525 [Assemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [28 janvier 1791.] dée et suivie des explications les plus amicales et les plus satisfaisantes de Léopold II. Je dois également faire connaître à l’Assemblée que les dispositions des autres principales cours de l’Europe, loin de présenter des vues hostiles à notre égard, ne nous annoncent au contraire que le désir d’entretenir avec nous l’harmonie et la bonne intelligence. Le roi, en m’ordonnant de donner à l’Assemblée nationale ces notions générales et tranquillisantes, est bien éloigné de vouloir la détourner des mesures de prudence et do précaution qu’elle pourra, dans sa sagesse, déterminer de lui proposer. Il est trop important d’écarter des premiers moments de la formation de notre Constitution jusqu’à l’apparence des troublesextérieurs, pour que des précautions, peu nécessaires dans d’autres circonstances, ne soient pas très convenables dans un moment où des bruits répandus et accrédités dans des intentions peut-être fort différentes, n’en concourent cependant pas avec moins d’efficacité à alarmer les esprits et à troubler la tranquillité publique. Le département qui m’est confié me permet trop rarement des communications avec l’Assemblée nationale, pour que je ne saisisse pas avec empressement cette occasion de la supplier d’être bien persuadée que je ne cesserai d’avoir devant les yeux les devoirs que m’imposent les marques de bienveillance et d’estime dont elle m’a honoré : ces sentiments de sa part me sont d’autant plus précieux et d’autant plus nécessaires, que la nature des affaires que je suis obligé de suivre prête à tous les genres d’inculpations, et que ces inculpations, présentées par les personnes même les plus étrangères à la marche des affaires politiques, peuvent ne pas paraître dépourvues de vraisemblance. Les justifications seraient cependant toujours difficiles, souvent impossibles, et quelquefois criminelles; je dis criminelles, parce que je regarderais comme telles toutes publications qui, n’ayant pour objet que de disculper le ministre, pourraient compromettre la chose publique; telle serait la position dans laquelle se trouverait souvent le ministre des affaires étrangères, s’il n’était assuré de la confiance des représentants de la nation. Honoré déjà des preuves de cette confiance, j’ose en demander la continuation, bien certain de la mériter toujours par la droiture et la pureté de mes intentions, ainsi que par mon attachement à la Constitution. (On applaudit.) Signé : MONTMORIN. Copie de la lettre de l’empereur. « Léopold II, par la grâce de Dieu, empereur romain élu , etc., à Louis, auguste roi très chrétien , salut, etc. « Très sérénissime, très puissant et très chrétien prince, très cher frère, cousin et beau-frère. Votre Majesté n’ignore pas les vœux sincères que nous faisons pour la conservation de la paix avec nos voisins, et en particulier pour le maintien des liaisons d’amitié et d’alliance qui subsistent entre nous et Votre Majesté. Par une suite de ces sentiments, et désirant affermir la bonne intelligence qui subsiste entre l’empire germanique et la nation française, nous croyons devoir exposer sans délai à Votre Majesté les demandes très instantes que le collège électoral nous a adressés dès notre avènement au trône impérial, au sujet des opérations de l’Assemblée nationale de France. « Ladite Assemblée a rendu, au mois d’août de l’année dernière, différents décrets contre lesquels beaucoup de membres du corps germanique portent plaintes, comme étant contraires aux traités publics : c’est à ces griefs que le collège électoral désire que l’on porte remède. Votre Majesté est parfaitement instruite des dispositions de la paix de Munster et des traités postérieurement conclus entre l’Empire d’Allemagne et la couronne de France, relativement aux lieux situés en Alsace et en Lorraine, cédés à cette couronne sous la réserve expresse des droits, tant des ordinaires que des métropolitains; de même que sous celle des commanderies, biens, revenus et droits possédés par des membres de notre Empire : or, il serait contraire au respect dû à la sainteté des traités, respect que votre illustre nation a tant à cœur d’observer, de renverser, par des simples décrets nationaux, ces réserves synallagmatiques. « Quant aux terres et domaines qui n’ont pas été transportés par les empereurs, nos prédécesseurs, ni par l’empire au royaume de