200 [Assemblée nationale.) ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [19 juillet 1790.) sauce 'du monopole; il évile surtout, en assurant les droits nécessaires à la conservation des manufactures, en offrant des facilités aux négociants, en favorisant Je commerce du Levant, le danger de nlacer les armateurs entre l’appât du gain et le désir de se montrer dignes du nom respectable de citoyens français. Je me détermine donc pour que les retours de l’Inde soient faits dans deux ports, Lorient dans l’Océan, et Toulon dans la Méditerranée. (On demande que la discussion soit fermée.) (L’Assemblée est consultée, et l’épreuve paraît douteuse à une partie des membres.) M. le Président. Le vœu de la majorité me semble être que la discussion soit fermée; mais cette majorité n’est peut-être pas assez déterminée pour ne pas laisser discuter encore. M. de Cazalès. J’ai l’honneur d’observer que cette question étant la seule à l’ordre du jour, la discussion peut être prolongée sans inconvénient. M. Rœderer, rapporteur du comité d’impositions. Je nepuis medissimulerquelepremier aspect de la question qui vous occupe, paraît être défavorable à votre comité ; on invoque la liberté, ce nom seul devrait vous décider. Les défenseurs de Lorient vous ont dit avec Montesquieu qu’il fallait distinguer la liberté des négociants de celle du négoce : j’apporte une opinion contraire; l’occasion se présentera sûrement de prouver à cette Assemblée mes sentiments pour la liberté. Je ne présente contre le principe qu’une seule exception, nécessitée par des circonstances où l’industrie n’est pas encore échappée des liens de la servitude. C’est un malheur attaché à l’esclavage d’influer sur les premiers moments de la liberté. On ne peut rendre subitement la liberté indéfinie sans nuire à des intérêts particuliers, et la liberté consiste nécessairement à ne nuire à personne. Pour être rigoureusement conséquent à vos principes et à vos décrets, il faudrait également supprimer les droits de traite qui assujettissent les marchandises à prendre certains passages. Ces passages peuvent être nombreux, mais il n’en est pas moins défendu de prendre des détours, quels que soient les frais des routes indiquées. La question se réduit donc à savoir s’il est de l’intérêt actuel, c’est-à-dire d’un intérêt passager, que le commerce de l’Inde se fasse en un seul port; et s’il n’importe pas que ce soit à Lorient ou ailleurs. Si les marchandises de l’Inde doivent payer des droits, n’est-il pas plus naturel d’établir la perception de ces drods nécessaires dans le Heu le plus sûr et le plus commode? Qucdques négociants s’intéresseront au commerce interlope, mais leurs spéculations seront-elles avantageuses? Arrivées dans tous les ports en quantité, les marchandises seront stagnantes, et l’intérêt du retard sera supporté par l’acheteur, car il le paye toujours en définitive. Lorient offre l’avantage de ne faire payer l’impôt que dans le moment même de la vente : c’est donc un bénéfice pour le consommateur. Il est eu effet bien clairement démontré que si l’on n’attend pas le moment de la vente pour la perception des droits, il faut s’en rapporter à l’estimation qui est toujours fausse ou incertaiue, et c’est dix-huit mois d’intérêt qu’il en coûte au marchand et au consommateur. Si nos manufactures n’ont pas le moyen de lutter avec les fabriques étrangères au dedans, elles ne nous offriront aucun avantage au dehors. Si le système de liberté qui parait dominer dans cette Assemblée, et qui doit flatter dans un Empire qui sort de toutes les espèces de servitude, venait à prévaloir, que l’on observe, et le fait est certain, que les négociants de l’Inde n’ont jamais fait de retours que dans le port de Lorient... M. de Mirabeau l’aîné. L’opi niant est absolument étranger aux faits commerciaux ; ce qu’il dit est absolument faux. M. Rœderer. Cette