SÉANCE DU 22 PRAIRIAL AN II (10 JUIN 1794) - N° 71 483 sements ). Nous braverons les insinuations perfides par lesquelles on voudrait taxer de sévérité outrée les mesures que prescrit l’intérêt public. Cette sévérité n’est redoutable que pour les conspirateurs, que pour les ennemis de la liberté. ( Applaudissements ) . BOURDON (de l’Oise) : Il y a dans la discussion qui vient de s’élever un point autour duquel tous les esprits se rallieront. Dans son discours, Robespierre nous a dit qu’il manquait de jurés. Eh bien, comme aucun de nous ne veut ralentir la marche de la justice nationale, ni exposer la liberté publique, divisons la proposition : adoptons la liste que nous présente le comité pour compléter le nombre des juges et des jurés et ajournons le reste. ROBESPIERRE : Je demande que le projet soit discuté article par article et séance tenante. Je motive ma demande en un seul mot : d’abord cette loi n’est ni plus obscure ni plus compliquée que celles que le comité vous a déjà soumises pour le salut de la patrie. J’observe d’ailleurs que depuis longtemps la Convention nationale discute et décrète sur le champ, parce que depuis longtemps elle n’est plus asservie à l’empire des factions, parce que depuis longtemps il y a dans sa très grande majorité un assentiment prononcé pour le bien public. ( Vifs applaudissements ). Je dirai donc que des demandes d’attermoiement de la fortune de la République sont affectées dans ce moment; que, quand on est bien pénétré des dangers de la patrie et de ceux que courent ses défenseurs, dans quelque lieu qu’ils se trouvent, quelque poste qu’ils occupent, on est plus enclin à porter des coups rapides contre ses ennemis qu’à provoquer des lenteurs qui ne sont que des délais pour l’aristocratie qui les emploie à corrompre l’opinion et à former de nouvelles conspirations. On se trompe si l’on croit que la bonne foi des patriotes a trop de force contre les efforts des tyrans de l’Europe et de leurs vils agents, dont la rage se manifeste par les calomnies et les crimes qu’ils ne cessent de vomir sur cette enceinte, qui ne vous laisseront aucun repos, et qui ne vous épargneront ni artifices ni conspirations impies que quand ils n’existeront plus. Quiconque est embrasé de l’amour de la patrie accueillera avec transport les moyens d’atteindre et de frapper ses ennemis. Je demande que, sans s’arrêter à la proposition de l’ajournement, la Convention discute jusqu’à 9 heures du soir s’il le faut, le projet de loi qui lui est soumis. ( Vifs applaudissements) . La proposition de Robespierre est décrétée. Couthon lit les 5 premiers articles, ils sont adoptés sans discussion. Le rapporteur lit l’article VI. ... : Je demande que les petits dilapidateurs, ceux qui auraient fait des fraudes dans la vente des domaines nationaux, ne soient pas compris dans l’article, et qu’on s’en tienne à la loi qui a été rendue contre eux, et qui ordonne leur poursuite devant les tribunaux criminels ordinaires. L’article est adopté avec cet amendement. Les articles VII, VIII, IX, X, XI, et XII sont adoptés. Le rapporteur lit l’article XIH. On demande, par amendement, que l’accusé ait dans tous les cas la faculté d’appeler des témoins en sa faveur. ROBESPIERRE : L’article est tout en faveur des patriotes. Le jury est la conscience de la République. Un homme est traduit au tribunal révolutionnaire : si sa conduite est ignorée et qu’il y ait des preuves matérielles contre lui, il est condamné; s’il n’y a pas de preuves matérielles, dans ce cas on appelle des témoins. GASTON : Il y a des cas où un patriote est persécuté pour avoir fait trop de bien; il est dénoncé par des sociétés populaires ou des comités révolutionnaires; il sera sûrement condamné s’il n’a pas la faculté de produire des preuves en sa faveur. On répond à Gaston qu’il a cette faculté. L’article est adopté (1). Sur cette discussion la Convention nationale rend le décret suivant. « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport du comité de salut public, décrète : « Art. I. - Il y aura au tribunal révolutionnaire un président et quatre vice-présidens, un accusateur-public, quatre substituts de l’accusateur public, et douze juges. « II. - Les jurés seront au nombre de cinquante. « III. - Les diverses fonctions seront exercées par les citoyens dont les noms suivent: Président « Dumas. V ice-présidens « Coffinhal, Sellier, Naulin, Ragmey. Accusateur public « Fouquier. Substituts « Gribauval, Royer, Liendon, Givois, agent national du district de Cusset. Juges « Deliège, Foucaut, Verteuil, Maire, Bravet, Barbier (de l’Orient), Harny, Garnier-Launay; Paillet, professeur de rhétorique à Châlons; Laporte, membre de la commission militaire à Tours, Félix, idem; Loyer, section Marat. Jurés Renaudin, Benoitrais, Fauvetti, Lumière, Fe-néaux, Gauthier, Meyere, Châtelet, Petit-Tres-sin, Trinchard, Topino-Lebrun, Pijot, Girard, Presselin, Didier, Vilatte, Dix-Août, Laporte, Genney, Brochet, Aubry, Gemont, Prieur, Du-play, Deveze, Desboisseaux, Nicolas, Gravier, Billon, tous jurés actuels; Subleyras, Laveyron l’aîné, cultivateur à Creteil; Fillon, fabricant à Commune-Affranchie; Potheret (de Châlons-sur-Saone); Masson, cordonnier à Commune-Affranchie; Marbel, artiste; Laurent, membre du comité révolutionnaire de la section des Piques; Villers, rue Caumartin; Moulin, section de la République; Depreau, artiste, rue du Sentier; Emmery, marchand chapelier, département du Rhône; Lafontaine, de la section du (1) Mon., XX, 694; C. Eg., n° 661; J. S.-Culottes, n° 483. SÉANCE DU 22 PRAIRIAL AN II (10 JUIN 1794) - N° 71 483 sements ). Nous braverons les insinuations perfides par lesquelles on voudrait taxer de sévérité outrée les mesures que prescrit l’intérêt public. Cette sévérité n’est redoutable que pour les conspirateurs, que pour les ennemis de la liberté. ( Applaudissements ) . BOURDON (de l’Oise) : Il y a dans la discussion qui vient de s’élever un point autour duquel tous les esprits se rallieront. Dans son discours, Robespierre nous a dit qu’il manquait de jurés. Eh bien, comme aucun de nous ne veut ralentir la marche de la justice nationale, ni exposer la liberté publique, divisons la proposition : adoptons la liste que nous présente le comité pour compléter le nombre des juges et des jurés et ajournons le reste. ROBESPIERRE : Je demande que le projet soit discuté article par article et séance tenante. Je motive ma demande en un seul mot : d’abord cette loi n’est ni plus obscure ni plus compliquée que celles que le comité vous a déjà soumises pour le salut de la patrie. J’observe d’ailleurs que depuis longtemps la Convention nationale discute et décrète sur le champ, parce que depuis longtemps elle n’est plus asservie à l’empire des factions, parce que depuis longtemps il y a dans sa très grande majorité un assentiment prononcé pour le bien public. ( Vifs applaudissements ). Je dirai donc que des demandes d’attermoiement de la fortune de la République sont affectées dans ce moment; que, quand on est bien pénétré des dangers de la patrie et de ceux que courent ses défenseurs, dans quelque lieu qu’ils se trouvent, quelque poste qu’ils occupent, on est plus enclin à porter des coups rapides contre ses ennemis qu’à provoquer des lenteurs qui ne sont que des délais pour l’aristocratie qui les emploie à corrompre l’opinion et à former de nouvelles conspirations. On se trompe si l’on croit que la bonne foi des patriotes a trop de force contre les efforts des tyrans de l’Europe et de leurs vils agents, dont la rage se manifeste par les calomnies et les crimes qu’ils ne cessent de vomir sur cette enceinte, qui ne vous laisseront aucun repos, et qui ne vous épargneront ni artifices ni conspirations impies que quand ils n’existeront plus. Quiconque est embrasé de l’amour de la patrie accueillera avec transport les moyens d’atteindre et de frapper ses ennemis. Je demande que, sans s’arrêter à la proposition de l’ajournement, la Convention discute jusqu’à 9 heures du soir s’il le faut, le projet de loi qui lui est soumis. ( Vifs applaudissements) . La proposition de Robespierre est décrétée. Couthon lit les 5 premiers articles, ils sont adoptés sans discussion. Le rapporteur lit l’article VI. ... : Je demande que les petits dilapidateurs, ceux qui auraient fait des fraudes dans la vente des domaines nationaux, ne soient pas compris dans l’article, et qu’on s’en tienne à la loi qui a été rendue contre eux, et qui ordonne leur poursuite devant les tribunaux criminels ordinaires. L’article est adopté avec cet amendement. Les articles VII, VIII, IX, X, XI, et XII sont adoptés. Le rapporteur lit l’article XIH. On demande, par amendement, que l’accusé ait dans tous les cas la faculté d’appeler des témoins en sa faveur. ROBESPIERRE : L’article est tout en faveur des patriotes. Le jury est la conscience de la République. Un homme est traduit au tribunal révolutionnaire : si sa conduite est