SÉANCE DU 14 PRAIRIAL AN II (2 JUIN 1794) - N° 74 247 Une disposition aussi formelle ne peut plus être équivoque. La loi est faite; la loi est générale. Elle fixe la véritable base de liquidation pour tous les pourvus d’emplois de finance et de cautionnement. Les régisseurs des étapes tiennent de l’un ou de l’autre, et l’on pourroit presque dire de tous deux. Il ne s’agit donc que de leur en faire une juste application. Eh ! qu’importent les observations qui ont été faites à vos deux comités, que les fonds de huit de ces régisseurs, au lieu d’avoir été versés au trésor public, l’ont été en vertu d’un arrêt du conseil dans leur caisse particulière ? Qu’importe encore, dans ce moment, cette autre observation que dans le compte qu’ils rendirent en 1779, et qui fut arrêté au conseil le 5 novembre 1782, les régisseurs dont s’agit portèrent en recette (ch. 2) la somme à laquelle montoient les fonds d’avance qu’ils avoient faits, aux termes de l’arrêt du premier novembre 1778 ? Toutes ces considérations séparées ou réunies peuvent-elles détruire, changer ou altérer même le vœu, l’application de la loi. Citoyens, la loi n’a pas déterminé, il est vrai, parce qu’il a paru inutile de déterminer de quelle manière les fonds sujets au remboursement dévoient être entrés au trésor public; mais elle a exigé, parce que cette obligation lui a paru aussi juste qu'indispensable, elle a exigé de celui qui prétendoit à un remboursement, la preuve que la nation avoit réellement profité de sa mise, c’est-à-dire, de sa finance ou de son cautionnement. Ainsi donc, ou la nation a profité, ou elle n’a pas profité des fonds d’avance faits par les directeurs des étapes et convois militaires. Dans l’un comme dans l’autre cas, la loi est faite, elle est même formelle. C’est au directeur général de la liquidation d’examiner leur position, et le cas dans lequel ils doivent être considérés. C’est à lui, en un mot, et c’est à lui, sous sa responsabilité, de leur appliquer la loi qui règle le mode de leur liquidation. Du reste, qu’on ne répète pas encore que la loi du 7 pluviôse n’est pas applicable aux régisseurs des étapes; car, si pour justifier l’opinion contraire de vos deux comités, il leur en falloit une dernière preuve, ils la trouveroient dans les propres termes de la même loi, où on lit article XXXII : « En exécution de l’article XII de la loi du 9 brumaire, les membres de toutes les anciennes compagnies de finance, tels que fermiers-généraux, administrateurs des domaines, étapes, etc. remettront, d’ici au 13e jour de ventôse prochain, exclusivement (1er mars 1794), tous les récépissés et cautionnemens originaux qui leur appartiennent, sous les peines de déchéance exprimées par ladite loi, lesquelles seront supportées par les détenteurs desdits titres ». D’après les différentes dispositions que nous avons rapportées de la loi du 7 pluviôse, vos comités ont cru, citoyens, que la compagnie des étapes et convois militaires y étoit suffisamment comprise. Ils ont cru, et vous croirez peut-être avec eux, qu’il ne reste que de leur en faire l’application. En conséquence, ils m’ont chargé de vous proposer le décret suivant : [adopté] (1). (1) M.U., XL, 236; Débats, n° 622, p. 222. « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [BORDAS au nom de] son comité de liquidation sur la réclamation des régisseurs des étapes, et sur les observations particulières du directeur-général de la liquidation, « Décrète qu’elle passe à l’ordre du jour, motivé sur la loi du 7 pluviôse (1) . La séance a été levée à trois heures (2) . Signé : PRIEUR (de la Côte-d’Or), président; LE SAGE-SENAULT, ISORÉ, BERNARD (de Saintes), PAGANEL, FRANCASTEL, CARRIER, secrétaires. AFFAIRES NON MENTIONNÉES AU PROCÈS-VERBAL 74 RAMET-NOGARET reproduit le projet de loi relatif au nouveau système d’impositions directes; nous allons offrir l’extrait de son rapport. Le comité vous présentera successivement ses vues de réforme sur toutes les parties des finances. Je viens aujourd’hui vous soumettre son travail sur les contributions directes. On avoit rangé sous cette dénomination la contribution mobiliaire et la contribution foncière. Le procès de la première est jugé; sa complication, son injustice dans ses résultats, les réclamations qui se sont fait entendre de toutes parts, les vexations du pauvre et des fonctionnaires publics, l’établissement du grand livre de la dette publique, le nouveau travail préparé sur le droit d’enregistrement, l’ont fait condamner dans un pays où la loi seule doit faire autorité : vous ne voudrez pas que l’arbitraire puisse lui être substitué; personne n’osera donc la reproduire : passons à ce qui concerne la contribution foncière. La première distinction qu’il y ait à faire en matière de contributions, est celle qui sépare l’impôt de quotité de celui de subvention, autrement dit impôt collectif. L’impôt de quotité est celui qui prend une portion déterminée de la matière imposable. L’impôt collectif est celui qui force les habitans de telle ou telle contrée à payer une somme fixe et déterminée, sans qu’on prenne en considération la proportion dans laquelle la demande se trouve, avec les moyens d’y satisfaire. L’impôt de quotité rassure le contribuable, lorsqu’une fois la matière imposable est déterminée, parce qu’il sait que rien ne sera exigé (1) P.V., XXXVIII, 299. Minute de la main de Bordas. Décret n° 9380. Mention dans Ré p., n° 165; J. Sablier, n° 1356; J. Fr., n° 617; Mon., XX, 635; C. Eg., n° 654; J. Paris, n° 519; J. Mont., n° 38; Audit, nat., n° 618; Feuille Rép., n° 335. (2) p. v., xxxvm, 299. SÉANCE DU 14 PRAIRIAL AN II (2 JUIN 1794) - N° 74 247 Une disposition aussi formelle ne peut plus être équivoque. La loi est faite; la loi est générale. Elle fixe la véritable base de liquidation pour tous les pourvus d’emplois de finance et de cautionnement. Les régisseurs des étapes tiennent de l’un ou de l’autre, et l’on pourroit presque dire de tous deux. Il ne s’agit donc que de leur en faire une juste application. Eh ! qu’importent les observations qui ont été faites à vos deux comités, que les fonds de huit de ces régisseurs, au lieu d’avoir été versés au trésor public, l’ont été en vertu d’un arrêt du conseil dans leur caisse particulière ? Qu’importe encore, dans ce moment, cette autre observation que dans le compte qu’ils rendirent en 1779, et qui fut arrêté au conseil le 5 novembre 1782, les régisseurs dont s’agit portèrent en recette (ch. 2) la somme à laquelle montoient les fonds d’avance qu’ils avoient faits, aux termes de l’arrêt du premier novembre 1778 ? Toutes ces considérations séparées ou réunies peuvent-elles détruire, changer ou altérer même le vœu, l’application de la loi. Citoyens, la loi n’a pas déterminé, il est vrai, parce qu’il a paru inutile de déterminer de quelle manière les fonds sujets au remboursement dévoient être entrés au trésor public; mais elle a exigé, parce que cette obligation lui a paru aussi juste qu'indispensable, elle a exigé de celui qui prétendoit à un remboursement, la preuve que la nation avoit réellement profité de sa mise, c’est-à-dire, de sa finance ou de son cautionnement. Ainsi donc, ou la nation a profité, ou elle n’a pas profité des fonds d’avance faits par les directeurs des étapes et convois militaires. Dans l’un comme dans l’autre cas, la loi est faite, elle est même formelle. C’est au directeur général de la liquidation d’examiner leur position, et le cas dans lequel ils doivent être considérés. C’est à lui, en un mot, et c’est à lui, sous sa responsabilité, de leur appliquer la loi qui règle le mode de leur liquidation. Du reste, qu’on ne répète pas encore que la loi du 7 pluviôse n’est pas applicable aux régisseurs des étapes; car, si pour justifier l’opinion contraire de vos deux comités, il leur en falloit une dernière preuve, ils la trouveroient dans les propres termes de la même loi, où on lit article XXXII : « En exécution de l’article XII de la loi du 9 brumaire, les membres de toutes les anciennes compagnies de finance, tels que fermiers-généraux, administrateurs des domaines, étapes, etc. remettront, d’ici au 13e jour de ventôse prochain, exclusivement (1er mars 1794), tous les récépissés et cautionnemens originaux qui leur appartiennent, sous les peines de déchéance exprimées par ladite loi, lesquelles seront supportées par les détenteurs desdits titres ». D’après les différentes dispositions que nous avons rapportées de la loi du 7 pluviôse, vos comités ont cru, citoyens, que la compagnie des étapes et convois militaires y étoit suffisamment comprise. Ils ont cru, et vous croirez peut-être avec eux, qu’il ne reste que de leur en faire l’application. En conséquence, ils m’ont chargé de vous proposer le décret suivant : [adopté] (1). (1) M.U., XL, 236; Débats, n° 622, p. 222. « La Convention nationale, après avoir entendu le rapport de [BORDAS au nom de] son comité de liquidation sur la réclamation des régisseurs des étapes, et sur les observations particulières du directeur-général de la liquidation, « Décrète qu’elle passe à l’ordre du jour, motivé sur la loi du 7 pluviôse (1) . La séance a été levée à trois heures (2) . Signé : PRIEUR (de la Côte-d’Or), président; LE SAGE-SENAULT, ISORÉ, BERNARD (de Saintes), PAGANEL, FRANCASTEL, CARRIER, secrétaires. AFFAIRES NON MENTIONNÉES AU PROCÈS-VERBAL 74 RAMET-NOGARET reproduit le projet de loi relatif au nouveau système d’impositions directes; nous allons offrir l’extrait de son rapport. Le comité vous présentera successivement ses vues de réforme sur toutes les parties des finances. Je viens aujourd’hui vous soumettre son travail sur les contributions directes. On avoit rangé sous cette dénomination la contribution mobiliaire et la contribution foncière. Le procès de la première est jugé; sa complication, son injustice dans ses résultats, les réclamations qui se sont fait entendre de toutes parts, les vexations du pauvre et des fonctionnaires publics, l’établissement du grand livre de la dette publique, le nouveau travail préparé sur le droit d’enregistrement, l’ont fait condamner dans un pays où la loi seule doit faire autorité : vous ne voudrez pas que l’arbitraire puisse lui être substitué; personne n’osera donc la reproduire : passons à ce qui concerne la contribution foncière. La première distinction qu’il y ait à faire en matière de contributions, est celle qui sépare l’impôt de quotité de celui de subvention, autrement dit impôt collectif. L’impôt de quotité est celui qui prend une portion déterminée de la matière imposable. L’impôt collectif est celui qui force les habitans de telle ou telle contrée à payer une somme fixe et déterminée, sans qu’on prenne en considération la proportion dans laquelle la demande se trouve, avec les moyens d’y satisfaire. L’impôt de quotité rassure le contribuable, lorsqu’une fois la matière imposable est déterminée, parce qu’il sait que rien ne sera exigé (1) P.V., XXXVIII, 299. Minute de la main de Bordas. Décret n° 9380. Mention dans Ré p., n° 165; J. Sablier, n° 1356; J. Fr., n° 617; Mon., XX, 635; C. Eg., n° 654; J. Paris, n° 519; J. Mont., n° 38; Audit, nat., n° 618; Feuille Rép., n° 335. (2) p. v., xxxvm, 299. 248 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE de lui au-dessus du taux fixé par la loi; l’impôt collectif assure au fisc la rentrée de toute la somme répartie. L’assemblée constituante, pressée entre les principes qui sont pour l’impôt de quotité, et les idées de l’ancien régime pour la certitude du recouvrement, adopta un système qui tenoit de l’un et de l’autre. Ainsi elle déclara d’abord que la contribution foncière seroit acquittée par la remise d’une portion des fruits, le 6e du produit net; par-là elle établit un impôt de quotité. Elle exigea ensuite de chaque département une somme fixe, et par-là elle le modifia en impôt collectif. L’assemblée constituante prit pour matière imposable le produit net des immeubles. Ce mode présente l’apperçu le plus séduisant dans la théorie, il est d’un résultat on ne peut pas moins satisfaisant dans la pratique. Si l’on s’en fût tenu à des principes généraux, on seroit sans doute plus avancé qu’on ne l’est : mais les vices des bases adoptées, ayant obligé les rédacteurs à recourir à des distinctions, à des exceptions, à des désignations sur ce qu’on doit entendre par produit net, à des déductions sur les valeurs locatives, il fallut ajouter tant d’articles les uns aux autres, que la loi ne ressembla à rien moins qu’au règlement simple qu’on avoit promis. On s’en remit à la bonne foi de ceux qui étoient intéressés à tromper, on ne prit contre eux aucune précaution; la tâche imposée étoit d’une exécution difficile : ces deux causes réunies ont fait qu’il n’existe pas de renseignemens plus infidèles sur l’évaluation en produit net du territoire français, que les matrices de rôle de la contribution foncière. Ces inconvéniens se firent appercevoir avant même qu’ils existassent; pour en prévenir les conséquences, il fallut se rendre difficile sur l’admission des demandes en décharge, et cette rigueur a eu cela de funeste, qu’en frappant indistinctement sur toutes les réclamations, elle n’a pas permis de distinguer celles qui étoient fondées de celles qui ne l’étoient pas. A ces vices du système adopté, l’assemblée constituante en ajouta un autre qui, s’il put être excusé par les idées alors reçues, n’en a pas moins failli devenir funeste à la République : c’est le système des sols additionnels livrés à la discrétion des corps administratifs. Ce système porte avec lui le germe le plus dangereux du fédéralisme. La nation l’abborre, et vous devez couper toutes les racines qu’il pourroit prendre. Un seul moyen peut guérir le mal déjà fait et le prévenir pour l’avenir, il consiste à centraliser les dépenses. La nécessité de supprimer l’usage, et l’abus par conséquent des sols additionnels, n’a pas peu contribué à déterminer votre comité des finances à s’occuper d’un nouveau travail sur les contributions directes : il s’est principalement appliqué à en rendre la théorie simple et l’exécution facile. Il propose : 1° de diviser la contribution foncière en deux rôles; le premier contiendra les fonds de terre; le second, les maisons, bâtimens et usines : leur réunion formera le grand livre des propriétés foncières. 2° De rapporter sur le premier, l’estimation des fonds de terre en valeur capitale, et de prendre pour la contribution 1/2 ou 1 % etc., suivant que les besoins de l’Etat l’exigeront, sans que les corps administratifs ni les municipalités puissent rien ajouter, pour leurs dépenses locales, à cette somme qui sera prélevée en entier pour le compte du trésor public. 3° De donner aux municipalités le choix sur plusieurs moyens propres à déterminer la matière imposable des maisons, bâtimens et usines, et de fixer pour cet objet le contingent de chaque commune, sur la base de la population, et sur un tableau gradué. Reprenons ces trois propositions. Le comité propose, en premier lieu, de séparer les fonds de terre des maisons, bâtimens et usines. Ses motifs sont pris de la différence que la nature des choses a mise entre les deux sortes d’immeubles. Les fonds de terre ont par-tout une valeur certaine et presque constante, celle des maisons est pleine de variations : celle-ci dépend presque par-tout de l’opinion et des circonstances, l’autre en est indépendante. Le cultivateur peut perdre une récolte par l’effet d’un orage, le capital lui reste; la foudre qui consume une maison fait perdre le capital et le revenu. Si le fermier d’un domaine perd la récolte du froment, il conserve celle des légumes; si le locateur ne trouve point de locataires, il ne retire rien de sa propriété : si une sécheresse totale ruine les espérances du laboureur, il n’est pas juste que son indemnité soit partagée par le propriétaire d’un bâtiment qui n’a rien perdu; si une grêle du mois de frimaire casse toutes les vitres; si un ouragan enlève les toitures, il ne faut pas que le propriétaire des terres partage les secours donnés aux citadins. Ces deux sortes de propriétés diffèrent trop entr’elles pour qu’on puisse les confondre; c’est pour l’avoir fait qu’on a été forcé de surcharger les lois rendues d’une foule de dispositions étrangères. On seroit exposé au même inconvénient, si l’on conservoit le même système. Il est donc indispensable d’en prendre un autre. La seconde proposition du comité consiste à prendre, pour matière imposable des fonds de terre, leur valeur capitale : l’assemblée constituante avoit pris le produit net. La valeur capitale peut être plus facilement déterminée que la valeur productive; il n’est point de citoyen qui ne sût prendre son parti à l’instant de l’indication, sur la question de savoir ce que tel domaine pourroit être vendu. Cette vérité se prouve par la facilité avec laquelle on trouve dans les campagnes des particuliers en état de déterminer la valeur des patrimoines, des familles et des successions échues. Le calcul du produit net exige, au contraire, tant de combinaisons, que peu d’experts peuvent se flatter de les connoître. L’estimation en valeur capitale mettra d’ailleurs de l’égalité dans la contribution. Un motif encore plus puissant a engagé le comité des finances à adopter l’évaluation en valeur capitale : c’est l’avantage qui résultera de l’ensemble et de la correspondance qui s’établira, par ce moyen, entre les principales branches des revenus publics. On connoit la partie du droit d’enregistrement, sa perception est facile et certaine sur les immeubles vendus; il n’en est pas de même lorsqu’il faut le fixer sur la valeur des successions échues; cet objet a été jusqu’à présent presque méconnu. L’intérêt public et la nouvelle forme de gouvernement vous 248 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE de lui au-dessus du taux fixé par la loi; l’impôt collectif assure au fisc la rentrée de toute la somme répartie. L’assemblée constituante, pressée entre les principes qui sont pour l’impôt de quotité, et les idées de l’ancien régime pour la certitude du recouvrement, adopta un système qui tenoit de l’un et de l’autre. Ainsi elle déclara d’abord que la contribution foncière seroit acquittée par la remise d’une portion des fruits, le 6e du produit net; par-là elle établit un impôt de quotité. Elle exigea ensuite de chaque département