280 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. «93 Le représentant du peuple Couturier écrit d’Etampes, le 5 frimaire, que, pour écraser le fanatisme, il a, dans les différentes communes de ce district, fait célébrer les jours de décade. Dans celle de Ditte ville, on se rassembla dans le temple de la Raison, qui ne fut point assez grand pour contenir l’affluence des citoyens; cha¬ cun y apporta sa portion. Le citoyen Guyot, com¬ missaire aux subsistances, donna du pain excel¬ lent, et l’on fit ainsi en famille un repas frugal et gai. Plusieurs communes ont imité cet exemple. Le représentant du peuple a arrêté que ceux qui se nommaient Louis s’appelleraient désormais Sincères; que les Rois se nommeraient Libres; les Reines, Julie, et les Antoinette, Sophie. Insertion au « Bulletin » (1). Suit la lettre de Couturier (2). « Étampes, ce 5 frimaire, l’an II de la République. « Citoyens mes chers collègues, « Depuis quatre jours je ne vous ai pas écrit, en voici la raison. Instruit par différents avis que dans plusieurs communes, au lieu de fêter les jours de décadi elles continuaient, comme du passé leur ancienne routine, et que la cloche qui restait encore par commune, suivant le décret, servait toujours pour les messes, vêpres, angélus, etc. L’expérience que j’ai que partout où j’étais passé il n’était plus question de fana¬ tisme ni d’autres fêtes que les décades, m’a fait juger qu’ü était bon de parcourir promptement une douzaine de communes où l’influence des prêtres était encore en vigueur. Cette démarche a eu tant de succès qu’ü m’est impossible de ne pas vous en rendre compte aussitôt mon retour. « Comme rien au monde n’est plus propre à faire oublier ces anciennes rêveries que le ras¬ semblement des citoyens les jours de décade, j’ai indiqué, où je passais, la commune d’Itte-ville pour y célébrer la décade dernière dans le temple de la raison, ét j’ai eu la satisfaction d’y voir réunis tous les citoyens des communes voisines, pères, mères, grands-pères, enfants et petits enfants au nombre respectable de plus de 4,000; le temple de la raison n’était plus assez grand pour contenir l’affluence. Là, les hymnes sacrés de la liberté et de la raison triom¬ phante ont remplacé les jérémiades du vieux rite. Le citoyen Guiot, commissaire aux subsis¬ tances, a donné, dans cette occasion, des preuves de son civisme. Prévenu de cette fête et l’ayant loi-même provoquée, il fit faire du pain excel¬ lent qu’ü fit transporter dans ce temple, un chacun y a apporté un morceau de viande cuite, et un repas frugal a accompagné cet élan de la liberté. C’est ainsi qu’au miheu des chants et de la musique, le fanatisme est expiré tout (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 26, p. 193. (2) Archives nationales, carton C 283, dossier 798. Aulard s Recueil des actes et de la correspondance du comité de Salut public, t. 8, p. 692. de bon. La commune de La Ferté donna le lendemain le même exemple; c’est un chef -lieu de canton qui mérite les plus grands éloges. A mon retour, dans toutes les communes, on barrait le chemin pour empêcher la voiture de passer outre, je fus donc obligé de défana¬ tiser tous les temples à la réquisition des bons habitants. A Chamarande, aussi chef-lieu de canton, je fus obligé de prendre différents arrêtés dont cette commune est chargée de vous transmettre copies. EUe a demandé : 1° De changer de nom, attendu que Cha¬ marande était celui d’un ci-devant seigneur, et attendu qu’anciennement eüe s’appelait Bonne, je l’ai baptisée Bonne commune; « 2° Eüe m’a fait voir que le temple de la raison, où se tenaient les assemblées primaires était trop humide et malsain, qu’ü était indis¬ pensable d’en