7 [Etats gén. 1789. Cahiers. 1 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée d'Angoumois.] Art, 45. D’après le nouveau plan d’administration proposé par Sa Majesté et demandé avec empressement par la nation, chaque citoyen devra s’occuper à l’avenir de la chose publique. L’éducation nationale devient donc plus intéressante qu’elle ne le fut jamais. Les Etats généraux seront sollicités de rechercher les moyens les plus propres à perfectionner cette branche importante dè l’administration, tant par la réforme de l’enseignement que par le choix des personnes auxquelles il devra être confié. Art. 46. Les établissements de l’École militaire et de Saint-Cyr, et autres faits-en faveur de la noblesse indigente du royaume, doivent tourner au profit de toutes les provinces. Il serait donc juste de répartir le nombre des élèves en raison de la population de chacune. Cette répartition faite, il paraîtrait convenable de s’en rapporter, pour la présentation des sujets, à la partie des Etats provinciaux qui représentera la noblesse. Art. 47. Les chapitres établis en faveur des demoiselles nobles et indigentes, sont un avantage dont jouissent depuis longtemps plusieurs provinces septentrionales; il serait juste d’étendre ce bienfait sur tout le royaume. On le peut facilement en affectant à ces établissements les revenus des bénéfices inutiles, et dont les fonctions n’ont plus d’objets subsistants. La province d’An-goumois, plus que toute autre, a besoin de cette ressource, la noblesse pauvre y étant si multipliée, qu’il est impossible de donner un état à une infinité de demoiselles. Les députés solliciteront avec empressement un établissement aussi précieux, qui ne ferait que ramener à leur véritable destination les revenus de ces bénéfices. Art. 48. Ils demanderont également que les Etats provinciaux soient chargés de veiller à l’administration et à l’emploi des deniers patrimoniaux des villes. Art. 49. Les députés exposeront que l’office de lieutenant des maréchaux de France, qui donne le droit de juger la noblesse sur le point d’honneur, n’est pas de nature à être vénal, moins encore que tout autre office, la noblesse ne pouvant et ne devant être jugée que par ses pairs : et ils demanderont expressément qu’il ne soit accordé qu’au mérite, à la naissance et au service militaire réunis. Art. 50. L’utilité des grandes routes est généralement reconnue; mais leur extrême largeur dans certaines provinces est également nuisible P la solidité de leur construction, à la facilité de leur entretien, à l’intérêt des citoyens dont elle détruit inutilement la propriété. Il sera sollicité une nouvelle loi qui détermine une largeur uniforme pour toutes les routes principales du royaume, et une largeur moindre pour les routes de communication, qui assure également le payement du terrain des particuliers avant l’ouverture du chemin. Art. 51. Les députés représenteront aux Etats généraux le danger qu’il y aurait à laisser subsister des lieux de refuge qui, presque toujours, conlre l’intérêt des mœurs et du commerce, mettent les débiteurs de mauvaise foi à l’abri des poursuites de leurs créanciers. Ils observeront également combien il serait essentiel de réprimer par une loi sévère la cupidité des marchands qui, abusant de l’inexpérience et de la légèreté de la jeunesse, hâtent par leur perfide facilité .la ruine des fils de famille. H ne s’agit que de renouveler les dispositions de règlements qui déclarent nuis toutes lettres de change ou billets consentis par les mineurs sans le consentement par écrit de leurs pères, mères, tuteurs ou curateurs, et d’en maintenir l’exécutiou. Art 52. Les députés demanderont que les lois contre les banqueroutiers et les usuriers soient remises en vigueur. Art 53. Vu l’impossibilité où se trouvent beaucoup de gentilshommes sans fortune de placer leurs enfants au service, il sera pourvu à ce que chaque grade militaire ait des appointements assez considérables pour fournir de quoi vivre convenablement à ceux qui en seront pourvus, sans avoir besoin de secours de leurs parents. Art 54. Les députés aux Etats généraux seront chargés de solliciter le rétablissement du tribunal héraldique, qui, sous la présidence des maréchaux de France, connaîtra seul des contestations qui s’élèveront sur l’état de la noblesse ; qu’il sera établi, sous la surveillance de ce tribunal, un dépôt d’archives où les titres des familles nobles seront enregistrés : au moyen de cet utile établissement qui existe dans tous les royaumes de l’Europe, et avait lieu autrefois en France, on ne sera plus obligé de faire autant de preuves qu’on a de demandes particulières à former. L’inconvénient, disons même le danger où la noblesse est actuellement exposée de n’avoir pour juge supérieur de son état politique qu’un seul homme, dont les travaux excèdent d’ailleurs les forces physiques et morales, n’existera plus, et elle n’aura point à craindre les décisions arbitraires, les préventions qui obsèdent un généalogiste, et dont un tribunal seul peut se garantir. Art 55. Lesdits députés demanderont l’établissement d’un juge de paix dans chaque paroisse des campagnes, lequel sera choisi par la commune, et amovible tous les trois ans, avec facilité de le continuer, dont les pouvoirs seront fixés par les Etats généraux, et le ministère sera purement gratuit. Art 56. Lesdits députés représenteront que le sort des curés et vicaires à .portion congrue devant être amélioré, il paraîtrait naturel de leur procurer cet avantage, en prenant sur le revenu des cures dont le produit excède l’honorable entretien du pasteur, et subsidiairement par la réunion de bénéfices simples, et qui n’exigent point de résidence. Fait et arrêté en l’assemblée de l’ordre de la noblesse, tenue àAngoulême par ordre du roi, les 16, 17,18, 19 et jours suivants du mois de mars 1789. Signé Le comte de Gherval, Sénéchal, comte Bertrand de La Laurencie, le marquis de Glmuvron, le comte de Jarnac, S. Simon, Regnaud de la Sourdière, le comte de Broglie, Ghérade, comte do Montbron, Lageard, de Jean de Jauvelle, de Lambert, Gussol d’Ures, comte de Montausier, Valleteau de Gbambresy, Arnauld de Ronsenac, le marquis de Regnaud de la Sourdière, Perrier de Gurat, et de Chance!, secrétaire. Ensuite est écrit : « Déposé au greffe de la «'sénéchaussée et siège présidial d’Angoumois, le « premier avril 1789. Signé Resnier ». CAHIER du tiers-état , des sénéchaussées principale et secondaire d’Angoumois , aux Etats généraux (1), remis à Messieurs Augier, négociant à Cognac; Roi, avocat à Angoulême ; Marchais , assesseur à la Rochefoucault ; Dulimbert , procureur du roi , à Confolens. Aujourd’hui, 21 mars 1789, en l’assemblée de tous les députés du ressort des sénéchaussées (1) Nous publions ce cahier d’après pu imprimé delà, Bibliothèque du Sénat, 8 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée d’Angoumois.] principale et secondaire d’Angoumois, tenue en l’ancien réfectoire du couvent des Cordeliers de la ville d’Angoulême, présidée par messire Louis de Munier , chevalier, baron de Blanzac et la Rocheandry , seigneur de Raix, Roussignac et autres lieux, conseiller d’Etat, lieutenant général de la sénéchaussée et siège présidial d’Angoumois, il a été procédé à la rédaction des cahiers de doléances, plaintes et demandes desdites sénéchaussées, ainsi qu’il suit : La forme d’opiner par tête sur toutes matières communes aux trois ordres, réclamée par le vœu général du tiers-état, comme la seule propre à fixer promptement les résultats des délibérations. Le retour périodique des Etats généraux tous les cinq ans, au plus tard, assuré par une loi qui devienne constitutionnelle, et qui admette le tiers-état en nombre égal aux deux autres ordres réunis. Les trois ordres contribueront également, et à perpétuité, à tous les impôts, relativement à leurs facultés et propriétés, et renonceront en conséquence à tous les privilèges pécuniaires. La sûreté du trésor de la nation, à laquelle les Etats généraux voudront bien pourvoir, par l’établissement que leur sagesse leur dictera. Les dépenses des différents départements seront réglées, en y apportant l’ordre et l’économie dont chaque objet est susceptible. Les ministres seront responsables envers la nation des administrations qui leur seront confiées, et donneront annuellement la publicité à leurs comptes provisoires, par la voie de l’impression, pour être vérifiés et arrêtés par les Etats généraux. Aucun impôt ne pourra être établi ni prorogé, et nul emprunt ne sera obligatoire sans le consentement des Etats généraux, quelles que soient les formes employées. Les lois et règlements généraux ne seront reçus et exécutés dans le royaume, qu’après avoir été consentis ou proposés par la nation, et revêtus du sceau de l’autorité royale. L’aliénation du domaine de la couronne, à titre de cens ou d’inféodation, sous la réserve de la directe et confirmation des échanges faits sous le règne précédent et sous celui-ci, sous la réserve des justices royales, dans les domaines où elles sont établies, à la charge par les engagistes ou propriétaires actuels de compter delà plus-value. L’aliénation ne pourra en être faite qu’au plus offrant enchérisseur, par les Etats provinciaux, d’après la décision du roi et des Etats généraux, et le produit appliqué à l’acquit de la dette nationale. Sa Majesté est suppliée de vérifier, avec les Etats généraux, les pensions ; de supprimer en entier celles qui n’ont point été accordées au yrai mérite, ou pour services rendus à l’Etat ; de réduire celles-ci à des formes modérées, et de ne Î)lus en accorder que pour causes bien légitimes, esquelles recevront la vérification des Etats généraux. La liberté individuelle des citoyens et l’abolition des lettres de cachet. La liberté de la presse avec les modifications nécessaires à l’ordre social. La réforme des ordonnances militaires en ce qui concerne l’exclusion du tiers du service. Le régime des pays d’Etats, pour la province d’Angoumois, ou la réunion des deux provinces de Saintonge et d’Angoumois ; et, dans ce cas, la tende des Etats alternative dans les deux capitales. Ces Etats seront composés de députés élus librement dans les trois ordres, et dans une proportion telle que le tiers-état compose la moitié de l’assemblée. Les délibérations se prendront en commun, et les voix seront comptées par tête, et non par ordre. Lesdits Etats feront la répartition et perception de toutes les impositions, auront l’administration des routes, ouvrages d’art, canaux, haras, manufactures, hôpitaux, collèges, et généralement tous les établissements qui peuvent intéresser le bien public et la prospérité de la province. Des assemblées d’arrondissement en nombre proportionné à l’étendue et à la population, seront chargées, sous l’inspection des Etats, de la répartition des impôts entre les différentes communautés des départements, et de toutes les autres parties de l’administration locale qui les concerneront. Il sera établi dans chaque paroisse ou communauté une assemblée municipale de propriétaires et d’habitants élus librement, qui sera chargée, sous la surveillance de l’assemblée de département, de la répartition individuelle des impositions et de l’entretien des chemins vicinaux pour lesquels elle aura l’emploi d’une partie des fonds destinés aux travaux des routes. L’impôt pour les routes sera réparti sur tous les ordres, au marc la livre de l’impôt principal. Suppression de tous les impôts connus sous la dénomination de tailles, capitation, impositions, accessoires et vingtièmes, leur remplacement par un impôt également réparti sur les propriétaires de tous les ordres, en proportion de leurs revenus fonciers dans chaque paroisse, et sur les capitalistes, négociants, marchands et artisans en proportion de leur commerce et industrie, dans les paroisses de leurs domiciles. Réduction de la masse actuelle des impositions du haut Angoumois, à cause de la surcharge u’il éprouve, par le double emploi qui s’est glissé ans la taille matrice de cette partie de la province, lors de la formation de la généralité de la Rochelle, en 1694, Qu’il soit procédé, parles Etats généraux, à une répartition proportionnelle entre toutes les provinces. Suppression des aides et droits y réunis, du don gratuit et droits y réservés, en laissant aux Etats provinciaux la liberté d’y suppléer, et de verser annuellement au trésor public le net produit de ces différents droits. Suppression des droits de francs-fiefs. Qu’il soit libre aux Etats provinciaux de faire régir ou supprimer, ainsi qu’ils aviseront, les autres droits perçus par l’administration des domaines, à l’exception de ce qui a réellement trait au domaine de la couronne, sous l’obligation d’en verser le produit net au trésor royal. Le transport des traites de l’intérieur aux frontières, et que les droits qui seront imposés sur les denrées et marchandises aux entrées et sorties du royaume soient fixés par un tarif précis et uniforme. Suppression des économats, et attribution de cette administration aux Etats provinciaux. Suppression des intendants et receveurs généraux et particuliers des finances. Suppression des tribunaux d’exception, en laissant subsister ceux des juridictions consulaires, auxquels il paraît convenable de donner une ampliation, sauf le remboursement, ainsi que de droit. [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée d’Angoumois.] 9 Suppression des gouvernements inutiles, tels que ceux des châteaux et villes ouvertes, de tous les états-majors de la troisième classe. Les propriétaires des droits de bans, banalités, guet et garde, péages et placages, sont invités à y renoncer, en recevant une indemnité relative à leur valeur. L’action solidaire contre les censitaires, limitée à cinq ans, et suppression de tous les abus relatifs à la perception des redevances seigneuriales. Que les milices soient remplacées par des recrues volontaires, aux dépens des provinces. Qu’il soit interdit aux seigneurs des fiefs de réclamer la propriété des arbres accrus sur le bord des terres adjacentes aux chemins publics, à moins qu’ils ne justifient des titres formels à cet égard. Justice. Une réformation dans l’ordre judiciaire en général. Que les peines soient infligées selon la nature des délits, sans distinction des personnes. Une ampliation aux sièges royaux et aux présidiaux, et attribution en dernier ressort aux grandes justices seigneuriales, pour causes personnelles, jusqu’à concurrence des sommes qui seront fixées par les Etats généraux. Suppression des committimus, évocations et ATTRIBUTIONS. L’abolition de la vénalité des charges de judi-cature, et jusqu’à l’abolition du centième denier ; le remboursement des finances de ces offices, après le décès des titulaires. Que le remplacement des officiers ne puisse être fait que sur la présentation des Etats provinciaux, après une section libre parmi ceux qui se seront attachés à l’étude des lois, et qui se seront distingués par leur mérite et leurs bonnes mœurs. L’abolition des épices. Déclarer les juges consuls incompétents pour connaître des lettres de change ou billets à ordre souscrits par des enfants de famille, non connus ni rangés dans la classe des négociants ; autoriser les juges ordinaires de relever les mineurs qui auront contracté de tels engagements, lorsqu’ils les auront attaqués parles voies légales. Suppression des dispenses d’age et de temps d’études. Qu’il soit accordé à chaque paroisse la liberté de se choisir un juge de paix amovible et un suppléant, en cas de légitime empêchement, dont les fonctions et pouvoirs seront déterminés parles Etats provinciaux. Suppression des offices de jurés priseurs. Suppression des lettres de répit. Les provisions des notaires ne pourront être expédiées qu’en justifiant, par le récipiendaire, d’un travail de cinq ans au moins chez les avocats, procureurs ou notaires, et d’un certificat de capacité, probité et bonnes mœurs, signé des officiers du siège et de deux notaires. L’établissement d’un dépôt unique dans la capitale de l’Angoumois, pour les minutes des notaires du plat pays, après leur décès, est sujet à un inconvénient monstrueux et irréparable, en cas de tumulte, ruine ou incendie, et par les dépenses extraordinaires qu’il occasionne aux habitants. Il convient donc qu’il en soit érigé de pareils dans le chef-lieu de chaque arrondisse-' ment des bureaux de contrôle, et les minutes déjà -déposées, rapportées aux différents dépôts auxquels elles appartiendront. Que tous les notaires royaux soient autorisés à instrumenter dans toute l’étendue du ressort de la sénéchaussée, même dans la ville capitale. Fixation à quatre mois pour l’obtention des lettres de ratification sur les ventes des immeubles, et à six ans pour la durée des oppositions et la connaissnnce des causes appartenant aux juges des lieux. Clergé. Abrogation du concordat et de toutes expéditions de cour de Rome, ainsi que des dispositions de l’édit de 1695, relativement à l’entretien des presbytères et des églises. Que les cures soient suffisamment dotées, et suppression du casuel. Que le clergé soit tenu d’acquitter ses dettes dans un délai fixé. Qu’il soit défendu de recevoir des vœux de la part des deux sexes, avant l’âge de vingt-cinq ans. Observation des lois sur la résidence des bénéficiers, et abrogation des dispenses de pluralité de bénéfices excédant trois mille livres. Demandes particulières de la ville , et qui intéressent généralement la province. Rétablissement de l’Université accordée par la charte de François Ier, de 1516, ou au moins une agrégation. Le rétablissement de la forme ancienne de la municipalité, et sa composition par des élections libres de tous les corps, sans aucuns privilèges. Réduction des cures de la ville et leur dotation sur les menses des monastères supprimés. Réunion aux hôpitaux des revenus dépendants des hospices des pèlerins et aumôneries. Suppression de la vénalité des jurandes et de tous les droits pécuniaires attribués à la police sur la communauté des arts et métiers, qui seront en corporations, régies par des statuts et sans frais, sauf l’établissement de droits modiques sur les maîtres, qui seront reçus à l’avenir, jusqu’au remboursement des finances payées par les anciens. L’administration du collège confiée à un corps ecclésiastique, et pour éviter les difficultés sur le choix. Sa Majesté sera suppliée de l’indiquer. Arrêté définitivement dans l’assemblée de l’ordre, le présent cahier, contenant soixante et un articles. Ainsi signé : Pougeard du Limbert, Roy, Marchais , Commande de Châtenet, Marchadier, de Jarnac, Dewars-Blanchon de Jarnac-Bellair, Robin lejeune, Cambois de Cheneuzac, Memneau, Dubois, Dupuy, Reyalleaud, Lavigne, Condillac, Bechemes Babaud de la Croze, Jacques de La Brousse, Babaud de Paynaud, De Val, Des Majeaux, Vavin, Gou-guet, Plaignant le jeune, Lajeunie Joyeux, Chani-agne Gazeau, Lorreau, Bourdier de Bresme. Des ayniers, Petit, Gauthier, Terrassier Mallet, Téri-don Everson, Gerbaud, Hénard, Bois Veloux père, F. Faure de Germeville, Ghelaud des Farges, Chaseau, Vigeau, Girard, Charles Gachet de Reix, Roche, Testaud, Terrieux, Gendre, Moine, Desbordes, Du Payerat, Boyer, Oui, Grand-Veaud, Renard, Demoisson, Matthey, Pallaud, Mallet, Colle de Bœuf, Du Tillet, de Marquantier, Valleteau, Malet, Gerbaud, Guedon, Sicard, Texier, de Boisseguger, Beaurivier, Bouhier, Delhuelle, Goboriaux, Tabu-teaud, Janin, Lapayôre deBellair, Pallée, Tourette, Naud,Planty, Lamemère, médecin, Goumin, Brous - sard, de Villaret, Bouquet, Vegre, de Rase, Jacques Rochette de Pluset, Guillot, Bourgeois, de La Bellivière-Landré, Gobineaud, Peintaud, de Bourdelier, Thavaud de Lisle, üeboisenviers, Ma- 10 [États gén, 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée d’Angoumois.] chenaud, Tassé, Albert, R. Roussier, Prévôt, Du Las de La Vigerie, M. Doche, Delaplante, Gyer, Ardouin, Gilbert, Gallandreau, de Fresse, Albert jeune, de Reix, Martaud, Risat,Dumontel, Sibillet, Lechelle, Barbarin, de La Martinie, Binet, Bour-rul, de La Couture, Hardy, Poirier de La Pomme-raye, Clavaud jeune, G'umbertaud, Toreau bis, Tendon, Saunier, Duplessis, Robin, Pinaud, Paren-teau, de La Mantière, Buaud, David Du Portail, Vigneron, Deschamps. Dupuy, de Lepine, Texier, Thorel, Richard, Valleau l’aîné, Joubert, Lespi-nière, Chabot, Larsier, Demondron , Ballandy, Geoffroi, Desplan, médecin, Demondron, Deschi-vons, Charles Duclaud, de Cesain, Jacques Le-maure, Montausier, Bourul, de La Vallade, Du-fresse de Chassaigne , de La Becherie, Puy de l’Homme, de Liste, de Maindrat, Maltête, Boubaud, Coutaud, Leschelle, Roullel, Dulucbat, Thioult, de Bois, Charante, Talion, de La Vente, Bortaud, d’Orfeuille, Preveraud, Venerias, Rozé, Gumber-taüd, Boismetor, de La Grezille, Bebilier, Le Meunier, président, et Resnier, greffier-secrétaire. Pour expédition collationnée * Signé Resnier. MÉMOIRE En forme d'observations pour servir à toutes fins de doléances et plaintes de la ville d’Angoulême que les députés du tiers-état de ladite ville adressent au ministère des finances (1). Si, lors de la nomination des députés du tiers-état aux Etats généraux, la cabale et l’intrigue n’eussent porté que sur le choix de quelques-uns d’entre eux, l’espoir d’un nouveau règlement capable de réprimer les abus dans les nominations subséquentes aurait imposé un silence respectueux ; mais les députés des campagnes, non contents d’en avoir ouvertement écarté ceux de la ville capitale par l’influence des officiers, des seigneurs sur l’esprit de leurs justiciables, se sont encore attachés à élaguer du cahier général tout ce qui n’était pas contenu dans les leurs. Une opiniâtreté trop soutenue dans les sentiments a divisé les intérêts; elle a enfin prévalu dans la rédaction, ou plutôt dans la formation du cahier de la province, sans qu’il y en ait de particulier au bailliage principal d’Angoulême ; c’est ce qui détermine le tiers-état de cette ville à supplier monsieur Necker de prendre en considération le présent mémoire et d’avoir égard à des plaintes et doléances dictées par le respect et la nécessité. 