150 [Assemblée nationale,] ARCHIVES PARLEMENTAIRES! [9 juin 1790. On n’a pas vu que la suppression de ces établissements n’entraîne pas du tout la privation de leurs revenus, pour le canton où ils-sont situés; elle leur en assure, au contraire, la jouissance, en multipliant les possesseurs. Au reste, il n’est aucun des raisonnements applicables aux chapitres de femmes, que l’on n’âit faits en faveur des maisons religieuses d’hommes, et aucun auquel on n’ait répondu. 6° Il n’est personne qui ne sache que les cha-noinesses étaient dans le principe des moinesses; elles ont dégénéré de la simplicité respectable de leur institution première, lorsque l’orgueil et l’opulence eurent pénétré dans les cloîtres. Elles sont devenues riches, chanoinesses nobles de la même manière et par les mêmes causes que des moines, voués à la pauvreté, à la simplicité, sont devenus princes souverains. Il n’y a aucune raison qui puisse porter l’Assemblée nationale à faire pour un ordre de religieux, pour une classe quelconque de religieux, une exception contre laquelle s’élèveraient éternellement les principes fondamentaux de la Constitution et le décret qui supprime les ordres monastiques. 7° Il serait inconcevable que lorsque l’Assemblée nationale a mis et dû mettre à la disposition de la nation tous les biens ecclésiastiques, un établissement religieux, doté de biens ecclésiastiques, les conservât. On pourrait demander sans cesse pourquoi cet oubli des principes, pourquoi cette exception? Il est impossible d’en donner aucun motif , et si, comme on ne peut raisonnablement en douter, l’Assemblée nationale a fait une opération très juste et très utile, en déclarant propriétés nationales les possessions ecclésiastiques, et en; les employant à liquider la dette publique, les chapitres de femmes, qui très certainement n’ont pas en leur faveur les services rendus à la religion, à l'agriculture et aux lettres par plusieurs ordres religieux, ne peuvent se soustraire à une loi non moins juste que nécessaire. Ainsi, sous quelque rapport que l’on envisage cette question, elle est facile à décider. La suppression des chapitres de femmes est une conséquence nécessaire et immédiate des principes constitutionnels. Ces chapitres sont inutiles, ils sont nuisibles, et leur destruction ne peut que profiter aux habitants des cantons où ils sont situés, puisque leurs possessions précaires et beaucoup trop concentrées seront divisées entre un grand nombre de propriétaires perpétuels, in-commutables, qui consommeront leurs revenus sur les lieux. Ce sont là des principes sur lesquels on ne peut élever des doutes sérieux ; mais ii me semble que l’Assemblée nationale en les appliquant dans toute leur rigueur, doit être extrêmement soigneuse de ménager les intérêts particuliers. Il me semble qu’elle doit assurer aux titulaires actuels de bénéfices ecclésiastiques, une existence qui les mette à même de tenir les engagements qu’ils ont contractés dans un temps où ils ne pouvaient ni ne devaient avoir d’incertitude sur leur sort. Ce ne sera pas faveur, ce ne sera pas indulgence, ce sera justice. L’Assemblée nationale me paraît entièrement dans cette opinion, qui trouvera bien peu de contradicteurs parmi les vrais amis de la liberté et de la prospérité de l’Empire. Ainsi, parmi les chanoinesses actuellement dans les chapitres, plusieurs ont fait le sacrifice de leur fortune personnelle, pour s’assurer une existence honnête, d’autres ont renoncé à des espérances considérables, toutes ont dû compter sur la stabilité de leur' état. Il est juste de leur en assurer un équivalent, il ne faut pas qu’une Constitution juste-et fondée sur les premiers principes dut1 droit naturel, soit une source de malheurs privés5 et d’injustices individuelles. Voilà ce que sait, ce-que sent l’Assemblée nationale; voilà ce qui la guidera, lorsqu’elle statuera sur le sort des titulaires*, ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M-DE BONNAY, EX-PRÉSIDENT. Séance du mercredi % juin 1790 (1). La séance est ouverte à 9 heures du matin. M. le marquis de Bonnay, ex-président, occupe le fauteuil, à la place de M. l'abbé Sieyès qui n’est pas présent. M. l’abbé Bumouchel, secrétaire, donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier matin. L’Assemblée renvoie la lecture et la rédaction définitive à demain. M. de Pardieu, autre secrétaire, lit le procès-verbal de la séance d’hier au soir. Ce procès-verbal est adopté. M. le Président fait lecture d’une lettre qui lui a été écrite par le commandant du 3e bataillon de la 3e division de la garde nationale parisienne et d’une adresse de ce bataillon à l’Assemblée nationale, contenant acte de dévouement et d’obéissance à ses décrets. L’ordre du jour est la suite de la discussion sur le décret à porter concernant la fédération générale des gardes nationales et des troupes. M. le vicomté de üfoailles. Conformément à vos ordres, le comité militaire s’est assemblé. Voici la rédaction définitive des articles qu’il m’a chargé de vous soumettre : « Tous les corps militaires, soit de terre, soit de mer, nationaux ou étrangers, députeront à la fédération patriotique, conformément à ce qui sera réglé ci-après. « Chaque régiment d’infanterie ou d’artillerie députera l’oflicier qui sera le plus ancien de service parmi ceux qui seront présents au corps, et les quatre soldats les plus anciens de service, présents au corps, et pris indistinctemeifl parmi’ les caporaux appointés, grenadiers, chasseurs, fusiliers, ou tambours du régiment. « Le régiment du roi et celui des gardes suisses enverront, à raison de leur nombre, une députation double de celle fixée pour les régiments ordinaires. « Les bataillons de chasseurs à pied députeront un officier, un bas-officier et deux chasseurs, conformément aux règles prescrites pour les régiments d’infanterie. « Le corps des ouvriers d’artillerie et celui des mineurs députeront chacun un officier, un bas-(1) Cette séance n’est pas rapportée au Moniteur.