France, et qui par conséquent sont soumis à la suprématie de l’empereur, Votre Majesté ne peut se dissimuler qu’aucun membre du corps germanique n’a le droit de transférer à aucune nation étrangère la suprématie appartenant à l’empereur et à l’Empire, sur ses terres. « Tels sont les principes, fondés sur toutes les règles de la justice et de l’équité, que le collège électoral invoque en faveur des membres du Corps germanique, lésés par les opérations de l’Assemblée nationale; et, conformément à ces principes, nous prions très instamment Votre Majesté d’avoir égard aux demandes qui en découlent; en sorte que les décrets de l’Assemblée nationale soient limités dans leur application à l’Empire et à ses membres. Cette base étant admise, il en résultera naturellement que toutes innovations faites en conséquence d’aucuns décrets de l’Assemblée nationale, postérieurs au mois d’août de l’année dernière, cesseront en tant qu’elles regardent notre empire et ses. membres, etque toutes choses seront remises à cet égard sur le pied antérieur à ladite époque : cet acte de justice convaincra tous les membres du Corps germanique des sentiments d’amitié que Votre Majesté a voués à notre Empire, ainsi que du respect de la nation française pour les traités qui subsistent si heureusement entre elle et notre Empire. « La justice de Votre Majesté et de l’illustre nation française, notre très chère amie, ne nous permet point de douter que la réponse que nous prions Votre Majesté de nous faire passer, le plus tôt possible, ne réponde en tout point à notre attente et à nos désirs. Aussitôt qu’elle nous sera parvenue, nous la communiquerons avec autant de joie que d’empressement à tous les ordres de l’Empire, comme un nouveau témoignage d’amitié et de bon voisinage. Nous faisons, en attendant, les vœux les plus sincères pour Votre Majesté. «Ecrit à Vienne, le 4 décembre 1790; de notre règne Je 1er. üe Votre Majesté, le bon ; frère, cousin et beau-frère. Léopold. Et plus bas. Vidit, le prince de Colloredo Mansfeld, J. L. B. de Horise. » Plusieurs membres demandent l’impression de la lettre de M. de Montinorin. M. Rewbell. Sur cette demande, j’ai à dire un mot : L’Assemblée nationale ne peut pas faire 526 [Assemblée nationale.] imprimer une lettre dan? laquelle il est dit que l’empereur a écrit tout autrement que Léopold n’auiait l'ait. M. Merlin. Je me joins à M. Rewbell pour vous suppiierdene point ordonner officiellement l’impression de cette lettre. Il est bien à croire, Messieurs, que ce diplôme de l’empereur dont vous venez d’entendre la lecture n’aurait jamais été écrit, si M. de Montmorin avait pris des mesures promptes et efficaces pour exécuter votre décret du 29 octobre par lequel vous avez chargé le pouvoir exécutif de négocier avec les princes d’Allemagne, concessionnaires en Alsace, pour les indemnités que vous avez décrété être dans l’intention de leur accorder. Je ne cherche pas à calomnier M. de Montmorin; mais il m’est revenu, il y a trots mois, qu’il s’est passé plus de six semaines avant qu’aucune démarche ait été faite de sa part, pour nommer des négociateurs. Il y a même plus, Messieurs, c’est que plus de trois semaines après que le décréta été sanctionné, et que la sanction a été annoncée à la tribune, M. de Montmorin demanda à plusieurs membres du comité diplomatique : « Mais, Messieurs, quand est-ce donc que vous ferez sanctionner le decret du 29 octobre, ce décret que j’ai tant attendu? » Ainsi trois semaines au moins s’étaient écoulées sans que ce décret sanctionné eût été cunuu de M. de Montmorin. Je demande si c’est le cas d’ordonner l’impression de celte lettre? Ce que je dis, Messieurs, n’est pas pour inculper M. de Mont-mortn. A Dieu ne plaise que je veuille dénigrer un ministre qui a toujours passé dans mon esprit pour un très honnête homme; mais ce que je dis, c’tst po. r lui donner l’occasion de repousser l’inculpation dont il est chargé, si c’est une calomnie; et pour le soumettre lui-même à la responsabilité, si cette inculpation est fondée. M. d'André. L’observation de deux préopinants ne peut point empêcher l’impression de la lettre. La demande de l’impression est absolument diifé-rente des mesures que peut avoir prises M. de Montmorin, et desquelles je rendrai compte à l’Assemblée, si elle le juge à propos. Quant à l’impression de la lettre, nous l’avons demandée précisément par le motif puur lequel on ne veut pas qu’on l’imprime; c’est afin que la nation voie que s’il est arrivé un diplôme de l’empereur, ce n’est qu’un diplôme de la chancellerie de l’Empire. Ceci n’est qu’une lettre à laquelle l’empereur a été forcé, comme chef de l’Empire. La nation doit être tranquille sur les dispositions personnelles de l’empereur. Quand vous faites imprimer les lettres ues ministres, c’e.