1° Le premier devoir de la ville d’Angoulême et de sa province, c’est de témoigner son respect, son amour et sa soumission pour le monarque bienfaisant qui va justement recevoir le glorieux titre de Père du peuple. DÉLIBÉRATION PAR TÈTE ET NON PAR ORDRE. 2° Le tiers-état supplie très-humblement Sa Majesté d’ordonner que les voix seront recueillies par tête et non par ordre. L’union de sentiments de deux ordres ne pouvant raisonnablement engager l’autre, cette manière d’opiner deviendrait illusoire ; si elle pouvait êtru de quelque poids, on verrait souvent la majorité céder à la minorité. Un seul exemple suffira pour le démontrer : en supposant que le tiers-état soit représenté par six cents députés, (1) Nous publions ce cahier d’après un manuscrit des Archives de l’Empire. dont cinq cents seront d’un même avis, et lescent autres en opposition, que des trois cents qui représenteront le clergé, cent se trouvent d’accord avec les cinq cents du tiers, et deux cents avec les cent opposés ; qu’il en soit ainsi dans la noblesse, il résulterait de cette forme dans les opinions que cinq cents l’emporteraient sur sept cents ; si néanmoins il pouvait y avoir des cas qui nécessiteraient de voter par ordre et non par tête, ce ne devrait être dans aucune des circonstances où les intérêts sont communs, et vraisemblablement ces exceptions seront très-rares puisque le bien de tous se trouve dans les différentes branches d’administrations. ABUS DES PRIVILÈGES. Leur suppression, l’établissement cl’une imposition foncière en place des tailles, de la capitation et des vingtièmes, 3° L’affranchissement des impositions dont ont joui, jusqu’àprésent, les deux premiers ordres, est une des justes sollicitudes du troisième. C’est à la féodalité que le tiers-état doit attribuer la prépondérance qu’ils ont eu sur lui aux assemblées générales ae la nation, où la première fois qu’il fut appelé ce ne fut que pour recevoir un double joug. Chez les Romains, les charges de l’Etat portaient sur les différentes classes de citoyens, sans distinction de titres et de rang ; il en fut ainsi parmi les Francs dans les premiers temps de la monarchie, les sujets étaient également libres, et les propriétés supportaient des contributions proportionnelles. Mais les lois féodales ont en quelque sorte bouleversé l’ordre de la nature : les terres furent anoblies, et des hommes devinrent esclaves; ce fut dans le principe la possession des fiefs qui donna le droit de noblesse, c’est-à-dire qu’il mit les uns dans l’affranchissement et les autres dans la servitude. On se lit une honte de s’assimiler à des êtres qu’on avait privés du droit d’égalité, et lorsqu’on eut une fois senti la nécessité de solder des troupes pour le soutien de l’Etat et la gloire du monarque, les grands vassaux, en se déchargeant du service et de la guerre, versèrent sur le peuple les subsides dont eux-mêmes profitèrent selon leurs places dans les armées, et les prétendues immunités du clergé s’étendirent sur les riches possessions qu’une crainte religieuse lui appropriait. Les règlements successivement rendus sur le fait des tailles, font apercevoir que les privilèges ont été regardés comme exorbitants du droit commun, puisque les rois se sont toujours attachés à les restreindre, ce qui en démontre manifestement l’injustice et l’abus. Car s’ils eussent pris leur principe dans la constitution de la monarchie, leur universalité ne pouvait être divisée. Plus les législateurs ont limité les exemptions, plus la noblesse et le clergé se sont étudiés à éluder la disposition des lois : par exemple, il ne peut être exercé de privilèges que dans une paroisse, pour les biens sujets à 1 exploitation, dans les pays où la taille est mixte ; mais la plupart de ceux qui en jouissent l’étendent dans lesgéné-ralités où ils ont des possessions, parce qu’on ignore, dans une élection, ce qui se passe dans une autre. La jurisprudence des cours des aides affranchit de taille les prés, bois et vignes des gentilshommes et des ecclésiastiques, dans quelques lieux que ces sortes de biens soient situés, et comme ce sont leurs principales possessions, le poids des (États gén. 1789. Cahiers.] , ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée d’Angoumois.] \\ charges s’en appesantit d’autant plus sur les tail-lables. Les droits d’agriers,.de champarts, de dîmes, rentes seigneuriales, et autres objets semblables, ne sont assujettis à aucunes des charges réservées au tiers-état ; cette exception est opposée à la nature de la chose, ils tiennent tellement aux héritages, qu’ils font partie de leurs productions et qu’on les prélève sur les fruits. Combien de gentilshommes, confiant la culture de leur domaine à des colons, les font passer pour des valets à gages! On voit journellement des fermiers de terres prendre la qualité de régisseurs par des procurations simulées, et les abus qui dérivent de tant de fraudes sont une des causes qui surchargent la classe des taillables. Les gens aisés ne fatiguent pas moins les campagnes : les uns se soustraient des impositions par le moyen des charges qui concèdent la noblesse ; les emplois et les offices dont les autres sont pourvus, leur donnent l’exemption des taxes personnelles, ce qui, réuni aux privilèges dont jouissent les habitants des villes franches, devient un surcroît d’imposition sur les paroisses où chacun d’eux ont des biens. L’extinction de la taille, des accessoires, de la capitation , des vingtièmes et des décimes, est donc un des principaux objets à réclamer. Le mot de taille semble annoncer encore un reste de servitude qui dégrade des hommes libres, par le droit et par la raison. Sa Majesté sera très-humblement suppliée d'y suppléer par une imposition foncière à laquelle les trois ordres seront assujettis proportionnellement à leurs biens, de quelque nature qu’ils soient ; mais comme il est juste que le commerce et les arts, ainsi que tous ceux dont la fortune est dans le portefeuille, contribuent aux charges de l’Etat, il conviendra pour lors de prélever sur la masse du taux foncier de chaque province une somme quelconque, à la prudence des Etats provinciaux, pour en faire la répartition sur les propriétés fictives, les négociants, gens de métiers et sur tous ceux généralement qui ont des professions lucratives. Chaque communauté ou corporation devra répartir elle-même sur chaque individu la portion qui lui sera assignée ; on n’aura pas alors à se plaindre de l’injustice de la distribution, sauf à taxer particulièrement les personnes dont l’état ne sera pas analogue à ces différents corps. Quant aux campagnes, il sera aisé de faire une taxe fixe pour ceux dont l’industrie sera étrangère à l’agriculture, et la masse restante de l’imposition foncière sera répartie sur l�s biens réels. PÉRIODICITÉ DES ÉTATS GÉNÉRAUX. 4° Les bontés du roi ayant fait espérer le retour périodique des Etats généraux il sera nécessaire de déterminer invariablement leur époque ; ce sera donner à la monarchie un degré de puissance qui la rendra plus formidable au dehors, plus florissante au dedans. Cette période assurera l’éclat du trône et le bonheur des sujets dont Sa Majesté veut bien s’occuper. ETABLISSEMENT D’IMPOTS. 5° D’après la volonté connue du roi, les députés solliciteront de sa justice qu’à l’avenir, il ne soit continué d’autres impôts que ceux qui auront été consentis et arrêtés dans une assemblée nationale. Les charges seront toujours en proportion avec les besoins de l’Etat. La sanction des lois n’aura plus l’inconvénient qu’éprouvent presque toujours leurs vérifications et leurs enregis trements dans les cours supérieures par des modifications souvent opposées entre elles. RESPONSABILITÉ DES MINISTRES. 6° En fixant la dépense ordinaire de chaque département, et les ministres une fois assujettis à une responsabilité qui doit être la suite de l’ordre et de l’économie à porter dans les finances, ils n’auront plus la facilité de sacrifier à la faveur, ou de céder à l’importunité. LETTRES DE CACHET. 7° Les intentions que Sa Majesté a manifestées à toute la France ont autorisé les provinces à réclamer la suppression des lettres de cachet, qui attaquent l’homme dans sa liberté. Cette réclamation mérite néanmoins un examen bien réfléchi dans 1’assemblée nationale sur les considérations particulières qui peuvent y donner lieu. Des pères justement alarmés de l’inconduite de leurs enfants ne peuvent raisonnablement devenir leurs délateurs pour les livrer à la vindicte publique. Des familles au sein desquelles desfemmes portent le déshonneur et la honte se refusent à la publicité de leurs égarements par une procédure judiciaire. C’est donc dans de pareilles circonstances qu’on pourrait regarder les lettres de cachet comme un effet de la bonté du monarque , sitôt que la nécessité serait constatée par les Etats provinciaux. LIBERTÉ DE LA PRESSE. 8° La liberté de la presse tient à l’ordre social et au besoin d’éclairer l’administration ; elle paraît devoir être sans bornes, pour le bien, mais prohibée pour tout ce qui peut corrompre l’esprit et le cœur. ÉTATS PROVINCIAUX. 9° L’établissement d’Etats provinciaux est le vœu de la nation et celui de chaque individu qui a le bien en vue; il paraît juste que la répartition, la levée et la rentrée des charges publiques et locales appartiennent à ceux qui les payent par le choix des sujets sur lesquels reposent leur confiance; mais l’attribution ne doit pas être restreinte à ces trois objets. Sa Majesté sera très-humblement suppliée de donner aux Etats provinciaux une consistance qui fasse porter leur activité sur la confection et l’entretien des routes, des chemins vicinaux, la navigation , les réparations d’églises et de presbytères , les anciens et nouveaux établissements, les bureaux établis pour les enfants trouvés, les convois militaires, les casernes des troupes de passage, la fourniture des étapes, les soldats dans les hôpitaux, la levée des troupes provinciales, et d’étendre enfin leur ressort sur tout ce qui concernera le bien et l’avantage de la province, sans que des autorités intermédiaires puissent balancer leurs opérations. La contribution des peuples deviendra plus facile dans sa perception, plus économique dans le versement des tributs au trésor royal , les sujets en seront soulagés, même en augmentant les revenus de l’Etat par une sage administration, sans qu’il soit besoin de faire passer d’une main dans, une autre des fonds dont la masse est sensiblement altérée par les différents canaux où elle coule avant d’arriver à sa véritable destination. ÉTABLISSEMENTS D’ÉTATS PROVINCIAUX POUR L’AN-GOUMOIS. 10» C’est à la suite de cet article que la ville d’Angoulême doit implorer des bontés du roi, 12 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée d’Angoumois.] l’établissement d’Etats provinciaux particuliers à la province d’Angoumois , dont le district s’étendra sur les paroisses et les enclaves intérieures hors de son ressort, ou qui la circonscrivent. Son bailliage principal, et le bailliage secondaire de Cognac, comprennent environ quatre cent cinquante paroisses, qui, toutes sous le même régime, sans réunion à d’autres provinces, seront beaucoup mieux administrées, en ce que leurs intérêts sont les mêmes, qu’il n’y a aucune différence dans leur commerce non plus que dans la coutume qui les gouverne. La navigation de la Charente, les bois, les vins, les fers, les eaux-de-vie, les sels et les négociations, mettent tant de liaisons dans leurs affaires, qu’il n’est pas possible deles scinder, sans un désavantage réciproque. Dans un département médiocre les rapports sont mieux combinés ; les vues du bien plus rapprochées et tout l’ensemble s’apercevant plus aisément sans discussion d’intérêt avec des provinces étrangères, la félicité des peuples se trouve attachée à une pareille administration. Deux cent soixante-onze collectes formant une élection particulière, dépendent de la généralité de Limoges ; le commerce, les mœurs , le sol, le langage des habitants de cette partie d’Angou-mois, et de ceux du Limousin diffèrent tellement entre eux qu’on ne peut y voir d’autre analogie que celle d’être de la même généralité. Les premiers sont régis par une coutume, les autres par le droit écrit. L’Àngoumois où les aides ont cours est dans le ressort du Parlement de Paris. Limoges, pays non sujet à ce droit, ressortit à Bordeaux, enfin la dissemblance va jusqu’au territoire dont les productions sont différentes. Il est peu de provinces dans le royaume qui soient aussi divisées que la nôtre : partie est unie pour les impositions avec le Limousin, et c’est dans ce cas où elle est le moins favorisée; plus de cent quarante paroisses composent l’élection de Cognac, d’autres sont de celle de Sain-Jean-d’Angély et de Barbezieux, toutes de la généralité de la Bochelle , quelques-unes enfin sont réunies à Poitiers. Le plus grand avantage que puisse recevoir l’Angoumois, c’est donc d’en lier toutes les parties sous une seule administration provinciale ; mais si des circonstances qu’on ne peut prévoir s’opposaient à l’exécution de ce projet, on ne cessera de réclamer la séparation de l’élection d’Angou-lême des quatre autres dépendantes de la généralité de Limoges, pour qu’avec le surplus de la province, ces Etats provinciaux soient les mêmes que ceux de la Saintonge et de l’Aunis. LE TIERS-ETAT RAPPELÉ AUX PLACES. li° Le tiers-état, loin de méconnaître la distinction des rangs que donne la naissance, et sa préférence pour les dignités ecclésiastiques et places militaires , s’attache uniquement A demander la révocation du'titre d’exclusion qui l’a flétri jusqu’à ce jour. Le mérite est de tous les états, le germe des vertus est dans le cœur de tous les hommes, l’amour du bien les met en pratique. A combien de plébéiens la France ne doit-elle pas son salut, sa gloire et ses lumières ! Exclure les 25/ 24es parties de la nation, des places où le courage, la valeur et les talents peuvent faire aspirer, c’est enlever à l’Etat la richesse de ses ressources. L’ordonnance militaire de 1777 avilit tellement le troisième ordre, qu’on croirait y voir un rédacteur piqué d’avoir eu au moins des égaux, sortis de cette classe de sujets, de cette classe encore humiliée jusque dans la disposition des lois criminelles par l’énonciation des peines entre les criminels des différents ordres. SUPPRESSION DES OFFICES QUI DONNENT LA NOBLESSE. 12° Le titre de noblesse était anciennement attaché à la possession des fiefs, qui sans dGute n’étaient accordés dans le principe qu’à ceux qui s’en étaient rendus dignes par des actions d’éclat. Depuis que l’ordonnance de Blois a aboli cette manière de la concéder, c’est presque toujours la vénalité qui la donne à la fortune, dont oh aurait souvent à rougir s’il fallait en faire connaître la source. Sa Majesté, en supprimant les offices qui la confèrent, voudra bien à l’avenir qu’elle ne soit due qu’aux vertus patriotiques et aux dévouements à la chose publique, sans distinction d’état; l’ambition de l’obtenir formera d’excellents officiers militaires et de bons magistrats ; elle honorera le commerce et perfectionnera les arts, surtout s’il n’y a plus de dérogeance dans l’exercice de ces deux dernières professions. ADMINISTRATION DE LA JUSTICE. 13° Chaque tribunal a sa jurisprudence presque toujours en contradiction avec les lois civiles, dont les juges ne devraient être que l’organe. La forme ruineuse de la procédure absorbe souvent les propriétés qu’on défend, et les détours captieux de la chicane éternisent les affaires. Donner aux justiciables des tribunaux supérieurs plus rapprochés, avec faculté de se soustraire des premiers degrés de juridiction toutes les fois qu’il en faudra plus de deux pour parvenir au dernier ressort, simplifier tellement la procédure qu’il ne soit pas possible de l’étendre au delà des dispositions précises de la loi , prohiber toule jurisprudence contradictoire avec les lois , assurer aux créanciers comme aux débiteurs le prix de la vente des biens saisis, de manière que les frais de la vente et de la distribution n’excèdent pas le dixième du prix, réduire les officiers ministériels à un moindre nombre, assurer une prompte justice en fixant un bref délai pour les jugements définitifs , dégager de forme judiciaire et de ministère de procureurs, toute discussion entre les gens de la campagne , pour plantation, ou arrachement de bornes, petites anticipations, dégâts et autres objets semblables ; supprimer la vénalité des offices, dont chaque province fera le remboursement à des époques déterminées, et rétablir la magistrature dans l’honneur d’assurer gratuitement le repos et la fortune des citoyens, voilà des réclamations dignes des Etats généraux et de l’attention du monarque. LOIS CRIMINELLES. 14° Les lois criminelles sont la sauvegarde de la vie et de la sûreté des sujets ; mais combien de fois a-t-on vu de grandes erreurs devenir fatales à l’innocence ! Le Gode criminel a donc besoin d'une refonte générale que Sa Majesté a déjà préparée par des modifications provisoires. JURIDICTIONS CONSULAIRES. 15» Les premiers établissements des juridictions consulaires ont produit de si grands avantages au commerce, qu’il en a été successivement érigé dans la plupart des villes du royaume.La connaissance des faillites a été une de leurs attributions ; en effet, rien n’est plus analogue à la juridiction consulaire que les opérations soit judiciaires, soit amiables auxquelles donne lieu l’ouverture d’une faillite. Fournir et payer, voilà l’acte de com- [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée d’Angoumois.] 