ignorée et qu’il y ait des preuves matérielles contre lui, il est condamné; s’il n’y a pas de preuves matérielles, dans ce cas on appelle des témoins. GASTON : Il y a des cas où un patriote est persécuté pour avoir fait trop de bien; il est dénoncé par des sociétés populaires ou des comités révolutionnaires; il sera sûrement condamné s’il n’a pas la faculté de produire des preuves en sa faveur. On répond à Gaston qu’il a cette faculté. L’article est adopté (1). Sur cette discussion la Convention nationale rend le décret suivant. « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport du comité de salut public, décrète : « Art. I. - Il y aura au tribunal révolutionnaire un président et quatre vice-présidens, un accusateur-public, quatre substituts de l’accusateur public, et douze juges. « II. - Les jurés seront au nombre de cinquante. « III. - Les diverses fonctions seront exercées par les citoyens dont les noms suivent: Président « Dumas. V ice-présidens « Coffinhal, Sellier, Naulin, Ragmey. Accusateur public « Fouquier. Substituts « Gribauval, Royer, Liendon, Givois, agent national du district de Cusset. Juges « Deliège, Foucaut, Verteuil, Maire, Bravet, Barbier (de l’Orient), Harny, Garnier-Launay; Paillet, professeur de rhétorique à Châlons; Laporte, membre de la commission militaire à Tours, Félix, idem; Loyer, section Marat. Jurés Renaudin, Benoitrais, Fauvetti, Lumière, Fe-néaux, Gauthier, Meyere, Châtelet, Petit-Tres-sin, Trinchard, Topino-Lebrun, Pijot, Girard, Presselin, Didier, Vilatte, Dix-Août, Laporte, Genney, Brochet, Aubry, Gemont, Prieur, Du-play, Deveze, Desboisseaux, Nicolas, Gravier, Billon, tous jurés actuels; Subleyras, Laveyron l’aîné, cultivateur à Creteil; Fillon, fabricant à Commune-Affranchie; Potheret (de Châlons-sur-Saone); Masson, cordonnier à Commune-Affranchie; Marbel, artiste; Laurent, membre du comité révolutionnaire de la section des Piques; Villers, rue Caumartin; Moulin, section de la République; Depreau, artiste, rue du Sentier; Emmery, marchand chapelier, département du Rhône; Lafontaine, de la section du (1) Mon., XX, 694; C. Eg., n° 661; J. S.-Culottes, n° 483. 484 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Muséum; Blachet, payeur-général à l’armée des Alpes; Debeaux, greffier du tribunal du district de Valence; Gouillard, administrateur du district de Béthune; Dereys, section de la Montagne; Duquesnel, du comité révolutionnaire de l’Orient; Hannoyer, idem; Butins, section de la République; Pecht, fauxbourg Honoré, numéro 169; Muguin, du comité de surveillance de Mirecourt. « Le tribunal révolutionnaire se divisera par sections, composées de douze membres; savoir, trois juges et neuf jurés, lesquels jurés ne pourront juger en moindre nombre que celui de sept. « IV. - Le tribunal révolutionnaire est institué pour punir les ennemis du peuple. « V. - Les ennemis du peuple sont ceux qui cherchent à anéantir la liberté publique, soit par la force, soit par la ruse. « VI. - Sont réputés ennemis du peuple, ceux qui auront provoqué le rétablissement de la royauté, ou cherché à avilir ou à dissoudre la Convention nationale et le gouvernement révolutionnaire et républicain, dont elle est le centre; « Ceux qui auront trahi la République dans le commandement des places et des armées, ou dans toute autre fonction militaire, entretenu des intelligences avec les ennemis de la République, travaillé à faire manquer les appro-visionnemens ou le service des armées; « Ceux qui auront cherché à empêcher les approvisionnemens de Paris, ou à causer la disette dans la République; « Ceux qui auront secondé les projets des ennemis de la France, soit en favorisant la retraite et l’impunité des conspirateurs et de l’aristocratie, soit en persécutant et calomniant le patriotisme, soit en corrompant les mandataires du peuple, soit en abusant des principes de la révolution, des lois ou des mesures du gouvernement, par des applications fausses et perfides; « Ceux qui auront trompé le peuple ou les représentans du peuple, pour les induire à des démarches contraires aux intérêts de la liberté; « Ceux qui auront cherché à inspirer le découragement pour favoriser les entreprises des tyrans ligués contre la République; « Ceux qui auront répandu de fausses nouvelles pour diviser ou pour troubler le peuple; « Ceux qui auront cherché à égarer l’opinion et à empêcher l’instruction du peuple, à dépraver les mœurs et à corrompre la conscience publique, et