une somme fixe, et par-là elle le modifia en impôt collectif. L’assemblée constituante prit pour matière imposable le produit net des immeubles. Ce mode présente l’apperçu le plus séduisant dans la théorie, il est d’un résultat on ne peut pas moins satisfaisant dans la pratique. Si l’on s’en fût tenu à des principes généraux, on seroit sans doute plus avancé qu’on ne l’est : mais les vices des bases adoptées, ayant obligé les rédacteurs à recourir à des distinctions, à des exceptions, à des désignations sur ce qu’on doit entendre par produit net, à des déductions sur les valeurs locatives, il fallut ajouter tant d’articles les uns aux autres, que la loi ne ressembla à rien moins qu’au règlement simple qu’on avoit promis. On s’en remit à la bonne foi de ceux qui étoient intéressés à tromper, on ne prit contre eux aucune précaution; la tâche imposée étoit d’une exécution difficile : ces deux causes réunies ont fait qu’il n’existe pas de renseignemens plus infidèles sur l’évaluation en produit net du territoire français, que les matrices de rôle de la contribution foncière. Ces inconvéniens se firent appercevoir avant même qu’ils existassent; pour en prévenir les conséquences, il fallut se rendre difficile sur l’admission des demandes en décharge, et cette rigueur a eu cela de funeste, qu’en frappant indistinctement sur toutes les réclamations, elle n’a pas permis de distinguer celles qui étoient fondées de celles qui ne l’étoient pas. A ces vices du système adopté, l’assemblée constituante en ajouta un autre qui, s’il put être excusé par les idées alors reçues, n’en a pas moins failli devenir funeste à la République : c’est le système des sols additionnels livrés à la discrétion des corps administratifs. Ce système porte avec lui le germe le plus dangereux du fédéralisme. La nation l’abborre, et vous devez couper toutes les racines qu’il pourroit prendre. Un seul moyen peut guérir le mal déjà fait et le prévenir pour l’avenir, il consiste à centraliser les dépenses. La nécessité de supprimer l’usage, et l’abus par conséquent des sols additionnels, n’a pas peu contribué à déterminer votre comité des finances à s’occuper d’un nouveau travail sur les contributions directes : il s’est principalement appliqué à en rendre la théorie simple et l’exécution facile. Il propose : 1° de diviser la contribution foncière en deux rôles; le premier contiendra les fonds de terre; le second, les maisons, bâtimens et usines : leur réunion formera le grand livre des propriétés foncières. 2° De rapporter sur le premier, l’estimation des fonds de terre en valeur capitale, et de prendre pour la contribution 1/2 ou 1 % etc., suivant que les besoins de l’Etat l’exigeront, sans que les corps administratifs ni les municipalités puissent rien ajouter, pour leurs dépenses locales, à cette somme qui sera prélevée en entier pour le compte du trésor public. 3° De donner aux municipalités le choix sur plusieurs moyens propres à déterminer la matière imposable des maisons, bâtimens et usines, et de fixer pour cet objet le contingent de chaque commune, sur la base de la population, et sur un tableau gradué. Reprenons ces trois propositions. Le comité propose, en premier lieu, de séparer les fonds de terre des maisons, bâtimens et usines. Ses motifs sont pris de la différence que la nature des choses a mise entre les deux sortes d’immeubles. Les fonds de terre ont par-tout une valeur certaine et presque constante, celle des maisons est pleine de variations : celle-ci dépend presque par-tout de l’opinion et des circonstances, l’autre en est indépendante. Le cultivateur peut perdre une récolte par l’effet d’un orage, le capital lui reste; la foudre qui consume une maison fait perdre le capital et le revenu. Si le fermier d’un domaine perd la récolte du froment, il conserve celle des légumes; si le locateur ne trouve point de locataires, il ne retire rien de sa propriété : si une sécheresse totale ruine les espérances du laboureur, il n’est pas juste que son indemnité soit partagée par le propriétaire d’un bâtiment qui n’a rien perdu; si une grêle du mois de frimaire casse toutes les vitres; si un ouragan enlève les toitures, il ne faut pas que le propriétaire des terres partage les secours donnés aux citadins. Ces deux sortes de propriétés diffèrent trop entr’elles pour qu’on puisse les confondre; c’est pour l’avoir fait qu’on a été forcé de surcharger les lois rendues d’une foule de dispositions étrangères. On seroit exposé au même inconvénient, si l’on conservoit le même système. Il est donc indispensable d’en prendre un autre. La seconde proposition du comité consiste à prendre, pour matière imposable des fonds de terre, leur valeur capitale : l’assemblée constituante avoit pris le produit net. La valeur capitale peut être plus facilement déterminée que la valeur productive; il n’est point de citoyen qui ne sût prendre son parti à l’instant de l’indication, sur la question de savoir ce que tel domaine pourroit être vendu. Cette vérité se prouve par la facilité avec laquelle on trouve dans les campagnes des particuliers en état de déterminer la valeur des patrimoines, des familles et des successions échues. Le calcul du produit net exige, au contraire, tant de combinaisons, que peu d’experts peuvent se flatter de les connoître. L’estimation en valeur capitale mettra d’ailleurs de l’égalité dans la contribution. Un motif encore plus puissant a engagé le comité des finances à adopter l’évaluation en valeur capitale : c’est l’avantage qui résultera de l’ensemble et de la correspondance qui s’établira, par ce moyen, entre les principales branches des revenus publics. On connoit la partie du droit d’enregistrement, sa perception est facile et certaine sur les immeubles vendus; il n’en est pas de même lorsqu’il faut le fixer sur la valeur des successions échues; cet objet a été jusqu’à présent presque méconnu. L’intérêt public et la nouvelle forme de gouvernement vous 249 SÉANCE DU 14 PRAIRIAL AN II (2 JUIN 1794) - N° 74 invitent à ne rien négliger de ce qui peut assurer le succès des réformes à faire en cette partie, et des bonifications à en obtenir; l’évaluation des fonds de terre en capital fournit l’un des moyens les plus efficaces; le grand livre servira de règle entre le percepteur et le contribuable : ce juge sera incorruptible et il sera infaillible. C’est ici le lieu de rendre compte à la Convention nationale, ou, tout au moins, de lui donner l’apperçu d’un travail médité par les comités des finances et de liquidation; les avantages qu’il promet, ses succès, sont intimement liés au système des contributions proposées : on veut parler des hypothèques. Le nouveau système des hypothèques, réduit à sa plus simple expression, consistera à prendre un extrait de son article au grand livre; par là on invite tous les hommes à devenir propriétaires, à comparoître devant l’officier public, dépositaire dans un registre de la preuve authentique des hypothèques acquises; à prendre de lui un certificat comme on ne doit rien, ou qu’on n’est pas encore au-delà de la proportion fixée par la loi; à recevoir de lui des cédules sur soi-même, c’est-à-dire des espèces de lettres de change hypothéquées sur les biens, et à les porter ensuite au capitaliste qui voudra prêter ses fonds : celui-ci sera trouvé d’autant plus facilement, qu’on lui présente un gage solide. Cet avantage fera qu’on pourra traiter avec lui à de meilleurs conditions, d’autant qu’il saura qu’en défaut de paiement un officier public procédera à la vente du bien hypothéqué, et paiera sans délai la somme prêtée. Tous les prêts se contracteront de cette manière, l’Etat gagnera sur les cédules un droit d’enregistrement. On pourra joindre à cet établissement, qui sera mieux expliqué lorsque le rapport particulier en sera fait, une banque publique : le préposé auquel elle seroit confiée, préteroit les fonds à 4, 3, 21/2 ou 2 %. La proportion en seroit déterminée par la législature. Cet établissement procurera à la société les avantages incalculables que procure la baisse de l’intérêt; le premier sera de doubler la valeur des domaines nationaux à vendre. Cet accroissement de la fortune publique déconcertera ainsi le plan de guerre au dernier écu, dans le temps que les armées triomphantes de la République iront détrôner jusqu’au dernier des tyrans. La banque des hypothèques donneroit à l’emprunteur la certitude de trouver des fonds, elle forceroit les capitalistes à s’intéresser par leurs mises à toutes les entreprises utiles, à l’agriculture et à tous les établissements du commerce. Ce résultat promet à la nation française un tel degré de prospérité, qu’aucun autre peuple ne peut concevoir même l’espérance d’en approcher. Le système des hypothèques se trouvant aussi lié à celui des contributions, il assure à la société des estimations conformes à la véritable valeur, parce que chaque citoyen se trouvera intéressé à la faire connoître. Ce ne sera pas seulement la seule précaution que le comité vous proposera; l’assemblée constituante n’en avoit prise aucune qui pût rassurer la nation collectivement contre les fausses opérations des commîmes, aussi nous