43 merce ; il n’a besoin ni de juges ni d’actions, quand les parties l’exécutent elles-mêmes ; ils sont nécessaires lorque l’un ou l’autre de ces deux modes manquent. Une faillite est donc un défaut de payement de la part de l’acheteur, et tout ce qui s’en suit est attributif des consuls, aux termes des édits de leur érection, de l’ordonnance de 1673, et des lois interprétatives ; il est évident que les législateurs ont entendu attribuer cette connaissance aux juridictions consulaires, elles y ont été maintenues dans le ressort du Parlement de Rouen ar des arrêts des 6 mai 1661, 16 juillet 1765 et 3 juin 1766. Quelques-unes la conservent encore dans d’autres ressorts. Celle d’Angoulême en a été compétente jusqu’à l’époque de 1769, où sur une contestation élevée par un négociant intéressé à l’en dépouiller, il est intervenu arrêt au Parlement de Pans qui en a renvoyé la connaissance au siège de la sénéchaussée. Depuis cette intervention, les frais de procédure ont absorbé pour la plus grande partie la masse sur-laquelle les créanciers avaient quelque espoir. Il est ae l’intérêt du commerce d’attribuer aux juridictions consulaires l’apposition des scellés, la vente des effets mobiliers et l’homologation des concordats en fait de faillite. Les juges ordinaires ont déjà opposé à cette demande qu’elle est contraire au cours ordinaire de la justice, en ce que les juridictions consulaires n’ont point de ministère public; il est aisé d’y suppléer par un procureur-syndic ad hoc que les consuls choisiront entre eux ; d’ailleurs cette forme n’a pas toujours paru essentielle : non-seulement elle n’est point observée dans les sièges consulaires qui en ont conservé la connaissance , mais encore il n’y ont pas été astreints par les déclarations rendues sous les deux règnes précédents. C’est du trône qu’émane la justice, et les rois peuvent en diviser les rayons de la manière qu’il leur plaît. Dans le principe les juridictions consulaires n’ont eu d’autres limites entre elles que la proximité des justiciables, la célérité des affaires, la commodité des marchands ; enlin l’avantage du commerce avait été une conséquence nécessaire de cette disposition. Mais une déclaration du roi, de 1759, rendue sur des mémoires non communiqués, en a tixé le ressort à celui du bailliage où elles sont établies, les cas prévus par l’article 17 du titre XII de l’ordonnance de 1673, néanmoins, exceptés. Il résulte de cette loi que les sièges royaux, où il n’y a point de consuls, connaissent des matières de commerce et qu’elles sont indéfiniment sujettes à l’appel. On y procède dans bien des cas comme pour les affairés ordinaires. C’est là qu’à la faveur des retards apportés dans les jugements, le débiteur fait la loi à son créancier ; les billets de commerce négociés éprouvent sans cesse des obstacles sur l’exécution des prononciations en garantie et solidaires contre les endosseurs et les débiteurs originaires à raison de leurs différents domiciles. Le commerce ne peut cesser de demander l’abrogation de cette loi. L’édit du mois de novembre 1563 et les subséquents fixent à 500 livres le dernier ressort des jugements consulaires. Les autres, à la vérité, doivent être exécutés nonobstant appel ; mais des arrêts de défenses bientôt obtenus arrêtent l’effet des condamnations dont la prompte exécution devient souvent nécessaire par la circonstance où se trouve le débiteur. Sa Majesté a reconnu la nécessité de donner une ampliation aux présidiaux ; les juridictions consulaires sont dans un cas bien plus favorable, il paraît juste de les mettre au moins au niveau. Les négociants en font un article de leurs doléances. LETTRES DE CHANGE TIRÉES OU ENDOSSÉES PAR DES ENFANTS DE FAMILLE 16° L’article premier du titre YII de l’ordonnance de 1673 prononce la contrainte par corps contre toutes personnes qui auront consenti des lettres ou billets de change , mis leur aval , promis d’en fournir avec remise de place en place, ou qui auront fait des promesses pour des effets de cette nature qui leur auront été fournis. Les lettres et billets de change sont le grand ressort du négoce et l’âme de sa circulation ; mais il n’a jamais été entendu que de pareilles dispositions pussent tourner à des usages pernicieux. On ne voit que trop les funestes effets que cette facilité produit. Des enfants de famille, séduits par l’appât du jeu et des mauvais exemples, consomment leur patrimoine avant l’âge qui leur en donne la disposition. Combien en est-il qui, sans le moyen des lettres de change qu’on leur fait tirer , ne seraient pas tombés dans la dissolution, dont savent profiter des hommes avides 1 Les jeunes gens sont ingénieux à se procurer de l’argent, lorsque les passions les maîtrisent. Tout leur est bon ; le prix qu’on met aux choses il’est rien pour eux dans le moment. Les lettres de change dont la date est en blanc sont faciles à donner, et les ventes aux deux tiers de perte d’objets ainsi achetés et souvent repris par ceux de qui ils les tiennent alimentent leur libertinage. La décharge de la contrainte par corps envers toutes personnes qui ne seraient ni marchands, ni négociants, ni banquiers, fermiers, régisseurs , ni gens d’affaires, souffrirait peut-être trop d’inconvénient; le négociant cherche toujours à faciliter la rentrée de ses fonds, et Jes lettres de change sont souvent la seule voie dont il puisse se servir utilement. Annuler tous endossements, lettres de change non écrites en entier sans aucuns chiffres, par toutes personnes non marchandes , est un des moyens qu’il est possible d’opposer aux abus, et dans le cas d’antidate, les mineurs pourraient dans les trois mois qui précéderont leur majorité, en faire une déclaration bien spécifiée au greffe de la justice ordinaire, où ils appelleront ceux au profit desquels les engagements auront été contractés, pour les voir annuler quant à eux, sans préjudice de la poursuite extraordinaire à la requête du ministère public. RECEVEURS DES CONSIGNATIONS. 17° L’établissement de ces dépôts est un objet d’utilité publique ; mais il est possible d’en tirer de plus grands avantages en les confiant aux Etats provinciaux, dont la province demeurera responsable. Des sommes considérables sont accumulées dans des caisses, sans aucun fruit pour l’Etat, tandis qu’une foule de circonstances peuvent en multiplier la ressource. Que des événements imprévus fassent presser la rentrée des fonds du Gouvernement, qu’une province ait des amortissements ou des remboursements à faire, on peut trouver dans la masse des consignations de quoi y suppléer en partie, et attendre avec plus de sécurité les divers recouvrements des deniers publics, qui, à mesure de leur rentrée, rempliront le vide de ces sortes de dépôts et n’apporteront aucun retard dans la remise ou la distribution du montant de chaque consignation qui sera acquittée sans aucune retenue. La crainte d’un divertissement ne serait pas fondée; la nouvelle face {I [États gén. 1189. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée d’Angoumois.] que le cours des affaires va prendre et la confiance qui sera due aux administrations provinciales en assureront la manutention. CURÉS. 18° Par l’édit du mois de mai 1768, il est enjoint aux archevêques et évêques de pourvoir à la subsistance des curés de villes, conformément à l’article 21 de l’ordonnance de Blois; les supérieurs ecclésiastiques ont, depuis, obtenu la suppression de plusieurs menses conventuelles, sans en appliquer les revenus, selon les dispositions de la loi. Un arrêt du conseil du 15 mai 1783 a destiné la manse des religieux de Saint-Gibard de cette ville, ordre de Saint-Benoît ; 1“ Au soulagement des prêtres infirmes du diocèse d’Angoulême; 2° A l’instruction et l’entretien des jeunes ecclésiastiques. 3° La dotation de deux places de philosophie dans le séminaire; 4° À l’amortissement du capital d’environ 500 livres imposées chaque année pour le complément de 1,800 livres, qui ont servi de dotation à 1’établissement de cette maison. Il est de toute justice d’assurer des secours à des pasteurs qui ont vieilli dans les pénibles fonctions de leur ministère ; mais quoique la fondation des bourses présenter quelques avantages , elles ne sont que des faveurs momentanées dont on recueille peu de fruit, et cinq bourses et demie, déjà fondées dans le séminaire d’Angoulême, sont plus que suffisantes pour donner à l’évêque diocésain l’occasion de manifester sa bienfaisance, Quant aux deux places de philosophie qu’il est projeté d’établir au séminaire, cet établissement est d’autant plus superflu, qu’il attaque essentiellement la constitution du collège de la ville, où les cours d’études sont légalement fondés jusqu’à la théologie inclusivement. D’ailleurs quelque bien que ces destinations fassent envisager, elles portent avec elles le vice de l’arbitraire, qu’on peut d’autant moins laisser subsister, que dans ce moment on s’occupe de sa destruction dans toutes les différentes branches d’administration. Le séminaire une fois rempli du fonds du capital de 500 livres qui sont annuellement imposées sur le clergé de ce diocèse, il est certain qu’il restera plus de 9,000 livres de revenus provenant de la manse conventuelle de Saint-Gibard, dont l’application faite aux curés de cette ville , à l’exception de 2,000 livres en faveur du collège, facilitera la suppression d’un casuel qui les humilie. Faute d’avoir d’autre moyen de subsistance, quelques-uns d’entre eux sont même obligés, contre les règles de leur état, de prendre des écoliers et des pensionnaires pour s’assurer les besoins physiques, ou de se procurer des places dans le bas eliceur du chapitre. La portion congrue des curés de la campagne n’est proportionnée ni à leur état, ni à leurs besoins. Plusieurs d’entre eux représentent des corps réguliers qui, avant le deuxième concile de La-tran, remplissaient les fonctions pastorales dans les cures qui leur appartenaient. Ce concile leur imposa l’obligation de les remettre à des prêtres séculiers, et à la faveur .d’une légère rétribution, ils furent déchargés du soin de veiller au saint des âmes en se conservant les revenus. Les chapitres les imitèrent, toutes les fois que des curés vinrent s’associer à eux en leur abandonnant les dîmes des paroisses auxquelles ils avaient été nommés. C’était donner ce qui n’était pas à soi. S’il fallait en venir au principe, il n’y aurait plus de vicaires perpétuels. G’est un acte de justice que de porter les portions congrues à 1,500 livres ; alors les pasteurs seront à même de soutenir avec décence les fonction� sublimes de leur ministère, et d’offrir aux pauvres de leurs paroisses les secours dus à l’humanité. La suppression du casuel deviendra un soulagement pour les peuples d’autant plus juste que le casuel n’a d’autre principe que des offrandes volontaires. COLLÈGES. 19° 11 y a un si grand vide dans l’enseignement, qu’il doit être le sujet d’une réclamation énérale. Lorsque les Jésuites ont été expulsés u collège d’Angoulême, il ne manquait à sa célébrité que l’exécution des lettres patentes du mois de décembre 1516, qui accorde à cette ville le droit d’Université. Le pensionnat était rempli de jeunes élèves et plus de trois cents externes fréquentaient les classes, auxquelles il devait être joint deux cours de théologie, aussitôt la réunion du prieuré de Vindelle effectué. Quelques-uns des régents donnaient à l’enfance les premiers éléments lorsqu’ils furent chargés de remplacer provisoirement les Jésuites. L’édit du mois de février 1763, et l’arrêt du Parlement du 29 janvier 1765, concernant la forme et l’administration des écoles publiques d’Angoulême, n’ont point fait renaître la confiance : on emploie inutilement chaque année un fonds de 4,000 livres, pour une trentaine d’écoliers qui fréquentent le collège. L’Angoumois est limité par des provinces dont le langage vieux est accompagné d’accents désagréables; la jeunesse de ces différentes contrées, trouvait autrefois dans celte ville l’étude des sciences et l’école des mœurs ; elle se corrigeait des idiômes et des accents particuliers à ces provinces. Le nombre des élèves envoyés dans les différentes pensions d’Angoulême était une ressource pour les habitants, qui eux-mêmes avaient la douce consolation de procurer une éducation gratuite à leurs enfants. G’est moins à l’administration économique des revenus qu’on devait s’appliquer qu’à former un bon collège, en le confiant à une congrégation ou corps régulier; mais ceux qui, par état, étaient dans l’obligation de s’en occuper, sans cesse affectés par des considérations personnelles et par le soin de se maintenir dans une inspection qui éloigne tous les corps capables d’un bon enseignement, se sont écartés des véritables intérêts de la patrie. Les opinions toujours opposées, ont fait perdre le fruit de l’éducation à trois générations ; l’oisiveté a suivi de près l’abandon des écoles, la dissolution en a été la suite. Des réserves, auxquelles on s’est uniquement attaché, ont servi à construire quatre maisons et à en acquérir une autre ; des ronds ont été placés sur le clergé. Plus de 1 ,000 louis sont encore en caisse, et pour dégoûter tous les corps à qui le collège a été proposé, tant par monseigneur l’évêque, que parles officiers municipaux, on a laissé tomber en ruine les principaux bâtiments, faute d’entretien. Le roi sera très-humblement supplié de prendre en considération le collège de la ville d’Angoulême, d’en supprimer l’administration, d'ordonner qu’il sera confié à une congrégation ou corps régulier, et pour éviter les débats qui pourraient s’élever sur la convenance, il sera demandé à Sa Majesté de vouloir bien indiquer le corps qui lui sera le plus agréable. [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée d'Angoumois.] 15 CHATEAUX ET ÉTATS-MAJORS. 20» L’ordonnance militaire de 1777 a divisé les gouvernements et états-majors en trois classes : la première regarde les villes de guerre, la dernière concerne l’intérieur du royaume; cette troisième classe non-seulement est inutile, mais elle grève encore les citoyens par l’autorité despotique que la plupart des officiers s’arrogent. C’est enfin une augmentation de charges sur la nation. Aussi la suppression de ces petits gouvernements et états-majors, offre un moyen d’économie, et l’ac-censement des châteaux et de leurs dépendances dans le plat pays, sera un accroissement de revenus au domaine du roi sans frais d’entretien. LOGEMENT DE GENS DE GUERRE.. 21° La noblesse et le clergé ne sont assujettis au logement des troupes qu’en cas de foule; il en est ainsi des gens aisés du tiers-état, qui trouvent dans l’acquisition des offices, les emplois et les commissions, le moyen de s’en affranchir, de manière que, dans les villes, il n’y a qu’environ les deux cinquièmes des habitants chez lesquels il est possible d’établir des logements, tant à cause de l’indigence bien reconnue des uns, de la qualité et ded’état des autres, que des personnes du sexe où la décence ne permet pas de loger. Encore combien de familles dont la plupart des individus passent la nuit près de leurs foyers, pendant le séjour de la troupe! Des constructions de casernes dans les lieux principaux de passage seront un remède contre l'abus ; mais il en existerait encore si la fourniture de l’ustensile était faite en nature. Les Etats provinciaux étant autorisés à y appliquer des fonds levés sur la province, et à donner cette fourniture par entreprise, chacun participera sans gêne, sans embarras, et à peu de frais à ce service. Plus on a de propriétés, plus on tient à l’Etat, plus on est intéressé à le soutenir, plus on doit contribuer aux charges dont la sûreté dépend. MOUVEMENTS DES TROUPES. 22° Les mouvements annuels des troupes qui passent d’une garnison dans une autre occasionnent une dépense considérable. La fourniture des étapes, presque toujours délivrée aux régiments comme s’ils étaient complets, le transport des équipages et des chevaux accordés aux soldats malades ou convalescents, les entrepreneurs généraux des convois militaires qui, dans chaque province, font des marchés en sous-ordre, à un _ prix très-inférieur à celui de leur bail, n’épuisent pas moins les fonds appliqués au département de la guerre. Les sous-fournisseurs de voitures, pour les équipages, et de chevaux de selle pour les officiers, n’étant jamais pourvus du nombre nécessaire aux régiments, il faut recourir aux paroisses, et le traitement que ces agents leur font, ne va pas au delà du louage ordinaire. Si chaque province est chargée à l’avenir de cette dépense particulière, les Etats provinciaux auront intérêt de veiller aux malversations , et leur administration éclairée réduira à près de moitié tout ce qu’il en coûte. Bien mieux encore, lorsque ces mouvements multipliés n’auront lieu que dans les circonstances qui les nécessiteront, il résultera de cette forme économique l’inutilité des commissaires des guerres dans la plupart des villes du royaume, et la cessation des facilités auxquelles ils se prêtent sur les demandes des états-majors. TROUPES PROVINCIALES. 23° Ce n’est que depuis l’ordonnance militaire de 1776 qu’on voit moins de variations dans la forme de lever les soldats provinciaux; mais les adoucissements qu’elle présente n’ont pas vaincu la répugnance que l’on a pour ce service. Des jeunes gens autrefois arrachés du sein de leur famille pour être traînés dans des cachots sous prétexte qu’ils étaient de mauvais sujets, qui souvent n’avaient contre eux que la vengeance et la haine d’un syndic, seront longtemps un sujet d’épouvante. Il y a toujours des fuyards, par conséquent des emprisonnements momentanés. Les abus de la forme actuelle dérivent des assemblées de plusieurs paroisses réunies, où les querelles entre les garçons sont quelquefois suivies d’évé-ments funestes, de la suspension des travaux dans les temps les plus précieux à l’agriculture, de la privation du nécessaire pour contribuer aux sommes qu’on destine aux soldats du sort, nonobstant que ces sortes de contributions soient prohibées, et du vice des recettes dans les deux mois qui succèdent chaque anuée les tirages, par l’impuissance où se sont mis les redevables de satisfaire à leurs impositions. Il en est d’un autre genre qui flétrissent les enfants de famille honnête et les laboureurs par les exemptions accordées à des hommes oisifs et avilis par leur service auprès de la noblesse et du clergé. S’il est nécessaire d’avoir toujours un corps subsistant et prêt à marcher au besoin, d’après l’usage où étaient anciennement les communes de donner un certain nombre de soldats pour servir d’exemple en assujettissant les paroisses, selon leur étendue, à fournir des hommes dont le service sera de huit ans, la dépense sera répartie sur chacune d’elles dans les proportions des charges royales. La division de la province en huit districts n’en fera mouvoir tous les ans qu’une huitième partie, pour remplir son contingent. D’anciens militaires, officiers, auxquels des appointements serviront de pension de retraite, assembleront tous les mois une compagnie de cent hommes, pour les exercer et leur apprendre les évolutions. Un quart de solde accordé à chaque soldat encouragera la jeunesse, qui n’en sera pas moins attachée aux travaux de la campagne pendant tout le temps de la paix. CORPS DE VILLE. 