[Assemblée nationale.] ARCHIVÉS PARLEMENTAIRES. [I®1' décembre 1789.] 346 aussi une question distincte : une assemblée générale peut-elle être convoquée sur la demande des citoyens? et par quel nombre cette demande doit-elle être faite ? Il me paraît impossible de ne pas diviser et ne pas changer cet article : j’en demande l’ajournement. M. le Président consulte l’Assemblée, qui prononce l’ajournement et renvoie à demain la suite de la discussion. On passe à l’ ordre du jour de deux heures. M. le vicomte de Beauharnais présente le projet d’une nouvelle division de l’Assemblée en comités qui auraient tous un département déterminé. Il croit voir dans cet arrangement la certitude d’accélérer les opérations. Les bureaux seraient entièrement détruits, et tous les comités refondus. Chaque membre se ferait inscrire sur la liste de celui auquel il se croirait le plus propre : si ces listes se trouvaient trop nombreuses, on ferait, au scrutin, un choix parmi les candidats qui se seraient présentés. M. le Président demande si la motion est appuyée. Aucun membre ne répondant, la motion n’est pas mise aux voix. L’ordre du jour appelle la discussion de la motion présentée le 9 octobre, par M. Guillotin , sur les suppliciés. (Voy. Archives parlementaires, tome IX, page 393.) M. Guillotin lit un travail sur le Code pénal. Il établit en principe que la loi doit être égale, quand elle punit comme quand elle protège : chaque développement de ce principe amène un article quel. Guillotin propose à la délibération. Ce discours est fréquemment interrompu par des applaudissements. Une partie de l’Assemblée, vivement émue, demande à délibérer sur-le-champ. Une autre partie paraît vouloir s’y opposer. M. le due de Liancourt observe qu’un grand nombre de citoyens est prêt à subir des arrêts de mort; qu’il est dès lors indispensable de ne pas différer d’un jour, puisqu’un instant de retard peut les livrer à la barbarie des supplices que l’humanité presse d’abolir; puisqu’un instant peut livrer beaucoup de familles an déshonneur dont un préjugé, absurde flétrirait les parents des coupables, et" qu’une loi sage et juste doit flétrir à son tour. L’article 1er, mis en délibération, est décrété à l’unanimité, en ces termes : « Les délits du même genre seront punis par le même genre de peine, quels que soient le rang et l’état du coupable. » La discussion sur les autres articles est ajournée à demain. M. le Président donne connaissance du résultat du scrutin pour la nomination des quatre commissaires adjoints au comité de constitution. Les suffrages se sont portés sur MM. Dupont de Nemours; Bureaux de Puzv ; Aubry-Dubochet; Gossiu. — Après eux, les membres qui ont réuni le plus de voix sont : MM. Fréteau de Raint-Just, Pison du Galand et Malouet. La séance est levée à quatre heures et celle du soir indiquée pour six heures de relevée. ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. DE BOISGELIN, ARCHEVÊQUE d’aix. Séance du mardi 1er décembre 1789, au soir (1). M. Salomon de la Saugerie, l'un de MM. les secrétaires , donne lecture d’une lettre du sieur Beyeiet, citoyen de Paris, dans laquelle il fait hommage à la nation d’un ouvrage contenant le recueil de tout son travail., avant, pendant et après la négociation du traité de commerce avec l’Angleterre. M. le baron de Turckelm, l'un des députés de la ville de Strasbourg , écrit qu’il a donné sa démission à la commune le 24 novembre dernier par rapport au mauvais état de sa santé. M. le baron de Breuii de Colffier, député de la sénéchaussée de Moulins , écrit pour donner sa démission et présenter son suppléant. M. le duc de Croy, député de bailliage du Quesnoy en Hainaut, se démet également et déclare avoir écrit à M. de Nédonchelle, son suppléant. L’Assemblée consent à ces diverses démissions. On lit également une lettre de M. Dufresne, directeur du