[3 septembre 1790.] [Assemblée nationale.] Si le procès-verbal n’en a pas fait mention, tant pis, car il est inexact et il devait le faire. Il est constant que la lettre a été lue dans l’Assemblée. On ne peut affirmer qu’elle n’est pas connue. M. Le Chapelier. L’Assemblée a été saisie de l’affaire de M. Riquetti le jeune ; elle s’est réservé, par un décret, de prononcer sur cette affaire : l’Assemblée n’a pas formellement accepté la démission de M. Riquetti le jeune, parce qu’elle est irrégulière et accompagnée de protestations. M. Riquetti est accusé d’avoir excité l’insubordination de son régiment ; ainsi donc, quand même vous ne le regarderiez plus comme député, vous pourriez charger votre président de le faire juger par un conseil de guerre. Yoici le décret que je propose : « L’Assemblée nationale, ouï son comité des rapports, a décrété que son président se retirera par devers le roi, pour le supplier de nommer un conseil de guerre, auquel sera soumis l’examen et le jugement de la conduite du régiment de Touraine, et de M. de Mirabeau, colonel de ce régiment. » M. l’abbé Manry. La question se réduit à trois points : 1° La démission de M. de Mirabeau le jeune est-elle valide? 2° Le droit qu’on attribue à l’Assemblée de juger, s’il y a lieu ou non à accusation, est-il certain? 3° Quand l’Assemblée nationale aurait ce droit, devrait-elle l’exercer ? Premièrement, rien ne peut obliger un membre d’un corps quelconque à rester attaché à ce corps; autrement il n’est pas libre; ce principe est incontestable : la démission de M. de Mirabeau le jeune est donc valide. Secondement , si l’Assemblée pouvait juger un membre qui s’est validement démis, elle commettrait un acte de tyrannie, elle ferait une absurdité. La démission dépouille du caractère de député ; l’inviolabilité n’est attachée qu’à ce caractère. Si après la démission elle existait encore, elle appartiendrait donc à la personne. Or, rien n’est plus absurde, donc on ne peut exercer, en faveur de la personne de M. de Mirabeau le jeune, un droit qui n’est attaché qu’au caractère dont il s’est dépouillé; donc l’Assemblée n’a pas le droit certain de juger s’il y a lieu à accusation. Troisièmement, le droit de juger s’il y a lieu à accusation ne pourrait être qu'un droit de faveur et de protection. Or, ce droit exercé contre un membre ui s’est démis deviendrait un véritable acte 'oppression. Les juges ne sont-ils pas disposés à trouver coupable celui que ses pairs auraient regardé comme pouvant l’être ? Donc l’Assemblée, quand elle aurait le droit de juger s’il y a lieu à accusation, ne devrait pas exercer ce droit. M. Maurissart. Un suppléant est prêt à remplacer M. Riquetti le jeune. Si l’Assemblée s'attribue le droit de retenir ses membres malgré eux, elle altère les principes de la représentation nationale; elle a aussi le pouvoir d’exclure ses membres, et le droit des suppléants devient illusoire. La discussion est fermée. La priorité est accordée au projet de décret du comité. Ce projet est adopté. M. le Président lève la séance à neuf heures et demie. m ASSEMBLÉE NATIONALE. PRÉSIDENCE DE M. DE JESSÉ. Séance du vendredi 3 septembre 1790 (1). La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin. M. Gillet de La Jacqueminière, secrétaire , donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier soir jeudi. Ce procès-verbal est adopté. M. le Président fait donner lecture d’une note de M. le garde des sceaux, qui annonce la sanction donnée par le roi aux décrets suivants : 1° Au décret de l’Assemblée nationale, du 20 janvier dernier, portant abolition et suppression du régime prohibitif et des dépenses des haras ; 2° Au décret du 21 août, relatif aux réclamations élevées contre le3 droits de navigation exclusive, concédés ci-devant aux bélandriers de Dunkerque et aux bateliers de Gondé ; 3° Et au décret du 27, portant que les citoyens d’Avignon détenus, depuis le 12 juin, dans les prisons d’Orange seront provisoirement élargis. M. Dinochean, secrétaire , donne lecture du procès-verbal de la séance d’hier 2 septembre, au matin. Il ne se produit aucune réclamation. M. Millet de La Mambre, député de Sedan , demande un congé de quelques jours pour affaires importantes. M. Quatrefages de La Roqnette, député de Nîmes , demande également à s’absenter pour quelque temps. Ges congés sont accordés. M. Vieillard, député de Coutances, rend compte, au nom du comité des rapports, d’une arrestation illégale faite par la municipalité de Marnoz, du sieur Pillot, ci-devant seigneur, et du sieur Sail-lard, son agent, actuellement détenus dans les prisons de Salins. Le rapporteur propose un décret pour faire rendre la liberté aux deux détenus et pour im-prouver la conduite de la municipalité de Marnoz. M. Merlin. L’Assemblée nationale a établi une hiérarchie de pouvoir; il est temps de l’observer: s’il y a quelque plainte à formuler contre une municipalité, elle doit être adressée au directoire de district et successivement au directoire de département. L’Assemblée ne doit intervenir que s’il y a déni de leur part. Je demande la •question préalable sur le projet de décret. M. Démeunier. Les principes sur lesquels M. Merlin vient d’appuyer sa proposition sont incontestables. Cependant il s’agit dans l’espèce des citoyens arbitrairement détenus ; c’est pour ce motif que je propose de renvoyer l’affaire au tribunal de Salins pour y être statué sur l’élar-33 ARCHIVES PARLEMENTAIRES. I" Série. T. XVIII. (1) Cette séance est incomplète au Moniteur.