24, L’établissement des communes est une des époques mémorables de l’histoire de la nation ; l’esclavage sous lequel la féodalité faisait gémir les peuples reçut une secousse violente, et l’autorité royale reprit ses droits. Les villes se peuplèrent, ïe commerce et les arts enrichirent les cités, les campagnes furent cultivées et le paysan tourna à son profit le fruit de ses travaux. C’est sous le règne de Louis VI qu’on vit renaître le gouvernement municipal ; les maisons de ville eurent leurs officiers , leur juridiction et leurs revenus. Les bourgeois gardèrent eux -mêmes leur cité, et la levée des soldats qu’ils fournissaient à l’Etat affermit la puissance du monarque contre les entreprises des seigneurs ; enfin leurs députés, reçus en 1304 dans l’assemblée générale, représentèrent un troisième ordre : il fut qualifié tiers-état, nom auparavant inconnu. L’origine des corps de ville tenait à des vues sages et politiques; aussi n’éprouvèrent-ils de changement que sous le règne de Louis XIV. De longues guerres multiplièrent les besoins, et le génie fiscal, fixant les regards sur la forme de |(3 [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée dAngoumois.] leur constitution, commença à y puiser des ressources par la vénalité des offices, dont la suppression a toujours suivi de près les édits qui les ont créés. Les règlements de mil sept cent soixante-quatre et de mil sept cent soixante-cinq, loin de présenter des causes pécuniaires, mirent les villes dans le droit d’établir leurs officiers; mais l’édit bursal du mois de novembre mil sept cent soixante-onze, bouleversa ce nouvel ordre. Ces différentes variations ne furent pas partout les mêmes; plusieurs cités se sont maintenues dans leur état primitif, quelques-unes y ont été conservées moyennant finance, d’autres enfin, envisageant les conséquences d’une administration fondée sur la bursalité, furent reçues à la réunion des offices. Angoulême est de ce nombre. Les députés devront donc faire connaître la nécessité de faire abroger toutes les lois contraires aux premiers établissements des municipalités; en mettant sous les yeux du roi le besoin de les rappeler à leur constitution primitive, on a tout lieu d’espérer que les places, loin d’être le prix de la vénalité, seront au contraire occupées d’après le choix libre des citoyens; et par une suite du nouvel ordre à apporter dans toutes les parties d’administration, on trouvera sans doute dans la circonstance des corps de villes du royaume des avantages réels par leur concours au bien avec les Etats provinciaux, et le soin qu’ils peuvent prendre de faire passer gratuitement, et sans frais, les fonds du gouvernement -au trésor royal. Comme la plupart des corps de ville du royaume varient dans leur forme ainsi que dans leur administration, on croit important pour la ville d’Àn-goulême de faire connaître son régime et sa composition. Par le traité de Bretigny la province d’Àngou-mois fut cédée à l’Anglais. Onze ans après cette cession, les habitants de la capitale, ayant trouvé occasion de se soustraire d’une domination étrangère, chassèrent de leur ville la garnison établie pour les contenir et se remirent volontairement au pouvoir de Charles Y. La charte de 1373 est un monument authentique de leur valeur �t de leur fidélité; un maire, douze échevins, douze conseillers et soixante-quinze pairs composèrent le corps municipal, qui lui-même faisait choix de ses membres à mesure de la vacance des places. Le maire fu�gouverneur particulier de la ville confiée à la garde de la municipalité, avec attribution de tout droit de justice civile, criminelle et de police. Demi-lieue de franchise’, l’exemption de tous impôts dans l’étendue du royaume sur les denrées et marchandises envoyées par les habitants, la noblesse attachée aux vingt-cinq premières places, et les soixante-quinze pairs exempts des francs-fiefs pour les biens nobles en leur possession, firent partie de la concession des privilèges ; enfin, lors de l’établissement de la taille, Angoulême et ses franchises furent exceptés de cette contribution, et les habitants jouirent du même affranchissement pour leurs prés, bois et vignes dans les pays taillables. Ces différents privilèges ont tant souffert d’altérations par succession de temps, qu’il n’est resté que le droit de noblesse à la personne du maire seulement; mais, malgré les atteintes portées aux constitutions municipales, le corps de ville avait conservé son ancienne forme jusqu’aux édits de 1764 et de 1765, qui eurent leur exécution dans Angoulême. Celui du mois de novembre 1771 intervertit ce nouvel ordre par la vénalité des offices qui furent' crées. La réunion que les officiers municipaux en firent à leur corps fut sanctionnée par un arrêt du conseil du 30 décembre 1774, avec clause néanmoins que ce corps demeurerait composé tel qu’il était alors, jusqu’à ce que Sa Majesté eût fait connaître ses intentions, tant sur sa formation que sur son administration. Le décès successif d’une partie des membres, et l’absence de plusieurs autres, ont souvent engagé ceux qui restaient de solliciter un règlement qui mît une consistance légale dans le corps municipal, et son état précaire détermina, l’année dernière le prince apanagiste, à donner ordre aux officiers de lui présenter des sujets parmi lesquels il ferait son choix pour remplir les places vacantes, ce qui a été suivi d’exécution dans la forme réglée par l'édit de mil sent cent soixante-onze. 11 s’est élevé une scission dans l’assemblée du tiers-état de la ville sur cette nomination prétendue illégale, sous prétexte qu’il n’appartient qu’aux habitants de nommer leurs magistrats populaires. Les édits de mil sept cent soixante-quatre et mil sept cent soixante-cinq, n’ont pu servir de fondement à cette prétention, puisqu’ils sont abrogés par l’édit de mil sept cent soixante-onze, encore moins la forme de l’ancienne constitution dès que le choix des sujets dépendait uniquement du corps municipal, qui souscrit volontiers au rappel de son premier régime, en réduisant néanmoins à un moindre nombre les cent membres dont il était composé, sauf à laisser aux habitants la liberté du choix par des moyens qui ôtent toute influence à la cabale et à l’intrigue. La ville se fait un devoir d’abandonner tous privilèges pécuniaires à l’exception de l’exemption des francs-fiefs non abrogés par aucune loi. Mais le titre de noblesse qui décore les fonctions de la mairie, rappelant sans cesse aux citoyens les causes de son origine, doit-être une des prérogatives qu’il paraît juste de conserver, d’autant plus que les deux premiers ordres étant remis au niveau du troisième pour les contributions, les inconvénients vont cesser. POLICE. 25° La police tient tellement à l’origine des municipalités qu’elle n’a pu en être séparée sans inconvénient. Des officiers, assurés de la confiance des peuples soumis à leur juridiction, avaient plus de facilité à maintenir le bon ordre, assurer la tranquillité publique et à faire respecter l’autorité. Les circonstances où l’Etat se trouve en 1698 suggèrent la distraction de la police qui appartenait aux différents corps de ville, pour en confier l’exercice à la vénalité. Plusieurs la conservèrent moyennant finance ; elle a été remise successivement à nombre d’autres. Il parait convenable pour le bien de la chose publique de rappeler à l’uniformité ceux qui en demeurent dépouillés. La justice corrective et criminelle sur les habitants élève presque toujours des conflits entre le maire, les officiers de police et l’état-major du château, dont le lieutenant de roi ne cesse d’affecter des prétentions ridicules. Cette réunion, faite du consentement des titulaires actuels, ou à mesure de la vacance des offices, tournera à l’avantage de l’Etat, puisque ce sera pour lui une extinction de finance. VOIRIES. 26° Le corps municipal d’ Angoulême, par le droit inhérent à sa constitution, avait toujours exercé la voirie dans la ville et ses dépendances, ' lorsque, par un arrêt du conseil, rendu il y a'ùn- [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée d’Angoumois.] 17 viron vingt-cinq ans, les trésoriers de France, de Limoges, se la firent provisoirement adjuger. Les officiers de police leur ont succédé dans cette attribution, en vertu d’une déclaration particulière à l’Angoumois. Cette partie d’administration exige des formes et des plans acceptés qui, devenant la sauvegarde des propriétés, mettent les citoyens à couvert de l’arbitraire. Cependant on voit chaque jour dans cette ville tantde discordance entre les alignements, que l’on s’écarte du véritable objet qui les fait ordonner. Cet exposé suffit pour faire connaître l’utilité d’un plan régulier de la ville, d’après lequel les alignements seront irrévocablement déterminés, tant en présence des officiers municipaux qui seront établis dans l’exercice de la voirie que devant des commissaires, pris dans chaque paroisse, dont les habitants auront fait choix. Ce plan ainsi réglé, adopté, revêtu de l’autorité du roi, et enregistré au greffe du bailliage et du corps de ville, deviendra la règle des alignements dont on ne pourra s’écarter; il n’y aura plus d’exportation, ni de taxe d’officiers "à payer. MENDICITÉ. 27° La mendicité a été proscrite par différents règlements, notamment par ceux des dix-huit août mil sept cent vingt-quatre, trois août mil sept cent soixante-quatre, et trente juillet mil sept cent soixante-dix-sept. Des dépôts ont été établis, on y transfère de temps à autre des mendiants détenus par jugement prévôtal, sans qu’à l’expiration du terme prescrit pour la punition, ils soient mieux corrigés. Ce n’était pas assez de prohiber une profession à laquelle se livrent des gens en état de travailler, il fallait pourvoir aux besoins des infirmes et des vieillards qui ne peuvent se procurer par eux-mêmes les moindres secours, et l’humanité exigeait des fonds et des hôpitaux pour la retraite de ces infortunés. Les dépôts sont dispendieux sans aucune utilité ; cette partie d’administration est à réformer dans l’assemblée des Etats généraux. Les maisons établies pour être le refuge de vieillards indigents, sans qu’il soit besoin de recommandation pour l’obtenir, devront dépendre des Etats provinciaux, si on supplée à la médiocrité des revenus attachés à ces hôpitaux par des fonds sur la province, déchargée de la dépense d’un dépôt elle pourra laisser à d’autres le soin de la manutention, et les travaux sur les routes seront autant d’ateliers où l’on forcera les mendiants en état de travailler à s’occuper utilement ; les femmes, obligées de demeurer dans leurs paroisses, perdront l’habitude de mendier. NOTAIRES. 28° La conséquence des actes qui lient les particuliers est en proportion de leur fortune et de leur état. Combien de contrats mal rédigés ont occasionné de procès qui ont porté le trouble et le dérangement dans des familles ! Combien de notaires répandus dans les campagnes, savent à peine leurs premiers éléments ! Ce n’est pas qu’il ne s’en trouve d’éclairés; mais c’est leplus petit nombre. Un an de fréquentation d’étude chez un procureur, leur paraît suffisant pour l’état de notaire, et au moyen de trois ou quatre cents livres on lève un office pour le faire valoir aux dépens de qui il appartiendra, sans s’astreindre à la résidence dans le lieu pour lequel l'office a été levé. Sans doute que le Gouvernement ne les a multipliés que pour la commodité des sujets, et leur éviter des frais de voyage ; mais la facilité d’ob-lre Série, T. II. tenir des provisions et les droits attachés aux justices seigneuriales, ont rendu leur nombre trop pesant. Les actes font une loi qui a autant de force que des arrêts entre les parties contractantes, et leur passation ne doit être que le fait de gens éclairés et d’uoe probité reconnue. Il faut donc, pour parvenir à ce but, qu’il ne soit accordé de provisions aux impétrants qu’ils n’aient justifié d’avoir travaillé pour un avocat, ou fréquenté l’étude d’un procureur pendant trois ansetcelle d’un notaire du chef-lieu de chaquesiége royal pendant le même temps, et qu’enfin, dignes de la confiance publique, ils ont acquis les connaissances nécessaires à la profession. On sait que les notaires de la campagne, qui faisaient la plus grande partie des députés à l’assemblée générale de cette province, ont demandé qu’il leur fût accordé la faculté d’instrumenter sans fixation de résidence, même dans le chef-lieu des sièges royaux, sur le fondement que le ressort de ceux 'd’Angoulême a le bailliage pour étendue. Des intérêts personnels leur ont fermé les yeux sur les distinctions toujours accordées par de justes considérations aux villes principales, où le prix des offices de notaire est bien au-dessus de ceux créés pour les campagnes, qu’il est intéressant de réduire en leur donnant les districts plus étendus dans lesquels les titulaires seront obligés de résider, avec défense de postuler en qualité de procureur dans les justices seigneuriales dépendantes de leurs arrondissements. DÉPÔTS DES ACTES. 29° Le dépôt public des actes notariés dans chaque province assure l’état, la fortune et le repos des familles. L’expérience en a fait connaître toute l’utilité par celui établi à Angoulème en vertu de la déclaration du roi, du mois d’août mil sept cent soixante-cinq. S’il eût anciennement existé tel qui est aujourd’hui une infinité de minutes ne se trouveraient pas perdues ou dispersées, et peut-être remises par les héritiers des notaires qui les ont passées à ceux qui avaient intérêt de les supprimer. Les notaires d’Angoulême ont fait des recherches si exactes qu’ils en ont à la vérité découverts dont l’origine remonte à près de deux siècles; mais combien de lacunes, et dans quel tas de papiers poudreux ont-ils été les fouiller ! Ce n’est plus le même inconvénient : les protocoles sont déposés aussitôt la vente des offices ou le décès des notaires, soit de la ville , soit de la campagne. 11 serait à désirer qu’il en fût ainsi des actes passés par ceux des justices seigneuriales. Ce n’est pas sans peine que les notaires royaux de la campagne se sont vus assujettis aux dispositions de la loi; loin que l’intérêt public ait été le guide de leurs démarches, ils se sont réunis et pourvus en opposition au conseil sur l’exécution d’un des plus sages règlements. Ils n’ont pu valablement objecter que la levée des expéditions ne tournait pas au profit de leurs héritiers. Les notaires d’Angoulême leur tiennent compte de la moitié pendant dix ans ; l’autre portion est destinée aux frais du bureau pour lesquels elle ne suffit pas, puisqu’ils ont établi une bourse commune, perçue par le contrôleur des actes en déduction de leurs droits, et que l’intérêt des fonds empruntés pour consolider cet établissement précieux et mis dans le meilleur ordre, excède le montant de leurs recettes. Les notaires de la campagne, tous députés à l’assemblée générale de cette province, ont arrêté dans le cahier qu’il serait demandé un 2 ' [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée d’Angoumois.] dépôt pour chaque district, sous prétexte que les particuliers trop éloignés qui ont besoin de quelques expéditions sont forcés, pour les avoir, à des voyages trop dispendieux, et qu’un-incendie pouvant consommer tous les papiers déposés dans un seul bureau, l’inconvénient ne serait pas le même s’ils étaient multipliés. A-t-on pu croire exciter par un pareil raisonnement la réclamation des Etats généraux? 11 n’est pas toujours nécessaire de se transporter au chef-lieu pour avoir des expéditions ; il suffit d’écrire et de donner des indications ; quand bien même les voyages deviendraient quelquefois nécessaires, la dépense peut-elle se comparer avec l’ensemble de tous les. avantages? Les dépôts dans les greffes des cours supérieures et des différents tribunaux, ceux qui subsistent enfin pour toutes les parties d’administration, sont-ils divisés par la crainte des événements, et pour la commodité des personnes qui ont besoin d’y avoir recours? D’ailleurs les notaires de campagne peuvent-ils être érigés en corps de communauté dans chaque district déterminé ? Quels seront les officiciers qui veilleront à la sûreté des dépôts et au maintien de l’établissement ? Comment enfin les notaires éloignés les uns des autres pourront-ils se tenir assidûment dans les bureaux ? Tous leurs projets ne sont donc qu’une fiction qui ne tend qu’à la suppression de celui d’Àngoulême qui les forma-malise. Mais loin d’avoir égard à leurs doléances. il est au contraire indispensable qu’une loi positive établisse un dépôt dans chaque province ou bailliage, et que tous, étant à l’instar de celui d’Angoulême, les minutes des notaires, sans aucune exception, ainsi que leur répertoire, soient déposés dans le mois de leur décès ou de la vente des offices. CENTIÈME DENIER DES OFFICES. 30° L’établissement du centième denier annuellement payé pour ne pas perdre une propriété acquise à prix d’argent, est le fruit du génie le plus fiscal. Le marc d’or et les frais de provisions auxquels les mutations donnent lieu grèvent assez les offices sans y ajouter un nouveau droit qui semble avoir mis les charges à loyer, et infligé une peine à tous titulaires hors d’état de l’acquitter par le reversement aux parties casuelles. Il est à présumer que cet impôt n’a pas eu pour cause les besoins de l’Etal, puisque les cours supérieures, ou l’on aurait trouvé de plus grandes ressources, en sont affranchies. La rigueur de cette disposition bursale a été néanmoins modifiée par un arrêt du conseil qui a réduit les droits du roi au quart de l’évaluation des offices, pour être acquittés par les héritiers du titulaire à défaut du service effectué du centième denier. Mais les provinces apanagées ayant été exceptées de ce règlement, l’Angoumois*1 se trouve dans ce dernier cas. On espère que Sa Majesté accueillera la réclamation générale du royaume en ordonnant la suppression du centième denier. PRISONS. 31° Dans la plupart de ces lieux d’horreur, les prisonniers pour dettes sont confondus avec ceux accusés de crime, sans séparation de sexe. Point de cour vaste pour donner une libre circulation à l’air, qui demeure toujours le même, toujours infecté, et par conséquent contagieux. 11 est de l’humanité de donner aux prisons plus d’étendue et de commodité, et de les rendre plus saines ; enfin elles doivent être construites de manière que des murs de clôture séparent les hommes d’avec lesfemmes, et que les malheureux privés de la liberté, par l’effet, de la contrainte par corps civilement prononcée par eux n’aient plus de communication avec les autres prisonniers. ARTS ET MÉTIERS. 