition n’est point déterminée dans l’article qui nous occupe actuellement. Si le serment est d’une telle nécessité, que celui qui ne l’aurait pas prêté serait exclu de la régence, je ne doute pas néanmoins que l’intention de l’Assemblée ne soit que celui qui refuserait de prêter le serment, libellé comme il le sera par la suite ne soit exclu de la régence. En conséquence, je propose que l’on ajoute à l’article 4, au nombre des conditions nécessaires pour être régent, la prestation de ce serment, et qu’ainsi on dise qu’aucun des parents du roi ne pourra être régent qu’il n’ait prêté le serment qui sera déterminé dans l’article 16. M. Thouret, rapporteur. Nous avons pensé que l’article relatif au serment ne devait pas être rédigé ainsi, par la raison qu’il ferait dépendre l’exercice des fonctions de régent et le commencement de son activité delà prestation de ce serment; et comme le Corps législatif peut n’être pas assemblé au moment où le régent appelé de droit, suivant le décret que vous venez de porter, doit pour l’intérêt public commencer ses fonctions, nous avons cru que ce serait un très grand inconvénient que de laisser subsister un pareil interrègne, c’est-à-dire une pareille interruption du pouvoir exécutif faute du serment. M. Barnave. Je crois, au contraire, qu’il est absolument indispensable que la loi statue que le régent ne pourra pas entrer en fonctions avant d’avoir prêté le serment décrété pour le roi. La difficulté d’exécution que présente le comité me paraît très facile à lever; car il suffit que la loi détermine devant quel corps, toujours subsistant, toujours permanent, le régent pourra prêter son serment, dans le cas où le Corps législatif ne serait pas assemblé. Je crois qu’il est de la plus grande importance que le régent, avant de gouverner, soit tenu d’assurer la nation par son serment, qu’il maintiendra les lois constitutionnelles et qu’il remplira les devoirs que la Constitution attache aux fonctions qui lui sont confiées; il est impossible en un mot que la loi statue que tel fonctionnaire sera tenu de prêter son serment, et que néanmoins elle ne l’exclue pas de la fonction à laquelle il est appelé, dans le cas où il refuserait la prestation de ce serment. Je demande donc que le régent ne puisse entrer en fonctions sans avoir prêté le serment et que le comité de Constitution nous présente k mode et nous indique devant quel corps constitutionnel il pourra prêter son serment dans le cas où le Corps législatif ne serait pas assemblé au moment de la mort d’un roi. J’ajoute une autre observation, c’est qu’il est (Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 mars 1791.] impossible que la nation astreigne le régent à la prestation de serment, sans faire dépendre la continuation de ses fonctions de la prestation de ceserment ; etjefaisremarquerà l’Assembléequels inconvénients résulteraient de laisser entrer un régent dans ses fonctions, sauf ensuite à les lui retirer dans le cas où il ne prêterait pas le serment. ( Applaudissements .) Certes, il est impossible de ne pas sentir qu’un régent qui, après être entré en exercice des fonctions de la régence, refuserait de prêter son serment, aurail des intentions perfides contre la Constitution et contre la liberté nationale : Un tel homme joindrait bientôt à l’audace de refuser le serment, l’audace d’employer tous les moyens possibles, la force, la violence même, pour renverser les lois constitutionnelles qui l’auraient prescrit. Il est facile d’empêcher un contre-révolutionnaire de commencer des fonctions ; il n’est pas facile de les lui reprendre lorsqu’il est en exercice. (Applaudissements.) M. I�e Chapelles*. J’admire toujours que les opinions ne cessent de tenir aux temps de révolutions et à des spéculations de contre-révolutions. Je soutiens, moi, que la proposition qui vous est faite, est contraire au système de la monarchie et au décret que vous venez de rendre. Si vous aviez décrété que la régence serait élective, vous auriez sans doute décrété qu’avant d’entrer en fonctions, le régent serait tenu de prêter le serment; vous auriez dit que ses fonctions ne commenceraient qu’après la prestation du serment. Mais vous avez dit tout le contraire; vous avez dit que le hasard, la nature