altérer l’énergie et la pureté des principes révolutionnaires et républicains, ou à en arrêter les progrès, soit par des écrits contre-révolutionnaires ou insidieux, soit par toute autre machination; « Les fournisseurs de mauvaise foi qui compromettent le salut de la République, et les dilapidateurs de la fortune publique, autres que ceux compris dans les dispositions de la loi du 7 frimaire; « Ceux qui étant chargés de fonctions publiques, en abusent pour servir les ennemis de la révolution, pour vexer les patriotes, pour opprimer le peuple; « Enfin, tous ceux qui sont désignés dans les lois précédentes, relatives à la punition des conspirateurs et contre-révolutionnaires, et qui, par quelques moyens que ce soit et de quelques dehors qu’ils se couvrent, auront attenté à la liberté, à l’unité, à la sûreté de la République, ou travaillé à en empêcher l’affermissement. « VII. - La peine portée contre tous les délits dont la connoissance appartient au tribunal révolutionnaire, est la mort. « VIII. - La preuve nécessaire pour condamner les ennemis du peuple, est toute espèce de document, soit matérielle, soit morale, soit verbale, soit écrite, qui peut naturellement obtenir l’assentiment de tout esprit juste et raisonnable. La règle des jugemens est la conscience des jurés éclairés par l’amour de la patrie; leur but, le triomphe de la République et la ruine de ses ennemis; la procédure, les moyens simples que le bon sens indique pour parvenir à la connoissance de la vérité dans les formes que la loi détermine. « Elle se borne aux points suivans : « IX. - Tout citoyen a le droit de saisir et de traduire devant les magistrats les conspirateurs et les contre-révolutionnaires. Il est tenu de les dénoncer dès qu’il les connoît. « X. - Nul ne pourra traduire personne au tribunal révolutionnaire, si ce n’est la Convention nationale, le comité de salut public, le comité de sûreté générale, les représentans du peuple commissaires de la Convention, et l’accusateur public du tribunal révolutionnaire. « XI. - Les autorités constituées en général ne pourront exercer ce droit, sans en avoir prévenu le comité de salut public et le comité de sûreté générale, et obtenu leur autorisation. « XII. - L’accusé sera interrogé à l’audience et en public; la formalité de l’interrogatoire secret qui précède est supprimée comme superflue; elle ne pourra avoir lieu que dans les circonstances particulières où elle seroit jugée utile à la connoissance de la vérité. « XIII. - S’il existe des preuves, soit matérielles, soit morales, indépendamment de la preuve testimoniale, il ne sera point entendu de témoins, à moins que cette formalité ne paroisse nécessaire, soit pour découvrir des complices, soit pour d’autres considérations majeures d’intérêt public. « XIV. - Dans le cas où il y auroit lieu à cette preuve, l’accusateur public fera appeler les témoins qui peuvent éclairer la justice, sans distinction de témoins à charge ou à décharge. « XV. - Toutes les dépositions seront faites en public, et aucune déposition écrite ne sera reçue, à moins que les témoins ne soient dans l’impossibilité de se transporter au tribunal; et dans ce cas, il sera nécessaire d’une autorisation expresse des comités de salut public et de sûreté générale. « XVI. - La loi donne pour défenseurs aux patriotes calomniés des jurés patriotes; elle n’en accorde point aux conspirateurs. « XVII. - Les débats finis, les jurés formeront leur déclaration, et les juges prononceront la peine de la manière déterminée par les lois. « Le président posera la question avec clarté précision et simplicité. Si elle étoit présentée d’une manière équivoque ou inexacte, le juré 484 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE Muséum; Blachet, payeur-général à l’armée des Alpes; Debeaux, greffier du tribunal du district de Valence; Gouillard, administrateur du district de Béthune; Dereys, section de la Montagne; Duquesnel, du comité révolutionnaire de l’Orient; Hannoyer, idem; Butins, section de la République; Pecht, fauxbourg Honoré, numéro 169; Muguin, du comité de surveillance de Mirecourt. « Le tribunal révolutionnaire se divisera par sections, composées de douze membres; savoir, trois juges et neuf jurés, lesquels jurés ne pourront juger en moindre nombre que celui de sept. « IV. - Le tribunal révolutionnaire est institué pour punir les ennemis du peuple. « V. - Les ennemis du peuple sont ceux qui cherchent à anéantir la liberté