Trésor royal, portant que c’est effectivement par erreur que la liste des pensions en attribue, comme encore subsistante, une de 20,000 livres au prince de Salm-Kirbourg. Le fait est que le prince en a fait l’abandon, et a cessé d’en jouir au 1er janvier 1788 ; mais qu’il en a obtenu une réversion de 6,000 livres pour le prince Maurice son frère. On a encore lu deux lettres : l’une de MM. le Campion frères, et Guyot, par laquelle ils annoncent l’offre à l’Assemblée nationale d’un tableau, dédié à la nation, représentant la liberté du braconnier ; La seconde lettre est de M. de Lubersac, ancien vicaire général de Narbonne ; il rappelle l’offre agréée purement et simplement par l’Assemblée nationale, d’une somme de 10,000 livres, devant provenir d’ude coupe de bois et réserve qu’il est auturisé à vendre. Il demande que, pour éviter tous les retards et entraves que pourraient mettre les receveurs des bois et domaines, l’Assemblée veuille bien décréter l'offre patriotique qu’il lui a faite, parce que, ajoute-t-il, sans cette formalité, il se trouverait dans l’impossibilité de réaliser son offre. M. Salomon de la Saugerie donne lecture de la lettre suivante ; Lettre de m. mérigot jeune, libraire, A l’Assemblée nationale, en Lui adressant un exemplaire de l'Histoire universelle , etc.. Nosseigneurs, Permettez au citoyen le plus pénétré de respect pour vos décrets, de présenter aux législateurs de la nation, et aux restaurateurs de la prospérité (1) Cette séanee est incomplète au Moniteur. [1er décembre 1789.] [Assemblée nationale.] publique, un exemplaire de l’Histoire universelle de tous les peuples, traduite de l’anglais par une société de gens de lettres, en 44 vol. in-4°, pour obtenir l’honneur d’être placé dans vos archives. La tenue de vos assemblées sera l’époque la plus mémorable dont les continuateurs de cet ouvrage puissent faire un jour mention, et vous servirez de modèles à tous les peuples des monarchies qui voudront fonder la liberté civile sur des bases inébranlables. Je suis avec la plus profonde vénération, Nosseigneurs, Votre très-humble et très-obéissant serviteur, Signé : MÉRIGOT jeune, libraire. Paris, 1er décembre 1789. L’Assemblée applaudit à ce don ; elle ordonne l’impression de la lettre et permet à M. Mérigot d’assister à la séance. M. le Président lit uhe lettre de M. Necker par laquelle il déclare avoir signé l’état financier présenté dernièrement àl’Assernblée par M. Anson, rapporteur, pour les besoins de l’Etat jusqu’au 31 décembre. L’ordre du jour appelle la discussion de la motion de M. de Curt, au nom des colonies réunies pour la nomination d'un comité dès colonies. M. Salomon de la Sangerie, secrétaire donne d’abord lecture d’une adresse de Saint-Domingue. Cette adresse témoigne des craintes de cette colonie, de voir se propager dans son sein, les scènes sanglantes dont la Martinique est en ce moment le théâtre. Les signataires disent: a Nous sommes vos frères et vos concitoyens, et nous sommes sur le point d’être égorgés. Si Saint-Domingue est soulevé, si les noirs se mettent en insurrection, votre commerce est anéanti et vos manufactures seront abandonnées ». M. de Curt prend la parole et sans nommer qui que ce soit il dénonce une compagnie compatissante (1), qui dans l'ombre fait jouer les ressorts de la séduction pour briser le joug de la subordination. 