déféreraient la régence à l’aîné mâle qui tiendrait de plus près à l’hérédité du trône. Or, vous lui avez déféré un droit pareil à celui qu’a la famille de régner; je vous demande si vous n’êtes pas conduits, par la proposition qu’on vous fait, à décréter que le roi ne sera roi que lorsqu’il aura prêté le serment qu’il doit prêter à sou couronnement ? Plusieurs membres à gauche : Oui! oui ! M, le Chapelier. Or, Messieurs, les principes de la monarchie sont que la royauté est dévolue à l’hériter présomptif par cela seul que l’ancien roi est mort. Notre ancienne Constitution n’est point changée à cet égard : elle exigeait un sacre ou un couronnement, le roi prêtait un serment à la na-' tion il le prêtera encore; mai-si cette formalité était reculée, mais si le roi même ne la remplissait pas, certes vous ne pourriez pas dire qu’il est déchu de la royauté, par cela seul qu’il n’aurait pas prêté le serment. Pr nez garde que le moyen le plus certain de préparer des troubles serait de mettre une condition pénale telle que celle-là ; car si un roi ou un régent sont assez forts pour refuser de prêter entre les mains du Corps législatif le serment qui sera décrété par la Constitution; que vous mettiez une condition pénale ou que vous ne la mettiez pas, ce serment ne fera qu’exciter une guerre. (Murmures.) Serions-nous donc toujours réduits à craindre que les rois, établis héréditairement pour la tranquillité du peuple, voudront toujours attaquer la Constitution et que ce sera un moyen bien efficace dans leurs mains que celui de refuser de prêter le serment? Je soutiens, Messieurs, que de tous les moyens le plus mauvais pour un roi ou 303 pour un régent qui voudrait attaquer la Constitution, serait de refuser le serment; et quoique j’ai été interrompu lors de la réflexion que je vous faisais, je la répéterai encore : Si un roi voulait attaquer la Constitution et s’il voulait annoncer son attaque par le refus du serment, la condition pénale que vous auriez établie ne l’empêcherait pas et ne servirait qu’a exciter pins promptement... (Murmures à l'extrême gauche.) Vous êtes un petit nombre (en se tournant de ce côté) qui interrompez sans cesse et qui ne répondez jamais. Toute la question réside là; et je prie ceux qui me contredisent, s’ils veulent conserver les principes monarchiques, d’y répon ire bien catégoriquement. M. la Poule interrompt. M. le Chapelier. Que M. La Poule réponde, puisqu’il interrompt... Puisque la Constitution défère la royauté et la régence par droit d’hérédité, on n’est pas maître de dire que la royauté ou la régence dépendront de telle ou telle chose et de détruire ainsi l’hérédité. M. Voidel. Ah! mon Dieu! quels principes sont ceux-là! M. le Chapelier. Je ne parle pas de cette double proposition qui vous a été faite et qui dans l’un et l’autre système doit être rejetée. La proposition de faire, en l’absence du Corps législatif, prêter à la nation le serment dans les mains d’un tribunal ou d’une administration de département est inadmissible. Ce n’est point là que ni le roi ni le régent doivent prêter le serment décrété par la Constitution; c’est dans les mains des représentants de la nation. Plusieurs membres: Ah! ahl M. le Chapelier. Je ne vous dis pas encore quels sont les inconvénients majeurs qui résultent de l’existence d’un homme auquel, par la Constitution, le droit de sa naissance défère la royauté ou la régence, et qui attendrait, pour exercer l’une ou l’autre, le rassemblement du Corps legislatif et qui, ue pouvant exercer aucune de ces hautes fonctions que la Constitution lui délègue, qn’après avoir prêté ce serment, serait entre l’impuissance d’exercer son hérédité et le désir de l'exercer, et toujours prêt à mettre des troubles dans le royaume, à empêcher que l’administration eut son cours, pendant la durée qui s’écoulerait entre le moment où le roi serait mort, et le moment où le Corps législatif serait rassemblé. Vous sentez quelles difficultés énormes en résulteraient. Je demande que l’article du comité soit décrété sans addition. Nous l’avons discuté longtemps, et ne l’avons adopté qu’après avoir trouvé que ies autres plans entraînent de plus grands embarras encore. M. le Président. La parole est à M. La Poule. Plusieurs membres à