publique, soit par la force, soit par la ruse. « VI. - Sont réputés ennemis du peuple, ceux qui auront provoqué le rétablissement de la royauté, ou cherché à avilir ou à dissoudre la Convention nationale et le gouvernement révolutionnaire et républicain, dont elle est le centre; « Ceux qui auront trahi la République dans le commandement des places et des armées, ou dans toute autre fonction militaire, entretenu des intelligences avec les ennemis de la République, travaillé à faire manquer les appro-visionnemens ou le service des armées; « Ceux qui auront cherché à empêcher les approvisionnemens de Paris, ou à causer la disette dans la République; « Ceux qui auront secondé les projets des ennemis de la France, soit en favorisant la retraite et l’impunité des conspirateurs et de l’aristocratie, soit en persécutant et calomniant le patriotisme, soit en corrompant les mandataires du peuple, soit en abusant des principes de la révolution, des lois ou des mesures du gouvernement, par des applications fausses et perfides; « Ceux qui auront trompé le peuple ou les représentans du peuple, pour les induire à des démarches contraires aux intérêts de la liberté; « Ceux qui auront cherché à inspirer le découragement pour favoriser les entreprises des tyrans ligués contre la République; « Ceux qui auront répandu de fausses nouvelles pour diviser ou pour troubler le peuple; « Ceux qui auront cherché à égarer l’opinion et à empêcher l’instruction du peuple, à dépraver les mœurs et à corrompre la conscience publique, et altérer l’énergie et la pureté des principes révolutionnaires et républicains, ou à en arrêter les progrès, soit par des écrits contre-révolutionnaires ou insidieux, soit par toute autre machination; « Les fournisseurs de mauvaise foi qui compromettent le salut de la République, et les dilapidateurs de la fortune publique, autres que ceux compris dans les dispositions de la loi du 7 frimaire; « Ceux qui étant chargés de fonctions publiques, en abusent pour servir les ennemis de la révolution, pour vexer les patriotes, pour opprimer le peuple; « Enfin, tous ceux qui sont désignés dans les lois précédentes, relatives à la punition des conspirateurs et contre-révolutionnaires, et qui, par quelques moyens que ce soit et de quelques dehors qu’ils se couvrent, auront attenté à la liberté, à l’unité, à la sûreté de la République, ou travaillé à en empêcher l’affermissement. « VII. - La peine portée contre tous les délits dont la connoissance appartient au tribunal révolutionnaire, est la mort. « VIII. - La preuve nécessaire pour condamner les ennemis du peuple, est toute espèce de document, soit matérielle, soit morale, soit verbale, soit écrite, qui peut naturellement obtenir l’assentiment de tout esprit juste et raisonnable. La règle des jugemens est la conscience des jurés éclairés par l’amour de la patrie; leur but, le triomphe de la République et la ruine de ses ennemis; la procédure, les moyens simples que le bon sens indique pour parvenir à la connoissance de la vérité dans les formes que la loi détermine. « Elle se borne aux points suivans : « IX. - Tout citoyen a le droit de saisir et de traduire devant les magistrats les conspirateurs et les contre-révolutionnaires. Il est tenu de les dénoncer dès qu’il les connoît. « X. - Nul ne pourra traduire personne au tribunal révolutionnaire, si ce n’est la Convention nationale, le comité de salut public, le comité de sûreté générale, les représentans du peuple commissaires de la Convention, et l’accusateur public du tribunal révolutionnaire. « XI. - Les autorités constituées en général ne pourront exercer ce droit, sans en avoir prévenu le comité de salut public et le comité de sûreté générale, et obtenu leur autorisation. « XII. - L’accusé sera interrogé à l’audience et en public; la formalité de l’interrogatoire secret qui précède est supprimée comme superflue; elle ne pourra avoir lieu que dans les circonstances particulières où elle seroit jugée utile à la connoissance de la vérité. « XIII. - S’il existe des preuves, soit matérielles, soit morales, indépendamment de la preuve testimoniale, il ne sera point entendu de témoins, à moins que cette formalité ne paroisse nécessaire, soit pour découvrir des complices, soit pour d’autres considérations majeures d’intérêt public. « XIV. - Dans le cas où il y auroit lieu à cette preuve, l’accusateur public fera appeler les témoins qui peuvent éclairer la justice, sans distinction de