savons tous comment l’on s’est comporté dans différentes municipalités. Le comité vous proposera de demander d’abord au propriétaire une déclaration loyale; par cette marque de confiance, vous lui donnerez une grande idée de lui-même, parce que des républicains sauront l’apprécier : si quelqu’un la trahit, des commissaires vérificateurs l’en puniront, en le condamnant à une peine pécuniaire; ceux-ci répondront eux -mêmes de leurs opérations à des commissaires censeurs dans chaque district, et ils seront comptables de leurs évaluations trop faibles comme de celles qui seront exagérées. Cette double responsabilité est digne de trouver une place dans vos règlemens; elle assure exactitude dans le service public et justice aux particuliers. Si un cadastre parois-soit ensuite nécessaire, il seroit facile d’y appliquer un mode aussi prompt que satisfaisant dans son exécution. La matière imposable étant une fois déterminée par l’estimation fidèle de la valeur capitale, il restera à déterminer la cote de la perception. A cet égard, ce seroit peut-être promettre plus qu’on ne pourroit tenir, ou exiger plus que les besoins de la République le demandent, que de poser une règle fixe. Les législateurs détermineront chaque année le taux de la perception. Ce système n’est pas nouveau; il a pour lui l’exemple de ce qui fut pratiqué à Athènes, lorsque le système des contributions y fut perfectionné. Après vous avoir demandé de distinguer les fonds de terre des maisons, bâtimens et usines, le comité vous propose en troisième lieu de laisser aux municipalités le choix sur ceux qui lui seront indiqués, du moyen propre à connoître la véritable matière imposable de cette dernière sorte d’immeubles, et cependant de déterminer le contingent de la contribution de chaque commune, d’après les forces de sa population. On a été amené à ce parti, par la difficulté de donner une règle uniforme et bonne sur cet objet, par le danger qu’il y auroit de s’en remettre absolument à la discrétion des communes même des mieux intentionnées, par la nécessité de conserver une perception importante, et par le besoin commandé par l’acte constitutionnel, de connoître exactement la population de la République. Le mode que le comité présente est juste et d’un succès infaillible. La République n’aura rien à discuter avec les communes. On fournira aux citoyens le moyen de faire réformer les injustices qu’ils pourroient éprouver, mais ces débats n’intéresseront que la municipalité et l’habitant. La somme en masse à verser au trésor public, sera indépendante du sort de la réclamation. Le contingent sera fixé d’après le tableau de la population : la répartition en sera faite sur les propriétés, en raison de leur estimation : aucune possession privée n’en sera exemote; mais les municipalités n’auront pas à remplacer la contribution des établissemens publics : ils ne seront pas compris dans le rôle. Rendons ceci sensible par un tableau de répartition supposé. La contribution des maisons, bâtimens et usines sera pour chaque commune d’une somme égale à 40 sols par tête. Prenez-y bien garde, citoyens, le comité ne vous propose pas d’établir cette contribution sur une telle donnée, qu’appliquée absolument 249 SÉANCE DU 14 PRAIRIAL AN II (2 JUIN 1794) - N° 74 invitent à ne rien négliger de ce qui peut assurer le succès des réformes à faire en cette partie, et des bonifications à en obtenir; l’évaluation des fonds de terre en capital fournit l’un des moyens les plus efficaces; le grand livre servira de règle entre le percepteur et le contribuable : ce juge sera incorruptible et il sera infaillible. C’est ici le lieu de rendre compte à la Convention nationale, ou, tout au moins, de lui donner l’apperçu d’un travail médité par les comités des finances et de liquidation; les avantages qu’il promet, ses succès, sont intimement liés au système des contributions proposées : on veut parler des hypothèques. Le nouveau système des hypothèques, réduit à sa plus simple expression, consistera à prendre un extrait de son article au grand livre; par là on invite tous les hommes à devenir propriétaires, à comparoître devant l’officier public, dépositaire dans un registre de la preuve authentique des hypothèques acquises; à prendre de lui un certificat comme on ne doit rien, ou qu’on n’est pas encore au-delà de la proportion fixée par la loi; à recevoir de lui des cédules sur soi-même, c’est-à-dire des espèces de lettres de change hypothéquées sur les biens, et à les porter ensuite au capitaliste qui voudra prêter ses fonds : celui-ci sera trouvé d’autant plus facilement, qu’on lui présente un gage solide. Cet avantage fera qu’on pourra traiter avec lui à de meilleurs conditions, d’autant qu’il saura qu’en défaut de paiement un officier public procédera à la vente du bien hypothéqué, et paiera sans délai la somme prêtée. Tous les prêts se contracteront de cette manière, l’Etat gagnera sur les cédules un droit d’enregistrement. On pourra joindre à cet établissement, qui sera mieux expliqué lorsque le rapport particulier en sera fait, une banque publique : le préposé auquel elle seroit confiée, préteroit les fonds à 4, 3, 21/2 ou 2 %. La proportion en seroit déterminée par la législature. Cet établissement procurera à la société les avantages incalculables que procure la baisse de l’intérêt; le premier sera de doubler la valeur des domaines nationaux à vendre. Cet accroissement de la fortune publique déconcertera ainsi le plan de guerre au dernier écu, dans le temps que les armées triomphantes de la République iront détrôner jusqu’au dernier des tyrans. La banque des hypothèques donneroit à l’emprunteur la certitude de trouver des fonds, elle forceroit les capitalistes à s’intéresser par leurs mises à toutes les entreprises utiles, à l’agriculture et à tous les établissements du commerce. Ce résultat promet à la nation française un tel degré de prospérité, qu’aucun autre peuple ne peut concevoir même l’espérance d’en approcher. Le système des hypothèques se trouvant aussi lié à celui des contributions, il assure à la société des estimations conformes à la véritable valeur, parce que chaque citoyen se trouvera intéressé à la faire connoître. Ce ne sera pas seulement la seule précaution que le comité vous proposera; l’assemblée constituante n’en avoit prise aucune qui pût rassurer la nation collectivement contre les fausses opérations des commîmes, aussi nous savons tous comment l’on s’est comporté dans différentes municipalités. Le comité vous proposera de demander d’abord au propriétaire une déclaration loyale; par cette marque de confiance, vous lui donnerez une grande idée de lui-même, parce que des républicains sauront l’apprécier : si quelqu’un la trahit, des commissaires vérificateurs l’en puniront, en le condamnant à une peine pécuniaire; ceux-ci répondront eux -mêmes de leurs opérations à des commissaires censeurs dans chaque district, et ils seront comptables de leurs évaluations trop faibles comme de celles qui seront exagérées. Cette double responsabilité est digne de trouver une place dans vos règlemens; elle assure exactitude dans le service public et justice aux particuliers. Si un cadastre parois-soit ensuite nécessaire, il seroit facile d’y appliquer un mode aussi prompt que satisfaisant dans son exécution. La matière imposable étant une fois déterminée par l’estimation fidèle de la valeur capitale, il restera à déterminer la cote de la perception. A cet égard, ce seroit peut-être promettre plus qu’on ne pourroit tenir, ou exiger plus que les besoins de la République le demandent, que de poser une règle fixe. Les législateurs détermineront chaque année le taux de la perception. Ce système n’est pas nouveau; il a pour lui l’exemple de ce qui fut pratiqué à Athènes, lorsque le système des contributions y fut perfectionné. Après vous avoir demandé de distinguer les fonds de terre des maisons, bâtimens et usines, le comité vous propose en troisième lieu de laisser aux municipalités le choix sur ceux qui lui seront indiqués, du moyen propre à connoître la véritable matière imposable de cette dernière sorte d’immeubles, et cependant de déterminer le contingent de la contribution de chaque commune, d’après les forces de sa population. On a été amené à ce parti, par la difficulté de donner une règle uniforme et bonne sur cet objet, par le danger qu’il y auroit de s’en remettre absolument à la discrétion des communes même des mieux intentionnées, par la nécessité de conserver une perception importante, et par le besoin commandé par l’acte constitutionnel, de connoître exactement la population de la République. Le mode que le comité présente est juste et d’un succès infaillible. La République n’aura rien à discuter avec les communes. On fournira aux citoyens le moyen de faire réformer les injustices qu’ils pourroient éprouver, mais ces débats n’intéresseront que la municipalité et l’habitant. La somme en masse à verser au trésor public, sera indépendante du sort de la réclamation. Le contingent sera fixé d’après le tableau de la population : la répartition en sera faite sur les propriétés, en raison de leur estimation : aucune possession