droite : Ah ! ah I M. la Poule. Le préopinant a confondu deux choses : le droit à la succession et l’exercice de la chose à laquelle le régent est appelé. Je veux le prendre par sa propre comparaison. Il a dit ; Le roi est appelé à la couronne de droit. Mais 304 [Assemblée nationale.] comment y est-il appelé? Qu’il lise les premiers mots de chaque loi : « Louis, par la grâce de Dieu et par la loi constitutionnelle de l'Etat. « Or, la Constitution de l’Etat dit que le roi prêtera le serment; et, jusqu’à la prestation du serment, il n’a pas le droit d’exercer la royauté ! (Applaudissements.) Je passe au régent. Pour exercer le droit de régent, que faut-il considérer? ce que vous venez de (Sécréter; c’est-à-dire qu’il est appelé à la régence. Or, il est dans le royaume ou hors du rovaume. S’il est éloigné du royaume, il ne peut pas exercer les fonctions de régent, qui sont souvent plus difficiles à remplir que la place très grande, très importante de roi. (Rires.) S’il est dans le royaume, et qu’il ne prête pas le serment, nous contrarions la volonté nationale. Il doit le prêter, ce serment, entre les mains du Corps législatif, s’il est assemblé; sinon devant la municipalité... Plusieurs membres Ah : I ah ! M. La Poule. En tous cas, le Corps législatif est obligé de s’assembler aussitôt la mort du roi. Il n’y a donc qu’un instant d’intervalle. (Applaudissements.) M. Briois-Beaumetz. Il ne peut y avoir qu’un malentendu dans ce que vient de dire le préopinant. Certes le roi des Français est roi par la Constitution, en se conformant à la Constitution ; c’est-à-dire qu’en prêtant le serment que la Constitution lui impose, il acquitte un devoir, et c’est nécessairement une condition sine quû non. (Applaudissements prolongés.) Ce n’est donc pas là que réside la question; et aucun des préopinants n’a prétendu dire que le roi des Français pût se dispenser de prêter le serment. Un membre à gauche : M. Le Chapelier l’a dit. M. Brïols-Beaumetz. Non, il ne l’a pas dit. M. de Mirabeau. M. Le Chapelier n’a pas dit cela. (Murmures.) M. Briois-Beaumetz. Personne n’a dit une telle hérésie, et il est tout à fait inconvenant et insidieux de la prêter à quelqu’un pour avoir le plaisir de la réfuter. La question est de savoir si provisoirement, et jusqu’à ce cjue le fonctionnaire, roi ou régent, ait pu prêter le serment devant le Corps législatif, il exercera provisoirement, ou si, en attendant, on exigera de lui un nouveau serment; car, dès le moment que le régent accepte la fonction qui lui est déférée par la Constitution, dès ce moment il doit le serment; et si j’osais m’exprimer ainsi, je dirais que dès ce moment il prête de fait le serment, puisque dès ce moment il exerce une fonction qui n’existe que par la Constitution, et avec les conditions que la Constitution y attache. Ehl qu’est-ce qu’un serment, Messieurs, si ce n’est un engagement sacré pris à la face du ciel et de la terre, si ce n’est le lien religieux attaché au lien civil pour rendre encore plus sacrées et plus inviolables les promesses que fait un citoyen de remplir une fonction ? Le serment est donc dû par le fonctionnaire, dès l’instant où il accepte la fonction. Il doit être prêt à le faire à l’instant, si la nation est prête à le recevoir. Si elle ne l’est pas, elle doit elle-même renvoyer cette prestation [23 mars 1791.] jusqu’à ce que le Corps législatif ait pu se réunir. Voilà où réside vraiment la question ; et je pense qu’aux yeux de tout homme pur et de bonne foi, l’acceptation de la fonction à laquelle le serment est particulièrement attaché est un engagement manifeste de le prêter, et qu’il y aurait une contradiction honteuse dans sa conduite si, après avoir mis la main à la fonction qu’il a acceptée, il osait encore, à la face du ciel, refuser d’en contracter les engagements. (Murmures.) Je désirerais donc, pour concilier la sainteté de cet engagement seulement avec les circonstances, que le premier acte de la royauté ou de la régence soit u ne proclamation publique. (Applaudissements.) par laquelle il contractera hautement l’engagement de prononcer le serment suivant toutes les formes de la Constitution. (Applaudissements prolongés.) Plusieurs membres : Cela est très bon. M. Briois-Beaumetz. Il serait