32° La réunion en communauté de chaque pro> fession d’arts et métiers a eu une application salutaire: c’était le moyen de prévenir les désordres et de faire respecter l’autorité. Voilà sans doute les principes constitutifs des jurandes. L’édit de leur suppression du mois de février mil sept cent soixante-seize avait peut-être donné trop d’extension à la liberté des individus; mais celui du mois d’avril mil sept cent soixante-dix-sept semble ne les avoir renouvelées et augmentées qu’en faveur du fisc. La plupart des artisans d’Angoulême sont dans la plus grande indigence; à peine en s’établissant peuvent-ils se munir d’ustensiles nécessaires à leur profession ; c’est exactement la position des paveurs, des tonneliers, des charpentiers, des maçons, des couvreurs et autres ouvriers semblables. La rétribution de vingt sols à payer pour chacune des quatre visites ordonnées par la déclaration du premier mai mil sept cent quatre-vingt-deux est au-dessus des forces et des charges royales de la majeure partie des maîtres et des agrégés. L’homme a reçu de la nature la liberté d’user des talents qui lui sont propres ; c’est lui faire acheter son existence que de mettre un prix à son industrie, qu’il ne peut faire valoir que sous la dépendance d’autrui, lorsqu’il est encore prouvé que le Gouvernement n’a pas trouvé les ressources qu’il en attendait. La suppression du tarif arrêté pour chaque communauté sera sollicitée, en demandant néanmoins que tous les arts et métiers forment à l’avenir des corporations où l’on sera reçu gratuitement devant les officiers de police, après un apprentissage bien constaté, dont l’acte aura été enregistré sans frais, tant au greffe de police que sur le registre de la corporation, et que les aspirants auront fait apparoir des certificats authentiques de bonne conduite dans tous les lieux où ils auront travaillé. Si les circonstances actuelles se refusaient à l’exécution de ce projet, on a lieu d’espérer que les veuves jouiront au moins gratuitement pendant leur viduité du privilège de leurs maris, que les enfants et gendres des maîtres n’auront que moitié du tarif à payer, et qu’Angou-léme sera mis au rang des villes inférieures ; encore s’y trouvera-t-il beaucoup de jurandes à supprimer, puisque l’on voit dès à présent que la pauvreté des ouvriers a été un obstacle à leur établissement. MESURE LOCALE DES GRAINS. U ne faudrait dans le royaume qu’un seul poids et une seule mesure ; mais que de difficultés se présentent pour y parvenir ! Cependant les exactions de la plupart des fermiers de terre, l’âpreté des meuniers, et la manière de mesurer les grains dans les marchés, méritent l’attention la plus sérieuse. Il y a presque autant de mesures locales pour les redevances seigneuriales que de fiefs particuliers ; le boisseau de chaque bailliage a dû servir à la vérité de matrice proportionnelle à tous les autres par des applications bien appréciées, et l’on est persuadé que les seigneurs qui lèvent par eux-mêmes les rentes en grains sur leurs censitaires, ne s’en écartent pas. Ils ne profitent pas moins de la supercherie de leurs bail- [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée d’Angoumois.] jQ listes, qui tournent contre les tenanciers le haut prix qu’ils ont mis à leurs fermes, en tenant deux mesures, dont l’une excédant la véritable est destinée au grenier de recette. Les redevables s’en aperçoivent, ils s’en plaignent, mais ils payent parce que la crainte d’un plus grand mal l’emporte sur le juste refus de s’y soumettre. Les mêmes considérations n’existent pas vis-à-vis des meuniers ; mais que leur faire, lorsque pour quatre-vingts livres de blé, ils remettent 50 à 60 livres de farine, et qu’ils substituent à un blé bien pesant et bien nourri, un autre de mauvaise qualité, outre le double droit de mouture qu’ils s’approprient ? Combien d’entre eux croient décharger leur conscience du trop pris par une singularité peu connue, recevoir le blé bien sec, le mesurer lorsqu’il a été gonflé par le lavage, s’appliquer l’excès qui se trouve sur chaque boisseau, et prendre encore le droit sur ce qui reste ! Voilà leur méthode, à laquelle on peut joindre la construction défectueuse des moulins. C’est enfin dans les marchés que les grenetiers s’entendent à verser les grains dans la mesure avec tant de légèreté que la même contenance vérifiée ne peut s’y trouver. On pourvoira à toutes ces exactions en faisant ordonner que les grains seront tous achetés et vendus au quintal poids de marc et les farines dans la même proportion. Les seigneurs doivent s’y prêter d’autant plus volontiers que leurs cens n’en souffriront aucune diminution; s’il en résulte une moindre quantité pour les grains qui auront acquis leur degré de perfection, elle sera plus considérable pour les moindres qualités. Le poids de la matrice principale une fois bien constaté par la comparaison des grains excellents, bons, et médiocres, il ne sera plus question que de rapprocher les autres mesures seigneuriales de celle-ci et d’en fixer le poids par des procès-verbaux qui établiront une règle invariable. PÉAGES. 34° Les droits de péages sont aussi gênants pour le commerce de chaque contrée que le sont les traites dans l’intérieur du royaume ; ils ont eu pour cause l’entretien des ponts, des chemins et des écluses sur les rivières navigables. Il est même beaucoup d’endroits où l’usage seul a autorisé la perception : tels sont ceux qui se lèvent au profit de deux seigneurs de fiefs et de l’abbaye de Saint-Anzonne aux foires royales d’Angoulême; nonobstant leur franchise en vertu des lettres patentes d’établissement, les exactions des percepteurs s’y multiplient comme partout ailleurs: La suppression de ces droits est le vœu général ; la représentation des titres en fera fixer l’indemnité, en justifiant du service habituel pour lequel ils ont été consentis. ENFANTS EXPOSÉS. 35° Ces malheureuses victimes de la débauche ou de la misère n’ont d’autre appui que le Gouvernement; partout où il n’y a point de bureau établi, l’exposition faite sous les balles, dans les rues et sur Jes places publiques, livre des enfants à la voracité des animaux, et ceux' qui en échappent, n’étant à la charge des seigneurs sur les terres de qui ils ont été trouvés que jusqu’à un âge encore trop tendre, sont abandonnés avant d’être en état de gagner leur vie. Ils semblent n’avoir été conservés que pour les faire périr par la soif et la faim ou pour multiplier le nombre des vagabonds et des brigands. Le bureau établi dans la ville d’Angoulême, où il n’y a ni hôpital ni manufacture destinée pour eux, a paré aux inconvénients d’une exposition dangereuse. On y vient jour et nuit, déposer les enfants ; ils sont nourris et entretenus aux frais de la province jusqu’à l’âge de quinze ans révolus, confiés aux gens de la campagne auxquelson donne des salaires, en progression descendante, et, occupés de bonne heure à la garde du bétail, par suite aux travaux des champs, ces enfants deviennent des hommes utiles à la société, et lorsque parmi le nombre il s’en trouve qui veulent apprendre des métiers, on traite de leur apprentissage ; il a été même vérifié qu’il s’en conserve beaucoup plus dans les campagnes que dans les hôpitaux, où l’air qu’ils respirent est toujours le même. Il est de l’humanité de faire de pareils établissements dans le chef-lieu des sièges royaux, et comme la dépense ne sera plus à la charge du fisc, les droits d’épaves et de bâtardises devront tourner au profil de cette administration. Mais de quelque manière qu’on assure l’existence de ces infortunés, soit parla voie des hôpitaux, soit en se conformant à ce qui se pratique en Angoumois, il serait convenable de destiner un fonds à les établir et d’accorder gratuitement des lettres de maîtrise à ceux dont les professions seront en jurandes, au cas quelles subsistent dans leur état actuel. Ce plan ne peut empêcher d’en présenter un autre pour le moins aussi avantageux à l’Etat : ce serait d’établir dans les villes maritimes des écoles de matelots où les garçons seraient envoyés à l’âge de neuf à dix ans ; on augmenterait par ce moyen cette classe d’hommes dont la France a besoin. Il sera peut-être objecté que leur qualité d’enfants trouvés ne serait pas sans inconvénient vis-à-vis des autres matelots; on l’éprouverait sans doute dans les commencements, mais le temps dissiperait la prévention. CIRCULATION DES GRAINS. 36° C’est une matière dont la discussion mérite l’examen le plus sérieux. Les lois sur le commerce des grains ont tellement varié qu’elles annoncent les difficultés de parvenir à un règlement stable. Les monopoles sont souvent les causes principales de la cherté des blés que les accaparements rendent rares dans les marchés. Liberté d’importation d’une province à l’autre, l’exportation permise lorsque le prix n’excédera pas une fixation déterminée, des primes accordées pour l’importation des blés étrangers, toutes les fois que la cherté se fera sentir, la défense des accaparements dans les circonstances qui la nécessiteront, les marchands de grains obligés de faire la déclaration de leurs qualités au greffe de police, et un frein mis à la cupidité, voilà sans doute quelles devront être principalement les dispositions de la loi. DROITS DE CONTROLE. 37° Si les règlements faits, pour le bien des peuples, leur en font souvent appréhender les suites. c’est parce que le fisc les tourne presque toujours à son avantage : tel a été le tarif de 1722 poiir les droits de contrôle. N’ayant pas ôté possible de prévoir toutes les différentes dispositions que les actes pourraient contenir, les traitants ont successivement obtenu des arrêts interprétatifs et des décisions dont l’ambiguïté prépare de plus grandes extensions. Ce ne sont plus les choses, mais un mot qui, sans changer les dispositions d’un acte, donne ouverture à une perception vexatoire, et lorsque des notaires expérimentés démontrent l’injustice de la prétention, la réplique des em- 20 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée d’Angoumois.] ployés est de donner pour loi la volonté de la régie. Qu’un manœuvre prenne dans un contrat de mariage la qualité de laboureur à bras, qu’un colon ait deux vaches pour cultiver à titre partiel quelques pièces de terre, qu’enfln un pauvre paysan tienne deux bêtes usines pour labourer son champ, on les assimile aux fermiers et laboureurs dont il est fait mention dans le tarif qui ne doit être applicable qu’à des gros fermiers ou à des laboureurs occupés toute l’année à la culture de leurs domaines. Un contrat de mariage passé au mois de février dernier, ne contenant que les conventions matrimoniales, et par conséquent excepté de l’article 96 du tarif, n’engendrait que 3 livres de droit à raison de la constitution dotale de 200 livres de l’un des futurs conjoints et de l’autre pris dans ses droits suivant les articles 34 et 35 ; mais on a porté le droit à 30 livres en mettant un couvreur qui travaille sous autrui dans la classedes notables artisans. Mais combien d’exemples où, d’après les preuves résultant des contrats, les droits perçus ont excédé les constitutions dotales et l’effet des testaments en faveur des plus malheureux mercenaires ! Les dépouillements faits par les employés des minutes de rôles des tailles déposés dans les greffes d’élection, ont occasionné une foule de procès-verbaux suivis de peines pécuniaires contre des particuliers dont les qualités mentionnées aux actes différaient de celle de leur cote, où ils sont qualifiés indifféremment journaliers ou laboureurs. Lorsqu’on fait l’acquisition d’un domaine, les charges seigneuriales qui le grèvent sont indépendantes du prix de l’achat ; cependant, depuis peu d’années, on force d’énoncer et de fixer dans les contrats de vente les droits seigneuriaux pour en annuler l’évaluation avec le prix et augmenter d’autant les droits de contrôle. Rien n’est plus révoltant, puisqu’il n’y a aucun transport, que les redevances demeurent toujours sous la main du seigneur et que l’acquisition ne peut faire partie des charges dont le vendeur est souvent dans l’impossibilité de donner le détail, soit à raison d’une quote-part individuelle dans plusieurs tenues, soit à cause des différentes mouvances où se trouve le corps de domaine. La volonté de l’homme est ambulatoire ; un testament fait aujourd’hui peut être révoqué demain : c’est d’ailleurs un acte secret dont les dispositions divulguées pourraient mettre le trouble dans les familles. Un testateur veut, pour l’ordinaire, que ses intentions ne soient connues qu’après son décès, et souvent des circonstances l’obligent à étendre, changer, modifier ou annuler ses dispositions ; il peut donc retirer son testament, quand il juge à propos, des mains du notaire qui l’a reçu ; ce n’est en quelque manière qu’un dépôt à ne point établir sur le répertoire. Cependant les employés exigent que ces sortes d’actes y soient insérés, d’après une décision du conseil surprise en mil sept cent soixante-cinq. Dès qu’il n’y a que la mort des testateurs qui donne ouverture au droit et qu’il n’est pas possible de constater auparavant l’existence des testaments, ce ne peut être que pour découvrir les affaires de famille que les employés veulent prendre connaissance de ces actes leur curiosité devient alors une inquisition. Une autre motif de l’obligation imposée aux notaires est sans doute pour exiger les droits aussitôtla mort du testateur, sans attendre, comme cela devrait être, qu’on fasse usage du testament. C’est un moyen imaginé en faveur du fisc, en ce que pour éviter l’effet des contraintes il faut une renonciation qui engendre d’autres droits. A l’ouverture des successions il se fait des inventaires qui ne sont qu’une description du mobilier, dont les effets véreux font partie; on les rappelle dans les actes de partage en les laissant dans cette classe depuis quelques années. Les préposés de la régie en ajoutent le montant à la masse sujette aux droits de contrôle, à moins qu’il ne soit déclaré qu’on les abandonne ; mais le droit d’insinuation est sur-le-champ prétendu pour ces� sortes de remises qu’ils assimilent faussement à une donation. Les concordats portant réduction des créances pour faciliter la rentrée du reste, produisent les mêmes effets. Le rapport d’assignation à un censitaire pour payement d’arrérages ou pour donner reconnaissance est retenu au bureau du contrôle jusqu’à la présentation du .titre constitutif de ceux pour la justification desquels il n’y a souvent que le papier terrier suffisant en Angoumois, où les terres ne sont pas sans seigneur. L’adjudication d’un immeuble délivré par sentence de licitation ne donne pas ouverture aux droits de contrôle, et encore moins les actes postérieurs par le jugement. Cependant on les perçoit sur l’un et sur l’autre. La déclaration du roi du dix-sept février mil sept cent trente et un annule toutes donations qui n’auront pas été insinuées; quoiqu’elle ne rende pas le droit exigible, on ne se contente pas de le percevoir avant d’en avoir ôté requis ; on le prend encore sur des objets qui n’en sont pas susceptibles. Au mois de juin mil sept cent quatre-vingt-huit, le vendeur d’un domaine s’est fait en déduction du prix une rente de cent cinquante livres amortissable pour trois mille livres à jses héritiers ou ayants cause. L’employé a qualifié cette clause une donation et l’a insinuée sous ce titre, comme si elle eût été faite nominativement et acceptée et si les mots ou ayants cause ne laissaient pas au vendeur la liberté d’en disposer. Enfin il fut perçu 32 livres 6 sols pour le contrôle et le centième âenier de l’évaluation des devoirs dont le domaine est chargé envers le seigneur de qui les lieux relèvent. Par un contrat de mariage un tiers donne à l’une des parties la somme de 6,000 livres, avec la clause expresse que la donation serait nulle si le mariage n’avait pas lieu. Le cas prévu arriva, et la personne se maria avec une autre. Le même tiers, intervenant dans le second contrat, a délaissé ses biens sous pension viagère à la mère de celle à qui le don conditionnel de 6,000 livres avait été fait auparavant; les droits d’as-sumation furent acquittés. Quelque temps après le contrôleur revint sur le don de 6,000 livres du premier contrat demeuré sans exécution ; le notaire fut poursuivi, et contraint de payer sans que la demande en restitution eût été ordonnée. Des recherches vexatoires portent sans cesse atteinte à la tranquillité par des contraintes décernées en forcement de droits sous prétexte d’erreurs au préjudice des traitants ; les contrôleurs ambulants qui se succèdent ne cessent les répétitions, et comme tout devient arbitraire, la demande de l’un enchérit sur celle de son devancier. La relation des actes sur les regis tres de contrôle ne leur paraît pas suffisante; on va chez les notaires, même jusqu’au dépôt général, se faire représenter les minutes, étudier les mots et leur donner un sens et une interprétation forcés. Que d’alarmes [Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée d’Angoumois.] 21 pour les familles, que d’inquiétudes et de gêne pour les dépositaires des contrats dont ils sont responsables! Cette esquisse n’est qu’une ébauche d’un tableau trop étendu pour le montrer dans son tout ; mais c’est assez pour faire sentir la nécessité de .réformer le tarif. Les circonstances où l’Etat se trouve ne permettront vraisemblablement pas de rappeler le contrôle aux justes motifs qui l’ont fait établir; mais un règlement simple, clair et proportionnel dans toutes ses parties, portant sur les choses, et non sur les personnes, fixant irrévocablement et sans interprétation quelconque tous les droits pour chaque espèce d’acte , et prohibant toutes recherches ultérieures., assurera la tranquillité publique, ne fera plus craindre de trop éclairer les dispositions et les causes qui donnent lieu à tant de sous seings privés n’existant plus; ce sera la loi qui facilitera les produits. FRANCS-FIEFS. 38° 11 y a tant de divers sentiments sur l’origine des biens nobles, qu’on nedoitsuivrequecelle des francs-fiefs plus rapprochés de nous. La propriété des fiefs, dit Guyot, s’est établie paulatim et sine sensu vers la fin du neuvième siècle; dans le dixième, dit Loiseau, les hauts seigneurs s’approprièrent leurs offices et leurs bénéfices; leurs offices, c’est-à-dire les titres de dignité qui leur transmettaient la justice comme lieutenants, distribués par le roi dans les provinces; leurs bénéfices, c’est-à-dire les grands domaines qui leur avaient été confiés pour leur subsistance et l’entretien des gens de guerre qu’ils étaient obligés de fournir, et même d’où sont venues les premières défenses, aux ecclésiastiques, aux femmes et aux roturiers de posséder des fiefs : aux premiers, parce que la sainteté de leur état était contraire au service militaire ; aux femmes, à cause de la faiblesse de leur sexe qui ne permet pas de porter des armes ; aux derniers, en ce qu’avant l’établissement des communes, il o’y avait que les nobles qui pussent faire la guerre. On voit néanmoins par l’histoire que ces trois genres de personnes posédaient des fiefs dont les principes d’une féodalité barbare les avaient exclus ; mais ce ne fut qu’à des conditions humiliantes que les roturiers parvinrent à cette possession. En 1260, sous le règne de saint Louis, les seigneurs décidèrent dans un Parlement qu’eux seuls composaient , qu’un chevalier ne devait pas d’hommages pour un fief qu’il tenait dans la terre d’un bourgeois, décision qui, pour avilir les personnes, contrariait le droit féodal. Quoiqu’en 1324 Charles le Bel eût rendu une ordonnance pour contraindre les gens non nobles, possesseurs de fiefs depuis trente ans sans la permission du roi, de payer deux années du revenu de ces biens, ils n’en multiplièrent pas moins leurs acquisitions. Cette loi, la première connue surcettematière et qui fut renouvelée sur la fin du règne de Charles V, est l’origine des francs-fiefs ; elle n’avait alors rien d’injuste, soit parce qu’à cette époque la possession des fiefs anoblissait, soit parce que les nobles et les roturiers contribuaient par égale portion aux charges de l’Etat, ainsi que le prouvent les Etats tenus en mil trois cent cinquante-six. Le sentiment des auteurs, la disposition des coutumes, notamment celle de Poitou qui a conservé le tiers ou quarte hommage, l’exemption de la taille dont jouissent en quelques endroits les propriétaires de fiefs, les dispositions même de l’édit de Blois, ne permettent pas de douter qu’autrefois cette possession anoblissait; mais depuis que par l’article 258 du même édit, il a été ordonné que les roturiers achetant des fiefs ne seront pour ce anoblis ni mis au rang et degré des nobles, de quelques revenus et valeur que soient ces biens, qu’enfin on les impose à la taille pour cette détention, l’assujettissement est devenu injuste puisqu’il est une double charge. Le tiers-état n’est pas traité partout de la même manière : la province du Dauphiné n’est sujette à aucunes recherches pour le droit de francs-fiefs. Ce fait est constaté par plusieurs déclarations du roi, et principalement par une du six mai seize cent quatre-vingt-treize ; selon une autre du six mars de la môme année, il n’y a ouverture au droit dans la Bourgogne que lorsque les biens nobles changent de main par des actes translatifs de propriété, autres que ceux de donation à cause de mort ou de mariage, partage de fiefs entre cohéritiers et assignats de deniers dotaux. Dans l’Angoumois, comme dans la plupart des autres provinces, les francs-fiefs sont payés à toutes mutations de propriété quelconque ; il est arrivé plus d’une fois que, dans le cours de vingt années, les événements ont donné ouverture à ce droit qui, avec les dix sols pour livre, l’ont fait monter à la moitié de la valeur des biens. Cet accessoire inventé par le génie le plus fiscal n’aurait jamais dû porter sur les francs-fiefs, qui représentent une aimée de revenus sur vingt ; c’est comme si leur échange tombait à chaque treizième année et un tiers. Par suite d’une vexation indéfinie, on fait nouvellement payer un cinquième en sus du revenu réel pour les profits de fiefs du domaine noble dont le roturier est propriétaire sans rien qui relève de lui, comme s’il pouvait y avoir ouverture de lods et vente à sou profit pour des héritages qui sont sous sa main! On donne une si grande extension au droit, qu’on l’exige sur des héritages donnés à nouveau cens, sous prétexte qu’un objet, une fois anobli par son union ou réunion au corps de fief, ne peut plus être en roture ; en ce cas, toutes les possessions du royaume seraient donc aujourd’hui tenues noblement. Mais cette assertion est contraire à tous les principes et même à l’esprit de notre coutume, qui permet le jeu de fief jusqu’à la concurrence des deux tiers, et ce jeu n’est point effectué tant que les cens représentent la valeur des héritages aliénés. Les mutations engendrent des droits qui sont une portion des revenus ; plus on les facilite, plus il y a de produit pour le fisc ; tout ce qui gêne la liberté d’acquérir lui est préjudiciable. La distinction des rangs ne peut s’appliquer à la possession des biens ; surtout depuis que celle des fiefs ne donne plus la noblesse, il n’est aucune circonstance ni raison d’Etat qui puisse les laisser valablement subsister. Si le tiers-état ne parvient pas à faire recevoir sa réclamation , on espère au moins que la déclaration du roi du six mars 1693 en faveur de la Bourgogne sera commune à toutes provinces où les francs-fiefs ont lieu, et que les dix sous pour livre seront supprimés. TAILLES. 