privée n’en sera exemote; mais les municipalités n’auront pas à remplacer la contribution des établissemens publics : ils ne seront pas compris dans le rôle. Rendons ceci sensible par un tableau de répartition supposé. La contribution des maisons, bâtimens et usines sera pour chaque commune d’une somme égale à 40 sols par tête. Prenez-y bien garde, citoyens, le comité ne vous propose pas d’établir cette contribution sur une telle donnée, qu’appliquée absolument 250 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE à la population, le père de 6 enfans paie 7 fois plus qu’un indifférent célibataire. Le tableau de la population fixera le contingent de la commune; mais ce contingent sera ensuite réparti sur les maisons, bâtimens et usines, en raison de leur évaluation : ainsi, le potier qui façonnera la terre sous un humble toit, ne paiera que 20 sols peut-être, lorsque le riche copitaliste paiera 1000 fois davantage pour s’être condamné à languir dans ses vastes apparte-mens. Mais il résulte de là aussi que 2 cultivateurs d’une aisance égale, vivant chacun dans une municipalité de 1000 âmes de population, paieront chacun 12 liv. également, tandis qu’ac-tuellement l’un paie peut-être 50 liv. pour la contribution de sa maison, et l’autre 10 sols, parce qu’une municipalité a estimé la demeure du premier 250 liv. de valeur locative, et une autre, celle du second 30 sols seulement. Le tableau de répartition proposé assure à la République un recouvrement de 60 à 70 000 liv. Cette rentrée est certaine et cependant la contribution sera modérée; qu’on examine qu’elle remplace la contribution foncière des maisons, et qu’il n’existera plus de contribution mobi-liaire. Ce mode assure donc aux Français une répartition aussi exacte que légère. Tel est, citoyens, le résultat du travail de votre comité des finances. ISORÉ : Je suis d’accord avec le comité des finances sur le mode de contribution foncière par quotité. Plusieurs fois, sous l’Assemblée constituante, l’impôt de quotité a été proposé; mais l’intérêt des hommes riches a repoussé ce mode pour maintenir l’esprit de subvention royale : en demandant des évaluations de revenus, les biens sacrifiés au luxe ne comptaient pas autant que s’ils eussent été estimés en capital : ces hommes savaient encore qu’en paraissant collectivement sur les matrices des rôles, les gros objets seraient mieux traités que la chaumière. Aujourd’hui que nous n’avons plus à combattre sur ce point d’intérêt particulier, il est possible de faire mieux : le projet du comité présente des vues qui paraissent, au premier coup d’œil, autant bonnes que plusieurs d’entre nous peuvent le désirer; mais si je suis d’avis de l’impôt de quotité, ce ne sera jamais en le portant sur des évaluations des capitaux réglés comme le comité le propose; et voici pourquoi : Vouloir, comme le comité, que les évaluations soient les valeurs de 1790 (vieux style), c’est porter secours aux abus. Comment pourroit-on croire aux bases de ce temps ? Les biens nationaux se vendoient dans l’intérieur au denier 30 et 40 du revenu, et aux frontières, de 22 à 25. Nous savons tous qu’à cette époque les biens patrimoniaux ne se sont plus vendus, et que les seules inductions ne peuvent se porter que sur le caprice des acquéreurs, qui craignoient de conserver des assignats. Je crois qu’une pareille base seroit injuste et vexatoire pour certains pays où la révolution étoit célébrée avec plaisir; je crois encore qu’elle attaqueroit les petites propriétés, parce que généralement elles sont toujours estimées et vendues, par proportion, plus cher que les grandes : tous les rapprochements qui se feraient pour arriver au but estimatif des propriétés deviendraient arbitraires : les uns voudroient être réglés sur le prix d’une vente, d’après l’enregistrement sur fraude convenue avec le vendeur, et d’autres sur des partages imparfaits. Le comité vous dit qu’il y aura des vérificateurs et censeurs; mais, citoyens, que seront ces vérificateurs, s’ils ne sont les mêmes que ceux qui ont déjà fait le travail si mal ? Ne retomberions-nous pas encore dans les anciennes formes ? Vouloir arriver à une perfection durable, d’une manière ou de l’autre, cela est moralement impossible. L’intérêt et la cupidité entraveront toujours les opérations, et les passions individuelles seront souvent en avant, quoique les répartitions ne soient pas collectives. Je crois qu’il seroit prudent de fixer les valeurs capitales d’après les fermages au denier 30, purement et simplement, sans avoir égard aux biens déjà loués et à louer, francs ou non de contributions, sauf à prononcer des peines contre les faux estimateurs ou déclarants. Si l’Assemblée constituante se fût bornée à ne voir que la vraie valeur locative, sans parler de revenu net, ni de défalcation de frais de culture, nous aurions des matrices de rôles plus véridiques. Son instruction disoit bien de présenter le véritable prix du fermage, en supposant la possibilité d’être fermier à tel ou tel prix; mais le décret n’a voit rien dit à ce sujet, et la cupidité a dominé sur l’instruction avec la spéculation la plus perfide. Plusieurs ont réduit à rien les revenus de leurs fonds par la déduction des frais d’exploitation, pendant que le propriétaire en recevoit un revenu réel; ne serait-il pas plus aisé aujourd’hui de parer à tous ces abus ? Les senti-mens des propriétaires ne seront-ils pas bientôt guidés par des consciences républicaines, et les estimations de fermages satisfaisantes ? Les matrices de rôles une fois corrigées, nous pourrons préparer le grand livre des propriétés. Faites attention, citoyens, au moment que nous allons passer; si nous exigions en un instant tout ce que le comité demande, la loi, à ce sujet, seroit inexécutable : voici la moisson ; ensuite les semailles arriveront, et les choses seront imparfaites. Les fonds de terre et de prés, ou vignes enfin, de toute nature, excepté les futaies, peuvent être estimés sur la location au denier trente. Comme je l’ai déjà dit , soyons sévères sur les fraudes, que la loi soit imposante, et les choses se feront avec justesse. Si le trompeur est puni irrévocablement, il deviendra bientôt exact à déclarer l’étendue de son champ; si même il craint que ses intérêts soient attaqués, il s’empressera de dire la vérité. Je vois un bien grand avantage pour la coi-rection des matrices de rôles en plaçant les contributions sur chacun individuellement. La cause commune des municipalités n’appellera plus tous les spéculateurs adroits et rusés à faire agir injustement les personnes de bonne foi. C’étoit une uniformité qu’ils avoient droit de conserver, pour s’épargner eux -mêmes; mais la quotité est différente; l’un ne soulage pas l’autre, et par conséquent l’homme faux ne jouira plus que du mépris de ses concitoyens. Les propriétés omises dans les matrices de rôles sont du fait de la mauvaise foi. Ceux qui ont commis ces erreurs mériteraient d’être punis très rigoureusement, car rien ne devait les empêcher de déclarer juste, et les municipalités ont donné assez de temps. C’est ici où la sévérité 250 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE à la population, le père de 6 enfans paie 7 fois plus qu’un indifférent célibataire. Le tableau de la population fixera le contingent de la commune; mais ce contingent sera ensuite réparti sur les maisons, bâtimens et usines, en raison de leur évaluation : ainsi, le potier qui façonnera la terre sous un humble toit, ne paiera que 20 sols peut-être, lorsque le riche copitaliste paiera 1000 fois davantage pour s’être condamné à languir dans ses vastes apparte-mens. Mais il résulte de là aussi que 2 cultivateurs d’une aisance égale, vivant chacun dans une municipalité de 1000 âmes de population, paieront chacun 12 liv. également, tandis qu’ac-tuellement l’un paie peut-être 50 liv. pour la contribution de sa maison, et l’autre 10 sols, parce qu’une municipalité a estimé la demeure du premier 250 liv. de valeur locative, et une autre, celle du second 30 sols seulement. Le tableau de répartition proposé assure à la République un recouvrement de 60 à 70 000 liv. Cette rentrée est certaine et cependant la contribution sera modérée; qu’on examine qu’elle remplace la contribution foncière des maisons, et qu’il n’existera plus de contribution mobi-liaire. Ce mode assure donc aux Français une répartition aussi exacte que légère. Tel est, citoyens, le résultat du travail de votre comité des finances. ISORÉ : Je suis d’accord avec le comité des finances sur le mode de contribution foncière par quotité. Plusieurs fois, sous l’Assemblée constituante, l’impôt de quotité a été proposé; mais l’intérêt des hommes riches a repoussé ce mode pour maintenir l’esprit de subvention royale : en demandant des évaluations de revenus, les biens sacrifiés au luxe ne comptaient pas autant que s’ils eussent été estimés en capital : ces hommes savaient encore qu’en paraissant collectivement sur les matrices des rôles, les gros objets seraient mieux traités que la chaumière. Aujourd’hui que nous n’avons plus à combattre sur ce point d’intérêt particulier, il est possible de faire mieux : le projet du comité