interruption mérite peut-être la même qualification. Soit pendant l’existence de la compagnie, soit pendant l’intervalle du commerce libre, les retours de l’Inde se sont faits constamment à Lorient exclusivement : le commerce ne perd donc absolument rien à cette restriction, puisqu’il s’y soumettait librement. Au contraire, on conviendra qu’il est au moins très douteux que les manufactures ne souffrent pas beaucoup d’un nouvel ordre de choses. Je dis donc que, dans ce doute, l’Assemblée ne peut balancer entre quelques négociants riches et un peuple nombreux qui sollicite la conservation de ses moyens de subsistance. (On demande à aller aux voix. — Cette demande est plusieurs fois répétée par une grande partie de l’Assemblée.) M. de Cazalès monte à la tribune. — Le désir d’aller aux voix se manifeste avec plus d’instance. — M. de Cazalès insiste pour obtenir la parole. — Après quelques débats, l’Assemblée est consultée. La discussion est fermée. M. de Cazalès. La motion faite par M. Nairac dans une des précédentes séances doit obtenir la priorité. Elle est conséquente à vos principes et au décret que vous avez déjà rendu. En effet, si le commerce est libre à tous les Français... (On observe que la discussion est fermée.) M. de Cazalès continue. — Il est interrompu par la même observation. Il demande à M. le Président de lui obtenir du silence. M. le Président. Je pense que quand la discussion est fermée, on ne peut accorder la pa-parole. M. de Cazalès ne doit donc pas persister à vouloir être entendu. M. de Cazalès continue à parler. — Les réclamations sont presque générales. — M. de Ga-zalès parle encore.— Il est continuellement interrompu par des applaudissements qui l’empêchent d’être entendu. — M. de Cazalès s’arrête. — Le silence commence aussitôt. — M. de Cazalès se plaint des mouvements de l’Assemblée. M. le Président. Monsieur, vous parlez contre l’ordre, contre le vœu que l’Assemblée a exprimé et malgré le Président; l’Assemblée, en vous interrompant, n’est que le vengeur de l’ordre et de l’autorité qu’elle a confié à son Président. (Il s’élève quelque discussion sur la manière de poser la question.) M. Blin. L’objet de la sollicitude de l’Assemblée n’est pas, sans doute, un intérêt particulier, mais l’intérêt général. C’est la majorité du commerce qui peut faire apprécier cet intérêt. Je demande donc que l’on consulte les députés des chambres de commerce. M. le Président. Cette proposition est une [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [20 juillet 1790.] 201 espèce d’ajournement ; elle doit être mise la première aux voix. M. l’abbé Maury. Pour obtenir un résultat, il faut poser ainsi les questions : « Consultera-t-on les députés du commerce? » Si la décision est négative, on demandera : « V aura-t-il unseul port pour les retours de l’Inde?» Puis : « Y aura-t-il un port pour l’Océan et pour la Méditerranée ? » Enfin : « Pour l’Océan, sera-ce celui de Lorient? Pour la Méditerranée, sera-ce celui ou de Marseille, ou de Cette, ou de Toulon ? » M. le curé Dillon demande que les manufacturiers soient entendus. M. Malonet. Les villes de manufactures ont été entendues par leurs députés. Le commerce a des députés près de l’Assemblée nationale; fisse sont formés en comité, et j’ai appris qu’ils trouvaient convenable qu’il y eût dans la Méditerranée un port pour les retours de l’Inde. L’ajournement est donc inutile. M. Rrlois de Reaumetz. J’observerai au préopinant que les députés envoyés près de i’ Assemblée nationale ne sont que ceux de quelques villes de commerce : ils ne peuvent exprimer qu’un vœu particulier. Si cependant l’Assemblée voulait délibérer sur-le-champ, il me paraît que la question doit être ainsi posée : « Les retours de l’Inde se feront-ils dans plusieurs ports où dans un seul ? Ensuite se feront-ils dans tous les ports ou dans deux ports seulement ? » M. de