témoins à charge ou à décharge. « XV. - Toutes les dépositions seront faites en public, et aucune déposition écrite ne sera reçue, à moins que les témoins ne soient dans l’impossibilité de se transporter au tribunal; et dans ce cas, il sera nécessaire d’une autorisation expresse des comités de salut public et de sûreté générale. « XVI. - La loi donne pour défenseurs aux patriotes calomniés des jurés patriotes; elle n’en accorde point aux conspirateurs. « XVII. - Les débats finis, les jurés formeront leur déclaration, et les juges prononceront la peine de la manière déterminée par les lois. « Le président posera la question avec clarté précision et simplicité. Si elle étoit présentée d’une manière équivoque ou inexacte, le juré SÉANCE DU 22 PRAIRIAL AN II (10 JUIN 1794) - N° 71 485 pourroit demander qu’elle fût posée d’une autre manière. « XVIII. - L’accusateur public ne pourra de sa propre autorité renvoyer un prévenu adressé au tribunal, ou qu’il y auroit fait traduire lui-même : dans le cas où il n’y auroit pas matière à une accusation devant le tribunal, il en fera un rapport écrit et motivé à la chambre du conseil, qui prononcera; mais aucun prévenu ne poura être mis hors de jugement, avant que la décision de la chambre n’ait été communiquée au comité de salut public et de sûreté générale, qui l’examineront. « XIX. - Il sera fait un registre double des personnes traduites au tribunal révolutionnaire, l’un pour l’accusateur public, et l’autre au tribunal, sur lequel seront inscrits tous les prévenus, à mesure qu’ils seront traduits. «XX. - La Convention déroge à toutes celles des dispositions des lois précédentes, qui ne concorderoient point avec le présent décret, et n’entend pas que les lois concernant l’organisation des tribunaux ordinaires s’appliquent aux crimes de contre-révolution et à l’action du tribunal révolutionnaire. « XXI. - Le rapport du comité sera joint au présent décret, comme instruction « XXII - L’insertion du décret au bulletin vaudra promulgation. » Suit la teneur dudit rapport. Rapport sur le tribunal révolutionnaire, fait au nom du comité de salut public par Couthon Toutes nos idées, dans les diverses parties du gouvernement, étoient à réformer; elles n’étoient toutes que des préjugés créés par la perfidie et par l’intérêt du despotisme, ou bien un mélange bizarre de l’imposture et de la vérité, inévitable effet des transactions que la raison lui avoit arrachées. Ces notions fausses ou obscures, ont survécu, en grande partie, à la révolution même, parce que les ennemis de la liberté ont épuisé toutes les ressources de l’intrigue pour les perpétuer. L’ordre judiciaire sur-tout nous en offre un exemple frappant; il étoit aussi favorable au crime qu’oppressif pour l’innocence. L’univers en dénonçoit les vices, quand Sé-guier en faisoit encore le panégyrique. La révolution est bien loin de les avoir tous fait disparoître. Comment pourroit-on le penser, si l’on se rappelle que notre nouveau code criminel est l’ouvrage des conspirateurs les plus infâmes de l’assemblée constituante, et que le nom de Duport en souille le frontispice ! Le charlatanisme machiavélique, qui l’a créé, a pu venir à bout de le faire préconiser machinalement par l’ignorance crédule; mais il a changé les termes de la jurisprudence plutôt que l’esprit, et en a calculé les dispositions sur l’intérêt des riches et des factions, beaucoup plus que sur celui de la justice et de la vérité. Les droits de la République ont été bien moins respectés encore dans la poursuite des crimes contre la liberté, que ceux de la tran-quilité publique et des foibles dans la poursuite des délits ordinaires; il suffiroit de citer le nom de la haute-cour nationale : les temps moins malheureux qui ont suivi, ne sont pas à beaucoup près, exempts du même reproche. La faction immortelle des indulgens, qui se confond avec toutes les autres, qui en est la patrone et le soutien, n’a cessé de prendre sous sa sauve-garde les maximes protectrices des traîtres et l’activité de la justice, sans proportion avec celle des ennemis de la patrie et avec leur multitude innombrable, a toujours laissés flottantes les destinées de la République. Le tribunal révolutionnaire, long-temps paralysé, à justifié son titre, plutôt par le civisme de ses membres, que par les formes de son organisation, sur laquelle ont puissamment influé les conspirateurs mêmes que la conscience de leurs crimes forçoit à le redouter. Que n’ont-ils