présente des vues qui paraissent, au premier coup d’œil, autant bonnes que plusieurs d’entre nous peuvent le désirer; mais si je suis d’avis de l’impôt de quotité, ce ne sera jamais en le portant sur des évaluations des capitaux réglés comme le comité le propose; et voici pourquoi : Vouloir, comme le comité, que les évaluations soient les valeurs de 1790 (vieux style), c’est porter secours aux abus. Comment pourroit-on croire aux bases de ce temps ? Les biens nationaux se vendoient dans l’intérieur au denier 30 et 40 du revenu, et aux frontières, de 22 à 25. Nous savons tous qu’à cette époque les biens patrimoniaux ne se sont plus vendus, et que les seules inductions ne peuvent se porter que sur le caprice des acquéreurs, qui craignoient de conserver des assignats. Je crois qu’une pareille base seroit injuste et vexatoire pour certains pays où la révolution étoit célébrée avec plaisir; je crois encore qu’elle attaqueroit les petites propriétés, parce que généralement elles sont toujours estimées et vendues, par proportion, plus cher que les grandes : tous les rapprochements qui se feraient pour arriver au but estimatif des propriétés deviendraient arbitraires : les uns voudroient être réglés sur le prix d’une vente, d’après l’enregistrement sur fraude convenue avec le vendeur, et d’autres sur des partages imparfaits. Le comité vous dit qu’il y aura des vérificateurs et censeurs; mais, citoyens, que seront ces vérificateurs, s’ils ne sont les mêmes que ceux qui ont déjà fait le travail si mal ? Ne retomberions-nous pas encore dans les anciennes formes ? Vouloir arriver à une perfection durable, d’une manière ou de l’autre, cela est moralement impossible. L’intérêt et la cupidité entraveront toujours les opérations, et les passions individuelles seront souvent en avant, quoique les répartitions ne soient pas collectives. Je crois qu’il seroit prudent de fixer les valeurs capitales d’après les fermages au denier 30, purement et simplement, sans avoir égard aux biens déjà loués et à louer, francs ou non de contributions, sauf à prononcer des peines contre les faux estimateurs ou déclarants. Si l’Assemblée constituante se fût bornée à ne voir que la vraie valeur locative, sans parler de revenu net, ni de défalcation de frais de culture, nous aurions des matrices de rôles plus véridiques. Son instruction disoit bien de présenter le véritable prix du fermage, en supposant la possibilité d’être fermier à tel ou tel prix; mais le décret n’a voit rien dit à ce sujet, et la cupidité a dominé sur l’instruction avec la spéculation la plus perfide. Plusieurs ont réduit à rien les revenus de leurs fonds par la déduction des frais d’exploitation, pendant que le propriétaire en recevoit un revenu réel; ne serait-il pas plus aisé aujourd’hui de parer à tous ces abus ? Les senti-mens des propriétaires ne seront-ils pas bientôt guidés par des consciences républicaines, et les estimations de fermages satisfaisantes ? Les matrices de rôles une fois corrigées, nous pourrons préparer le grand livre des propriétés. Faites attention, citoyens, au moment que nous allons passer; si nous exigions en un instant tout ce que le comité demande, la loi, à ce sujet, seroit inexécutable : voici la moisson ; ensuite les semailles arriveront, et les choses seront imparfaites. Les fonds de terre et de prés, ou vignes enfin, de toute nature, excepté les futaies, peuvent être estimés sur la location au denier trente. Comme je l’ai déjà dit , soyons sévères sur les fraudes, que la loi soit imposante, et les choses se feront avec justesse. Si le trompeur est puni irrévocablement, il deviendra bientôt exact à déclarer l’étendue de son champ; si même il craint que ses intérêts soient attaqués, il s’empressera de dire la vérité. Je vois un bien grand avantage pour la coi-rection des matrices de rôles en plaçant les contributions sur chacun individuellement. La cause commune des municipalités n’appellera plus tous les spéculateurs adroits et rusés à faire agir injustement les personnes de bonne foi. C’étoit une uniformité qu’ils avoient droit de conserver, pour s’épargner eux -mêmes; mais la quotité est différente; l’un ne soulage pas l’autre, et par conséquent l’homme faux ne jouira plus que du mépris de ses concitoyens. Les propriétés omises dans les matrices de rôles sont du fait de la mauvaise foi. Ceux qui ont commis ces erreurs mériteraient d’être punis très rigoureusement, car rien ne devait les empêcher de déclarer juste, et les municipalités ont donné assez de temps. C’est ici où la sévérité SÉANCE DU 14 PRAIRIAL AN II (2 JUIN 1794) - N° 74 251 doit s’appliquer. Pourquoi ménager l’homme qui s’est soustrait, au détriment de son voisin, à la contribution commune ? Maintenant qu’il est question d’en venir à la quotité individuelle, prenons garde que la fraude n’ait plus de succès. Celui qui payait collectivement avec son voisin avoit intérêt à le faire marcher comme lui : aujourd’hui que chacun va payer en raison de sa chose, le voisin, s’il n’est pas républicain, dira que les choses ne l’intéressent pas, et par conséquent l’abus aura toute l’extension qu’il n’a pas encore eue. Il est donc aisé, citoyens, de concevoir que, si la loi n’impose pas souverainement l’obligation de déclarer toutes les propriétés, et de perfectionner les matrices de rôles par des corrections supplémentaires, nous n’atteindrons jamais au but que nous nous proposons. Est-ce en condamnant le fraudeur en 20 sous d’amende, comme le propose le comité, que nous réussirons ? Non; c’est en attachant les biens soustraits à l’impôt aux domaines nationaux. Que celui qui trompe sa patrie soit déclaré indigne d’être détenteur de son sol : voilà la justice. Le comité propose un mois pour faire les déclarations; ce n’est pas assez : il faudra publier la loi qui va être rendue à ce sujet au moins quatre fois différentes, les décadis. H faut que l’homme probe ait le temps de prévenir la veuve et l’orphelin, et pour cela il faut que le terme fatal soit de deux mois au moins. Pourquoi donc ne proclamerions-nous pas ce principe de justice ? Les propriétés que la mauvaise foi possède, doivent-elles être protégées au profit du crime ? Non. Elles doivent-être protégées, parce qu’aucune ne doit être abandonnée; mais c’est au profit de la société même, qui les garantit et en fait les frais : ainsi, avec cette sévérité, ne craignez pas; l’homme avide sera plus ardent à déclarer ses fonds que l’homme naturellement paisible et juste. Nous aurons encore à veiller, citoyens, pour la conservation des propriétés; c’est sur les quantités portées au grand livre qu’il faudra se fixer pour guérir toutes les erreurs volontaires et involontaires qui s’y glisseront. Je crois maintenant qu’au lieu d’avoir du moins dans les déclarations, il y aura du plus, parce que les propriétaires tarés amplifieront pour avoir plus à demander en mesurant avec leurs voisins. C’est au comité de législation que nous ne pouvons trop dire de traiter la législation rurale avec toute la sévérité des principes à ce sujet. Autrefois les terriers féodaux indiquoient les différends entre les uns et les autres; aujourd’hui que ces documents sont brûlés, même les plans, c’est au grand livre des propriétés que se reporteront les contestations; et c’est pour cela qu’il faut bien établir les remarques pour faire preuve de propriété incontestable. Je vois beaucoup d’injustice à baser la contribution des mai sons sur la population, parce que les grandes communes agricoles, payant déjà pour leur article de culture, paieront encore comme les communes rangées hors de l’agriculture. Cette base ne remédie pas aux inconvénients de la misère, quand les manufactures et usines n’ont pas la vogue, et tel habitant qui voudroit aller habiter dans une commune n’iroit pas, par la raison qu’il se trouveroit assujetti à une contribution bien plus forte qu’ailleurs, et parce que le marc la livre seroit extraordinairement plus fort sur lui dans une grande commune d’ouvriers que dans une commune de riches propriétaires. Les maisons estimées en capital peuvent donner une contribution de quotité comme les fonds territoriaux; la belle maison sera estimée bien plus que celle qui tombe en ruine et sa valeur ne seroit fixée que sur sa solidité et son état; celle au contraire sujette à des réparations seroit estimée à cela près de ce qu’elle couteroit à réparer à son propriétaire. L’évaluation des maisons est bien différente de celle des terres; les lieux où seulement la richesse dépose ses trésors sont plus faibles en location que ceux où les artisans se logent les uns sur les autres; ainsi le loyer ne seroit donc pas proportionné, s’il étoit réglé comme le propose le comité. C’est le riche qui se trouveroit atteint en estimant les capitaux, et l’artisan modeste qui le seroit en estimant les loyers. Si je contredis le projet du comité sur certains points, c’est qu’ici ce n’est pas une question ordinaire que nous traitons; l’importance des résultats de la loi que nous porterons peut mécontenter les propriétaires les plus révolutionnaires. Les Français ne voulant que la justice dans sa simplicité, le serment qu’ils ont fait