[Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j �Sr/l/o!} 7 « Lis, et fais lire le procès-verbal de la Société républicaine, quarante ci-devant prêtres ont abjuré. Ils renoncent à Satan, à ses pompes et à ses œuvres. Vive la vérité! vive la Montagne! « Je te salue de cœur. « Dumoulin, administrateur du département de la Dordogne. » Extrait du registre des séances de la Société répu¬ blicaine de Périgueux (1). Présidence de Lanxade. Séance du 24 brumaire, l’an second de la Ré¬ publique. Le procès-verbal de la veille a été lu et • approuvé. Dumoulin a demandé la parole, et étant remonté à la tribune, il a fait lecture de la lettre suivante : « Citoyens, « L’opinion enchaîna mon enfance au char de la superstition. L’opinion déchire le voile, mes yeux s’ouvrent, et la lumière de la raison m’é¬ claire. Ils ont fui ces prestiges, et me voilà Tendu à moi-même. Citoyens, c’est au milieu du peuple que je comparais, o’est dans votre sein •que je dépose des chaînes qui longtemps me tinrent dans l’esclavage. Recevcz-les, que le feu - de la vérité les consume. « Citoyens, je n’ai plus qu’un désir, c’est celui de devenir membre de votre société. Yoilà, ■citoyens, voilà mon vœu. « Signé Brothier, ci-devant prêtre. » Les applaudissements (non ceux provoqués par la fohe) ont succédé à la lecture de cette lettre; la joie du sentiment électrisait tous les cœurs, quand Pierre Pontard, accompagné de sa femme, est entré dans l’assemblée, l’amour fraternel les a accueillis, et Lanxade, organe de la société, leur a donné le baiser fraternel. Pontard a pris la parole, et après avoir témoigné . à ses frères sa reconnaissance, il leur a dit qu’il ne venait pas parmi eux pour y propager l’erreur, ni nourrir le fanatisme; mais bien leur apprendre que, dégagé entièrement des langes qui le ceignaient, il était pour toujours l’adorateur et le prédicàteur de l’éternelle vérité. « Si je l’ai si longtemps méconnue, a-t-il dit, ce n’est pas la faute de mon cœur; mais comment, jeune encore, résister aux sophismes scolastiques ; nourri de théologie, échauffé par le merveilleux, je ne pouvais être, citoyens, qu’un prêtre. Recevez donc mon abjuration solennelle. Les cris de Vive la Bépublique ! vive la Vérité! se sont spontanément fait entendre : les plus vifs applaudissement y ont succédé. Dumoulin a saisi le moment du calme pour demander que la société délibérât sur la lettre •du prêtre Brothier; et, présentant à l’assemblée les chaînes qui le tinrent captif : « Je demande, . a-t-il dit, que le feu de la vérité les dévore, et que le président les livre aux flammes. » Sa proposi¬ tion est reçue avec transport, et les lettres de prêtrise de Brothier sont réduites en cendres. « C’est maintenant, s’écrie Dumoulin, qu’on peut dire que la liberté et l’égalité sortiront triomphantes de cette guerre à mort qu’ont provoquée les préjugés. Il n’est plus d’asile pour eux quand le sceptre et l’ encensoir sont brisés. Ah ! quel saint ministère que de prêcher à l’homme l’amour de l’homme. Principe éternel des vertus sociales, viens enflammer toutes les âmes, viens occuper dans le cœur de l’homme l’espace qu’occupait le préjugé. Je fais la motion que Brothier et tous ceux qui, comme lui, se seront purifiés, soient admis au rang des membres de la société, sans autre épreuve, pourvu toutefois qu’ils ne soient pas notoire¬ ment connus pour mauvais citoyens. » La demande allait être mise aux voix, quand Debregeas propose un amendement. En adhé¬ rant, a-t-il dit, à la motion du préopinant, il faut ajouter, et ceci est fondé en principe, que tout prêtre membre de la société qui, dans huit jours, ne viendra pas faire son abjuration, sera rayé du tableau de l’ assemblée; et je demande en outre que nul homme de caste sacerdotale, ne soit admis s’il n’a rempli ce soin préalable. La motion et l’amendement ont été universelle¬ ment accueillis et adoptés. Bardet fait lar motion que l’hymne de la liberté soit chanté en action de grâces : l’assemblée y applaudit, et Doat, de Bergerac, est invité par le présidents remplir cette tâche. Les cris chers et sacrés de liberté, de patrie, d’égalité et de sainte Montagne, sauveurs du peuple, ont fait retentir les voûtes du temple. C’est dans ce moment que l’homme régénéré (Brothier) a paru pour. prêter son serment; il a juré de maintenir la li¬ berté et l’égalité, et de mourir pour les défendre. Ce ne sont pas mes lèvres qui l’ont prononcé, ce serment, c’est mon cœur qui le jure. Espic, vicaire épiscopal, monte à la tribune : Citoyens, dit-il, je viens de comparaître devant les corps constitués; j’ai renoncé publiquement au traitement que m’accordait la loi; mais cette renonciation pécuniaire ne serait rien à mes yeux, si je ne déclarais au tribunal de l’opinion, que je ne suis plus prêtre. Non, citoyens, je ne le suis plus, dès que je suis homme et citoyen. Je jure d’en remplir les devoirs sacrés, d’aimer ma patrie et de mourir pour sa défense. I es applau¬ dissements couvrent ces aveux et l’assemblée se livre à la joie qu’inspire à des républicains le triomphe de la nature. Les prêtres ne sont pas ce qu’un vain peuple pense. Notre crédulité fait toute leur science. Pour couronner cette mémorable séance, l’épouse de Pontard est admise, aux acclama¬ tions, au rang des membres; elle donne le ser¬ ment aux mains du président, qui lui donne l’accolade. Sur la proposition de plusieurs membres, il demeure arrêté que le procès-verbal de cette séance sera imprimé, envoyé à la Convention et aux sociétés populaires. Dumoulin demeure chargé de la rédaction. Arrête, de plus, que sa séance s’ouvrira à l’avenir par l’hymne de la liberté. Signé : Lanxade, président ; Dumoulin, secrétaire. La Société populaire de Bouchain rend hom¬ mage aux pères de la patrie qui, du sommet de la sainte Montagne, ont foudroyé le trône et le tyran; elle félicite la Convention nationale sur ses travaux, l’invite à rester à son poste, fait part que les citoyens Delesart, Dhuissier et Bailleur (1) Archives nationales , carton G 284, dossier 823. 8 [Convention nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j 1793 ge sont déprêtrisés; que leur église est devenue un lycée de civisme, et demande les bustes de Le Peletier et de Marat. Insertion au « Bulletin » et renvoyé au comité d’instruction publique (1). Suit l'adresse de la Société populaire de Bon-ehain (2). Les républicains composant la Société populaire et révolutionnaire de Bouchain, à la Convention nationale « Mandataires d’nn peuple souverain, « Le trône a disparu et le tyran n’est plus; hommage à vous, pères de la patrie, qui, du sommet de la sainte Montagne les avez fou¬ droyés. La liberté tonne* de toute part; ne déposez pas ses foudres vengeresses que le dernier traître, le dernier tyran n’aient expié leurs forfaits. « Imperturbables au milieu des cris de triumvirat, de dictature qui sourdement échap¬ pent aux factieux, dont chaque jour le glaive de la loi diminue et le nombre et l’audace, restez immuablement à votre poste ; les Français sont au leur. Réunis autour de leur Constitution, ils sont tous levés pour la défendre et faire triompher la liberté. Les hommes libres triom¬ pheront, car la suprême justice ne les laisse si longtemps aux prises avec la tyrannie que pour assurer sans retour son extinction, les couvrir senls de cette gloire, leur attacher l’hnmanité entière par le sentiment de la reconnaissance. « Etablis par vous les sentinelles du bien public, que les traîtres tremblent, nous serons leurs persécuteurs acharnés, leurs impassibles dénonciateurs ; que le modéré, dont la neutralité est si nuisible aux progrès de l’esprit de la Révo¬ lution, tremble également; nous anéantirons, nous écraserons ces