pas fait pour l’enlacer dans les entraves de la chicane et de l’ancienne jurisprudence ! Le régime du despotisme avoit créé une vérité judiciaire qui n’étoit point la vérité morale et naturelle, qui lui étoit même opposée, et qui cependant décidoit seule; avec les passions, du sort de l’innocence et du crime; l’évidence n’avoit pas le droit de convaincre sans témoins ni sans écrits; et le mensonge, environné de ce cortège, avoit celui de dicter les arrêts de la justice. La judicature étoit une espèce de sacerdoce fondé sur l’erreur, et la justice une fausse religion qui consistoit toute entière en dogmes, en rites et en mystères et dont la morale étoit bannie. Les indulgens contre-révolutionnaires voulurent assujétir à ces règles la justice nationale et le cours de la révolution. Les preuves morales étoient comptées pour rien, comme si une autre règle pouvoit déterminer les jugemens humains; comme si les preuves les plus matérielles elles-mêmes pouvoient valoir autrement que comme preuves morales. La perfidie contre-révolutionnaire cachoit, sous le voile d’une délicatesse hypocrite, le dessein d’assurer l’impunité des conspirateurs, assassinoit le peuple par fausse humanité, et trahissoit la patrie par scrupule. Tout concouroit à amolir ou à égarer la justice; l’intrigue l’environnoit de ses pièges, l’aristocratie l’intimidoit par ses éternelles clameurs. On voyoit sans surprise des femmes sans pudeur demander qu’on sacrifiât la liberté à leurs parens, à leurs maris, à leurs amis, c’est-à-dire, presque toujours à leurs complices. Tout le monde sollicitoit pour la parenté, pour l’amitié, pour la contre-révolution; personne ne sollicitoit pour la patrie : la faction des indulgens ne manquoit jamais de prétextes pour la faire oublier. Tantôt elle opposoit les prétendues vertus privées des ennemis du peuple, à leurs crimes publics, comme si la vertu pouvoit habiter avec le crime; tantôt elle leur cherchoit des titres de patriotisme dans les monumens mêmes de leur coupable hypocrisie; tantôt elle appeloit la haine et les poignards sur la tête des représentai fidèles ou des juges intègres qui avoient le courage de venger la patrie. Mais autant elle étoit indulgente pour les grands scélérats, autant elle étoit inéxorable pour les malheureux; elle ne trouvoit jamais un ennemi de la révolution convaincu, ni un patriote innocent. Ces féroces et lâches ennemis de l’humanité, tout couverts du sang du peuple, appeloient hommes de sang ceux qui vouloient sauver lhumanité par la justice, et quelquefois ils venoient à bout de les affoiblir ou de les étonner. SÉANCE DU 22 PRAIRIAL AN II (10 JUIN 1794) - N° 71 485 pourroit demander qu’elle fût posée d’une autre manière. « XVIII. - L’accusateur public ne pourra de sa propre autorité renvoyer un prévenu adressé au tribunal, ou qu’il y auroit fait traduire lui-même : dans le cas où il n’y auroit pas matière à une accusation devant le tribunal, il en fera un rapport écrit et motivé à la chambre du conseil, qui prononcera; mais aucun prévenu ne poura être mis hors de jugement, avant que la décision de la chambre n’ait été communiquée au comité de salut public et de sûreté générale, qui l’examineront. « XIX. - Il sera fait un registre double des personnes traduites au tribunal révolutionnaire, l’un pour l’accusateur public, et l’autre au tribunal, sur lequel seront inscrits tous les prévenus, à mesure qu’ils seront traduits. «XX. - La Convention déroge à toutes celles des dispositions des lois précédentes, qui ne concorderoient point avec le présent décret, et n’entend pas que les lois concernant l’organisation des tribunaux ordinaires s’appliquent aux crimes de contre-révolution et à l’action du tribunal révolutionnaire. « XXI. - Le rapport du comité sera joint au présent décret, comme instruction « XXII - L’insertion du décret au bulletin vaudra promulgation. » Suit la teneur dudit rapport. Rapport sur le tribunal révolutionnaire, fait au nom du comité de salut public par Couthon Toutes nos idées, dans les diverses parties du gouvernement, étoient à réformer; elles n’étoient toutes que des préjugés créés par la perfidie et par l’intérêt du despotisme, ou bien un mélange bizarre de l’imposture et de la vérité, inévitable effet des transactions que la raison lui avoit arrachées. Ces notions fausses ou obscures, ont survécu, en grande partie, à la révolution même, parce que les ennemis de la liberté ont épuisé toutes les ressources de