d’exterminer la cupidité doit avoir lieu sans entrave. Prenons de grandes mesures sur les contributions, et veillons sur les abus. Plus tard nous en serons peut-être exempts; car, quand je réfléchis sur les richesses de la nation française, je dis qu’il n’est pas impossible que la République soit une, indivisible et franche. L’industrie sur les fonds territoriaux augmen-teroit extraordinairement par l’affranchissement de l’impôt quel qu’il soit : il ne faut pour cela que conserver les forêts, maintenir l’enregistrement et le timbre, et organiser une banque pour donner de l’émulation aux entreprises. En cas de guerre, des contributions extraordinaires pourroient être établies. C’est alors que l’agriculture et le commerce entreront, par égalité, dans les charges qui soutiennent la protection publique. Je conclus en conséquence à ce que la Convention décrète que, dans le délai de trois mois, à compter de ce jour, les matrices de rôles de la contribution foncière soient corrigées, et qu’après ce terme les propriétés non déclarées soient réunies aux domaines nationaux pour être vendues dans la même forme; qu’à l’égard des estimations des fonds territoriaux, ce soient les valeurs locatives qui règlent pour former les capitaux au denier 30, et que, pour les maisons et usines, ce soit le capital seul qui règle la contribution, et non la location ni la population. Je demande en outre que la Convention décrète sur-le-champ et provisoirement l’impôt de quotité, et qu’elle renvoie pour le surplus à ses comités de législation, de finances et d’agriculture, pour présenter un code de contribution provisoire qui se lie avec la législature rurale (1) . (1) Débats, n° 621, p. 206; Mon., XX, 635-638; J. S. -Culottes, n° 473; J. Fr., n° 617; J. Sablier, n° 1357; J. Paris, n° 520; M.U., XL, 239; Audit, nat., n° 618. SÉANCE DU 14 PRAIRIAL AN II (2 JUIN 1794) - N° 74 251 doit s’appliquer. Pourquoi ménager l’homme qui s’est soustrait, au détriment de son voisin, à la contribution commune ? Maintenant qu’il est question d’en venir à la quotité individuelle, prenons garde que la fraude n’ait plus de succès. Celui qui payait collectivement avec son voisin avoit intérêt à le faire marcher comme lui : aujourd’hui que chacun va payer en raison de sa chose, le voisin, s’il n’est pas républicain, dira que les choses ne l’intéressent pas, et par conséquent l’abus aura toute l’extension qu’il n’a pas encore eue. Il est donc aisé, citoyens, de concevoir que, si la loi n’impose pas souverainement l’obligation de déclarer toutes les propriétés, et de perfectionner les matrices de rôles par des corrections supplémentaires, nous n’atteindrons jamais au but que nous nous proposons. Est-ce en condamnant le fraudeur en 20 sous d’amende, comme le propose le comité, que nous réussirons ? Non; c’est en attachant les biens soustraits à l’impôt aux domaines nationaux. Que celui qui trompe sa patrie soit déclaré indigne d’être détenteur de son sol : voilà la justice. Le comité propose un mois pour faire les déclarations; ce n’est pas assez : il faudra publier la loi qui va être rendue à ce sujet au moins quatre fois différentes, les décadis. H faut que l’homme probe ait le temps de prévenir la veuve et l’orphelin, et pour cela il faut que le terme fatal soit de deux mois au moins. Pourquoi donc ne proclamerions-nous pas ce principe de justice ? Les propriétés que la mauvaise foi possède, doivent-elles être protégées au profit du crime ? Non. Elles doivent-être protégées, parce qu’aucune ne doit être abandonnée; mais c’est au profit de la société même, qui les garantit et en fait les frais : ainsi, avec cette sévérité, ne craignez pas; l’homme avide sera plus ardent à déclarer ses fonds que l’homme naturellement paisible et juste. Nous aurons encore à veiller, citoyens, pour la conservation des propriétés; c’est sur les quantités portées au grand livre qu’il faudra se fixer pour guérir toutes les erreurs volontaires et involontaires qui s’y glisseront. Je crois maintenant qu’au lieu d’avoir du moins dans les déclarations, il y aura du plus, parce que les propriétaires tarés amplifieront pour avoir plus à demander en mesurant avec leurs voisins. C’est au comité de législation que nous ne pouvons trop dire de traiter la législation rurale avec toute la sévérité des principes à ce sujet. Autrefois les terriers féodaux indiquoient les différends entre les uns et les autres; aujourd’hui que ces documents sont brûlés, même les plans, c’est au grand livre des propriétés que se reporteront les contestations; et c’est pour cela qu’il faut bien établir les remarques pour faire preuve de propriété incontestable. Je vois beaucoup d’injustice à baser la contribution des mai sons sur la population, parce que les grandes communes agricoles, payant déjà pour leur article de culture, paieront encore comme les communes rangées hors de l’agriculture. Cette base ne remédie pas aux inconvénients de la misère, quand les manufactures et usines n’ont pas la vogue, et tel habitant qui voudroit aller habiter dans une commune n’iroit pas, par la raison qu’il se trouveroit assujetti à une contribution bien plus forte qu’ailleurs, et parce que le marc la livre seroit extraordinairement plus fort sur lui dans une grande commune d’ouvriers que dans une commune de riches propriétaires. Les maisons estimées en capital peuvent donner une contribution de quotité comme les fonds territoriaux; la belle maison sera estimée bien plus que celle qui tombe en ruine et sa valeur ne seroit fixée que sur sa solidité et son état; celle au contraire sujette à des réparations seroit estimée à cela près de ce qu’elle couteroit à réparer à son propriétaire. L’évaluation des maisons est bien différente de celle des terres; les lieux où seulement la richesse dépose ses trésors sont plus faibles en location que ceux où les artisans se logent les uns sur les autres; ainsi le loyer ne seroit donc pas proportionné, s’il étoit réglé comme le propose le comité. C’est le riche qui se trouveroit atteint en estimant les capitaux, et l’artisan modeste qui le seroit en estimant les loyers. Si je contredis le projet du comité sur certains points, c’est qu’ici ce n’est pas une question ordinaire que nous traitons; l’importance des résultats de la loi que nous porterons peut mécontenter les propriétaires les plus révolutionnaires. Les Français ne voulant que la justice dans sa simplicité, le serment qu’ils ont fait d’exterminer la cupidité doit avoir lieu sans entrave. Prenons de grandes mesures sur les contributions, et veillons sur les abus. Plus tard nous en serons peut-être exempts; car, quand je réfléchis sur les richesses de la nation française, je dis qu’il n’est pas impossible que la République soit une, indivisible et franche. L’industrie sur les fonds territoriaux augmen-teroit extraordinairement par l’affranchissement de l’impôt quel qu’il soit : il ne faut pour cela que conserver les forêts, maintenir l’enregistrement et le timbre, et organiser une banque pour donner de l’émulation aux entreprises. En cas de guerre, des contributions extraordinaires pourroient être établies. C’est alors que l’agriculture et le commerce entreront, par égalité, dans les charges qui soutiennent la protection publique. Je conclus en conséquence à ce que la Convention décrète que, dans le délai de trois mois, à compter de ce jour, les matrices de rôles de la contribution foncière soient corrigées, et qu’après ce terme les propriétés non déclarées soient réunies aux domaines nationaux pour être vendues dans la même forme; qu’à l’égard des estimations des fonds territoriaux, ce soient les valeurs locatives qui règlent pour former les capitaux au denier 30, et que, pour les maisons et usines, ce soit le capital seul qui règle la contribution, et non la location ni la population. Je demande en outre que la Convention décrète sur-le-champ et provisoirement l’impôt de quotité, et qu’elle renvoie pour le surplus à ses comités de législation, de finances et d’agriculture, pour présenter un code de contribution provisoire qui se lie avec la législature rurale (1) . (1) Débats, n° 621, p. 206; Mon., XX, 635-638; J. S. -Culottes, n° 473; J. Fr., n° 617; J. Sablier, n° 1357; J. Paris, n° 520; M.U., XL, 239; Audit, nat., n° 618. 252 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE BOURDON (de l’Oise) : Je demande qu’on suspende toute discussion sur les changemens à faire dans la répartition de l’impôt foncier et mobilier, jusqu’à ce que le comité de salut public les ait examinés. Il seroit, je crois, convenable de laisser subsister les formes établies jusqu’à ce qu’avec la paix nous fassions aussi présent au peuple de la liberté de ses terres, de la liberté de son industrie et de la liberté de ses bras. Vous aurez pour le remboursement de cette dette publique les impôts sur les riches, sur les successions des célibataires, sur les successions collatérales, sur le timbre et sur l’enregistrement. L’indigent au moins ne sera pas grevé par une répartition injuste. Il ne sera plus vexé et les riches ne se nourriront plus de sa substance. Vous ferez par ce moyen la révolution de l’Europe plus promptement que par vos bayon-nettes. Hâtons-nous, diront tous les peuples, d’adopter un ordre de choses qui nous mettra en possession de si beaux avantages. » Applaudi. TALLIEN développe les mêmes idées, avec la même énergie. La Convention renvoie à l’examen des comités réunis de salut public et des finances les vues philantropiques qui lui ont été présenté, ainsi que le projet de décret (1) . 