rehausser le sol et de placer le cimetière au dehors. J’ai arrêté ces différentes demandes à une satisfaction si complète qu’il est difficüe de vous peindre la joie et l’allégresse de cette commune. « Tous les noms de roi, de reine, de Louis et d’Antoinette, qui étaient si multipliés dans ce district, sont disparus. Requis à chaque moment de débaptiser, j’ai arrêté en général que les Louis se nommeraient Sincère, qui est le contraire de traître; que les rois se nommeraient Libres, les reines, Julie et les Antoinette, Sophie. On demande que vous confirmiez cet arrêté. « Si l’on n’avait pas tant craint le souffle pestüentiel des mauvais prêtres, mal à propos, on n’aurait pas différé jusqu’à ce jour à franchir la barrière de la superstition et du fanatisme. On a mal jugé le peuple, on pensait qu’ü tenait mordicus à des hochets, à des mensonges et à des mystères impénétrables qui ne se plaçaient que là où la raison se perdait; il n’en était pas ainsi. Il y a longtemps que le peuple aurait secoué le joug du despotisme sacerdotal qui lui pesait sur le cœur, ü ne s’agissait que d’ôter la rivure de la chaîne qui le tenait asservi, et l’expérience prouve qu’il n’en faüait pas da¬ vantage. « Je vous ai annoncé, citoyens mes col¬ lègues, que la multitude de petite argenterie me présentait le danger d’un gaspülage jusqu’au moment de la réduction, qu’en conséquence je l’ai mise sous la garde et surveülance de deux commissaires du district qui la font passer au creuset par le ministère de deux orfèvres expé¬ rimentés qu’üs ne quittent pas. Cette opération s’avance et je voudrais même qu’eUe fût finie pour que je puisse me rendre au désir des fana¬ tiques invétérés qui voudraient me voir bien loin. On m’assure qu’on dit avoir écrit, du sublime sans doute, contre Couturier, mais Couturier, dont la profession de foi n’est pas équivoque, ne craint ni l’imposture, ni le fana¬ tisme, ni la calomnie. Il espère, avant six jours, déposer sur le bureau de la Convention le sujet de la jalousie; ü n’a d’autre ambition que ceüe de servir sa patrie, au point que les journées ne suffisent pas pour satisfaire à son désir à cet égard. « Le citoyen Lorrain, administrateur et cor¬ donnier de profession, doit aujourd’hui être à la tête du convoi qui part avec des cloches, des cuivres, etc. C’est un citoyen pauvre, mais dont le patriotisme est à toute épreuve, c’est un apôtre de la Révolution comme ü n’y en a point. C’est à lui que le rapide succès de la régénération que j’ai faite est dû en plus grande [Convention nationales] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. i Ig�o�mbre 1793 281 partie; depuis six semaines, il ne m’a pas quitté dans mes tournées ; il faut qu’il ait une poitrine de fer pour avoir tant prêché et chanté comme il l’a fait dans les ci-devant chaires dé men¬ songe, et le tout à la manière des sans-culottes des campagnes. Il a de la famille et il est pauvre. Je désirerais bien que la Convention ne trouvât pas mauvais que je lui fisse une petite gratifica¬ tion ou qu’elle la fit elle-même. « Vive la République! « Couturier. « Dans la même tournée, j’ai visité une ma¬ nufacture d’armes, une de coton et une de pa¬ pier. Les deux dernières sont supérieurement montées. La première ne s’occupe qu’à net¬ toyer et dérouiller les vieux canons de fusils, ce qui m’a fait penser qu’il est absolument nécessaire de faire bronzer les canons, car il est impossible que sans cela ils puissent résister à ce frottement qui les use d’une manière in¬ croyable. « Le reste à une autre fois. » Les administrateurs du district d’Orléans écri¬ vent qu’ils ont reçu des communes de leur res¬ sort, pour les défenseurs de la patrie, depuis le 12 juillet