insectes politiques. « Vous parler des maux qui désolent nos con¬ trées serait peut-être réaffliger vos cœurs tendres et paternels; placer à côté des crimes commis autour de nous par les satellites des despotes, les progrès que font même dans une ville qu’ils entourent, le civisme, la raison et la philo¬ sophie, sera pour votre sollicitude une bien agréable diversion. « Impatients de secouer le joug ridicule de la superstition, contents de voir le peuple s’éclairer et provoquer lui-même l’extinction d’un culte qui ne consistait que dans le charlatanisme et l’hypocrisie, les citoyens Delsart, vicaire de cette ville, d’ Huissier, curé de Mastaing, Bailleul, curé d’Haspres, sont venus au milieu de nous renoncer à leurs fonctions sacerdotales et nous jurer de ne plus prêcher désormais que les prin¬ cipes purs de la religion naturelle. « Nous avons applaudi à la déprêtrisation de ces vertueux citoyens, et nous en prenons l’occa¬ sion d’appeler votre justice et votre bienfaisance sur leur sort et sur l’inutilité de leurs talents sacerdotaux. Leur exemple ne sera pas sans fruit, bientôt nous vous annoncerons le voyage bienheureux des saints et saintes de cette ville (1) Procès-verbaux de la Convention , t. 27, p. 4. (2) Archives J nationales, carton F17 1008*, dos¬ sier 1365. à la Monnaie. Nous avons engagé la commune à leur faire faire ce civique et utile pèlerinage. « En attendant, notre église est devenue le lycée du civisme. Sa chaire ne retentit plus que de la morale sainte de la religion naturelle et de la vérité. « Pour que son sanctuaire soit décoré par des idoles plus dignes de vénération, envoyez-nous les portraits de Lepeletier, de Marat, ces deux illustres martyrs de la liberté; alors entourés, applaudis par le peuple, dont ils furent les amis, nous les placerons sur l’autel de l’inutile Christ. « Hat oit, président; Burgeat fils, secrétaire. » Le comité de correspondance de la Société po¬ pulaire de Nemours écrit qu’apprenant que le soupçon plane sur la tête de Métier, délégué par le représentant du peuple Dubouchet dans le dé¬ partement de Seine-Inférieure [Seine-et-Mame], cette Société doit un témoignage authentique sur le caractère républicain qu’il a développé parmi elle, et le lui rend hautement; qu’elle lui doit elle-même sa régénération. Insertion au « Bulletin » (1). Suit la lettre du comité de correspondance de la Société populaire de Nemours (2). A la Convention nationale. « Nemours, le 11 frimaire, l’an II do la République une et indivisible. « Citoyens représentants, « La Société populaire de Nemours apprend que le soupçon plane sur la tête de Métier, délégué du représentant du peuple Dubouchet dans le département de Seine-et-Marne; qu’une-première dénonciation qui a tourné à la honte de ses ennemis, parce que non seulement son innocence a éclaté, mais que sa conduite politique a reçu les éloges des législateurs, n’a servi qu’à aiguiser le stylet de ses détrac¬ teurs. Ils se réunissent, nous dit-on, pour lui porter des coups plus assurés. Ignorant le sujet des nouvelles inculpations auxquelles il est en butte, nous ne pouvons les détruire, mais nous lui devons un témoignage authen¬ tique sur le caractère républicain qu’il a développé parmi nous, et nous le lui rendons hautement. Nous ajouterons, en ce qui nous concerne, que nous lui devons le bien inappré¬ ciable de la régénération d’une société de frères qui, animés par ses discours énergiques, professent publiquement les principes du répu¬ blicanisme le plus pur. « Les président, secrétaire et membres du comité de correspondance de la Société populaire de Nemours. « Gallocher; Constant; C. Gamiot; Doubeliau. » Les sans-culottes de la commune de Moissae-font passer à la Convention nationale le procès-(1) Procès-verbaux de la Convention, t. 27, p. 5. (2) Archives nationales, carton G 285, dossier 834*