dit, dans cette proclamation qui contiendrait le serment, que le fonctionnaire promet de le ré éter suivant la forme de la Constitution, aussitôt que le Corps législatif sera à portée de le recevoir. Je regarde ce système comme infiniment plus digne de la nation que de faire recevoir un tel serment par une municipalité ou par un corps quelconque (Applaudissements.) , par un corps qui ne serait pas représentant de la nation. (Applaudissements.) Voici la rédaction de ma proposition : « Aussitôt que la régence sera échue, le régent sera tenu de publier une pr oclamation contenant la prestation de son serment constitutionnel, et la promesse de le réitérer auprès du Corps législatif aussitôt qu’il sera assemblé pour le recevoir. » M. Bœderer. Je propose un amendement qui fortifiera l’idée proposée par M. Briois-Beau-metz : Je propose d’ajouter dans l’article du comité, aux mots : s'il n’est pas Français et regni-cole, ceux-ci : et s'il n'a pas prêté le serment civique. Garce serment est le lien qui doit Punir, comme individu, à la Constitution. (Applaudissements.) Il doit être prêté par tout citoyen dans son district ; et, par conséquent, il n’y a pas d’excuse pour ne pas l’avoir prêté. M. Thouret, rapporteur. Je demande qu’on renvoie au comité la rédaction delà formule du serment qui doit être exprimé dans la proclamation. M. de Broglie. L’intention de l’Assemblée n’est pas d’appeler seulement à la régence un Français, mais bien un citoyen français. Je demande donc qu’il soit dit : «et s’il n’a pas prêté précédemment le serment civique; » et que l’on rédige ainsi la proposition de M. Beaumetz. « Le cas de régence échéant, si la législation est assemblée, le régent y prêtera son serment; si elle ne l’est pas, il fera paraître une proclamation dans laquelle il promettra de le prêter aussitôt qu’elle le sera. » M. La Poule. Je demande que l’on dise : « Prêtera son serment aujour qui sera indiqué par un décret du Corps législatif. » Plusieurs membres demandent à aller aux voix sur les amendements de MM. Briois-Beaumetz et Rœderer. ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [23 mars 1791.] 305 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Assemblée nationale.] M. de Montlosier. Je demande la division des amendements et la parole sur celui de M. Rœde-rer qui me paraît renfermer beaucoup de difficultés. Plusieurs membres invoquent la question préalable sur la demande de division des amendements. (L’Assemblée, consultée, décrète qu’il n’y a pas lieu à délibérer sur la division.) M. de llontlosler. Je demande alors à faire voir à l’Assemblée les motifs déterminants qui me paraissent éloigner l’amendement particulier de M. de Rœderer. Il ne tend à rien moins qu’à exclure de la régence un membre de la famille royale qui se trouverait n’avoir pas prêté le serment civique dans son district à l’âge de vingt et un ans. Or, je dis que les voyages d'outre-mep, les guerres. . . {Murmures.) Je dis qu’il serait très dangereux d’établir une loi qui pût l’empêcher de prêter ce serment en aucune manière. Par exemple, s’il est détenu prisonnier, il est impossible qu’à vingt et un ans un prisonnier puisse prêter son serment. Je demande donc au moins l’ajournement. M. de Mirabeau. Je crois que le préopinant s’est trompé de mot : il a dit voyag q d’outre-mer ; peut-être a-t-il voulu dire voyage d’ outre-Rhin. {Rires. Les tribunes applaudissent .) M. Voidel. M. de Mirabeau a suffisamment répondu à M. de Montlosier. {Rires.) Je suis seulement fâché que M. Rœderer se soit servi d’une circonlocution pour exprimer son amendement. Je l’exprimerai, moi, en un seul mot, en mettant à la place de ces mots, s'il n’est pas Français , ceux-ci, s'il n'est pas citoyen français ; car on ne peut être citoyen français que l’on n’ait prêté le serment civique. (L’Assemblée , consultée, adopte les amendements de MM. Briois-Beaumetz et Rœderer, ainsi que l’article 4 du projet de décret, et renvoie le tout au comité pour une nouvelle rédaction.) M. Thouret, rapporteur . Nous voici maintenant parvenus à la question de l’admissibilité des femmes à larégence. Vous avez décrété constitutionnellement que les femmes et leurs descendants sont perpétuellement et absolument exclus de la royauté. La conséquence