39° La province d’Angoumois a dans son étendue environ quatre cent cinquante paroisses qui composent le ressort du siège présidial, mais elle est sous l’administratian de trois intendances. Deux cent soixante-onze communautés dépendent [États gén. 4789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée d’Angoutnois.] de la généralité de Limoges, dont elles forment trois dixièmes ; le surplus est de celle de la Rochelle, à l’exception de quelques paroisses qui sont de l’élection de Poitiers. Les impositions taiilables assises sur les collectes de l’intendance de 1a. Rochelle ne présentant pas une surcharge aussi exorbitante que dans les départements du Limousin, il n’en sera parlé que pour faire des comparaisons. On sait que les provinces se plaignent toutes également. Le conseil n’a pu avoir égard à des réclamations universelles. Une généralité qui en avoisine une plus chargée qu’elle, se plaint autant que celle-ci , pour éviter 1 augmentation qu’elle appréhende, et le ministère incertain laisse les choses comme elles sont. Mais la surcharge du ressort du Limousin mise sous les yeux du roi d’une manière non équivoque, le remède se trouvera dans sa justice et sa bonté. Avant d’en venir à cette opération, il paraît essentiel d’établir la différence qui se trouve entre les provinces où la grande culture est établie, et les pays abandonnés à la petite culture. Dans les premières, rien de plus facile que de connaître la valeur des biens-fonds et son rapport avec le taux des impositions. Les terres y sont affermées, les corps de domaines n’v sont pas dépecés, le prix des baux est notoire ;‘on connaît également la valeur de ceux que quelques propriétaires font valoir -, presque tous ont été sous la main d’un fermier. La proportion de la taille avec le prix des baux est une chose connue, c’est un cadastre fait, pour ainsi dire, quant à l’évaluation des fonds. Il n’en est pas ainsi dans les pays de petite culture ; au lieu de fermiers ce sont des métayers qui font valoir, à titre partiel, la plus grande partie des domaines dont les héritages qui les composent sont épars çà et là. Les auteurs qui ont'traitô ces deux sortes de culture ont donné lieu de croire que ce qu’on entend par la grande est celle qui s’exécute avec des chevaux, et que l’autre l’est avec des bœufs. Il s’en faut bien que ce soit cette manière de cultiver qui différencie les deux cultures ou qui suppose entre les deux parties du royaume qu’elles occupent une si énorme différence dans la valeur des terres et l’aisance du peuple ; on voit des cantons de grande culture, telle qu’en Normandie, où l’on travaille la terre avec des bœufs. La différence véritable et essentielle vient de ce que, dans les provinces où l’on cultive en grand, les propriétaires trouvent des fermiers qui leur donnent un revenu constant de leur terre; ces fermiers se chargent de toute la dépense de la culture, des labours, des semences, de meubler la ferme d’animaux, de bestiaux et des instruments de labour ; il est évident que cette valeur locative, cette égalité de culture qui fertilise le territoire n’est due qu’à des hommes qui ont des richesses à consacrer à l’agriculture, dont l’étal est de labourer, non pour gagner leur vie comme des journaliers, mais pour employer utilement leurs capitaux. La grande culture est donc là où il y a un fonds constant de richesse circulant dans les entreprises de l’agriculture qui devient un commerce, que le produit de la terre estconnu, et que Je revenu du propriétaire est assuré. Les pays de petite culture, comme dans l’élection d’Angouïême, sont ceux où les détenteurs de biens-fonds ne trouvent pour les cultiver que de malheureux paysans à qui l’on est forcé de faire toutes les avances de bestiaux, instruments et semences, d’avancer même de quoi les nourrir jusqu’à la récolte; par conséquent un propriétaire, qui n’a d’autre bien que son domaine, est obligé de le laisser en friche ; la semence et les rentes dont le bien est chargé prélevés, le maître partage avec le métayer ce qui reste de fruit. Le propriétaire qui fait les avances court les risques des accidents de récolte et des pertes de bestiaux ; il est le seul entrepreneur de la culture, son métayer n’est qu’un manœuvre auquel il abandonne une part des fruits pour lui tenir lieu de gages. C’est confier toutes ses avances à un homme qui peut être négligent ou fripon, et qui n’a rien pour en répondre. Ce colon, accoutumé à une vie misérable, cultive mal, néglige les productions commerçai) les ; il s’attache à ce qui est le moins pénible et laisse incultes les terres qui peuvent lui donner quelques soins; peu inquiet de sa subsistance, il sait que si la récolte manque, son maître sera obligé de le nourrir pour qu’il n’abandonne pas la métairie ; les avances qu’on lui fait grossissent, jusqu’au point de n’y pouvoir satisfaire; à la fin il met la clef sous la porte et s’en va. Ce n’est pas qu’il n’y ait des fermiers; on en distingue de deux sortes : l’une concerne les fiefs affermés en total à des bourgeois qui, se réservant la levée des rentes et autres devoirs seigneuriaux, confient les terres à des colons comme les propriétaires ; l’autre concerne des domaines garnis de semences, ustensiles, instruments aratoires, bestiaux et de tout ce qui tient à la culture : on les afferme aussi à des paysans du voisinage guère mieux en état de .répondre des objets, ce qui démontre évidemment que la valeur des héritages ne peut être parfaitement connue, que le revenu du propriétaire est incertain, qu’il n’y a point de bonne culture sans aisance, et que des terrains, égaux en qualités intrinsèques à d’autres où la grande culture a lieu, ne peuvent supporter les mêmes charges. S’il ne s’agissait que de donner à chaque arpent d’héritage une imposition déterminée, la généralité de Limoges présenterait cette facilité ; les cinq élections qui la composent, ont été arpentées à peu de paroisses près. Mais il en faut connaître le produit réel, et les estimations faites lors des arpentements ne peuvent le faire apercevoir. Les arpenteurs employés pour cette espèce de cadastre ont tous opéré sans principes et d’après les plans que chacun d’eux s’est formé, de manière que des collectes égales en valeur diffèrent très-sensiblement dans leurs estimations; aussi ne peut-on établir de proportion approchante qu’entre les propriétaires de biens-fonds d’une même communauté, mais non de paroisse à paroisse. Ce ne sont pas ces estimations qui servirent de bases aux comparaisons qu’on va faire. On pourrait objecter qu’étant plus ou moins basses, et les terres ayant augmenté en valeur depuis quarante-cinq ans que les abonnements ont été faits, il ne serait pas étonnant que les tailles parussent excessives en les comparant aux évaluations. Le prix des ventes est le moyen le plus jassuré d’y parvenir. On ne parlera que de l’élection d’An-goulême. Feu M. Turgot, étant parvenu à l’intendance de Limoges, fut affecté des plaintes qui lui furent généralement portées sur l’excès des impositions ; l’habitude de se plaindre ne pouvant être aussi universelle, ce magistrat voulut les approfondir; en conséquence il sc procura des actes de fermes, des contrats de ventes, dont le nombre pouvait l’éclairer, et d’après ces résultats il forma un mémoire en 1766, où la surcharge de son départe- [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVÉS PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée d’Angoumois.] ment est manifestement démontrée. Il servira de guide, sans qu’on emploie les mêmes comparaisons, à cause du laps de temps écoulé depuis cette époque. Les vérifications annuelles que les commissaires des tailles font dans les paroisses de leurs arrondissements leur procurent la connaissance des fermes, ventes et partages de biens par les actes qu’on met sous leurs yeux. Ils les relatent sur les feuilles de relevés des arpentemeuts, soit à côté des numéros qui ont subi la mutation, soit en tête de la feuille, lorsque tout le domaine passe à un autre propriétaire. On a pris des papiers de cinquante paroisses de différents fcan-tons : on a trouvé depuis 1777 jusqu’en 1788 la vente de soixante-cinq domaines dont les prix accumulés s’élèvent à 376,500 livres, qui, au denier 25, donnent 15,060 livres, à quoi l’on évalue le produit de ces biens fonds ; la taille et les accessoires dont ils sont chargés, compris le tiers imposé sur le taillable pour sa propriété, montent à 8,046 livres, compris les corvées qui, avant 1786, étaient au onzième de l’imposition et actuellement à près du septième, ce qui, avec 1,950 livres pour les deux vingtièmes qu’ils supportent actuellement, fait 9,996 livres. Quoiqu’on ne puisse faire des applications aussi justes avec les prix de vente de pièces détachées, en ce qu’ils sont moins relatifs à la valeur réelle qu’à la commodité, la bienséance et le besoin, il n’a pas été moins relevé 170 de ces ventes dans quarante autres paroisses ; elles montent à 14,100 lv. dont 564 livres pour le denier vingt-cinq, figurent le produit des héritages qui sont chargés de 286 livres, taille de propriété comprise et la corvée, outre 42 livres pour les deux vingtièmes. Un troisième travail concerne le prix de ferme ; plusieurs portent sur des droits décimaux, des rentes seigneuriales et sur des héritages unis a des moulins; il a fallu ne s’attacher uniquement qu'aux fermages des terres. Vingt-cinq paroisses enontprésenté 52 qui montentà 8,320 lv. pour lesquelles la taille d’exploitation est de 2,880 livres, qui, avec 1,440 livres pour celle de propriété d’une part, et 690 livres taux des deux vingtièmes à la charge des bailleurs à ferme, portent l’imposition totale à 5,010 livres. L’élection d’Angoulême contient 450,000 arpents de 40,000 pieds de superficie, et quoiqu’il y ait quelques paroisses dont les déclarations fautives ne peuvent présenter l’exacte étendue, une proportion entre les autres suffit pour approcher de la vérité. Sur ce nombre il y a 15,000 arpents de même superficie pour les forêts appartenant au roi, et 50,000 tenus en privilèges, ce qui réduit la quantité imposée à 365,000. Les tailles, accessoires, corvées, remises aux collecteurs et droits de quittances au profit des receveurs montent à 1,295,000 livres, non compris quelques charges locales sur plusieurs collectes. Il faut distraire de cette somme 455,000 livres réparties sur 170,000 arpents, qui ne supportent que la taille d’exploitation , comme délaissés à colonage par des privilégiés ou appartenant à des mineurs, des non domiciliés, des exemptés de taille personnelle, reste 845,000 livres imposées en taille d’exploitation et de propriété sur 215,000 arpents ; les premiers supportent 3 livres 5 sous 6 3/8 compris, 13 sous pour les deux vingtièmes, et ces derniers sont chacun chargés de 4 livres 10 sous 7 1/4. Par un aperçu que les registres d’arpente-ments fournissent ainsi que les déclarations de défrichements faites depuis au greffe du siège de la sénéchaussée et de l’élection, on peut faire une division approchante de la nature des héritages. Les terres ......... 42/ 100es Les prés naturels ...... 12/100es Les vignes ........ 20/1 00es Les châtaigniers et bois .... 18, 100es Les landes, chaumes, paccages et 8/100es bruyères. Gomme la généralité de la Rochelle n’est pas arpentée et que l’arbitraire règne dans toutes les paroisses, les comparaisons seraient fautives en les faisant de cote à cote ; c’est le crédit et l’influence plus ou moins grande sur les collecteurs qui règlent les taux dans cette intendance ; les proportions seront beaucoup moins erronnées au moyen des droits décimaux. La valeur des dîmes au onzième des fruits est connue dans seize paroisses de la généralité de la Rochelle, et autant des plus voisines dans l’élection d’Angoulême; les natures de biens sont à peu prés les mêmes, et la différence qui peut s’y trouver n’est pas assez sensible pour la calculer. La dîme des premières s’élève à trente-six mille livres , et leurs tailles, accessoires et corvées, montent à quarante mille deux cent vingt-huit livres. La dîme levée dans les secondes va à trente sept mille livres, et les impositions telles que celles ci-dessus exprimées sont de quatre-vingt dix mille sept cent livres, différence qui s’accorde avec le mémoire que feu M. Turgot présenta au conseil en mil sept cent soixante-six. Cette disproportion ne prouve rien au préjudice de l’intendance d’Aunis ; elle démontre seulement la surcharge de l’élection d’Angoulême. Si on avait pu faire les mêmes applications à dos paroisses du Poitou et du Périgord, on ne les aurait pas négligées ; mais les commissaires des tailles ont souvent eu occasion de s’apercevoir que nos impositions excèdent au moins d’un tiers en sus celles de ces deux provinces. Le tableau des charges du royaume, par la généralité que présente l’ouvrage sur l’administration des finances, semble faire apercevoir que les cinq élections du Limousin sont les moins grevées, puisque les contributions ne vont qu’à 13 livres 15 sous par tête d’habitant, ce qui ferait conclure que si les tailles sont plus fortes, il y a moins d’autres impôts. Il faut observer que le sage ministre sur lequel repose la confiance des Français n’a pu entrer dans des détails particuliers. On a du. faire un relevé de tous les droits perçus dans les bureaux de chaque généralité, et cette masse a déterminé les comparaisons ; mais de ce que dans l’intendance de la Rochelle, par exemple, il se lève neuf millions cent mille livres, cette province ne les paye pas ; les denrées et marchandises arrivant par mer, sont principalement transportées dans les contrées voisines, entre lesquelles le négociant divise les avances qu’il a faites pour les droits ; TAngoumois alimente la traite de Charente par son commerce de sels dont, partie du Limousin, du Poitou et du Périgord indemnisent les marchandsd’Angoulême. L’abonnement des droits de congé et remuage des vins et eaux-de-vie n’a de rapport qu’à la consommation particulière de l’élection de cette ville, où l’on n’a, pour ainsi dire, d’autres avantages que de n’être pas inquiété pour le déplacement d’un chai dans un autre; mais le transport de cette denrée soit par la rivière, soit par terre du côté de Paris, produit des droits qui se payent à l’entrée des autres provinces, notamment à la traite de Charente, et rien ne peut être proposé ici par compensation. 24 [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée d’ Angoumois .] On a longtemps prétendu et bien des personnes se persuadent encore que la surcharge provient d’une erreur glissée dans les départements du conseil, lors de l’établissement de la généralité de la Rochelle, créé par édit du mois d’avril 1694, et que le démembrement de nombre de paroisses de l’élection d’Angoulême n’opéra aucune diminution au Limousin. Le dépouillement fait au greffe de cette élection depuis seize cent soixante n’a point justifié cette assertion. Il y a tant de variations d’une année à l’autre qu’elles ne peuvent rien prouver; d’autres se sont imaginé que la peste dont la province fut affligée en 1720 fit verser les impositions sur les autres provinces, et que la quote-part donnée à la généralité de Limoges, n’en a plus été distraite. Il est vrai que de 1720 à 1723 il paraît une augmentation de soixante-sept mille cinq cent cinquante-deux livres de principal sur l’Angoumois, mais on voit qu’en mil sept-cent vingt-huit ta taille fut à peu près la-même qu’en 1720. La facilité d’augmenter cette imposition, et de la varier selon les circonstances où l’Etat se trouvait, laisse trop d’incertitude pour s’y arrêter. Il est aussi bien de croire que dès le principe l’étendue (1) de la généralité plutôt que ses revenus a servi de base à sa contribution. Quoi qu’il en soit, feu M. Turgot, qui l’avait administrée pendant plus de douze ans et qui en connaissait tous les rapports, ne la perdit pas de vue lors de son avènement au contrôle général des finances, et ce que son mémoire, présenté de 1766 à 1767 n’avait pu opérer, il commença à l’effectuer par une diminution qui devait être portée à 500,000 francs sur le principal, pour la rapprocher d’un taux proportionnel à ceux des provinces voisines ; mais il ne demeura pas assez en place pour satisfaire à sa justice. Notre espoir est justement fondé sur les bontés du roi et la sagesse d’un ministre qui sait si bien calculer les intérêts de la nation. CADASTRE. 