11 conclut en demandant: 1° Que M. le président se retire par-devers le Roi, pour lui exposer l’état de Saint-Domingue; 2° Que l’Assemblée nomme huit députés qui aviseront aux moyens de ramener le calme; 3e Que les assemblées coloniales restent en activité jusqu’à la lin des troubles. M. Salomon de la Saugerïe lit ensuite une lettre des députés du commerce qui après un exposé affligeant de l’état du commerce supplient l’Assemblée" nationale d’autoriser le pouvoir exécutif à déployer toutes ses forces pour sauver les établissements coloniaux qui nous restent. Les députés du commerce s’expriment ainsi: « Nosseigneurs, nous venons déposer notre douleur et nos alarmes dans le sein’de l’Assemblée nationale; nous venons confirmer les sinistres nouvelles du soulèvement de la Martinique dont vous avez déjà connaissance; effrayés des avis relatifs à la Guadeloupe, nous craignons le même sort pour Saint-Domingue et nous n’envisagerons qu’avec désespoir les suites funestes de l’incendie qui bientôt embrasera toutes vos colonies. « Représentants de la nation, notre cause est la 347 cause de la nation, nous sommes vos frères et vos concitoyens ; à ce double titre vous nous devez secours et protection. « Députés des provinces maritimes, le sort de vos provinces est lié au sort des colonies; si vos frères sont égorgés, si la France perd ses colonies, votre ruine est inévitable; que deviennent alors les classes si nombreuses de citoyens utiles que nourrissait l'activité de vos fabriques et de votre commerce? « Nosseigneurs, nous ne nous permettons aucune autre réflexion, nous nous reprocherions de retarder un moment vos délibérations sur un sujet aussi grave. « Il s’agit de préserver vos colonies d’une dissolution prochaine; de sauver la vie de cent mille Français.... il en est peut-être temps encore ..... mais le moindre délai peut être fatal à vos concitoyens. Ils se mettent sous la sauvegarde de l’Assemblée nationale, ils n’invoqueront pas en vain le zèle, l’humanité et l’active sollicitude des représentants de la plus généreuse nation de l’univers. » M. Malouet appuie la formation d’un comité des colonies et conclut : 1° A supplier le Roi de pourvoir à la sûreté, à à la défense et à l’administration des colonies, d’après les lois anciennes jusqu’à ce que les assemblées coloniales aient produit leur représentations et les différentes réformes et améliorations dans le régime et la police dont ces établissements sont susceptibles; 2° A former un comité des colonies composé par tiers de députés coloniaux, de députés commerçants, dé députés non-commerçants ; lequel comité sera chargé de préparer la discussion de toutes les affaires coloniales et de leurs relations avec la métropole, ainsi que du rapportée toutes les adresses et questions incidentes sur lesquelles l’Assemblée ne prendrait de résolution définitive qu’après avoir reçu tous les renseignements et informations exigibles des assemblées coloniales. M. Moreau de Salnt-Méry, député de la Martinique, lit le discours suivant (1) : Messieurs, des doutes raisonnables ont donné lieu à une question, contenue dans le mémoire des ministres du 27 octobre dernier : ces doutes ont pour principe les différences frappantes que la nature a mises entre le physique des différentes parties du globe, et la dissemblance qui se trouve entre le climat et les productions des colonies et ceux de la France. Cette dissemblance, qui n’est pas moins évidente lorsqu’on observe les objets moraux, tels que les lois, les mœurs, les opinions, amène naturellement la question que les ministres ont cru indispensable de vous soumettre. Je crois qu’onpeut avancer, sans témérité, que l’Assemblée nationale, en rendant les décrets destinés à assuivr la prospérité de ce vaste empire et le bonheur de ses habitants, n’a pas eu l’intention directe et précise d’y soumettre les Français qui peuplent les diverses colonies. La preuve s’en tire du silence même qu’elle a gardé à leur égard ; elle se fortifie par ce fait, que l’Assemblée nationale n’a jamais prescrit au ministre qui aies colonies dans sou département, d’y faire parvenir ses décrets, et de leur assurer l’exécution qu’ils ontdans l’iutérieur du royaume. A cette preuve on peut ajouter que l’Assemblée ARCHIVES PARLEMENTAIRES. (1) La Société des amis des noirs. (1) Ce discours n’a pas été inséré au Moniteur.