Mirabeau l'aînè. Cette manière de poser la question serait souverainement insidieuse. Vous avez Je droit de législation, mais vous ne l’avez que pour la liberté qui vous eu a investis... Cette manière de poser la question : « Les retours de l’Inde se feront-ils dans tous les ports? » est aussi simple, aussi claire qu’aucune autre. L’Assemblée délibère et décrète successivement : « Qu’il n’y aura pas d’ajouruemeot pour consulter les manufactures ; « Qu’il y aura plusieurs ports pour les retours; « Que les retours de l’Inde ne se feront que dans deux ports ; « Que le port pour les retours de l’Inde dans l’Océan, sera Lorient. » M. le Président se prépare à mettre aux voix cette dernière question : « Le port, pour les re-toursde l’Inde dans la Méditerranée, sera-t-il Cette, Toulon ou Marseille ? « On demande successivement la priorité pour les ports de Cette et de Toulon. M. de Mirabeau l’aîné se dispose à prendre la parole. (Il s'élève des murmures.) M. de Mirabeau Z’ aîné. L’empressement avec lequel on paraît croire que je veux demander la priorité pour Marseille est très déjoué, car ce n’est point là mon intention. Je veux seulement observer à ceux qui ont proposé le port de Cette, que, sans doute, ils ne le connaissent point. Il n’y entre que des bâtiments de 200 tonneaux ; les assurances y sont beaucoup plus désavantageuses; c’est assurément un mauvais port. Quant à Toulon et Marseille, ceux qui ont des .relations commerciales sourient de voir mettre ces ports en opposition. Au reste, ne semblerait-il pas juste > de savoir des riverains de la Méditerranée quel port leur paraîtrait plus convenable ? Alors on serait sûr de faire un choix conformeaux intérêts du commerce. Je n’insiste pas sur cette réflexion, parce que je crois fort indifférent à la prospérité nationale, puisque les retours ne sont pas libres dans tous les ports, qu’ils sefassent à Toulon ou à Marseille. (On demande de nouveau à aller aux voix.) L’article 4 proposé par le comité d’agriculture et du commerce est rejeté et remplacé par la rédaction suivante : Art. 4. « Les retours ne pourront avoir lieu provisoirement que dans les ports de Lorient et de Toulon. » M. Se 5*résident lève la séance à dix heures du soir. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. TREILHARD. Séance du mardi 20 juillet 1790, au matin (1). M. de Ronnay ouvre la séance à neuf heures du matin. M. Garat l'aine donne lecture du procès-verbal d’hier au matin. M. Raband de Saint-Etienne. Le comité de Constitution, sur les observations qui lui ont été faites, vous propose d’ajouter au décret que vous avez rendu hier matin, concernant les bannières données par les municipalités de Paris aux gardes nationales, queces bannières seront portées dans les quatre-vingt trois départements, par les officiers les plus âgés. M. Regnaud (deSaint-Jean-d' Angely) . Dans les gardes nationales, fi y a des officiers et des soldats et ces différences de grades doivent y être conservées comme des devoirs ; mais à la fédération il n’y avait que des frères dont tous les grades étaient suspendus par la qualité égale de députés. Je propose donc de décider que l’honneur de transporter les bannières soit, sans distinction, accordé au plus âgé. M. Rabaud de Saint-Etienne. Le comité de Constitution accepte cet amendement et vous propose, en conséquence, d’ajouter au premier paragraphe du décret, après ces mots : définitif ou alternatif ', ceux-ci : et que la bannière sera portée par le plus ancien d'âge. (Cette addition est mise aux voix et adoptée ainsi que la rédaction du procès-verbal de la séance du matin.) M. Routteville-Rnmetz, autre secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier au soir. Il ne se produit aucune réclamation. M. Vernier, rapporteur du comité des finances. Vous avez adopté, à votre séance d’hier ma-in, (1) Cette séance est incomplète au Moniteur »