75 [La Sté popul. d’Epemay au C. de S. P.; 27 flor. II] (2). « Citoyens représentans, La municipalité de la commune d’Epernay vous dénonce un abus qu’il est pressant de réprimer. Il aurait des suites funestes pour l’agriculture qu’il pourrait paralyser. H faut que l’ouvrier reçoive un juste salaire, mais il faut aussi mettre un frein à la cupidité. De tout temps le prix de la journée de travail a servi de base à celui des denrées, et dès lors que celles-ci sont soumises à la loi du maximum, la main-d’œuvre ne peut y échapper, aussi la Convention l’y a-t-elle assujettie, mais l’égalité exige que l’ouvrier qui reçoit de son travail un prix supérieur à celui que la loi a fixé, soit puni des mêmes peines que le marchand qui vend sa denrée au dessus du maximum. C’est ce motif d’intérêt public qui a déterminé la société populaire à appuyer auprès de vous la pétition de la municipalité d’Epernay. » MacKenna (présid.), Coltier (secrét.). Renvoyé au comité d’agriculture (3) . (1) Minute de la main de Bourdon (de l’Oise). Décret n° 9382. J. Perlet, n° 619; J. Univ., n° 1652; C. Univ., 15 prair.; Ann. R.F., n° 185; C. Eg., n° 654; Feuille Rép., n° 335; J. Mont., n° 38; Mess, soir, n° 654; Rép., n° 165. Voir ci-après, séance du 15 prair., n° 73. (2) F10 285. (3) Mention marginale datée du 14 prair. et signée Ath. Veau. 76 [Le cm Cronier, à la Conv.; Ile Franeiade, 10 prair. II] (1). « Citoyens représentans, Il est du devoir de tous bons républicains, ami du bien général, de mettre sous les yeux des législateurs, les abus qui viennent à leur connaissance. Il s’en commet un qui est assez essentiel pour mériter votre attention. Les rivières produisant une denrée de première nécessité, se trouveront bientôt ruinées par l’avidité et la cupidité des pescheurs qui détruisent tout le fraie du poisson, en se servant de fillets, que l’on nomme cliquette, faisant la traverse de la rivière, qui ramassent tout ce qu’ils rencontrent, et qui par ce moyen empêche les poissons de se multiplier. Il y aurait un moyen bien simple pour empêcher ces dégradations, en prohibant ces sortes de filets qui ruineraient toutes les rivières, en moins de 3 ans, et ordonner aux pescheurs de jeter le poisson à l’eau au dessous d’une certaine longueur. Jettez, législateurs, un coup d’œil sur cet objet intéressant qui, en procurant un très grand avantage à la République, fera le bien du pes-cheur; ceux qui sont de bonne foi le désirent. Je trouverai s’il le faut cent signatures depuis l’He Franeiade jusqu’à Charenton des M®8 pescheurs qui ne désirent que ce filet là soit défendu, le même abus se fait à plus de 60 lieues à la ronde, ledit citoyen donnera tout l’éclaircissement possible si cela est nécessaire. Le dit citoyen a 2 enfants qui servent la République depuis 2 ans. Le père désire être utile à la chose publique. J.J. CRONIER (connu chez le citoyen Du-plessi, limonadier aux petits carreaux). Vu par nous, pêcheurs composant la commune de l’Ile Franeiade — Reconnaissons la vérité et la justice du mémoire ci-dessus et l’adoptons dans tout son contenu. Et l’avons signé. [Suivent 25 signatures illisibles]. Renvoyé au comité de commerce et d’agriculture (2). 77 La seconde lecture du décret rendu hier relativement aux moyens d’accélérer la répartition des secours accordés aux familles des défenseurs de la patrie, a donné lieu à une réflexion de la part de Ramel qui a occupé un instant la Convention nationale. Une des dispositions de ce décret porte que les citoyens riches ou même aisés qui auroient perpétré à des secours qui ne sont destinés que pour l’indigence seront, ceux-ci condamnés à les restituer, ceux-là traités comme dilapidateurs des (1) F10 285. (2) Mention marginale datée du 14 prair. et signée Carrier. 252 ARCHIVES PARLEMENTAIRES - CONVENTION NATIONALE BOURDON (de l’Oise) : Je demande qu’on suspende toute discussion sur les changemens à faire dans la répartition de l’impôt foncier et mobilier, jusqu’à ce que le comité de salut public les ait examinés. Il seroit, je crois, convenable de laisser subsister les formes établies jusqu’à ce qu’avec la paix nous fassions aussi présent au peuple de la liberté de ses terres, de la liberté de son industrie et de la liberté de ses bras. Vous aurez pour le remboursement de cette dette publique les impôts sur les riches, sur les successions des célibataires, sur les successions collatérales, sur le timbre et sur l’enregistrement. L’indigent au moins ne sera pas grevé par une répartition injuste. Il ne sera plus vexé et les riches ne se nourriront plus de sa substance. Vous ferez par ce moyen la révolution de l’Europe plus promptement que par vos bayon-nettes. Hâtons-nous, diront tous les peuples, d’adopter un ordre de choses qui nous mettra en possession de si beaux avantages. » Applaudi. TALLIEN développe les mêmes idées, avec la même énergie. La Convention renvoie à l’examen des comités réunis de salut public et des finances les vues philantropiques qui lui ont été présenté, ainsi que le projet de décret (1) . 75 [La Sté popul. d’Epemay au C. de S. P.; 27 flor. II] (2). « Citoyens représentans, La municipalité de la commune d’Epernay vous dénonce un abus qu’il est pressant de réprimer. Il aurait des suites funestes pour l’agriculture qu’il pourrait paralyser. H faut que l’ouvrier reçoive un juste salaire, mais il faut aussi mettre un frein à la cupidité. De tout temps le prix de la journée de travail a servi de base à celui des denrées, et dès lors que celles-ci sont soumises à la loi du maximum, la main-d’œuvre ne peut y échapper, aussi la Convention l’y a-t-elle assujettie, mais l’égalité exige que l’ouvrier qui reçoit de son travail un prix supérieur à celui que la loi a fixé, soit puni des mêmes peines que le marchand qui vend sa denrée au dessus du maximum. C’est ce motif d’intérêt public qui a déterminé la société populaire à appuyer auprès de vous la pétition de la municipalité d’Epernay. » MacKenna (présid.), Coltier (secrét.). Renvoyé au comité d’agriculture (3) . (1) Minute de la main de Bourdon (de l’Oise). Décret n° 9382. J. Perlet, n° 619; J. Univ., n° 1652; C. Univ., 15 prair.; Ann. R.F., n° 185; C. Eg., n° 654; Feuille Rép., n° 335; J. Mont., n° 38; Mess, soir, n° 654; Rép., n° 165. Voir ci-après, séance du 15 prair., n° 73. (2) F10 285. (3) Mention marginale datée du 14 prair. et signée Ath. Veau. 76 [Le cm Cronier, à la Conv.; Ile Franeiade, 10 prair. II] (1). « Citoyens représentans, Il est du devoir de tous bons républicains, ami du bien général, de mettre sous les yeux des législateurs, les abus qui viennent à leur connaissance. Il s’en commet un qui est assez essentiel pour mériter votre attention. Les rivières produisant une denrée de première nécessité, se trouveront bientôt ruinées par l’avidité et la cupidité des pescheurs qui détruisent tout le fraie du poisson, en se servant de fillets, que l’on nomme cliquette, faisant la traverse de la rivière, qui ramassent tout ce qu’ils rencontrent, et qui par ce moyen empêche les poissons de se multiplier. Il y aurait un moyen bien simple pour empêcher ces dégradations, en prohibant ces sortes de filets qui ruineraient toutes les rivières, en moins de 3 ans, et ordonner aux pescheurs de jeter le poisson à l’eau au dessous d’une certaine longueur. Jettez, législateurs, un coup d’œil sur cet objet intéressant qui, en procurant un très grand avantage à la République, fera le bien du pes-cheur; ceux qui sont de bonne foi le désirent. Je trouverai s’il le faut cent signatures depuis l’He Franeiade jusqu’à Charenton des M®8 pescheurs qui ne désirent que ce filet là soit défendu, le même abus se fait à plus de 60 lieues à la ronde, ledit citoyen donnera tout l’éclaircissement possible si cela est nécessaire. Le dit citoyen a 2 enfants qui servent la République depuis 2 ans. Le père désire être utile à la chose publique. J.J. CRONIER (connu chez le citoyen Du-plessi, limonadier aux petits carreaux). Vu par nous, pêcheurs composant la commune de l’Ile Franeiade — Reconnaissons la vérité et la justice du mémoire ci-dessus et l’adoptons dans tout son contenu. Et l’avons signé. [Suivent 25 signatures illisibles]. Renvoyé au comité de commerce et d’agriculture (2). 77 La seconde lecture du décret rendu hier relativement aux moyens d’accélérer la répartition des secours accordés aux familles des défenseurs de la patrie, a donné lieu à une réflexion de la part de Ramel qui a occupé un instant la Convention nationale. Une des dispositions de ce décret porte que les citoyens riches ou même aisés qui auroient perpétré à des secours qui ne sont destinés que pour l’indigence seront, ceux-ci condamnés à les restituer, ceux-là traités comme dilapidateurs des (1) F10 285. (2) Mention marginale datée du 14 prair. et signée Carrier.