-t ordinairement pour deux objets: l’un de constater les sentiments du ministre, et c’est pour cela que vous avez fait imprimer de semblables lettres, l’autre pour tranquilliser la nation sur les inquiétudes qu’on lui a données, et qui ne sont point fondées. Or, dans ce moment, cette demande reunit les deux objets, puisque la lettre de M. de Mont-moiin contient certainement de bons sentiments, et puisque, d’un autre côté, elle peut tranquilliser la nation entière sur les sentiments que les malintentionnés (fourraient supposer à l’empereur, en disant que la lettre de l’empereur est une espèce de déclaration de guerre, comme on l’a déjà dit, tandis que la lettre de l’empereur n’est, pour ainsi dire, qu’une lettre de convenance, une lettre qu’il devait écrire cou mie chef de l’Empire, une lettre par conséquent qui ne doit, qui ne peut nullement alarmer les bons citoyens, surtout [28 janvier 1791.] quand la lettre de M. de Montmorin constate officiellement que les intentions de l’empereur sont bonnes et pacifiques. Ainsi c’est précisément parce qu’il y a dans la lettre de M. de Montmorin l’attestation de ces sentiments que j’en demande l’impression. Quant aux mesures, je ne sais pas pourquoi on dit qu’il n’y a pas de mesures prises. J’atteste qu’il y a déjà des négociations fort avancées, si elles ne sont pas finies; qu’il y a ici des envoyés des princes d’Alsace; qu’il y a en Allemagne des envoyés de France. Un membre : Depuis quand ? M. d’André. Depuis très longtemps. Le comité ecclésiastique a connaissance de diverses lettres des princes étrangers, de l’évêque de Spire, etc... Il y en a qui en ont dans leurs poches mêmes. Il est possible qu’on puisse mettre sous les yeux de l’Assemblée nationale des négociations politiques ; ce serait les faire échouer totalement si on les faisait connaître à un Corps législatif composé de 1 ,200 personnes, et surtout eu présence des tribunes. M. Rewbell. Il n’est pas dans notre intention de nous attirer l’animadversion de Léopold, nous ne devons pas forcer Léopold et l’empereur à ne faire qu’un seul individu, et je pense que la lettre de M. de Montmorin est une impéritie politique. M. Merlin. L’Assemblée ne peut pas ordonner l’impression d’une lettre qui est contraire à l’esprit de ses decrets; je demande l’ordre du jour. (L’Assemblée passe à l’ordre du jour.) L’ordre du jour est un rapport du comité militaire relatif à la distribution de fusils aux gardes nationales des départements et districts. M. de Menou, rapporteur. Messieurs, l’Assemblée nationale, par un décret en date du 18 décembre, sanctionné par le roi le 25 du même mois, a ordonné que le roi serait prié de faire délivrer par les arsenaux militaires, aux a uni-nistratioiis de départemeuts, 50,000 fusils, destinés àd’armement des gardes nationales. Depuis l’époque de ce décret, l’inquiétude politique que témoignaient plusieurs puissances de l’Europe, les préparatifs qu’elles semblaient faire, vous ont déterminés à prendre des mesures.de précaution, et vous avez en conséquence ordonné à plusieurs de vos comités de vous présenter un projet qui pût rassurer le peuple, et mettre vos frontières dans l’etat de défense le plus respectable. Le moyen le plus certain de calmer les inquiétudes que peuvent faire naître les puissances voisines, c’est d’inspirer aux Français une telle confiance en eux-mêmes, et dans leurs propres forces, qu’ils soient bien convaincus que personne n’osera les attaquer; ou que s’il se trouvait une nation assez folle pour l’entreprendre, elle sentirait bientôt avec quel courage et quelle éuergie un peuple libre défend ses foyers. Q ie toutes les nations de l’Europe apprennent que si jamais elles nous forcent à faire la guerre; ce q i, d’après les principes que nous avons si solennellement consacres, ne sera qu’à noire corps défendant ; qu’elles apprennent, dis-je, qoe ce sera une guerre à mort, que nous ne combattrons pas pour faire des traités aussi insidieux, que les guerres qui les précédaient étaient injustes; mais pour dé-ARCHIYES PARLEMENTAIRES.