dernier, 2,465 liv. 3 s. en assignats, un habit uniforme, 2 vestes, 57 paires de sou¬ liers, 71 chemises, 4 mouchoirs de poche, 4 paires de guêtres blanches, une paire de guêtres noires, une paire de guêtres grises, une paire de bas de laine, 2 paires de gants, 4 fers de cheval, un pantalon, 3 gibernes, 4 coupons de toile, 5 cu¬ lottes dont une de Nankin, une croix de Saint-Louis. Mention honorable, insertion au « Bulletin » (1). Suit la lettre des administrateurs du district d’Orléans (2). Au citoyen Président de la Convention nationale. « Orléans, le 5 frimaire, l’an II de la République, une et indivisible. « Citoyen Président, « Nous t’envoyons ci-joint un extrait du registre tenu à notre secrétariat, conformément à la loi du 23 mars dernier, pour l’inscription des contributions volontaires destinées par les communes de notre district à l’équipement et habillement des défenseurs de la patrie. « Il résulte de cet extrait que nous avons reçu, depuis l’état que nous t’avons adressé, le 12 juillet dernier (vieux style) : « 1° 2,46ô liv. 3 s. en assignats; « 2° 1 habit uniforme; « 3° 2 vestes; « 4° 57 paires de souliers; « 5° 71 chemises; « 6° 4 mouchoirs de poche; « 7° 4 paires de guêtres blanches; « 8° 1 paire de guêtres noires; « 9° 1 paire de guêtres grises; « 10° 1 paire de bas de laine; « 11° 2 paires de gants; « 12° 4 fers de cheval; « 13° 1 pantalon; « 14° 3 gibernes; « 15° 4 coupons de toile; « 16° 5 culottes, dont une de nankin; « 17° 1 croix de Saint-Louis. « Conformément à l’article 4 de la loi pré¬ citée, nous avons versé la somme de 2,465 liv. 3 s. dans la caisse du receveur du district d’Orléans, dont nous joignons ici un duplicata de son récépissé, attendu que nous avons adressé directement au ministre le reçu de ce receveur. « A l’égard des objets énoncés aux quinze dernières colonnes de l’état ci-joint, nous les garderons en dépôt jusqu’à ce que le ministre en ait disposé. « Nous te prions de présenter le plus tôt possible cet état à la Convention nationale pour la mettre à portée de payer, aux communes de notre ressort qui y sont indiquées, le tribut d’éloges que paraît mériter leur zèle patrio¬ tique. « Nous aurions désiré que ce don fût plus con¬ sidérable, mais le fléau terrible qui a eu lieu le 31 mai dernier, en ravissant nos espérances, a totalement ruiné les cultivateurs de notre ter¬ ritoire qui est presque tout vignoble. Nous t’observons néanmoins que quelques contribu¬ tions de la même nature que celles que nous t’annonçons doivent nous être déposées in¬ cessamment et, dès qu’elles nous seront remises, nous nous empresserons de t’en donner avis. « Les républicains composant le directoire du district d’Orléans, « Lambert, vice-président; Cretté, Cotj-vierac; Ai G n an, secrétaire. » Extrait du registre tenu au secrétariat du district d’Orléans, conformément à la loi du 23 mars 1793, pour l'inscription des contributions volontaires destinées par les communes de ce district à l’équipement et habillement des dé¬ fenseurs de la patrie (1). Fay, 4 paires de souliers, 1 paire de guêtres grises ; Marcilly, 126 liv. 16 s. en assignats; Saint-Jean-Leblanc, 41 liv. 5 s. en assignats; Saint-Jean-de-Braye, 585 liv. 7 s., 1 chemise; La Ferté, 845 liv. 5 s., 1 paire de souliers, 1 paire de guêtres blanches, 4 fers à cheval; Donnery, 60 livres; Bon, 34 liv. 15 s.; Saint-Nicolas-Saint-Mesmin, 90 liv. 5 s.; Saint-Hilaire-Saint-Mesmin, 148 livres; Sigloy, 33 liv. 10 s.; Checy, 7 paires de souliers, 1 chemise; Châteauneuf, 500 liv., 1 habit, 2 vestes, (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 26, p. 193. (2) Archives nationales, carton C 283, dossier 807. (1) Archives nationales, carton C 283, dossier 807.