40° Le changement qu’on opère dans la forme des impositions, qui seront réparties sous une seule dénomination, sans exception de privilège, exigera sans doute un travail destructif de tout arbitraire trop subsistant dans la plupart des généralités, notamment dans celle de la Rochelle. Quelques précautions qu’on puisse prendre vis-à vis des assesseurs les abus ne seront pas moins choquants, et les circonstances les multiplieront peut-être si on laisse la confection de rôles aux paroisses, ou plutôt à ceux qui les conduisent. Un cadastre sera un grand remède contre le mal, mais il faut du temps pour le mettre à sa fin ei à la plus grande perfection possible. En l’attendant, le moyen qui paraît le plus simple, c’est d’obliger les propriétaires des biens fonds à des déclarations par nature et étendue de chaque pièce d’héritage avec leurs confrontations par - les quatre points de l’horizon, la tenue dont ils dépendent, le devoir de la prise et le nom des mas où ils seront situés. En faisant des articles séparés pour chaque métairie ou corps de domaine les confrontations feront retrouver les pièces soustraites des déclarations ; il sera aisé de vérifier l’étendue dès que les corps des domaines ne seront pas déclarés en bloc ; d’ailleurs, dans les tenues à rente, il y a des arpentements pour fixer (1) On pense qâ’il y aune erreur de près de 130,000 arpents sur l’étendue de la généralité que présente fourrage. la quote-part de chaque tenancier, on pourra les appliquer aux déclarations qui seront débattues dans une assemblée de communauté. Une chose très-essentielle à observer, ce sera de ne point confondre avec les objets déclarés les héritages hors de chaque paroisse, en ce que les biens devront être imposés dans le lieu de leur situation ; il faut pour cela abroger la jurisprudence des Cours à cet égard, autrement on ne connaîtrait pas la force des communautés, les doubles emplois ou les omissions, suite inévitable des reports d’une collecte à l’autre. Les évaluations de chaque nature de biens divisés en quatre qualités au lieu de trois, selon l’usage des contrôleurs des vingtièmes, rapprocheront beaucoup plus de la valeur intrinsèque sans y mettre trop de différence pour les terres d’un même mas, à moins qu’elle ne soit sensible. Quant aux maisons et bâtiments des campagnes, leur estimation devra être plus rapprochée de la valeur de leur sol que de celle de leur construction. Cette dernière opération, faite en présence des habitants par des experts munis d’instructions et au choix des Etats provinciaux, complétera ce cadastre, sans frais ni peine; il ne s’agira plus que de composer des registres de toutes les déclarations de chaque paroisse, à la suite desquelles les rentes seigneuriales, les agriers, droits de dîmes, et tous devoirs de cette nature seront détaillés par articles séparés pour chaque propriétaire. Des feuilles de relevé faciliteront le rapport des mutations et le canevas des rôles. Cette manière d’opérer fera trouver aisément les pièces vendues, échangées ou partagées, on n’aura pas à les chercher dans le chaos d’un registre, mais seulement à l’article de la déclaration du vendeur, et lorsquelles subiront de nouvelles mutations, on verra sur la feuille de relevé, où elles auront été transportées, l’indication de leurs premiers propriétaires. Ce soin habituel ne peut être confié aux paroisses, où, en général, on trouverait peu d’habitants capables de donner une application suivie, si ce n’est dans les villes principales. 11 faut un dépôt général de tous les papiers, où deux chefs de bureau seront journellement occupés à faire les changements auxquels les mutations donneront lieu. Des syndics et adjoints, nommés dans chaque paroisse par les administrateurs de la province, feront passer annuellement , dans le courant du mois de juin, les états fournis par la commune assemblée à l’occasion des taxes industrielles à prélever sur l’imposition foncière de la paroisse et des actes probatifs de translalr tion de propriété des biens. Des scribes gagés, sous la direction des chefs de bureau, copieront les rôles, bien moins pénibles dès qu’il n’y auraqu’une taxe unique à répartir. 11 est à observer que les erreurs, les décharges, les omissions, et le tableau des divers accidents , exigeront une attention surveillante de la part de l’administration intermédiaire. Tout étant sous ses yeux, les comptes qu’elle se fera rendre ne laisseront rien échapper à sa justice. Quelle différence dans le travail si les rôles étaient confiés aux assesseurs et collecteurs, que de recherches, que de peine pour parvenir à découvrir les erreurs et les omissions, à reconnaître le fondement des plaintes, l’exactitude des transports d’héritages, -et à éviter des discussions dispendieuses entre eux et les contribuables , telles qu’elles naissent journellement partout où règne l’arbitraire ! Il est sur cette partie tant de moyens économiques à employer, que [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARU l’épargne d’un bureau bien ordonné est celui dont il faut le moins s’écarter. CORVÉES. 41° L’abolition de la corvée en nature est un acte de bienfaisance de Sa Majesté. Il serait superflu d’entrer dans le détail des exactions de toute espèce qui se commettaient. La généralité de Limoges les a éprouvées jusqu’en 1763, époque où feu M. Turgot convertit ce service en argent. Quelques paroisses de l’élection d’Angoulême ayant d’abord refusé d’accepter cette forme, l’imposition n’y fut portée qu’à 15,455 livres mais les délibérations successives des communautés en faveur de ce rachat l’élevèrent, en 1765 à 40,888 livres, en 1767 à 48,079 livres, en 1769 à 49,595 livres, à 64,380 livres pour 1771, à 66, 208 livres pour 1773, de même jusqu’en 1783, année où il fut imposé 73,518 livres, et pareille somme pour chacune des années 1784, 1785 1786. Mais un arrêt du conseil, suivi d’une déclaration du roi du mois de septembre 1787, ayant autorisé de monter cette imposition au sixième de la taille, et des accessoires, il a été annuellement réparti sur les taillables de l’élection d’Angoulème 142,890 livres, ce qui fait à peu près «As™. Ce n’est que dans les cas de nécessité que Sa Majesté a permis d’élever le taux des corvées au sixième. 11 n’est pas possible de croire que les commissaires départis aient été autorisés à s’en faire une habitude ; 'mais l’intendant de Limoges n’a usé de la facilité d’en approcher, que pour faire profiter le Limousin de la plus grande partie des fonds imposés sur l’Angoumois à l’entretien des grandes routes. Celle qui reste à faire et une autre qu’on a commencée ne peuvent absorber cette masse énorme, puisque le prix des adjudications est subdivisé de manière qu’il faut plusieurs années pour le compléter. On donne pour cause de ce versement de fonds dans le Limousin, des sommes qui y ont été puisées pour des routes de l’Angoumois. Cette réflexion est bien tardive ; il n’y a donc que la faculté accordée par la déclaration du roi qui a donné lieu à un remboursement imaginaire, mais dont la charge réelle pèse sur les habitants taillables. L’imposition représente le service en nature de chaque province, dont les fonds ne peuvent avoir d’autre application que ses besoins ; ils sont à elle, on ne peut les en sortir sans injustice: moins de la moitié de la somme actuellement imposée suffira à l’avenir pour l’Angoumois. Ouvrir des chemins de toute part avant de perfectionner ceux qui sont commencés, c’est écraser les peuples et multiplier la dépense qui s’augmente en proportion des retards qu’on apporte à rendre les routes praticables. GRANDES ROUTES ET CHEMINS. 42° L’ouverture des grands chemins a procuré tant d’avantages qu’on ne peut se récrier que sur les vices de cette administration. Les ingénieurs, toujours rivaux de ceux auxquels ils succèdent, ne trouvent jamais les directions bien prises ; ils abandonnent celles qui ont déjà enlevé des terrains précieux pour en prendre de nouveaux. Le cultivateur, reposant la nuit au sein de ses foyers, voit le lendemain le ravage et la dévastation au milieu de ses champs où il était prêt à moissonner. Les plans, les devis, les détails estimatifs approuvés au conseil sur l’avis des commissaires départis qui les ont adoptés, sont suivis d’adjudications délivrées sur le pied du détail à des entrepreneurs que les ingénieurs présentent, et I malheur à quiconque, proposeur de rabais, se * iEMENTAIRES. [Sénéchaussée d’Angoumois.] 25 chargerait des ouvrages sans leur participation ! Au moins devrait-on penser que d’après ce répertoire les plans seraient le tableau de l’exécution. Point du tout : l’humeur, la prévention, des sollicitations ménagées, des intérêts étudiés changent la forme et le fond. Gomme il est de la politique d’y faire participer les conducteurs, on suddivise entre eux une partie des travaux à moitié prix de l’adjudication principale. On fouille des terres ensemencées, on écrase des vignes à la proximité des chemins pour y prendre des matériaux qu’un éloignement de quelques toises de plus, souvent indiqué dans le détail, aurait procurés sans dégâts. Despiquets accidentellementarrachés, des voitures dérangeant des pierres entassées, quelques plaintes, des murmures de la part des propriétaires souffrants, multiplient les procès-verbaux que le seul titre d’entrepreneur ou de piqueur, donne le droit de faire : ils augmentent le mal par des amendes. Les pertes qu’occasionne l’ouverture des chemins, dont la plupart sont presque aussitôt abandonnés pour en tracer de nouveaux, ne tombent que sur lés propriétaires des héritages enlevés ou endommagés ; point d’indemnité, pas même de décharges d’impositions, dans les pays où leur répartition est arbitraire ; cependant la justice se refuse à ce qu’un petit nombre de particuliers souffrent seuls pour le bien de tous. Ce vice n’est pas aussi généraL en Limousin. L’établissement des Etats provinciaux détruira tous ces abus ; il ne sera pratiqué de nouveaux chemins que d’après une exacte vérification de leur né-céssité. Les directions, les alignements, les plans, les devis publiquement connus, les détails scrupuleusement examinés, les indemnités comprises dans les états de dépenses , les adjudications promulguées et délivrées au rabais, l’entretien des routes confié à gens que les paroisses riveraines présenteront et sur lesquels elles auront une surveillance continuelle, mettront autant d’ordre que d’économie dans cette partie d’administration. TRAVAUX POUR LA NAVIGATION DE LA CHARENTE. 43° La rivière de Charente , navigable d’An-goulême à Cognac, a une pente si rapide qu’elle a besoin d’être retenue par des digues pour faciliter sa navigation. Les moulins construits en différents endroits formaient des espèces d’écluses propres à retenir les eaux, si les propriétaires eussent pris le soin de les entretenir. M Turgot, attentif à porter ses regards sur les intérêts publics, prit connaissance de divers plans qui avaient été levés ; ce magistrat en fit dresser un dont le tableau présentait l’état de la Charente depuis Civray jusqu’à Cognac. Les résultats fournis par les ingénieurs, pour établir la navigation depuis Civray jusqu’à Angoulême et la perfectionner de cette dernière ville à Cognac, le déterminèrent à s’en occuper. Le montant de la dépense et des indemnités fut porté à 1 ,100 mille livres. Un arrêt du conseil de 1776 assura l’éxécution des projets. L'ouvrage était digne de l’attention du magistrat qui l’avait fait ordonner ; mais ce qu’on avait mis sous ses veux n’était qu’une esquisse des réparations et 'des constructions à faire pour ne pas étonner le conseil, des travaux par économie précédèrent une adjudication dont partie parut à la charge de l’entrepreneur, et partie sous la même main au compte du roi. Des écluses à une porte, établies sans suite çà et là, et leurs dimensions n’ayant que six 1 pouces déplus que la largeur des gabares , multiplié- 26 JÉtats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée d’Angoumois.] rent les difficultés ; il fallut un plus grand nombre de bœufs pour surmonter la force et l’impétuosité de l’eau, les bateaux éprouvèrent des secousses violentes, plusieurs furent endommagés, et leur frottement aux écluses dérangeant les assises et brisant les portes, des amendes prononcées fournirent aux frais du rétablissement. Pour remédier à ces inconvénients on obtint un arrêt du conseil qui fixa les dimensions et le port des gabares ; ce moyen parut propre à suppléer au volume d’eau et à l’imperfection des travaux ; mais cette disposition dura peu, les plaintes des marchands la tirent abroger. C’est alors qu’on se détermina à faire des sas qui ont rendu la navigation plus aisée, quoique encore imparfaite, d’Angoulême à Cognac, en ce qu’on a suspendu la suite des travaux pour en commencer indifféremment sur la haute Charente. Des vestiges d’anciens ouvrages, en remontant la rivière depuis Angoulême, font apercevoir des tentatives pour la rendre navigable ; dans cette partie, il est à croire que les difficultés firent abandonner le projet. Ce qui semble confirmer cette opinion, c’est le nombre des sas nouvellement établis dans l’espace de deux lieues, l’essai inutile des matelots de monter les gabares jusque-là lorsque les eaux ne sont pas en pleines rives, et l’attention de l’entrepreneur de ne se servir que d’une demi-gabare pour le transport de ses matériaux. Il en serait ainsi sous Angoulême si le confluent de la rivière de Touvre, qui fournit autant que la Charente, et dont le volume est toujours le même, n’était au-dessus du port du faubourg de l'Honmeau. 11 fallait perfectionner la navigation d’ Angoulême à Cognac avant de tenter un établissement incertain jusqu’à Civraj, d’endommager des moulins, de détruire des pêcheries , d’arracher les arbres qui bordaient les prairies, d’enleverdes terrains, d’en détériorer plusieurs, d’y ouvrir des carrières d’autorité privée, de construire autant de sas, de faire submerger les héritages riverains, lorsque la rivière commence à grossir, par le refus d’ouvrir les portes, lors de l’élévation des eaux à une hauteur déterminée; et le montant des indemnités résultant de quelques-uns de ces dommages, ni le fonds des dépenses principales ne seraient pas perdus pour la province. La suspension des travaux sur la haute Charente jusqu’à nouvel ordre pour accélérer la partie navigable est la seule chose qu’on puisse proposer quant à présent. DROITS SUR LES PAPIERS. 44° Les droits établis sur les papiers par l’édit du mois de février 1748 présentèrent si peu d’importance, pour aider aux frais delà guerre, qu’ils furent suspendus par arrêt du conseil du mois de février 1749. La déclaration du roi du premier mars mil sept soixante-onze les a néanmoins renouvelés, et la dimension des papiers et cartons a servi de base au tarif. Mais point de visites dans les fabriques, dépôts accordés à différentes villes du royaume, transport libre au moyen des lettres de voiture énonciatives de la dimension et des sortes de papiers, affranchissements pour les destinations autres que celles mentionnées au tarif. Le directeur d’Angoulême, gêné par la loi, a essayé de faire payer les droits à l’enlèvement, il a mis en activité les ressorts de son imagination, soit en faisant solliciter par la régie générale un arrêt du conseil pour exercer dans les moulins et de là dans les magasins, soit pour forcer au payement des droits à chaque arrivée de papiers dans ces entrepôts, que la proximité delà rivière et des grandes routes ont rendus indispensables au faubourg de l’Honmeau. Ce n’est qu’à la faveur de l’établissement d’un dépôt dans l’enceinte de la ville pour le débit courant des papiers, que le conseil des finances a soustrait les négociants aux visites. Le directeur, mécontent de cette facilité, a employé toutes les voies qu’il croyait propres àle faire supprimer; il aimpliqué les entrepreneurs dans des procès suscités à des détaillants de la campagne, chez lesquels, contre les dispositions de la loi, il a ordonné des perquisitions suivies de procès-verbaux de fraudes qui ne pouvaient exister dans des lieux non sujets, de condamnation d’amendes, sur l’appel de l’une desquelles le conseil n’a pas encore prononcé. La perte des acquits-à-caution, le refus d’en donner des duplicata, le défaut de rapport de décharge dans le délai de trois mois nonobstant une foule d’événements qui en nécessitent des retards constatés, ouPimpossibilité de faire certifier l’arrivée par d’autres que par les juges et les curés des lieux tels que le Périgord où il n’y a pas d’employés, effectuent des contraintes pour le payement du quadruple des droits (sic). Le vice du tarif qui porte les droits à 1 5 livres par cent de carton, valant 18 livres, l’énoncé des dimensions et des espèces de papiers dans les lettres d’envoi, presque toujours embarrassant la vérification à chaque bureau, les avaries provenant de l’inattention apportée à leur remballage, les gênes multipliées, et le peu de ressources que procure à l’Etat un produit qui ne va pas à 800,000 livres, suffisent, pour faire abroger la déclaration du premier mars mil sept cent soixante-onze. DROITS SUR LES CUIRS. 45° C’est moins le droit de 15 livres par cent de la valeur des cuirs qui nuit à ce commerce, que la forme de la perception. De trente tanneries qu’il y avait autrefois à la Rochefoucauld, dépendantes de la province d’Angoumois à peine en reste-t-il trois. Sans doute que cette dépérition est commune à tout le royaume. H est juste d’assurer les droits; mais par des moyens simples, sans gêne et sans autres dangers qu’une fraude réelle. L’exercice dans les tanneries est trop compliqué pour que les marchands ne soient pas sans cesse exposés aux effets de l’erreur et de la cupidité. La déclaration des cuirs tannés précède leur sortie de la fosse ; les employés vont dans les vingt-quatre heures appliquer sur chacun d’eux l’empreinte du marteau appelé marque de charge ; si le commis l’applique légèrement ou de côté, s’il oublie d’en marquer, première occasion de procès. La dernière main-d’œuvre consiste à fouler les cuirs en tous sens à force de bras, à les étendre et à les lisser ; après ce travail les commis apposent l’empreinte de réception, ils vérifient auparavant les peaux mises en déclaration et marquées à charge ; s’il s’en trouve une non marquée par oubli, si l’empreinte ne paraît que faiblement ou que le foulon l’ait effacée, qu’enfmle marteau ait porté de côté, procès-verbal de contravention, de fraude, de fausse marque dont les comparaisons et les expertations ne peuvent véritablement convaincre. L’humide, le sec, le chaud et le froid étendent ou resserrent les peaux, l’empreinte appliquée lorsqu’elles sont vertes reçoit les mêmeâ impressions. Les saisies faites sur les acheteurs en foire sont d’autant plus vexatoires que les ouvriers qui achètent les cuirs ne peuvent distinguer l’empreinte du régisseur de celle qui en a l’apparence ; les artisans qui travaillent sur cette matière (Etats gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée d’Angoumois.] 27 sont sans cesse inquiétés par les visites et les recherches des commis de la régie. La suppression de ce droit est à réclamer, les besoins de l’Etat ne permettent pas d’abandonner les produits. Les Etats provinciaux en réduiront chaqüe province pour en distribuer le montant sur les tanneries. DROITS SUR LES FERS. 46° On ne peut mettre le feu au fourneau sans avoir prévenu les employés huit jours à l’avance du jour et de l’heure ; le commis qui s’y transporte, à demeure prend journellement note de chaque gueuse et du poids de la fonte. Les gueuses sont numérotées pour éviter les méprises, et les droits sont perçus à la fabrication. Malgré ces précautions, il faut que le voiturier soit muni d’un passavant probatif que le fer provient d’une forge où les droits ont été acquittés ; s’il le perd, quoique nanti d’une lettre de voiture, il y a contravention. La fonte ne peut être convertie en fer ou acier, dont celui-ci ne diffère de l’autre que par la trempe, sans un nouveau droit ; outre huit sols neuf deniers que le traitant avait déjà perçus, il exige encore vingt sols par cent de cette conversion, nonobstant les dispositions de l’arrêt du conseil du 5 janvier 1739. Quoique selon le même arrêt les employés n’ont plus d’inspection à quatre lieues de la distance des forges, le directeur, sous prétexte de quelques enclaves de la Saintonge non sujette aux droits, force aux mêmes formalités que pour la sortie des fabriques et à un rapport de déclaration de payement à raison de changement de province. On a vu des employés se tenir sur les chemins qui, de l’élection de Saintes, conduisent en celle d’Angoulême, et faire payer, sous le même prétexte, les gens de la campagne pour des morceaux de fer qu’ils venaient d’acheter en foire. Les vieilles ferrailles ou fontes qu’on tire de Rochefort ou des environs sont, non-seulement assujetties aux droits de traite de Charente, mais encore à ceux de changement de province qu’on lève à Cognac, et avant que ces matières, transportées pour alimenter les forges soient arrivées à leur destination, elles ont payé trente sols par quintal. Faire payer les droits sur la fonte dans les forges, quelles que soient les provinces où elles seront situées, laisser à ce commerce une libre circulation sans avoir besoin d’acquit ni passavant, assujettir les fers ou aciers étrangers à une augmentation de droit lors de leur entrée en France, pour donner plus de cours à ceux du royaume, supprimer la juridiction de la marque des fers, c’est ce qu’on réclame. DROITS D’AIDES. 