l’intrigue pour les perpétuer. L’ordre judiciaire sur-tout nous en offre un exemple frappant; il étoit aussi favorable au crime qu’oppressif pour l’innocence. L’univers en dénonçoit les vices, quand Sé-guier en faisoit encore le panégyrique. La révolution est bien loin de les avoir tous fait disparoître. Comment pourroit-on le penser, si l’on se rappelle que notre nouveau code criminel est l’ouvrage des conspirateurs les plus infâmes de l’assemblée constituante, et que le nom de Duport en souille le frontispice ! Le charlatanisme machiavélique, qui l’a créé, a pu venir à bout de le faire préconiser machinalement par l’ignorance crédule; mais il a changé les termes de la jurisprudence plutôt que l’esprit, et en a calculé les dispositions sur l’intérêt des riches et des factions, beaucoup plus que sur celui de la justice et de la vérité. Les droits de la République ont été bien moins respectés encore dans la poursuite des crimes contre la liberté, que ceux de la tran-quilité publique et des foibles dans la poursuite des délits ordinaires; il suffiroit de citer le nom de la haute-cour nationale : les temps moins malheureux qui ont suivi, ne sont pas à beaucoup près, exempts du même reproche. La faction immortelle des indulgens, qui se confond avec toutes les autres, qui en est la patrone et le soutien, n’a cessé de prendre sous sa sauve-garde les maximes protectrices des traîtres et l’activité de la justice, sans proportion avec celle des ennemis de la patrie et avec leur multitude innombrable, a toujours laissés flottantes les destinées de la République. Le tribunal révolutionnaire, long-temps paralysé, à justifié son titre, plutôt par le civisme de ses membres, que par les formes de son organisation, sur laquelle ont puissamment influé les conspirateurs mêmes que la conscience de leurs crimes forçoit à le redouter. Que n’ont-ils pas fait pour l’enlacer dans les entraves de la chicane et de l’ancienne jurisprudence ! Le régime du despotisme avoit créé une vérité judiciaire qui n’étoit point la vérité morale et naturelle, qui lui étoit même opposée, et qui cependant décidoit seule; avec les passions, du sort de l’innocence et du crime; l’évidence n’avoit pas le droit de convaincre sans témoins ni sans écrits; et le mensonge, environné de ce cortège, avoit celui de dicter les arrêts de la justice. La judicature étoit une espèce de sacerdoce fondé sur l’erreur, et la justice une fausse religion qui consistoit toute entière en dogmes, en rites et en mystères et dont la morale étoit bannie. Les indulgens contre-révolutionnaires voulurent assujétir à ces règles la justice nationale et le cours de la révolution. Les preuves morales étoient comptées pour rien, comme si une autre règle pouvoit déterminer les jugemens humains; comme si les preuves les plus matérielles elles-mêmes pouvoient valoir autrement que comme preuves morales. La perfidie contre-révolutionnaire cachoit, sous le voile d’une délicatesse hypocrite, le dessein d’assurer l’impunité des conspirateurs, assassinoit le peuple par fausse humanité, et trahissoit la patrie par scrupule. Tout concouroit à amolir ou à égarer la justice; l’intrigue l’environnoit de ses pièges, l’aristocratie l’intimidoit par ses éternelles clameurs. On voyoit sans surprise des femmes sans pudeur demander qu’on sacrifiât la liberté à leurs parens, à leurs maris, à leurs amis, c’est-à-dire, presque toujours à leurs complices. Tout le monde sollicitoit pour la parenté, pour l’amitié, pour la contre-révolution; personne ne sollicitoit pour la patrie : la faction des indulgens ne manquoit jamais de prétextes pour la faire oublier. Tantôt elle opposoit les prétendues vertus privées des ennemis du peuple, à leurs crimes publics, comme si la vertu pouvoit habiter avec le crime; tantôt elle leur cherchoit des titres de patriotisme dans les monumens mêmes de leur coupable hypocrisie; tantôt elle appeloit la haine et les poignards sur la tête des représentai fidèles ou des juges intègres qui avoient le courage de venger la patrie. Mais autant elle étoit indulgente pour les grands scélérats, autant elle étoit inéxorable pour les malheureux; elle ne trouvoit jamais un ennemi de la révolution convaincu, ni un patriote innocent. Ces féroces et lâches ennemis de l’humanité, tout couverts du sang du peuple, appeloient hommes de sang ceux qui vouloient sauver lhumanité par la justice, et quelquefois ils venoient à bout de les affoiblir ou de les étonner.