qui nous a paru naturellement indubitable est que les femmes et leurs descendants ne peuvent pas être admis à la régence. On ne peut échapper à cette conséquence qu’en disant que la régence n’est pas la royauté; mais jeréponds en très peu de mots que ce n’est pas en considérant uniquement le titre de la royauté, abstraction faite des fonctions, qu’il y a eu intérêt et motif d’en exclure les femmes ; c’est principalement et précisément à raison de l’exercice des fonctions. Or, la régence commet ici l’exercice des fonctions, par conséquent la raison qui exclut les femmes de la royauté, est la même pour larégence. Il y a, en faveur des femmes, des faits et des usages passés ; mais quand une nation fait sa Constitution, les faits et les usages antécédents ne font pas titre, ne font pas meme préjugé ; il faut en revenir aux principes et à la raison. Or, les principes et la raison sont que les femmes soient exclues de la régence. Voici l’article : lre Série. T. XXIV. Art. 5. « Les femmes sont exclues de la régence. » {Applaudissements.) Plusieurs membres à gauche : Aux voix! aux voix ! M. de Clermont-Liodève. Monsieur le Président, Messieurs, le préopinant vient de vous dire que, lorsqu'une nation travaille à sa Constitution, les faits et les exemples ont peu de force, qu’il faut en revenir aux principes et à la raison. Je ne me suis point proposé, Messieurs, de vous rappeler des faits, de vous citer des exemples. Si je les avais rappelés, ce serait pour rendre témoignage à cette vérité, que les régences exercées par les reines ont toujours été malheureuses, telles que les régences des deux Médicis, d’Anne d’Autriche, d’Anne de Beaujeu, de la duchesse de Bavière et les régences accidentelles. {Murmures.) En convenant que les régences exercées par les femmes ont jusqu’à présent été malheureuses, que le gouvernail du vaisseau de l’Etat ne se trouvait pas dans une main assez ferme, j’ai à vous faire observer, Messieurs, qu’il ne faut point conclure, de cet état de choses, à celui que vous allez établir ; que ce qui était grandement à craindre pendant la régence d’une femme étrangère, était l’acception qu’elle faisait des gens de son pays. Elle s’entourait de conseillers mauvais ou infidèles ; de là les malheurs qu’a éprouvés la France sous Goncini, je dirai même sous Maza-riu. Mais lorsqu’une nation a constamment un parlement, une diète, des états généraux, une Assemblée nationale et la loi de la responsabilité, cela n’est pas à redouter. {Murmures.) Je dis qu’a-lors, Messieurs, le grand danger de voir la reine entourée de mauvais conseillers, le danger de la déprédation des finances, auquel la faiblesse de ce sexe nous expose, n’ont plus lieu, D’un autre côté, je vous rappellerai quels dangers, quels inconvénients la nation peut redouter si la régence est entre les mains du prince le plus habile à succéder. Je ne m’étendrai pas sur celui que court le pupille, l’enfant royal. M. de Mirabeau nous a très bien dit que, pour un ambitieux qui avait la toute-puissauce, quand il ne restait pour la garder qmun pas à faire, il pouvait être facilement franchi. Get inconvénient n’existe pas sous la régence de la mère. Elle n’a d’autre intérêt que celui de son fils. Le régent, même honnête homme, le régent incapable de s’élever à la place d’autrui, ne sera point dénué d’intérêts personnels, de ceux de sa famille. Il a intérêt d’agrandir sa maison, de l’enrichir. Aulrefois il y serait parvenu par des concessions d’apanages et de domaines : vos sages lois ont remédié à ces inconvénients. Que lui restera-t-il à faire? Il lui restera à prodiguer les deniers de la liste civile, dont vous voulez apparemment laisser une partie à sa disposition, de les prodiguer dans le sein de l’Assemblée nationale, et de les prodiguer pour faire passer des résolutions onéreuses à la nation. Je vous soumets une autre observation. Les femmes, en général, aiment le repos, la paix. {Rires.) Le régent, s’il est prince guerrier, s’il est habile général, aura intérêt de faire naître la guerre ; il cherchera à illustrer le temps de son gouvernement. Vous avez renoncé aux conquêtes, Messieurs, mais vos généraux n’ont point renoncé à la gloire. Le régent voudra que les fastes de l’histoire transmettent son nom... 20