47° Il n’est point d’impôts plus onéreux ni plus désastreux que celui des aides, et la manière dont il est exercé le rend généralement odieux ; il attaque l’agriculture, obstrue la circulation, décourage le commerçant, donne lieu à des vexations continuelles ; il multiplie tellement le nombre des commis, les frais de perception, les procès et les amendes, qu’il ne revient à l’Etat que la plus faible partie de ce qu’on prend sur les sujets. Les pays vignobles sont la proie des traitant; chaque jour, chaque instant on est exposé à de nouveaux dangers. Les vendanges sont à peine achevées, que les commis procèdent à des inventaires. Chaque barrique devin est sujette à 13 sous 6 deniers de droits de courtiers jaugeurs pour remuage ou déplacement d’un cellier dans un autre, dans les pays qui n’en sont pas rédimés, tel qu’à Cognac, sans préjudice des autres droits lors de la conversion en eau-de-vie. Partout une déclaration pécuniaire précédé la mise de feu sous la chaudière. Le directeur exige qu’on fasse mention en même temps de la quantité des vins qu’on se propose de brûler et de la force qu’on veut donner à la liqueur au moyen d’un nouvel aréomètre connu sous le nom d’aréomètre de Cartier. La liqueur est réputée double, lorsqu’elle touche le vingt-deuxième degré, les droits sont perçus en conséquence. Si les employés arrivent au moment que l’eau-de-vie est sortie de la chaudière et qu’elle monte à ce degré, c’est contrevenir à la déclaration d’eau-de-vie simple, ils déclarent procès-verbal ; mais pour éviter des répliques péremptoires, ils prétextent de menaces et de troubles dans leurs fonctions pour aller rédiger leur acte au bureau du directeur. Des vins qui n’auront pas rendu d’après son calcul, des eaux-de-vie qui auront nécessairement perdu de leur qualité et de leur force dans l’intervalle de la fabrication à la vente des futailles où la liqueur aura coulé, sont autant de matières à procès, sous prétexte de vente. d’eau-de-vie en fraude des droits; enfin un quart ou demi-degré de force que le mouvement du transport, ou la chaleur de la saison aura donné à l’eau-de-vie, et constaté lors même que la liqueur est encore sur les charrettes, sert de preuves à la contravention supposée. Pour être convaincu que l’aréomètre de Cartier, quoiqu’approuvé par une déclaration du roi, est fautif, il ne s’agit que de comparer entre elles les matrices déposées dans les greffes d’élections où plusieurs ont été rejetées avant qu’on ait pu en adopter. Le pèse-liqueur remis à chacun des employés ne présente pas moins de variations ; la feuille d’argent qui forme le tube esl si mince que la plus légère impression, faite par le frottement ou la compression, occasionne son dérangement. Les cours ont cru parer aux inconvénients du temps et des saisons en ordonnant que le thermomètre de Réaumur déterminerait la température avant de peser les liqueurs; mais la division trop multipliée de l’aréomètre ne différencie pas assez sensiblement la force, et ce ne peut être sur un quart ou demi-degré qu’il est possible de la bien établir. D’ailleurs, il n’est pas possible que l’on veuille courir les risques de la confiscation et de l’amende en déclarant pour simple une eau-de-vie qui, par l’éventement du transport et de la chaleur qu’elle éprouve en route, ne sera que d’un demi-degré en sus de celui qui l’a fixé, il faut au moins y avoir quelqu’intérêt ; il n’y en a aucun, puisque l’eau-dè-vie n’est au-dessus du double qu’au trente-quatrième degré. Mais le directeur ne tend qu’à enfler les droits, car si un négociant reçoit d’un seul envoi plusieurs pièces d’eau-de-vie dont partie sera réputée double, et le reste simple, au lieu de prendre pareille quantité de liqueur de chaque tierçon pour les peser ensemble, les commis les vérifient particulièrement; et un seul au vingt-deuxième degré quoique les autres au-dessous, suffit à la confiscation de la totalité. Quant aux particuliers qui convertissent leurs vins en eaux-de-vie, la déclaration qu’on leur fait faire de la quantité qu’ils ont à brûler ne peut être pour eux qu’un surcroît d’alarmes. La liqueur que ceux d’un voisin aura produite n’est pas une règle pour d’autres; deux jours de changement dans le temps, plus ou moins de rouge mêlé avec le blanc, la maturité, l’âge des vignes, leur taille, et l’attention, autant que le reste, mettent tant de 28 [Etats gén, 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée d’Angoumois.] différence dans la qualité des vins, que les uns rendent du tiers à moitié plus que les autres. Ce n’est que depuis quelques années qu’on assujettit les propriétaires à déclarer la force qu’ils veulent donner à leur eau-de-vie; c’est priver un cultivateur de la facilité de disposer de son bien avec l’avantage des circonstances. N’ayant pas toujours des futailles à sa disposition dans le moment qu’il brûle ses vins, il est pour lui de l’économie et même de la nécessité de donner plus de force à la liqueur, parce qu’il lui faut moins de vaisseaux. C’est lorsqu’il la vend, qu’il peut, au moyen de vins qu’ila conservés, faire une eau-de-vie inférieure qui, mélangée avec la première, la descend au degré où elle doit être; il est même forcé en brûlant de lui donner jusqu’à un degré et demi de plus, pour qu’après son feu passé et un hiver écoulé elle se trouve au degré ordinaire. D’ailleurs le brûleur, qui n’est qu’un ouvrier ou un domestique, ne connaît pas l’aréomètre de Cartier, il ne sait ce que c’est, un tube de verre vivement frappé lui sert de preuve. En-lin qu’un particulier, pour se mettre hors de la crainte, fasse une déclaration d’eau-de-vie double, lorsqu’il mettra le feu sous la chaudière, plusieurs années s’écouleront avant la vente, et cette liqueur tombera au-dessous du simple ; cependant il y aura lieu au double droit, et encore heureux si cette faiblesse et le coulage ne lui font éprouver des discussions, interminables sans argent. Les élections de Cognac et de Saint-Jean-d’An-gély ont des enclaves fort étendues dans celle d’Angoulême ; la plus grande partie des eaux-de-vie qui s’y fabriquent sont achetées par les négociants de cette ville, qui la font transporter dans leursmagasins pour l’envoyer par mer ou parterre. Le droit de revente, qui tient lieu de celui de consommation dans les provinces d’Aunis et de Saintonge, ayant été acquitté au premier enlèvement, il n’y a plus rien à répéter. Il n’en est pas ainsi pour les eaux-de-vie du cru de l’élection d’Angoulême, qui était assimilée à celle de Sainte) nge lors des fermes générales. Le directeur ajoute aux frais de commutation celui de revente, sur le fondement que notre élection n’est pas comprise dans l’arrêt qui a commué le droit dans celle de Saint-Jean et de Cognac. En vain lui a-t-on observé qu’en exigeant l’ancien droit, l’autre qui le représente dans la Saintonge ne peut avoir lieu pour Angoulême sans faire un double emploi, les ordres qu’il suppose avoir reçus de la régie servent de loi ; pour embarrasser davantage les marchands d’eau-de-vie, il veut exiger qu’ils aient des magasins particuliers pour la liqueur venant de Saintonge, comme s’il n’est pas suffisant de présenter la quittance des droits de premier enlèvement pour en opérer la décharge sur les quantités comprises dans les acquits. Les fermiers généraux avaient attention de faire donner des duplicata d’acquits-à-caution qu’on avait adiré. Les régisseurs se refusent à cet acte de justice, et la perte des acquits donne lieu au payement du quadruple des droits pour n’avoir pas été rapportés dans les trois mois, et la décharge de cette pièce n’opère pas la restitution lorsqu’elle est présentée après l’expiration du délai. Un directeur a reçu les reproches les plus vifs pour avoir donné dès certificats particuliers de l’arrivée pour tenir lieu de déchargés perdues. Si un négociant tire une lettre de change que le porteur aura écartée, il en donne une seconde; ne doit-il pas eu être de même pour les droits du roi ? Les registres de chaque direction doivent être des titres respectifs, pour être à charge et à décharge, et pour y puiser des expéditions représentatives de la perte des acquits; mais les registres ne l’entendent pas ainsi, puisque les cas fortuits qui ont occasionné les retards ne dispensent pas de la peine du quadruple, non plus que la perte entière des marchandises, soit pour avoir été volées, soit pour cause d’accident, soit enfin à raison de l’envoi à des gens qui, en s’évadant, les ont furtivement détournées de leur' destination pour en faire perdre le prix au vendeur. Un pareil événement étant arrivé à un négociant d’Angoulême, les régisseurs se sont imaginé de lui faire beaucoup de grâce en ne demandant que les droits ordinaires, quoique eux-mêmes avaient fait constater le fait de leur propre aveu. Que pourra-t-on dire sur la vente de vin en détail qui ne soit connu? C’est, pour s’exprimer vulgairement, la vache à lait des commis. Il faut que les cabaretiers dont la famille est nombreuse payent pour leur consommation ; à peine leur laisse-t-on une rapière sur laquelle ils versent la lie du vin compris au détail. Qu’un reste de vin blanc soit mêlé avec le rouge dans une bouteille trouvée sur la table à l’arrivée des employés, c’est matière à verbaliser sur la comparaison et la couleur avec le vin rosé de la barrique où il a été pris; qu’une futaille soit remuée après en avoir tiré une bouteille, même occasion de procès-verbal; que le débit d’un jour à autre ne soit pas sensible, le cabaretier est attaqué de fraude ; qu’on trouve chez lui un verre d’eau-de-vie ou de liqueur pour son usage particulier, autre sujet d’inquiétude et d’amende. C’est surtout dans les campagnes que les vexations se multiplient sous prétexte de facilité à frauder. Au mois d’octobre dernier un débitant transportait publiquement de. l’eau pour la mettre sur sa rapière ; les commis arrivèrent au même instant, ils virent cette eau colorée dans le vaisseau qui la .contenait, et dans lequel il y avait eu de la vendange; la dégustation changea cette eau en vin, et l’amende, réduite à 60 livres par ac-comodemment, a terminé l’affaire. L’invention du trop bu rendra insensiblement tout le monde cabaretier, les abus qui se commettent dans ce genre d’exercice sont des plus alarmants , aucuns artisans , aucuns ouvriers n’en sont à couvert. On calcule le vin que chacun peut consommer, et l’excédant, sujet aux droits de détail, suffit pour convaincre de la fraude, assujettir à l’amende et forcer à mettre bouchon sans examen ni considération des circonstances où l’on peut se trouver, et pour n’avoir pu surprendre quelqu’un en contravention on l’y fait tomber par des calculs et des suppositions. Toutes personnes indistinctement qui dès leur campagne tirent leur vin en bouteilles pour le transporter en ville, tels particuliers qui changeant de maison sont obligés de faire porter dans leur nouvelle demeure celui qui se trouve ainsi transvasé, sont assujettis depuis quelque temps aux droits de détail à raison d’un sou par bouteille. Les marchands dont le commerce se fait avec des voitures, les fabriques où il y a nombre d’ouvriers, les gens qui ont des pensionnaires, ne sont pas dispensés des droits de détail. Si, dans l’assemblée des Etats généraux, il est possible de trouver un moyen dé suppléer aux droits d’aides, il est du repos public de ne pas le laisser échapper, sans en renvoyer l’exécution à des temps trop éloignés. On doit connaître le produit net de chaque élection dont le montant, réuni à l’imposition foncière sera réparti dans la forme que les Etats provinciaux auront arrêtée, [États gén. 1789. Cahiers.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [Sénéchaussée d’Angoumois.] 29 soit en affermant comme autrefois le droit de la vente en détail dans chaque paroisse, en faisant un abonnement avec les marchands, négociants et autres personnes dont la profession assujettit à quelques-uns des droits, soit enfin en imposant le surplus tant avec le taux des biens-fonds qu’avec celui du commerce, des arts, des capila* listes et de tout autre indistinctement ; mais si des obstacles s’y opposent dans ce moment, il ne s’en trouvera pas au moins pour dégager les propriétaires de vignobles des assujettissements qu’on a détaillés et d’un double droit sur les eaux-de-vie, en raison de la force déterminée par l’aréomètre de Cartier, sauf à porter à 3 livres pour l’une et l’autre qualité de liqueur le droit de 45 sols par barrique de 27 veltes d’eau-de-vie simple. Ainsi que les négociants l’ont ci-devant offert, l’extinction du droit d’emprunt, de passage, l’élection d’Àngoulême assimilée à celle de Sain-tonge par rapport au droit de vente représentatif de celui de commutation, la suppression du droit récemment perçu sur les vins passant en Limousin, les décharges d'acquit-à-caution effectuées par le seul relevé des registres respectifs des directions, l’abolition des recherches sur l’excédant des consommations, et tout ce qui tendra enfin à assurer la traquillité et une juste perception, mériteront l’attention de l’assemblée nationale ; il vaudrait mieux augmenter quelques-uns des droits, plutôt que de laisser subsister tout ce qui tend à des gênes vexatoires. DROITS RÉSERVÉS. 48° Ce droit, établi en 1757 sous le titre de don gratuit , ne le fut d’abord que pour six ans -, mais insensiblement prorogé, il est devenu per-étuei sous la dénomination de droits réservés. ans le principe il n’a porté que sur les bois de chauffage, les vins, les foins et les bestiaux destinés aux boucheries ; des arrêts interprétatifs y ont assujetti toute espèce de bois sans exception, ainsi que les eaux-de-vie faites de vins qui ont subi les droits ; aussi, dans les lieux sujets, il n’y a plus de fabrication d’eau-de-vie, et les terrains qui ne sont propres qu’à la vigne demeurent incultes à mesure qu’elle périt. La conversion des vins en eau-de-vie n’est pas une consommation; cette liqueur transportée hors de la province ou du royaume entre dans le cours de la circulation , son débouché engendre des droits qui accroissent les revenus du roi. Les vins ainsi convertis doivent donc être exceptés de ceux qu’on consomme véritablement, ainsi que les eaux-de-vie qui en proviennent. Le faubourg de l’Honmeau d’Angoulême est, par sa proximité de la rivière de Charente, le centre du commerce de cette ville et le magasin général des marchandises arrivant par terre et par eau. Si des bêtes de somme chargées de bois merrain, de frette ou de charbonnage, se dégagent de leur poids en se vautrant, le marchand est attaqué de fraude ; les employés épient l’instant où les voituriers arrivent, ils vont arrêter les registres au bureau et défendent de recevoir les droits au moment même où le marchand se présente, pour les acquitter. Si c’est la nuit que les marchandises arrivent, il y a procès-verbal le lendemain, pour avoir trouvé’ les bois déchargés; est-ce à midi, il faut attendre le déchargement jusqu’à près deux heures pour éviter les suites d’un procès-verbal. Les chantiers situés sur les ponts de l’Honmeau, sont en partie clos par des murs ou des haies ; les droits sont exigés sur tous les bois qu’on y dépose, sans considérer qu’on ne peut assimiler le port de l’Honmeau à ceux de Paris, où des gardes veillent à la sûreté des chantiers. Lorsque les mêmes objets sont transportés par gabare dans le Saintonge, on y perçoit le même droit qui a lieu à chaque transport d’un lieu sujet dans un autre, nonobstant les quittances que le marchand oppose à cette perception. La précaution de placer les bois sur le port demeure aussi sans effet; si un particulier de la campagne, vient en enlever pour son usage, les commis n’acceptent cette déclaration qu’autant qu’on paye les droits ; ils les prennent aussi sur ceux apportés par la rivière et enlevés par la ga-barre au même moment qu’on en décharge des charrettes pour les conduire dans des lieux non sujets ; enfin l’extension est si grande, que l’on a perçu un et deux sols sur chaque panier de raisin pour les tables ; cette perception existerait encore sans une sentence de l’élection qui l’a prohibée. La multitude des faits qu’il serait possible d’exposer donnerait trop d’étendue à cet article; il suffira d’en rapporter un seul, mais propre à démontrer combien les plaintes sont fondées. Un particulier, qui a une borderie au pied de la ville, voyant un orage prêt à fondre sur ses foins, diligente le chargement de ceux qu’il avait fait couper ; les commis s’aperçurent du haut du rempart de cette diligence ; ils" se rendirent aux bureaux, arrêtèrent le registre et de là furent au lieu où le foin devait être engrangé pour verbaliser si on avait commencé à décharger. Le propriétaire n’apprit la supercherie des employés qu’au retour de son domestique envoyé pour payer les droits qu’on avait refusé de recevoir. Les droits sur les consommations paraîtraient les moins onéreux s’ils étaient exercés avec une sage précaution; mais les régisseurs ne tendent qu’à des augmentations de produits, les employés à des amendes qui tournent à leur profit, les directeurs à montrer leur zèle pour l’intérêt de leurs commettants; ce ne peut donc être sur la continuation des droits qu’on peut fonder de plus grandes ressources, puisque la tranquillité des peuples et la liberté du commerce tiennent à des réductions et des modifications nécessaires. TRAITES. 49° Ce qu’on aurait à dire sur les traites présenterait les mêmes abus que pour les autres droits. On sait qu’elles portaient sur tous les états et qu’elles rendent les provinces étrangères entre elles, comme si chacune d’elles n’avait pas le même souverain. La multitude des commis, celle des brigades et le nombre de leurs juridictions, absorbent une grande partie des produits ; ce qui en revient à l’État n’équivaut pas les gênes, les embarras, les retards aux passages, les avaries que le déballage apporte aux effets visités et ceux qu’on a quelquefois perdus. Leur suppression dans l’intérieur du royaume, et leur transport aux limites, sont le vœu général de la nation. Signé Brun, lieutenant de maire, député du tiers-état ; Robin, premier échevin, député du tiers-état ; Thevel, échevin ; Joubert, échevin ; Thinon, échevin ; Navarn de la Pille, Coursac , député du tiers; Rinaud, procureur du roi de la ville; Huet, Cavaud l’ainé, J. Henri aîné, B. Sazerac de Forges, Debresme, des Gasniers, avocat ; Marcbaises des Guttes, ancien juge consul; Ménard, Duvillards, ancien gendarme ; Demarvaud, député; du tiers ; Nègre, député du tiers ; Brun fils aîné, assesseur; Pineau, deuxième assesseur ; Duquet, J. Godmeau, Ragneau, député; Louis Lardy, député; Mauldes de Blanchetaux