416 [Convention nationale.] Le citoyen François Chabot, député à la Con¬ vention, écrit de la maison d’arrêt du Luxem¬ bourg, et se plaint de vexations exercées à son sujet contre ses parents et amis. Des membres [Merlin {de Thionviïle )] pro¬ posent de fixer un terme prochain pour entendre le rapport sur ce qui a donné lieu à la détention de ce député. D’autres [Moyse Bayle] observent que le comité de sûreté générale s’occupe sans relâche de cette affaire, et qu’il aurait de grands incon¬ vénients à en prescrire le rapport pour un terme fixe, tant à cause de sa complication, que de l’importance dont il est de s’assurer préalable¬ ment de plusieurs personnes dénoncées dans les interrogatoires. La Convention nationale décrète que ce rap¬ port lui sera fait le plus tôt possible, et renvoie à son comité de sûreté générale tout ce qui con¬ cerne les réclamations de Chabot (1). Compte rendu du Moniteur universel (2). Chabot au Président de la Convention nationale. « Au secret du Luxembourg, le 8 nivôse, l’an II de la République française. « Pour sauver la patrie du plus affreux com¬ plot, j’ai eu le courage de me dévouer même à (1) Procès-verbaux de la Convention, t. 28, p. 138. (2) Moniteur universel [n° 99 du 9 nivôse an II (dimanche 29 décembre 1793), p. 399, col. 2], D’autre part, le Journal des Débats et des Décrets (nivôse an II, n° 466, p. 118) rend compte de la lettre de Chabot et de la discussion à laquelle elle a donné lieu dans les termes suivants ; François Chabot écrit à la Convention nationale. (Suit le texte de la lettre que nous insérons ci-dessus d'après le Moniteur). On demande le renvoi au comité de sûreté générale. Merlin (de Thionviïle). J’ai sans doute le droit de demander que la tête de Chabot tombe, s’il est coupable; mais aussi je peux demander justice contre ceux qui poursuivent, jusque dans leurs parents et leurs amis, deux représentants du peuple, qui ont été, qui sont encore les soutiens de la Révo¬ lution; je peux demander que ceux qui se permettent d’arrêter des individus, absolument indifférents à ce qui regarde Chabot, ne puissent plus le faire. Je le demande à la nation entière, à tous ceux q li connaissent les services que Basire et Chabot ont rendus à la chose publique. Je propose à la Con¬ vention de décréter que le comité de sûreté générale lui fera son rapport à uhe époque fixe. On demande que ce soit primidi prochain. Moïse Bayle. J’ai déjà observé, il y a quelques jours, que ce rapport, dont le comité de sûreté générale s’occupe jour et nuit, n’était pas de nature à être renvoyé à jour fixe. Pour appuyer cette obser¬ vation que je répète aujourd’hui, je vous dirai que l’interrogatoire seul forme un corps de cent dix pages d’écriture, et qu’il n’est pas possible, avec de pareils matériaux, d’aller aussi vite qu’on le dési¬ rerait. D’ailleurs, il y a dans cet interrogatoire une foule d’individus nommés, et qu’il est important de mettre en lieu de sûreté. Enfin il est certain que des mesures précipitées pourraient faire échouer le plan qu’on a formé sur cet objet. Merlin (de Thionviïle). Mon intention n’a pas été d’élever des doutes sur le patriotisme et l’activité 8 nivôse an II _ 28 décembre 1793 l’ignominie; mais je n’ai pas celui d’y dévouer tous mes parents et amis. La section de la Ré¬ publique a fait mettre en prison un de mes amis, parce qu’il pensait, comme moi, qu’un journaliste, peut-être sans le vouloir, servait le projet de Pitt. Depuis cette époque elle a fait arrêter un de mes concitoyens, au moment où il venait de consoler ma femme et ma sœur de l’absence de ce qu’elles ont de plus cher. Le 29 frimaire, elle fit subir un interrogatoire à ma sœur comme à une criminelle, et lui fit souffrir toutes sortes de rigueurs; aujourd’hui, on la mande indignement à la police, quoi qu’elle ne sorte pas depuis longtemps, même pour ses af¬ faires. Les hébertistes sont donc plus audacieux que les brissotins ! Ceux-ci n’ont pas fait arrê¬ ter mes parents dans leur triomphe à l’Aveyron. C’est donc un crime bien affreux que d’avoir voulu démasquer les agents de Pitt et de Co¬ bourg ! Celui qui l’a commis est au secret depuis quarante-deux jours, et il est puni jusque dans ses collatéraux et amis ! Représentants ! justice pour la vertueuse et la plus vertueuse des répu¬ blicaines : son courage et celui de toute ma fa¬ mille a été mis à d’assez rudes épreuves par mon arrestation. Que l’on respecte la mère de onze enfants, qui seule a lutté contre les brissotins dans ma patrie, et qui seule en a triomphé, en éclairant les sans-culottes, quand elle n’a d’autre crime que d’être ma sœur. * « Signé : François Chabot, » Merlin (de Thionviïle). J’ai le droit comme ci¬ toyen de demander qu’on juge un citoyen, et que sa tête tombe s’il est coupable; comme re¬ présentant du peuple, et comme ami, car ce titre ne doit pas être proscrit en République, j’ai encore celui de demander que Chabot et Bazire soient enfin arrachés au soupçon et à l’intrigue qui les attaquent, et qui les noircis¬ sent aux yeux des intéressés ou des personnes qui jugent légèrement; ô comble d’horreur! Chabot et Bazire languissent dans les fers, au secret, et sont dénonciateurs, pendant que les dénoncés ont échappé des mains de la police, ou machinent dans l’ombre ou se promènent tranquillement dans Paris ! ! On ne se contente pas de vexer ces anciens et toujours défenseurs du peuple; mais des gens, ou amis, ou complices des tyrans dévoilés ou cachés, écartent tous leurs amis, les font arrêter en sortant ou en en¬ trant chez Chabot; sa sœur, sa femme ses pa¬ rents sont poursuivis, persécutés sans relâche, •pendant que les accusés, je le répète, jouissent en pleine sécurité du fruit de leurs forfaits. Législateurs, vengez enfin nos collègues de tant d’indignités; vous faites justice à tous les citoyens, ne l’obtiendraient-ils pas, parce qu’ils sont députés, je ne le pense point. Ceux qui ont fait tomber la garde du tyran, qui ont tant con¬ tribué à la grande journée du 10 août; ceux qui du comité de sûreté générale. Je n’ai fait que de¬ mander prompte justice pour nos collègues. Un prochain rapport est tout ce que je veux, mais que, jusqu’à cette époque, on ne se permette pas d’em¬ prisonner les parents et les amis de nos collègues, seulement parce qu’ils sont leurs parents et leurs amis, tandis que la plupart de ceux qu’ils ont dénoncés vont la tête haute dans Paris. La Convention renvoie toute les propositions au comité de sûreté générale. ARCHIVES PARLEMENTAIRES, j